Baltus le Lorrain

Baltus le Lorrain

de René Bazin

Chapitre 1 LA HORGNE-AUX-MOUTONS

 

En Lorraine de langue allemande, tout près de la frontière, une grande ferme est posée au bord de la forêt. Sa façade principale regarde la France. Comme elle est bâtie sur une colline, on voit de là, et bien loin, les campagnes pour lesquelles les hommes se sont tant battus ; et si l’on fait, en arrière,du côté de l’orient, trois cents mètres seulement, – vergers,grands arbres, champs de fougères et quelquefois de pommes de terre, – on entre dans la forêt du Warndt, qui est de la Sarre.

Cela se nomme la Horgne-aux-moutons, cet ensemble de bâtiments où la même famille, depuis quatre générations au moins, – le reste, qui le sait ? – cultive le sol profond dans la plaine, fauche les prés de la pente, et cueille les fruits épars que des futaies protègent contre les vents glacés de l’est. La Horgne ? Le nom lui fut donné aux temps où la Lorraine,peuplée de Celtes et gouvernée par Rome, parlait la langue latine : horreum, la grange. Et il y en a, des Horgnes autour d’elle ! Rien que dans le pays messin, on le rencontre au moins sept fois, ce nom : près de Peltre, près de Nouilly, près de Chesny, près de Pontoy, près d’Amélécourt et ailleurs. Mais la ferme la plus proche, l’invisible voisine, séparée par un plateau, une vallée, et un plateau encore,se nomme La Brûlée, et lui ressemble un peu de visage. Elle a remplacé la ferme anonyme, à jamais privée d’état civil, qui fut brûlée en 1635, quand les Suédois et de nombreux irréguliers ravageaient la Lorraine. La Horgne-aux-moutons, solide sur un promontoire, surveille tout un pays. La route de Carling à Sarrelouis, longeuse de frontière, passe derrière elle et un peu au-dessus ; les lignes forestières qui partent de là conduisent en Allemagne.

La Horgne est seule, puissante, peuplée.

Hélas ! l’homme qui la commande n’a pas d’enfants. Dans cette féconde Lorraine, lui, fils aîné de ceux qui lui transmirent la ferme, lui qui, tout jeune, en est devenu propriétaire, il est seul de son nom sur la terre des Baltus. Sa femme, une belle fille de Pange, épousée à vingt ans, est morte en donnant le jour à un enfant qui n’a pas vécu. D’autres ont cherché à plaire à maître Léo, et, pendant une période qui fut longue parce qu’il était riche, on parla plus d’une fois d’un nouveau mariage,avec celle-ci, avec celle-là, et elles eussent consenti,assurément, à devenir maîtresses de la Horgne-aux-moutons. Mais lui, il ne voulait pas.

Il est vieux à présent. Il a passétoute la guerre de 1914 dans sa Horgne, seul avec de jeunes gars,ou des bossus, bancals, malingres, que la conscription allemandelui laissait, travaillant comme à trente ans, et il en aura tout àl’heure soixante. Son aide la plus assurée et constante, ça étéGlossinde, une vieille fille silencieuse et dévouée, claire deregard, d’âme intrépide, douloureuse à jamais, comme tant de femmesde Lorraine qui ont vu les deux guerres, et que la victoireelle-même n’a pas consolées.

 

Le voici, dans la grande salle de la ferme. Lesoir du jeudi saint, 17 avril 1924, il est rentré des champs plustôt que d’ordinaire, puisqu’il y a encore un peu de jour, et qu’onvoit assez « pour se conduire dans lacampagne ». Par les deux fenêtres, on aperçoit,dans le ciel au-dessus de France, de grands nuages ronds,compagnons du soleil en fuite, éclairés par en bas, et rouges deson feu. Il fait très froid dehors. Glossinde tourne autour de lacheminée, rapprochant les bouts de tisons, écumant le pot de terreoù elle a mis toutes sortes de légumes à bouillir. Léo Baltus estassis devant le feu, sur une chaise basse, penché en avant, lesmains à la flamme. Ses genoux sont remontés ; son grand corpsreplié, tassé, paraît plus gros qu’il n’est ; il a des épaulesde porteur de grains, une tête ronde, aux cheveux gris abondants etcoupés ras, un visage sans barbe, les traits épais, les yeuxjaunes, les sourcils droits. Son frère, le cadet, qui est près delui, à sa gauche, lui disait autrefois : « Tu as lemasque d’un vieux Latin, Léo, et on ne t’appelle pas pour rien« le Romain ».

Jacques Baltus, lui, de six années moins âgé,habillé en demi-bourgeois, assis sur le bout d’un banc de cerisierqu’il a rapproché du foyer, une jambe passée sur l’autre, le dos bien droit, maigre et bâti en hauteur, a le type militaire desgrands Lorrains qui servent dans la cavalerie. Ses cheveux,clairsemés sur le haut du crâne, fournis et bouffants sur lescôtés, sont blonds, et sa moustache est plus blonde encore. Il aplus de rides que son frère aîné ; il a des yeux bleus, auxmouvements rapides ; les lèvres fortes, trop portées en avant,défaut que cachent à demi les moustaches gauloises, tombantes lelong des joues. Pas plus que Léo, Jacques Baltus n’a fait la guerrecontre nous, dans les armées allemandes. Sa profession l’a exempté,en 1914 : il est instituteur primaire à Condé-la-Croix.

La conversation, commencée depuis une heurepeut-être, avec son frère, ne vit plus que par soubresauts. Ons’est dit à peu près tout ce qu’on pouvait se dire. Tantôt, ilregarde Léo, qui ne bouge pas, lui, creusant la même idée, ettantôt il regarde sa fille, dans l’ombre, là-bas, et qui n’a pasdit un mot, ni fait un geste. Elle se tient debout, longue etmince, la poitrine appuyée au mur, et son front touche les vitresde la fenêtre, qui est haute. On lui a donné, ou bien elle s’estdonné à elle-même, une consigne dont elle ne s’écarte pas. Elleattend quelqu’un qui doit apparaître, dans les ténèbres presquefaites de la cour et des terres en pente. La lumière ne vient plusdu dehors à son visage ; la flamme de la lampe, celle du foyermettent seulement quelques points d’or sur les cheveux blondsqu’Orane porte en bandeaux, selon la mode ancienne. Si, à traversles vitres, un passant apercevait la jeune fille ainsi penchée versl’ombre, il pourrait ne pas la trouver jolie. Elle est simplementagréable ; on la devine brave, pure, et, tout au fond, tendre.Mais brave d’abord. C’est un être sûr, et qui, malgré sa jeunesse,a le parfait commandement de soi-même. Elle a des yeux tout neufs,tout clairs, tout bleus, où tremblent des étamines jaunes, et elleles gouverne à merveille. Ils se posent sur les yeux de celui quilui parle, et ils jugent ; et après cela, si vous avez déplu,cherchez-les : vous ne les trouverez plus. Elle excelle àcacher sa sensibilité frémissante. Elle parle peu. Pour ce qu’elleaime, elle est capable de parler très bien et même avec esprit, etd’attendre indéfiniment, et d’être héroïque. Elle a de la défense,des amitiés, des répulsions, vierge attentive et passionnée.

En ce moment, elle guette ; son cœur estoccupé d’une seule pensée, qui trouble aussi, mais inégalement, lesdeux frères Baltus. Ceux-ci mettent de longs intervalles entre desphrases qui sont des répétitions de crainte ou d’espoir déjàexprimés, et qu’ils prononcent uniquement pour garder le contact,navires en voyage, et qui disent : « Rien de nouveau àbord. » Les ténèbres sont de plus en plus épaisses, sur lacampagne. Les nuages les plus bas ont à peine un peu de pourpre àl’ourlet.

– Tu dis, Jacques, qu’elle a quitté tamaison à deux heures ? Dans quelle direction ?

– Le charpentier Cabayot l’a vue, qui sedirigeait de vos côtés.

– Elle n’a pas paru à la Horgne. Les boissont grands : les chiens s’y perdent.

– C’est tous les jours à présent qu’ellecourt la campagne, avec ses morceaux de pain dans son tablier.

– De combien, chaque morceau, qu’elleperd ainsi ?

– D’une livre, une livre et demie.

Le paysan serra les deux poings qu’il tendaità la flamme.

– Tu supportes cela, Jacques !

– Que veux-tu ? le chagrin l’achangée !

– Je l’aurais corrigée, moi !

–… Tu n’en sais rien, Léo : tu es veufdepuis trop longtemps, pour être sûr que tu aurais fait cela. Moi,je ne le crois pas.

L’homme de l’école, rude aussi, mais plusraffiné, eut un sourire douloureux, en regardant la flamme dansantedu foyer. Il reprit, longtemps après :

– J’ai toujours fait bon ménage avecelle, Léo.

La vieille Glossinde, à ce mot-là, tourna latête ; la jeune fille qui guettait, sans se retourner, fit unmouvement : mais il n’y eut ni réponse, ni suite. L’horloge,dans sa gaine de bois peint, sonna sept heures. Le chef de laHorgne-aux-moutons tira, de son gousset, un ognon d’argent, montrehéritée, et la monta, avec la clé qui pendait à la chaîne d’acier.Le meuglement d’une vache, dans l’étable voisine, affaibli par lescloisons, remplit la salle, et fit trembler une assiette enéquilibre dans le vaisselier.

– J’ai livré le veau ce matin, dit lepaysan.

Le silence dura ensuite un peu de temps,rompu, tout à coup, par quatre notes jeunes, claires,heureuses :

– Voilà Mansuy !

La guetteuse quitta la fenêtre, courut à laporte, et l’ouvrit. L’air glacé entra, balayant des brins de paillequi coulèrent sur le sol, et de la poussière qui tourbillonnaautour de la lampe.

– Et voilà maman en arrière !

Elle s’élança dehors. L’instituteur s’étaitlevé le premier, et l’avait suivie jusqu’auprès du seuil. LéoBaltus se levait aussi, mécontent d’avoir perdu deux heurespeut-être, et des mots, par la faute de cette belle-sœur à demifolle. Le bruit de plusieurs voix mêlées entra en vol de bourdon,sans qu’on pût deviner ce qu’elles disaient. Trois hommes, au lieud’un, apparurent, montant les marches : Mansuy, solide gars,d’allure dégagée, qui venait d’achever son service militaire ;le berger tout vieux, barbu jusqu’aux yeux, couvert de sahouppelande ; un adolescent courtaud, robuste, petit valet deferme. Et ils allèrent dans l’ombre, de l’autre côté de la table.On les vit passer, on ne les regardait pas. Tout le monde regardaitcelles qui devaient entrer maintenant. Jacques Baltus s’étaiteffacé le long du mur. Elles entrèrent dans la lumière, la fille etla mère, se donnant la main. Elles étaient de même taille, l’unetrès blonde, l’autre presque brune, et pâle, et dont les yeuxétaient cernés d’une grande ombre.

– C’est Mansuy qui l’a retrouvée !dit la jeune fille. Il n’a pas eu à l’appeler. Elle l’a vu dans lechamp. Elle a dit : « Si c’est Marie-au-pain que vouscherchez, elle est dans le chemin ! » Il a descendu, àtoute vitesse, et il l’a trouvée sur la route, la chère maman. Elleallait chez nous, à Condé-la-Croix. Elle a grand chaud, elle sedépêchait. N’est-ce pas, maman, que vous saviez bien que vous étiezen retard ?

Elle disait cela pour excuser la mère, quiinclina la tête, en signe d’assentiment, et répondit :

– J’avais dû aller plus loin qued’habitude, à des carrefours, dans les forêts. J’ai idée que c’estpar là qu’il reviendra. S’il était en France, nous l’aurions déjà,dans sa petite chambre, dans son lit qui est fait, les draps bientirés, une fleur fraîche à côté, pour qu’il repose mieux.

La jeune fille avait fermé la porte. La mèreétait seule, debout près de l’entrée, disant avec volubilité, etcomme si elle récitait une leçon, ces choses qui semblaientdéraisonnables aux autres. À peine avait-elle l’air de lesreconnaître, ceux qui se trouvaient là, dans la salle. Son mari,que sa fille avait rejoint, près du mur, à droite, se taisait,gêné.

Ce fut la forte voix du maître qui essaya detirer du rêve la mère hallucinée. Il la connaissait mal. Il n’avaitjamais su la comprendre, même au temps des noces de Jacques ;il ne voyait pas en elle, sans dépit, une sorte de demi-dame, quiavait passé plusieurs années au pensionnat des religieuses dePeltre ; il attribuait à son influence le peu de goût qu’avaitmontré, pour la vie rurale, Nicolas Baltus, le disparu, le neveu,l’espoir trompé de la ligne terrienne.

– Eh bien ! avez-vous découvert satrace, ma pauvre Marie ?

Elle tressaillit, et répondit, comme un témoinrépond au juge, tâchant d’assurer sa voix, de ne dire quel’essentiel :

– Non ; mais mon espoir estinvincible ; les chemins sont longs pour moi, ils sont longspour lui ; il n’a pas encore passé la frontière.

– Vous le croyez toujours enAllemagne ?

– Oui, Léo, peut-être, ou bienailleurs.

– Ma pauvre amie, voilà six ans bientôtqu’il n’a point été revu.

– Six ans aujourd’hui même : c’estpour cela que j’ai été plus loin que d’habitude.

– Vous n’en pouvez plus !Regardez-moi cette mine-là ! Et ces yeux creux ! Et cetterobe tachée de boue, plus que mes culottes de labour, biensûr ! Vous croyez que c’est prudent, à une femme qui n’est pasencore trop désagréable à voir, d’errer des demi-journées dans lesforêts de la Sarre ?

– Les mères qui cherchent leur enfant, çan’a peur de rien, Léo.

– Allons il faut vous en retourner àCondé. Je vous dirais bien de souper avec nous…

– Oh ! non, merci !

– Je sais que vous n’aimez plus lacompagnie… Prenez une goutte de café ; ça vous soutiendra,jusqu’à l’école… La nuit est devenue toute noire : Mansuy, tuallumeras la lanterne, et tu les reconduiras jusqu’à laroute !

Du groupe des trois hommes qui avaientassisté, muets, à l’entrée de la belle-sœur du patron, Mansuy sedétacha aussitôt, il traversa la cuisine en diagonale, ouvrit laporte qui, en face de la cheminée, donnait accès dans les autrespièces de la grande ferme, et revint quelques instants plus tard,portant au bout de son bras gauche, une lanterne d’écurie d’unmodèle antique, construite en forme de tour, grillagée, cerclée demétal, coiffée d’un toit à plusieurs étages noircis par la fumée,meuble fabriqué surtout en vue de résister aux chocs, et d’oùs’échappait, cependant, une petite lumière. En passant devant lafille de Marie Baltus, le jeune homme, à l’aise dans la ferme commeun vrai fils, leva un peu la lanterne, en manière de salut. Oranesourit. Les adieux furent rapides. Léo Baltus reconduisit son frèreet sa belle-sœur jusqu’à trois pas au delà du seuil. Il les regardadescendre un moment, puis remonter pour gagner la route de Carlingà Sarrelouis. La femme, fatiguée de la longue course dans la forêt,boitait un peu, tout à côté de son mari. En avant, Mansuy allait,balançant la lanterne, et éclairant le sentier quand il y avait unepierre, ou un tournant. Orane était près de lui.

On ne les entendait ni marcher, ni parler, cesquatre voyageurs dans la nuit, car ils se disaient seulement desmots à voix basse, et l’herbe, et l’humidité de la terre,assourdissaient le bruit des pas. Au-dessus d’eux, les étoilesluisaient, voilées de brume. C’était la nuit de printemps, quimouille les germes entr’ouverts et les premières feuilles, plusdouce que la pluie, et plus lente.

Au bout du sentier, ils trouvèrent la route deCarling, route de hauteur, bordée, à droite, par les massifsforestiers du Warndt, et qui côtoie, à gauche, deux kilomètresaprès la Horgne-aux-moutons, ce village où habitait Baltus, ceCondé-la-Croix, dont les maisons sont posées en accent circonflexesur les flancs d’un plateau cultivé. Mansuy continuait, soi-disant,d’éclairer le chemin. Mais la lanterne, pendue à sa main gauche, etdont la vitre était tournée vers l’arrière, ne donnait un peu delumière qu’à Baltus et à Marie qui suivaient ; et lui, ildemeurait dans l’ombre, marchant près d’Orane à pas mesurés,balancés au rythme des labours.

Quand deux jeunes gens s’en vont ainsi, ne seregardant pas l’un l’autre, mais graves, le visage levé, disant auxétoiles, à voix basse, des mots que n’entendent point les parentsqui les suivent, on peut être assuré que l’amour est entre eux. Lamère, épuisée, possédée d’autres songes, avait perdu, depuislongtemps, ce don qu’ont les mères d’interroger sans cesse, enesprit, leurs filles un peu grandes et en danger d’amour. MarieBaltus ne voyait que ceci : par la nuit sans lune, elle avait,pour la mieux guider sur le chemin, le chef de culture de laHorgne, un homme qui avait la confiance du maître, et auquelcelui-ci avait dit : « Reconduis-les jusqu’à laroute. »

Mansuy fit beaucoup plus. Il ne s’arrêta qu’aucommencement du village, aux premières de ces maisons qui avaienttoutes une fenêtre éclairée, mais une seule : habitations decultivateurs ou d’artisans, façades claires, longs toits, fumiersle long des murs, deux ruisseaux encadrant la chaussée bienempierrée, descendant de là-haut, où était la place de l’école. Nitrop de paroles, ni trop de gestes. Peut-être avait-il,furtivement, serré la main d’Orane Baltus. On vit seulement qu’ilse retournait, qu’il enlevait sa vieille toque de fourrure :« Bonsoir, la compagnie ! » et qu’il reprenait lechemin de la Horgne, à grandes enjambées.

Quand il fut éloigné de cinquante ou soixantepas, il se mit à chanter, pour être encore un peu près de cellequ’il aimait. Marie Baltus n’y fit point attention. Orane, quis’était mise à gauche de ses parents, connaissait les paroles de lachanson d’ancienne France, la chanson qu’elle lui avait apprise,afin de l’habituer à mieux prononcer le français :

S’il fut jamais, s’il fut un jour

Un amant payé de retour,

Ce n’est pas moi :

Vive le roi !

Le refrain s’en alla parmi les ensemencés etparmi les arbres du Warndt. Il ne s’adressait qu’à une seulecréature au monde. Elle riait secrètement, les yeux mi-clos. Elleentendit le premier couplet, et le sourire s’allongeaencore :

Vous êtes sûre de vous-même,

Votre cœur, sans doute, est fermé :

Si c’est pour ne pas être aimé,

Pourquoi voulez-vous qu’on vous aime ?

Orane n’entendit pas la suite. Le chanteurétait déjà trop loin. Elle se rappelait le jour où ce timide, dansle verger de la Horgne, lui avait dit : « Pour êtrecertain de vos amitiés, il en faut, du temps, mademoiselleOrane ! » et comment elle avait répondu :« Lent à donner sa foi, et fort ensuite pour la défendre,mais, Mansuy, c’est toute la Lorraine ! »

Elle songeait à ce passé, qui datait de troismois. Les premières maisons de Condé remplaçaient les poiriersplantés au bord de la route. Aucun feu derrière les volets clos.Elles dormaient, et de même celles d’après. La rue était déserte.Elle débouchait dans une place rectangulaire, trois fois largecomme elle, montant de même vers le sommet du plateau, et quebarraient, en haut, les bâtiments de l’école. Orane, son père et samère, arrivés devant le perron, tournèrent à gauche, où était lelogement de l’instituteur, et rentrèrent chez eux, là où il y avaiteu du bonheur, autrefois.

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