Scène IV
Andromaque,Hermione,Cléone,Céphise
Andromaque
Où fuyez-vous, Madame ?
N’est-ce pas à vos yeux un spectacle assezdoux
Que la veuve d’Hector pleurante à vosgenoux ?
Je ne viens point ici, par de jalouseslarmes,
Vous envier un cœur qui se rend à voscharmes.
Par une main cruelle, hélas ! j’ai vupercer
Le seul où mes regards prétendaients’adresser.
Ma flamme par Hector fut jadisallumée ;
Avec lui dans la tombe elle s’estenfermée.
Mais il me reste un fils. Vous saurez quelquejour,
Madame, pour un fils jusqu’où va notreamour ;
Mais vous ne saurez pas, du moins je lesouhaite,
En quel trouble mortel son intérêt nousjette,
Lorsque de tant de biens qui pouvaient nousflatter,
C’est le seul qui nous reste, et qu’on veutnous l’ôter.
Hélas ! lorsque, lassés de dix ans demisère,
Les Troyens en courroux menaçaient votremère,
J’ai su de mon Hector lui procurerl’appui.
Vous pouvez sur Pyrrhus ce que j’ai pu surlui.
Que craint-on d’un enfant qui survit à saperte ?
Laissez-moi le cacher en quelque îledéserte ;
Sur les soins de sa mère on peut s’enassurer,
Et mon fils avec moi n’apprendra qu’àpleurer.
Hermione
Je conçois vos douleurs. Mais un devoiraustère,
Quand mon père a parlé, m’ordonne de metaire.
C’est lui qui de Pyrrhus fait agir lecourroux.
S’il faut fléchir Pyrrhus, qui le peut mieuxque vous ?
Vos yeux assez longtemps ont régné sur sonâme ;
Faites-le prononcer : j’y souscrirai.Madame.