Acte V
Scène I
Hermione
Où suis-je ? Qu’ai-je fait ? Quedois-je faire encore ?
Quel transport me saisit ? Quel chagrinme dévore ?
Errante et sans dessein je cours dans cepalais.
Ah ! ne puis-je savoir si j’aime ou si jehais ?
Le cruel ! de quel œil il m’acongédiée !
Sans pitié, sans douleur au moinsétudiée !
L’ai-je vu se troubler et me plaindre unmoment ?
En ai-je pu tirer un seulgémissement ?
Muet à mes soupirs, tranquille à mesalarmes,
Semblait-il seulement qu’il eût part à meslarmes ?
Et je le plains encore ! Et pour combled’ennui,
Mon cœur, mon lâche cœur s’intéresse pourlui !
Je tremble au seul penser du coup qui lemenace !
Et prête à me venger, je lui fais déjàgrâce !
Non, ne révoquons point l’arrêt de moncourroux :
Qu’il périsse ! aussi bien il ne vit pluspour nous.
Le perfide triomphe et se rit de marage :
Il pense voir en pleurs dissiper cetorage ;
Il croit que toujours faible et d’un cœurincertain,
Je parerai d’un bras les coups de l’autremain.
Il juge encor de moi par mes bontéspassées.
Mais plutôt le perfide a bien d’autrespensées :
Triomphant dans le temple, il ne s’informepas
Si l’on souhaite ailleurs sa vie ou sontrépas.
Il me laisse, l’ingrat, cet embarrasfuneste.
Non, non, encore un coup, laissons agirOreste.
Qu’il meure, puisque enfin il a dû leprévoir,
Et puisqu’il m’a forcée enfin à levouloir…
À le vouloir ? Hé quoi ? c’est doncmoi qui l’ordonne ?
Sa mort sera l’effet de l’amourd’Hermione ?
Ce prince, dont mon cœur se faisaitautrefois
Avec tant de plaisir redire les exploits,
À qui même en secret je m’étais destinée
Avant qu’on eût conclu ce fatal hyménée,
Je n’ai donc traversé tant de mers, tantd’États,
Que pour venir si loin préparer sontrépas ?
L’assassiner ? le perdre ? Ah !devant qu’il expire…