Andromaque

Scène VI

 

Pyrrhus,Andromaque,Phœnix,Céphise

 

Pyrrhus, àPhœnix.

Où donc est la princesse ?

Ne m’avais-tu pas dit qu’elle était en ceslieux ?

 

Phœnix

Je le croyais.

 

Andromaque, àCéphise.

Tu vois le pouvoir de mes yeux !

 

Pyrrhus

Que dit-elle, Phœnix ?

 

Andromaque

Hélas ! tout m’abandonne.

 

Phœnix

Allons, Seigneur, marchons sur les pasd’Hermione.

 

Céphise

Qu’attendez-vous ? Rompez ce silenceobstiné.

 

Andromaque

Il a promis mon fils.

 

Céphise

Il ne l’a pas donné.

 

Andromaque

Non, non, j’ai beau pleurer, sa mort estrésolue.

 

Pyrrhus

Daigne-t-elle sur nous tourner au moins lavue ?

Quel orgueil !

 

Andromaque

Je ne fais que l’irriter encor.

Sortons.

 

Pyrrhus

Allons aux Grecs livrer le fils d’Hector.

 

Andromaque

Ah ! Seigneur, arrêtez ! Queprétendez-vous faire ?

Si vous livrez le fils, livrez-leur donc lamère !

Vos serments m’ont tantôt juré tantd’amitié !

Dieux ! ne pourrai-je au moins touchervotre pitié ?

Sans espoir de pardon m’avez-vouscondamnée ?

 

Pyrrhus

Phœnix vous le dira, ma parole est donnée.

 

Andromaque

Vous qui braviez pour moi tant de périlsdivers !

 

Pyrrhus

J’étais aveugle alors ; mes yeux se sontouverts.

Sa grâce à vos désirs pouvait êtreaccordée ;

Mais vous ne l’avez pas seulementdemandée :

C’en est fait.

 

Andromaque

Ah ! Seigneur ! vous entendiezassez

Des soupirs qui craignaient de se voirrepoussés.

Pardonnez à l’éclat d’une illustre fortune

Ce reste de fierté qui craint d’êtreimportune.

Vous ne l’ignorez pas : Andromaque, sansvous,

N’aurait jamais d’un maître embrassé lesgenoux.

 

Pyrrhus

Non, vous me haïssez ; et dans le fond del’âme

Vous craignez de devoir quelque chose à maflamme.

Ce fils même, ce fils, l’objet de tant desoins,

Si je l’avais sauvé, vous l’en aimeriezmoins.

La haine, le mépris, contre moi touts’assemble ;

Vous me haïssez plus que tous les Grecsensemble.

Jouissez à loisir d’un si noble courroux.

Allons, Phœnix.

 

Andromaque

Allons rejoindre mon époux.

 

Céphise

Madame…

 

Andromaque

Et que veux-tu que je lui diseencore ?

Auteur de tous mes maux, crois-tu qu’il lesignore ?

Seigneur, voyez l’état où vous meréduisez.

J’ai vu mon père mort et nos mursembrasés ;

J’ai vu trancher les jours de ma familleentière,

Et mon époux sanglant traîné sur lapoussière,

Son fils seul avec moi, réservé pour lesfers.

Mais que ne peut un fils ? Je respire, jesers.

J’ai fait plus : je me suis quelquefoisconsolée

Qu’ici, plutôt qu’ailleurs, le sort m’eûtexilée ;

Qu’heureux dans son malheur, le fils de tantde rois,

Puisqu’il devait servir, fût tombé sous voslois.

J’ai cru que sa prison deviendrait sonasile.

Jadis Priam soumis fut respectéd’Achille :

J’attendais de son fils encor plus debonté.

Pardonne, cher Hector, à macrédulité !

Je n’ai pu soupçonner ton ennemi d’uncrime ;

Malgré lui-même enfin je l’ai crumagnanime.

Ah ! s’il l’était assez pour nous laisserdu moins

Au tombeau qu’à ta cendre ont élevé messoins,

Et que finissant là sa haine et nosmisère,

Il ne séparât point des dépouilles sichères !

 

Pyrrhus

Va m’attendre, Phœnix.

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