Contes de terreur

Contes de terreur

de Sir Arthur Conan Doyle
I – L’Horreur du plein ciel  – (The Horror of the Heights)

Tous ceux qui ont eu à connaître de cette affaire ont renoncé à croire que le récit extraordinaire, appelé le« Fragment de Joyce-Armstrong », soit une mystification forgée par un inconnu sous l’inspiration d’un humour dépravé. Le plus macabre et le plus fécond des farceurs y aurait regardé à deux fois avant de consacrer sa fantaisie morbide aux faits tragiquement incontestables qui étayent ce document. Bien que celui-ci soit truffé d’assertions stupéfiantes et même monstrueuses, il n’en est pas moins convaincant, et il nous oblige à réviser certaines idées qui paraissent aujourd’hui dépassées. Seule une marge insignifiante de sécurité protège le monde contre un danger inattendu. Avant de reproduire le document original dans sa forme malheureusement incomplète, je vais soumettre au lecteur tous les faits connus à ce jour. En premier lieu j’avertis les sceptiques qui mettraient en doute le récit de Joyce-Armstrong que les faits concernant le lieutenant Myrtle, de la Marine Royale, et Monsieur Hay Connor, ont été vérifiés : ils sont bien morts comme l’a décrit le narrateur.

Le « Fragment de Joyce-Armstrong » aété trouvé dans le champ connu sous le nom de Lower Haycock, àquinze cents mètres à l’ouest du village de Withyham, sur lafrontière du Kent et du Sussex. Le 15 septembre dernier un ouvrieragricole, James Flynn, au service du fermier Mathew Dodd, deChauntry Farm, à Withyham, a aperçu une pipe de bruyère à côté duchemin qui longe la haie de Lower Haycock. Quelques mètres plusloin, il a trouvé une paire de lunettes cassées. Finalement, il adécouvert parmi les orties du fossé un livre plat endossé detoile : c’était un carnet de notes ; quelques feuilletss’étaient détachés et voletaient au pied de la haie. Il a ramasséle tout ; trois feuillets malheureusement, dont les deuxpremiers, n’ont pu être retrouvés. L’ouvrier agricole a rapportéson butin à son maître ; celui-ci, à son tour, l’a montré audocteur J. H. Atherton, de Hartfield. Ce gentleman s’est tout desuite rendu compte qu’une expertise était indispensable : lemanuscrit a donc été remis à l’Aéro-Club de Londres, où il setrouve encore.

Les deux premières pages du manuscritmanquent. Une autre a été également arrachée à la fin du récit.Mais la cohérence de l’ensemble n’en souffre pas. On suppose que ledébut retraçait le palmarès de Monsieur Joyce-Armstrong ;palmarès aisément reconstituable et qui demeure inégalé dansl’aviation anglaise. Pendant de nombreuses années Joyce-Armstrong aété considéré comme l’un des hommes volants les plus audacieux etles plus savants ; cette combinaison de talents lui a permisd’inventer et d’expérimenter divers procédés auxquels son nom resteattaché. Tout son manuscrit est correctement écrit à l’encre, saufles dernières lignes : griffonnées au crayon, elles sontpresque illisibles ; on dirait qu’elles ont été tracées entoute hâte sur le siège d’un avion en vol. Ajoutons que des tachesmaculent la dernière page et la couverture ; les experts duministère de l’Intérieur ont déclaré qu’il s’agissait de taches desang, probablement d’un sang humain, à coup sûr d’un sang demammifère. Le fait que l’analyse de ce sang ait révélé quelquechose ressemblant fortement au virus de la malaria (Joyce-Armstrongsouffrait de fréquents accès de fièvre) est un exemple remarquabledes armes nouvelles que la science moderne met entre les mains denos détectives.

Un mot maintenant sur la personnalité del’auteur d’un document qui fera époque. Joyce-Armstrong, si l’on encroit les quelques amis qui l’ont bien connu, était un rêveur et unpoète autant qu’un inventeur et un technicien de la mécanique. Ilavait dépensé la plus grande partie d’une fortune considérable poursatisfaire sa marotte de l’aviation. Dans ses hangars près deDevizes, il possédait quatre avions personnels et, au cours del’année précédente, il n’avait pas pris l’air moins de centsoixante-dix fois. Il était souvent d’humeur sombre ; en cesoccasions il s’isolait et évitait tout contact avec la société. Lecapitaine Dangerfield, qui était son compagnon le plus intime,affirme qu’en certaines circonstances son excentricité frisait ladémence : n’avait-il pas l’habitude d’emporter en avion unfusil de chasse ?

D’autre part l’accident survenu au lieutenantMyrtle l’avait déplorablement impressionné. S’attaquant au recordd’altitude, Myrtle était tombé d’une hauteur d’environ dix millemètres. Fait horrible : sa tête avait complètementdisparu ; cependant ses membres et tout le reste de son corpsavaient conservé leurs formes originelles. Chaque fois que despilotes se réunissaient, Joyce Armstrong demandait avec un sourireénigmatique : « S’il vous plaît, avez-vous retrouvé latête de Myrtle ? ».

Un soir après dîner, au mess de l’école depilotage de Salisbury, il avait provoqué un débat sur le thèmesuivant : quel est le plus grand et le plus constant desdangers des aviateurs ? Après avoir écouté les opinions émisesà propos des trous d’air, des vices de construction, des orages, ilavait haussé les épaules en refusant de donner son avispersonnel ; mais il avait fait comprendre qu’il différaitradicalement de ceux qu’il venait d’entendre.

Il n’est pas inutile de signaler qu’aulendemain de sa disparition, on a découvert qu’il avait mis sesaffaires en ordre, avec une minutie qui autorise à croire qu’ilpressentait la fin qui l’attendait.

Ces indications préalables étaientnécessaires. Je vais maintenant transcrire exactement le récit, telqu’il figure à partir de la page 3 du carnet de notesensanglanté.

« … Néanmoins, quand j’ai dîné à Reimsavec Coselli et Gustave Raymond, force m’a bien été de constaterque ni l’un ni l’autre n’avaient conscience de l’existence d’undanger particulier aux hautes couches de l’atmosphère. Je ne leurai pas dit tout à fait ce que j’avais dans la tête ; mais j’aiprocédé par allusions, et s’ils avaient eu des idées analogues auxmiennes ils n’auraient pas manqué de les exprimer. Hélas, ces deuxvaniteux sans cervelle ne pensent à rien d’autre qu’à voir leursnoms imprimés dans le journal ! J’ai noté avec intérêt que nil’un ni l’autre n’avaient volé beaucoup plus haut que sept mille,sept mille cinq cents mètres. Ce doit être carrément au-dessus decette altitude que l’avion pénètre dans la zone de danger (toujoursen supposant que mes hypothèses soient justes).

« Voilà plus de vingt ans que les hommesvolent en avion ; si quelqu’un me demandait pourquoi ce périlne se révélerait qu’à présent, la réponse serait simple. Au tempsdes moteurs modestes, quand on estimait qu’un 100 CV Gnome ou Greensuffisait à couvrir tous les besoins, les avions ne pouvaient pasdépasser certaines limites. Maintenant, les 300 CV sont la règleplutôt que l’exception, et les séjours dans les hautes couches del’atmosphère sont devenus plus faciles, plus fréquents. Certainsparmi nous se rappellent que, lorsque nous étions jeunes, Garross’acquit une réputation mondiale en atteignant l’altitude de sixmille mètres, et le survol des Alpes passa pour un exploit tout àfait formidable. Depuis, notre moyenne s’est considérablementaméliorée, et il y a vingt vols en altitude là où jadis il n’y enavait qu’un. Certes, la plupart ont été effectués en parfaiteimpunité, et les dix mille mètres ont été atteints bien des foissans autres obstacles que le froid et la suffocation. Maisqu’est-ce que cela prouve ? Un visiteur pourrait descendre unmillier de fois sur notre planète et ne jamais voir un tigre.Pourtant les tigres existent, et si par hasard notre visiteur seposait dans la jungle il pourrait être dévoré. Il y a des junglesdans l’air supérieur, habitées par plus terribles que des tigres.Je crois qu’un temps viendra où ces jungles seront reportées avecprécision sur les cartes. Dès à présent je peux en situer deux.L’une au-dessus de la région Pau-Biarritz en France. L’autreau-dessus de ma tête pendant que j’écris chez moi dans leWiltshire. Je croirais assez qu’il en existe une troisième dans larégion de Wiesbaden.

« Ce sont certaines disparitionsd’aviateurs qui m’en ont donné l’idée. Bien sûr, on admetgénéralement qu’ils sont tombés en mer, mais cette explication neme satisfait pas du tout. D’abord il y a eu Verrier, enFrance ; son appareil a bien été retrouvé près de Bayonne,mais jamais on n’a découvert son cadavre. Il y a eu aussi le cas deBaxter, qui a disparu, bien que son moteur et quelques débris deferraille aient été identifiés dans un bois du Leicestershire. Ledocteur Middleton, d’Amesbury, qui suivait le vol de l’avion à lalunette, a déclaré que juste avant que les nuages n’obscurcissentson champ visuel, il avait vu l’appareil, qui se trouvait à unealtitude considérable, se cabrer soudain perpendiculairement dansune série de secousses d’une violence incroyable. Voilà la dernièreimage enregistrée de l’avion de Baxter. Il y a eu ensuite plusieursautres cas analogues, et puis il y a eu la mort de Hay Connor. Quede vains bavardages sur ce mystère non élucidé ! Que decolonnes dans les journaux ! Mais on s’est bien gardé d’allerau fond des choses. Il est descendu en vol plané d’une altitudeinconnue. Il n’est pas sorti de son appareil : il était mortsur son siège. De quoi est-il mort ? « Crisecardiaque », ont répondu les médecins. Absurde ! Le cœurde Connor était aussi robuste que le mien. Qu’a déclaréVenables ? Venables était le seul homme qui se trouvait à côtéde lui quand il est mort. Il a affirmé que Hay Connor était secouéde frissons et qu’il avait l’air épouvanté. « Mort depeur », a dit Venables sans parvenir à imaginer ce qui luiavait fait peur. Connor n’a murmuré qu’un mot à Venables. Un motqui ressemblait à « monstrueux ». Au cours de l’enquête,personne n’a pu préciser à quoi ce « monstrueux » pouvaits’appliquer. Moi, j’en serais capable ! Des monstres !Tel a été le dernier mot du pauvre Harry Hay Connor. Et il estréellement mort de peur ; Venables avait raison.

« Et puis il y a eu la tête de Myrtle.Croyez-vous vraiment (quelqu’un croit-il vraiment) qu’une têted’homme puisse être complètement renfoncée dans son corps à lasuite d’une chute ? Moi, en tout cas, je n’ai jamais cru encette explication pour Myrtle. Et la graisse sur sesvêtements ! « Tout gluants de graisse », a déposéquelqu’un à l’enquête. Étrange, que personne n’ait réfléchilà-dessus ! J’ai réfléchi, moi. Il est vrai que depuislongtemps je réfléchissais déjà. J’ai fait trois tentatives (etDangerfield qui me taquinait parce que j’emportais mon fusil dechasse !) mais je ne suis pas monté assez haut. Maintenant,avec mon nouveau Paul Veroner léger et son Robur de 175 CV, jedevrais demain atteindre facilement les 10.000 mètres. Je tenteraile record. Possible que je tente aussi le diable !… Je ne niepas le danger. Mais si un homme veut éviter le danger, il n’a qu’às’abstenir de voler et à passer sa vie en pantoufles et en robe dechambre. Demain j’explorerai la jungle de l’air. S’il y a quelquechose dedans, je le saurai. Si j’en reviens, je serai un personnagecélèbre, une vedette. Si je n’en reviens pas, ce carnet de notesattestera ce que j’essaie de faire, et comment j’aurai perdu la vieen essayant. Mais de grâce, pas de radotages sur un« accident » ou un « mystère » !

« J’ai choisi mon monoplan Paul Veronerpour ce petit travail. Rien de tel qu’un monoplan quand on veutvraiment réussir quelque chose : Beaumont s’en est aperçu toutau début. Par exemple l’humidité ne l’affecte pas ; or letemps actuel laisse prévoir que nous serons constamment dans lesnuages. C’est un joli petit prototype qui répond à ma main comme uncheval à bouche tendre. Le moteur est un Robur de dix cylindres quifait 175 CV. L’appareil est pourvu des derniers progrès de latechnique : fuselage blindé, patins d’atterrissage aux courbeshautes, freins puissants, stabilisateurs gyroscopiques, troisvitesses actionnées par une altération de l’angle des plans d’aprèsle principe des jalousies à lames mobiles. J’ai emporté un fusil dechasse et une douzaine de cartouches de gros plomb ; vousauriez dû voir la tête de Perkins, mon vieux mécano, quand je l’aiprié de les mettre dans l’avion. Je me suis habillé en explorateurde l’Arctique, avec deux chandails sous ma combinaison, des basépais à l’intérieur de mes bottes fourrées, une casquette à rabatset mes lunettes en mica. Dehors, près des hangars,j’étouffais ; mais comme je voulais dépasser en ascension lahauteur du sommet de l’Himalaya, il fallait bien que je porte lecostume de mon rôle. Perkins se doutait de quelque chose et il m’asupplié de l’emmener. Si j’avais utilisé un biplan, j’auraispeut-être accédé à sa requête ; mais un monoplan dont on veuttirer le maximum de force ascensionnelle est l’affaire d’un hommeseul. Naturellement j’ai pris une vessie d’oxygène ;l’aviateur qui voudrait tenter de battre un record d’altitude sansoxygène serait gelé ou suffoquerait, ou cumulerait les deuxinconvénients.

« Avant de prendre place j’ai vérifié lesplans, le palonnier et le guignol. Satisfait de mon inspection,j’ai mis en marche et j’ai roulé en douceur. J’ai décollé enpremière, j’ai fait deux fois le tour du terrain pour chauffer unpeu le moteur ; avec un geste de la main j’ai dit au revoir àPerkins et aux autres, puis je me suis enlevé et j’ai poussé lemoteur à fond. L’avion a glissé dans le vent comme une hirondellependant une quinzaine de kilomètres. Je l’ai mis nez en l’air, etil a commencé à grimper en dessinant une grande spirale vers lebanc de nuages. Il est très important de s’élever lentement pours’adapter à la pression.

« Il faisait lourd et chaud pour un jourde septembre en Angleterre ; la pluie menaçait. Des boufféesde vent soufflaient du sud-ouest ; l’une d’elles,particulièrement violente, m’a pris au dépourvu et m’a brutalementdéporté. Je me rappelle le temps où les rafales et les trous d’airreprésentaient de graves dangers, parce que nos moteurs manquaientde puissance. Juste au moment où j’ai atteint la couche de nuages,il s’est mis à pleuvoir ; mon altimètre marquait mille mètres.Ma parole, quelle pluie ! Elle tambourinait sur les ailes, mefouettait le visage, brouillait mes lunettes ; je n’y voyaispresque plus rien. Elle contrariait ma moyenne, mais qu’yfaire ? Pendant que je prenais de la hauteur, elle s’esttransformée en grêle, et j’ai dû chercher à la contourner. L’un demes cylindres ne fonctionnait plus : une bougie encrassée,sans doute ; néanmoins j’ai pu continuer à grimper sans rienperdre de ma puissance. D’ailleurs peu de temps après, mon ennuimécanique a pris fin, et j’ai réentendu le vrombissement plein,profond des dix cylindres qui chantaient d’une seule voix enparfaite harmonie. Voilà où intervient le miracle de nos silencieuxmodernes : nous pouvons enfin contrôler nos moteurs parl’oreille. Quand ils ne tournent pas rond, comme ils crient,protestent, sanglotent ! Autrefois tous ces appels au secoursétaient perdus, engloutis par l’épouvantable vacarme de la machine.Ah, si seulement les pionniers de l’aviation pouvaient ressusciterpour admirer la perfection mécanique qui a été payée du prix deleur vie !

« Vers neuf heures et demie je suisarrivé tout près des nuages. Au-dessous de moi, toute brouillée etbarbouillée de pluie, s’étendait la vaste plaine de Salisbury. Unedemi-douzaine d’appareils se traînaient à trois ou quatre centsmètres d’altitude ; on aurait dit des moineaux. J’ai eul’impression qu’ils se demandaient ce que j’allais faire dans lesnuages. Brusquement un rideau gris s’est étiré sous moi et destortillons de vapeur humide ont dansé autour de ma figure. C’étaitfroid et triste. Mais j’avais vaincu la grêle, et c’était autant degagné. Le nuage était aussi sombre et épais qu’un brouillardlondonien. Désireux d’en sortir, j’ai tiré sur le manche jusqu’à ceque résonne la sonnette d’alarme automatique : je commençais àglisser à reculons. Mes ailes détrempées m’avaient alourdi plus queje ne l’aurais cru. Mais bientôt je suis parvenu dans une zonenuageuse moins dense, puis j’ai émergé. Une deuxième couche,opaline et cotonneuse, m’attendait à une grande altitude au-dessusde moi ; elle constituait un plafond blanc uni, tandis qu’enbas s’étalait un plancher noir et aussi lisse ; entre les deuxmon monoplan se frayait son chemin vers le plein ciel. On se sentmortellement seul dans ces vastes espaces ! J’ai vu une grandetroupe d’oiseaux aquatiques volant à tire d’ailes vers l’ouest.J’avoue que leur présence m’a fait plaisir. Je pense que c’étaientdes sarcelles, mais je suis un piètre zoologue. Maintenant que leshommes se sont faits oiseaux, nous devrions apprendre à reconnaîtrenos frères du premier coup d’œil.

« Le vent brassait sous moi la grandeplaine de nuages. À un moment donné il a déclenché un grand remous,un gouffre s’est creusé et, par le trou de sa cheminée, j’ai aperçula terre. Un gros avion blanc volait beaucoup plus bas. C’étaitsans doute le service régulier du matin Bristol-Londres. Puis letourbillon s’est mis à tournoyer dans l’autre sens, et j’airetrouvé ma solitude.

« Un peu après dix heures, j’ai priscontact avec le bord inférieur de la couche nuageuse du dessus. Cesstratus étaient de la fine vapeur diaphane qui dérivait lentementvers l’est. La force du vent avait régulièrement augmenté. Déjà latempérature était très froide, bien que mon altimètre n’indiquâtque trois mille mètres. Le moteur tournait admirablement rond. Plusépais que je ne l’escomptais, le nuage s’est finalement aminci enune brume dorée, et j’ai été accueilli par un ciel absolument puret un soleil radieux. Au-dessus de moi, rien que du bleu et del’or ; au-dessous, rien que de l’argent étincelant. Il étaitdix heures et quart ; l’aiguille du barographe indiquaitquatre mille deux cents mètres. J’ai continué mon ascension, lesoreilles attentives au ronronnement du moteur, les yeux constammentfixés sur le chronomètre, le compte-tours, le niveau d’essence, lapompe à huile. Rien d’étonnant que les aviateurs soient considéréscomme des gens qui n’ont peur de rien : ils ont à penser àtellement de choses qu’ils n’ont pas le temps de penser àeux-mêmes. C’est à ce moment-là que j’ai remarqué comme uneboussole est peu digne de foi quand on dépasse une certainealtitude au-dessus de la terre. Le soleil et le vent, heureusement,me donnaient mes véritables coordonnées.

« J’avais espéré trouver une éternité decalme en prenant toujours plus de hauteur ; mais au fur et àmesure que je grimpais, la tempête croissait, elle, en violence.Mon monoplan gémissait, tremblait dans tous ses rivets, se faisaitbalayer comme une feuille de papier quand je voulais virer,glissait dans le vent plus vite, peut-être, qu’aucun mortel n’avaitjamais volé. Il me fallait redresser constamment l’appareil etlouvoyer dans l’épi du vent, car je n’ambitionnais pas seulement unrecord d’altitude : d’après tous mes calculs, c’étaitau-dessus du petit Wiltshire qu’était située ma jungle del’air ; je perdrais donc le bénéfice de tous mes efforts sij’attaquais ailleurs les hautes couches de l’atmosphère.

« Je suis arrivé à six mille mètres auxenvirons de midi. Le vent était si violent que je regardaisanxieusement les haubans de mes ailes ; je m’attendais d’unmoment à l’autre à les voir détendus ou rompus. J’avais dégagé leparachute derrière moi et je l’avais accroché à l’anneau de maceinture de cuir, afin d’être paré pour le pire. C’est dans desmoments pareils qu’un travail bâclé par un mécanicien peut coûterla vie à un pilote ! Mais l’appareil se comportaitcourageusement. Ses cordages, ses supports bourdonnaient etvibraient comme autant de cordes de harpe ; j’étais pourtantémerveillé de voir, comment, malgré les coups et les secousses quilui étaient assénés, il poursuivait son entreprise de domination duciel. Il faut qu’il y ait quelque chose de divin dans l’homme pourqu’il s’élève ainsi au-dessus des limites que le Créateur a parului assigner, et pour qu’il s’élève grâce à cette continuitédésintéressée, héroïque, dont témoigne la conquête de l’air. Onparle de dégénérescence humaine ! Quand donc une histoirecomparable a-t-elle été écrite dans les annales de notrerace ?

« C’est avec ces idées en tête que jepoussais toujours plus haut mon avion ; tantôt le vent melacérait la figure, tantôt il sifflait derrière mes oreilles ;la plaine de nuages au-dessous de moi avait pris sesdistances ; ses replis, ses boursouflures d’argent s’étaientfondus dans une platitude éblouissante. Mais tout à coup j’ai étévictime d’un avatar sans précédent. Certes je savais déjà ce qu’ilen coûtait de se trouver dans ce que nos voisins d’Outre-Mancheappellent un tourbillon ; mais à une échelle pareille je n’enavais jamais vu. Ce formidable fleuve de vent qui balaie toutcontient, semble-t-il, des remous en son sein qui sont aussiterrifiants que lui-même. Sans le moindre avertissement, j’ai étéhappé brutalement par l’un d’eux. Pendant une ou deux minutes j’aitourné en rond à une vitesse telle que j’ai failli perdreconnaissance, puis je suis tombé, l’aile gauche la première, dansle trou de la cheminée centrale. Le vide m’a entraîné en chutelibre, comme une pierre, pendant près de trois cents mètres. Je nesuis demeuré sur mon siège que grâce à ma ceinture : lasecousse m’avait coupé le souffle et déporté à demi évanouipar-dessus le bord du fuselage. Mais (et c’est là mon grand mérited’aviateur) je suis toujours capable de fournir l’effort suprême.J’ai pris conscience que ma chute se ralentissait. En fait letourbillon était plutôt un cône qu’une cheminée cylindrique, et jeme rapprochais du sommet de ce cône. Au prix d’une terribletorsion, en jetant tout mon poids d’un côté, j’ai remis mes ailesd’aplomb et j’ai repris le contrôle de l’avion pour sortir desremous. Brisé mais victorieux, j’ai à nouveau tiré sur le manche etj’ai recommencé à grimper. Vers treize heures je me trouvais à septmille mètres au-dessus du niveau de la mer. À ma grandesatisfaction j’étais arrivé au-dessus de la tempête ; plus jemontais, plus l’air se faisait calme ; par contre il étaittrès froid, et je commençais à éprouver la nausée particulière quiaccompagne la raréfaction de l’air : alors j’ai dévissé lacapsule de ma vessie d’oxygène et j’ai aspiré à intervallesréguliers ce gaz miraculeux. Je le sentais couler comme un cordialdans mes veines, et j’étais émoustillé, au bord de l’ivresse. Jecriais, je chantais tout en dessinant mes orbes dans le cielglacé.

« Je suis sûr que la défaillance dont ontété victimes Glaisher et, à un degré moindre, Coxwell quand en 1862ils atteignirent en ballon l’altitude de dix mille mètres a étéprovoquée par la rapidité extrême avec laquelle s’accomplit uneascension perpendiculaire en ballon. Quand on monte selon un anglemodéré et que l’on s’accoutume lentement à la diminution de lapression atmosphérique, on évite ce genre de troubles. Moi, àaltitude égale, je me suis aperçu que, même sans mon inhalateurd’oxygène, je pouvais respirer sans malaise intolérable. Le froiddevenait diablement vif, cependant, et mon thermomètre marquait-18° centigrades. À treize heures trente, j’étais presque à onzemille mètres au-dessus de la surface du globe et je continuais àgrimper régulièrement. Toutefois l’air raréfié soutenait moins bienmes ailes, et mon angle d’ascension s’était considérablementréduit. J’ai compris que, même avec un appareil aussi léger et unmoteur ultra-robuste, je ne tarderais pas à atteindre mon plafond.Comble de malchance : une bougie s’étant déréglée, mon moteurs’est mis à tousser.

« Au moment où je redoutais un échec unincident tout à fait extraordinaire est survenu. Un objet m’adépassé en vrombissant et en dégageant de la fumée à sa suite, puisa explosé dans un grand sifflement au milieu d’un nuage de vapeur.Sur le moment je suis resté interloqué. Et puis je me suis rappeléque la terre était continuellement bombardée par des pierresmétéoriques, et qu’elle serait difficilement habitable si presquetous ces météorites ne se transformaient pas en vapeur au contactdes couches supérieures de l’atmosphère. Voilà bien un nouveaudanger pour l’amateur du plein ciel, car deux autres météoritessont passés près de moi quand j’ai approché des douze millemètres ! Aux confins de l’enveloppe terrestre, le risque doitêtre très grand et très réel.

« L’aiguille de mon barographe marquaitdouze mille trois cents mètres quand je me suis rendu compte que jene pourrais pas monter plus haut. Physiquement j’aurais pusupporter un effort supplémentaire, mais ma machine avait atteintsa limite. L’air raréfié ne soutenait plus suffisamment mesailes : à la moindre inclinaison l’appareil glissait surl’aile, et n’obéissait plus aux commandes. Peut-être, si le moteurn’avait pas cafouillé, aurais-je grignoté trois ou quatre centsmètres de plus ; mais les ratés se faisaient de plus en plusnombreux, et deux cylindres sur dix me paraissaient en panne. Si jene me trouvais pas déjà dans la zone que je recherchais, il meserait impossible de l’atteindre à présent ! Mais n’y avais-jepas pénétré ? Dessinant des cercles et planant comme ungigantesque faucon à l’altitude de douze mille trois cents mètres,j’ai laissé le monoplan se diriger tout seul ; et avec mesjumelles, j’ai soigneusement inspecté les alentours. Le ciel étaitd’une clarté parfaite. Rien ne laissait prévoir l’existence desdangers que je soupçonnais.

« J’ai dit que je planais en dessinantdes cercles. J’ai réfléchi que je ferais beaucoup mieux deprospecter une zone plus étendue. Un chasseur qui se rend dansl’une des jungles de la terre ne la traverse-t-il pas d’un bout àl’autre dans l’espoir de découvrir son gibier ? Or, selon mesdéductions, la jungle de l’air que je visais devait se situerquelque part au-dessus du Wiltshire, c’est-à-dire sur monsud-ouest. J’ai effectué un relèvement d’après le soleil, puisquele compas était hors d’usage et que je ne distinguais plus laterre, et j’ai foncé dans la direction voulue. Tout droit, parceque j’avais calculé qu’il ne me restait plus d’essence que pour uneheure. Mais je pouvais m’offrir le luxe de l’épuiser jusqu’à ladernière goutte, car un magnifique vol plané me ramènerait sansencombre au sol.

« Soudain, j’ai senti quelque chose deneuf. Devant moi l’air avait perdu sa limpidité de cristal. Ilcontenait de longues formes tordues d’une matière que je ne pouvaiscomparer qu’à de la très fine fumée de cigarette. Leurs guirlandes,leurs couronnes roulaient lentement dans la lumière du soleil.Quand le monoplan a traversé cette matière inconnue, j’ai eu surles lèvres un vague goût d’huile et la charpente de mon appareils’est recouverte d’une écume graisseuse. Une matière organiqueinfiniment subtile semblait être en suspension dans l’atmosphère.Était-ce de la vie ? Cette matière inconsistante,rudimentaire, s’étirait sur plusieurs hectares puis s’effrangeaitdans le vide. Non, ce n’était pas de la vie ! Mais peut-êtredes vestiges de vie ? Quelque chose comme une pâture de vie,la pâture d’une vie monstrueuse ? La modeste graisse del’océan est bien la pâture de la puissante baleine ! J’étaisen train d’y réfléchir quand, levant les yeux, j’ai été gratifiéd’une vision absolument unique. Puis-je espérer vous la rapportertelle qu’elle m’est apparue mardi dernier ?

« Imaginez une méduse telle qu’on entrouve dans les mers tropicales, en forme de cloche mais d’unetaille énorme : beaucoup plus grosse, selon moi, que le dômede l’église Saint-Paul. D’une couleur rose tendre veinée d’un vertdélicat, elle avait une essence si subtile qu’elle n’était qu’uneconfiguration féerique sur le ciel bleu foncé. Elle vibrait à unecadence paisible et régulière. Deux longues tentacules vertes,tombantes, qui se balançaient lentement d’avant en arrière etd’arrière en avant, la complétaient. Cette splendide vision estpassée au-dessus de ma tête avec une dignité silencieuse ;légère et fragile comme une bulle de savon, elle a poursuivimajestueusement sa route.

« J’avais fait virer mon appareil afin demieux la contempler, mais tout à coup je me suis découvert escortépar une escadre de créatures analogues, de tailles diverses, lapremière étant de loin la plus grosse. Certaines me parurent trèspetites ; mais la majorité avait la taille d’un ballon detaille moyenne. La délicatesse de leur contexture et de leursteintes me rappelait le verre de Venise. Le rose et le vert pâleétaient les couleurs dominantes, mais elles s’irisaient quand lesoleil jouait avec leurs formes graciles. Plusieurs centaines sontainsi passées près de moi. Leurs formes et leur substances’harmonisaient si parfaitement avec la pureté de ces altitudesqu’il était impossible de concevoir rien de plus beau.

« Mais bientôt mon attention a étécaptivée par un autre phénomène : les serpents de l’airextérieur. Imaginez de longs rouleaux minces, fantastiques, d’unematière qui ressemblait à de la vapeur : ils tournaient et setordaient à une vitesse incroyable ; l’œil pouvait à peinesuivre leurs évolutions. Certains de ces animaux fantômatiquespouvaient avoir huit ou dix mètres de long, mais il était malaiséde chiffrer leur diamètre, tant leur contour était brumeux etsemblait se fondre dans l’air. Ces serpents de l’air, d’un gristrès clair, étaient striés à l’intérieur de lignes plus foncées quidonnaient l’impression d’un organisme réel. L’un d’entre eux m’afrôlé le visage : j’ai senti un contact froid et humide. Ilsavaient l’air si peu matériels que je n’ai nullement pensé à undanger physique possible en les observant d’aussi près. Leursformes étaient aussi dépourvues de consistance que l’écume d’unevague qui se brise.

« Une expérience plus terrible m’étaitréservée. Descendant d’une grande altitude, une tache de vapeur depourpre m’a d’abord paru petite, mais elle a grossi rapidement ense rapprochant de moi. Bien que constituée par une sorte desubstance transparente qui ressemblait à de la gelée, elle n’enavait pas moins un contour bien précis et une consistance plussolide que ce que j’avais vu jusqu’ici. J’ai relevé également destraces plus nettes d’un organisme physique : en particulierdeux plaques rondes, assez larges, ombreuses, de chaque côté, quipouvaient être des yeux, et entre eux un objet blanc très solidequi faisait saillie, et qui était aussi recourbé et paraissaitaussi cruel que le bec d’un vautour.

« L’aspect global de ce monstre étaitformidable, menaçant. Il changeait constamment de couleur, virantd’un mauve très clair à un rouge sombre inquiétant. Je ne pouvaisnier sa densité puisqu’il avait projeté une ombre en s’intercalantentre le soleil et l’avion. Sur la courbure supérieure de son corpsil y avait trois grosses bosses que je ne saurais mieux décrirequ’en les comparant à des bulles énormes ; j’ai pensé qu’ellesdevaient contenir une sorte de gaz extrêmement léger destiné àsoutenir cette masse informe et demi-solide dans l’air raréfié. Sedéplaçant rapidement, le monstre suivait sans effort la vitesse demon monoplan ; pendant une trentaine de kilomètres, il a planéau-dessus de moi, tel l’oiseau de proie qui se prépare à fondre sursa victime. Pour progresser, sa méthode consistait à lancer devantlui quelque chose comme un long serpentin glutineux qui à son toursemblait tirer le reste du corps ; il était si élastique, sigélatineux, qu’il ne conservait jamais la même forme pendant deuxminutes consécutives ; mais chaque modification le rendaitplus menaçant, plus affreux.

« Je savais qu’il était mon ennemi.Chaque élément de son corps tout rouge proclamait son hostilité.Ses gros yeux imprécis ne me quittaient pas : ils étaientfroids, impitoyables, animés d’une haine viscérale. J’ai baissé lenez de l’avion pour descendre et le fuir. Aussitôt, rapide commel’éclair, une longue tentacule a jailli de cette masse flottante,et elle s’est abattue comme un coup de fouet sur le devant de monappareil. Au contact du moteur brûlant j’ai entendu un sifflementaigu, et la tentacule a remonté dans l’air tandis que le corps dumonstre se recroquevillait comme sous l’emprise d’une douleursubite. J’ai voulu plonger en piqué, mais à nouveau une tentaculeest tombée sur l’avion : l’hélice l’a arrachée avec la mêmefacilité que si elle avait fendu un tortillon de fumée. Un longrouleau gluant, poisseux, s’est alors posé derrière moi, s’estenroulé autour de ma taille pour me tirer hors du fuselage. Mesdoigts se sont enfoncés dans une surface lisse comme de la glu,l’ont déchirée, et je me suis libéré un instant ; maisimmédiatement un autre rouleau m’a enlacé la jambe avec unebrutalité telle que je suis presque tombé en arrière.

« Devant cette attaque, j’ai déchargé lesdeux canons de mon fusil. Certes je devais ressembler à un chasseurd’éléphants attaquant son gibier avec une petite sarbacane depoche ; comment pouvais-je espérer qu’une arme humaineparalyserait une masse aussi monstrueuse ? J’ai tout de mêmeété bien inspiré car, dans un grand fracas, l’une des grossesbosses de la bête a explosé sous la décharge de mes plombs. J’avaisdeviné juste : ces bosses étaient bien gonflées de gaz. Eneffet mon ennemi a roulé sur le côté en se tordant désespérémentpour retrouver son équilibre ; le bec blanc s’entrouvrait etclaquait de rage. Mais déjà j’avais entamé le piqué le plusaudacieux que je pouvais me permettre, à pleins gaz ;autrement dit, j’ai chu littéralement comme un aérolithe. Loinderrière moi une tache rouge terne se rapetissait rapidement, s’estfondue enfin dans le bleu du ciel. Ouf ! J’étais sorti sain etsauf de cette terrible jungle de l’air extérieur.

« Une fois hors de danger, j’ai coupé lesgaz, car rien n’abîme plus une machine que de piquer avec toute lapuissance du moteur. Depuis une altitude voisine de douze millemètres j’ai exécuté un merveilleux vol plané en spirales, d’abordjusqu’à la couche nuageuse argentée, puis jusqu’aux nuages orageuxdu dessous, et enfin, à travers une pluie battante, jusqu’au sol.En émergeant des nuages j’ai vu la Manche au-dessous de moi ;comme il me restait encore un peu d’essence j’ai franchi unetrentaine de kilomètres à l’intérieur des terres et j’ai atterridans un champ, à un demi-kilomètre du village d’Ashcombe où je suisallé acheter trois bidons. À six heures dix du soir je me posaissur mon terrain de Devizes après un voyage que nul mortel sur laterre avant moi n’avait mené à bonne fin pour en faire le récit.J’ai vu la beauté et l’horreur du plein ciel : beauté ethorreur qui dépassent tout ce que l’homme en connaît sur laterre.

« Mon plan est maintenant de remonterencore une fois avant de communiquer mes résultats au monde. Il lefaut. Il faut que je ramène une sorte de preuve avant d’accablermes compatriotes d’une pareille histoire ! Naturellement,d’autres aviateurs confirmeront bientôt mes dires ; mais jevoudrais emporter du premier coup la conviction du public. Cesjolies bulles d’air irisées devraient se laisser capturer ;elles vont lentement leur chemin ; un monoplan rapide pourraitles intercepter. Il est vraisemblable qu’elles se dissoudront dansles couches plus lourdes de l’atmosphère, et que je ne ramènerai ausol qu’un petit tas de gelée amorphe. N’importe : j’aurai aumoins quelque chose qui authentifiera mon récit. Oui, jeremonterai, même si je cours les plus grands risques ! Cesmonstres rouges n’ont pas l’air nombreux. Je n’en verrai sans doutepas un seul. Si j’en aperçois un, je piquerai immédiatement. Aubesoin je me servirai de mon fusil et de ma connaissancede… »

Ici manque malheureusement une page dumanuscrit. À la page suivante, ces mots étaientgriffonnés :

« Treize mille cents mètres. Je nereverrai plus jamais la terre. Ils sont trois au-dessous de moi.Que Dieu m’aide : mourir ainsi est atroce ! »

Voilà donc, intégralement, le récit deJoyce-Armstrong. Du pilote, on n’a plus jamais rien appris. Desdébris de son monoplan fracassé ont été identifiés dans la réservede chasse de Monsieur Budd-Lushington, sur la frontière du Kent etdu Sussex, à quelques kilomètres du lieu où le carnet de notes aété découvert. Si la théorie du malheureux aviateur est exacte, sicette jungle de l’air, comme il l’appelle, existe seulementau-dessus du sud-ouest de l’Angleterre, il a dû chercher à s’enfuirà tire d’ailes, mais il a été rattrapé et dévoré par ces horriblesmonstres au-dessus de l’endroit où l’avion s’est abattu. L’image dece monoplan dévalant le plein ciel, avec ces Terreurs innommableslui barrant la route de la terre et refermant progressivement lecercle sur leur victime, est de celles sur lesquelles un homme quitient à son équilibre mental préfère ne pas s’éterniser. Je saisque des sceptiques ricaneront devant l’exposé des faits ; maisenfin ils devront bien admettre la disparition deJoyce-Armstrong ! Je leur recommande de méditer sur ses deuxphrases : « Ce carnet de notes attestera ce que j’essaiede faire, et comment j’aurai perdu la vie en essayant. Mais degrâce, pas de radotages sur un « accident » ou un« mystère ! »

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