Contes merveilleux – Tome I

Contes merveilleux – Tome I

de Jacob Ludwig Karl Grimm

Chapitre 1 L’Apprenti meunier et la petite chatte

Il était une fois un meunier qui avait ni femme ni enfant, mais qui avait à son service trois jeunes apprentis.

Cela faisait quelques années que les apprentis travaillaient auprès de lui et, un jour, il les fit venir et leur dit : « Je suis vieux et je veux maintenant prendre ma retraite au coin du feu. Allez ! Parcourrez le monde. Et celui qui me rapportera le meilleur des chevaux devra s’occuper de moi jusqu’à mes derniers jours, et à celui-là je donnerai mon moulin. »

Le troisième apprenti, Hans, était plus jeune que les autres ; et ces derniers, le tenant pour idiot, ne lui confiaient jamais le moulin. Lorsque que tous trois se furentretirés, les deux plus vieux dirent à Hans : « Tu peuxbien rester ici, jamais de toute ta vie tu ne trouveras decheval. » Mais Hans alla quand même avec eux. Alors que lanuit tombait, ils arrivèrent à une grotte et rampèrent àl’intérieur pour y dormir. Les deux plus vieux attendirent que Hansse fut endormi, puis ils se levèrent et partirent en secret. Ilslaissèrent là le petit Hans et se dirent qu’ils avaient été rusés.Mais la suite n’allait pas se dérouler comme ils l’avaientprévue !

Quand le soleil se leva, Hans se réveilla etconstata qu’il n’y voyait goutte. Il regarda partout autour de luiet s’exclama : « Mon Dieu ! Où suis-je ? »Puis, il rampa hors de la grotte, alla dans la forêt et sedit : « Maintenant, je suis tout seul et je me suiségaré. Comment vais-je donc faire pour trouver uncheval ? » Alors qu’il allait, comme ça, perdu dans sespensés, il rencontra une petite chatte bigarrée. Celle-ci lui ditgentiment : « Hans, où vas-tu donc commecela ? » « Hélas, tu ne peux pas m’aider »,répondit Hans. « Je connais ton désir, dit la chatte, tuaimerais trouver un beau cheval. Viens avec moi et sois mon fidèleserviteur sept années durant. Ensuite, je te donnerai un magnifiquecheval, un cheval comme tu en n’as jamais vu. » « C’estune chatte étonnante, pensa Hans, mais je vais tout de même lasuivre pour voir si ce qu’elle dit est vrai. »

Ainsi, la chatte multicolore l’emmena dans sonpalais enchanté. Là, se trouvaient d’autres petits chats bruyantsqui étaient ses serviteurs. Ils montaient et descendaientl’escalier agilement, étaient gais et joyeux. Le soir venu,lorsqu’ils s’assirent à la table, trois des chats durent faire dela musique : l’un joua de la contrebasse, l’autre du violon,le troisième, les joues toutes gonflées, souffla dans la trompetteaussi fort qu’il le pouvait. Quand le repas fut terminé, la tablefut poussée dans un coin, et la chatte bigarrée dit :« Maintenant viens, Hans, et danse avec moi ! »« Non, répondit Hans, avec une chatte, je ne danseraipas ; cela, je ne l’ai jamais fait. » « Alors, allezle coucher. », dit la chatte à ses serviteurs. L’un d’eux pritune chandelle et le conduisit à sa chambre. Là, un autre serviteurlui ôta ses souliers, un autre les bas, et finalement, un autresouffla la chandelle.

Le lendemain matin, les serviteurs revinrentet l’aidèrent à se lever. L’un d’eux lui enfila ses bas, un autrelui mit ses jarretières, un autre le chaussa, un autre le lava,tandis qu’un autre lui nettoyait le visage avec saqueue. « Hé bien ! On fait la belle vie, ici »,se dit Hans réjoui de son nouveau travail. Mais il dut travailleret fendre du bois à longueur de journée pour la chatte. Pour cela,il reçut une hache d’argent, un coin d’argent, une scie d’argent etune cogné de cuivre.

Hans s’appliqua à son travail et demeura aupalais enchanté. Il mangeait toujours de bon repas, mais jamais, àpart la chatte bigarrée et ses serviteurs, il ne voyait quelqu’un.Un jour, la chatte lui dit : « Va ! Fauche mon champet met le foin à sécher. » Aussi, lui donna-t-elle une fauxd’argent et une pierre à aiguiser d’or, lui ordonnant de toutrapporter en état. Hans partit et fit ce qu’elle lui avait ordonnéde faire.

Lorsque son travail fut terminé, il rapportaau palais la faux, la pierre à aiguiser et le foin. Et comme lessept années étaient maintenant écoulées, il demanda à la chattes’il n’était pas le temps de lui donner sa récompense. « Non,répondit la chatte, tu dois encore accomplir un dernier travailpour moi : voici des matériaux d’argent, une égoïne, uneéquerre, et tout ce qui peut être utile ; tout cela, faitd’argent. Avec cela, tu dois maintenant me construire une petitemaison ! »

Hans lui construisit une jolie petite maisonet lorsque tout fut prêt, il dit à la chatte que, bien qu’il aitmaintenant fait tout ce qu’on lui avait demandé, il n’avaittoujours pas reçu de cheval. « Peut-être voudrais-tu voirmon cheval ? », rétorqua lachatte. « Oui », répondit Hans. Alors la chattesortit de la maisonnette – là se trouvaient douze magnifiqueschevaux, si polis et si blancs qu’on pouvait presque se mirerdedans. En les voyant, Hans sentit son cœur sautiller dans sapoitrine. La chatte lui offrit encore un repas et lui dit :« Maintenant, retourne chez toi. Mais je ne te donnerai pas lecheval tout de suite : dans trois jours, je viendrai et tel’apporterai. »

Alors la chatte lui montra le chemin du retouret Hans se mit en route. Depuis sept ans, Hans n’avait jamais reçude nouveaux vêtements ; il dut donc retourner chez lui vêtu deses mêmes vieilles guenilles, devenues beaucoup trop petites avecle temps. Lorsqu’il arriva au moulin, les deux autres apprentisétaient déjà de retour. Chacun d’eux avait rapporté un cheval, maisl’un était aveugle, l’autre paralysé. Ils demandèrent à Hans :« Alors Hans, où donc as-tu mis ton cheval ? »« Dans trois jours il sera ici », répondit Hans. Les deuxautres apprentis s’esclaffèrent et le traitèrent d’idiot.

Hans entra et alla dans la salle à manger.Mais le meunier lui dit qu’il ne pouvait pas s’asseoir à la table,qu’il était trop déguenillé et qu’ils auraient honte de saprésence. Il lui donna un peu de nourriture et l’envoya mangerdehors. Lorsque le soir fut venu et qu’il fut temps d’aller secoucher, les deux autres apprentis ne voulurent pas lui donner unlit. Hans dut se faufiler dans la basse-cour et dormir sur lapaille.

Quand il se leva le troisième jour, uncarrosse arriva, tiré par un attelage de six chevaux. Un domestiqueen apportait un septième, celui-ci était pour Hans. À ce moment,une princesse, qui n’était nul autre que la petite chatte bigarréeque Hans avait servie sept années durant, descendit du carrosse.Elle entra dans le moulin, et demanda au meunier où se trouvaitHans. « Hé bien ! dit le meunier, nous ne pouvons pas luipermettre de rester à l’intérieur. Il est si déguenillé qu’il a dûs’installer dans le basse-cour ! » Alors, la princessedemanda à ce qu’on aille le chercher immédiatement.

On alla donc le chercher, et Hans se présentadevant elle vêtu de ses vieilles guenilles. Là, le domestiquesortit de magnifiques vêtements ; Hans dut se laver ets’habiller. Lorsqu’il eut terminé, il ne pouvait y avoir plus beauprince que lui. Là-dessus, la princesse exigea qu’on lui fasse voirles chevaux que les autres apprentis avaient rapportés. Mais l’unétait aveugle, et l’autre paralysé. Elle fit apporter le septièmecheval par l’un de ses valets, et lorsqu’il le vit, le meuniers’écria : « Mille tonnerres ! Jamais je n’ai vu untel cheval ! » « Il est pour Hans », dit laprincesse. « Si c’est son cheval, alors c’est à lui que jedonnerai mon moulin », dit le meunier. Mais la princesse luirépondit qu’il pouvait garder son moulin.

Elle prit son cher Hans par la main, le fitmonter avec elle dans son carrosse et, ensemble, ils s’éloignèrent.Ils se dirigèrent d’abord vers la maisonnette que Hans avaitconstruite avec les outils d’argent. Mais la maisonnette s’étaittransformée en un immense château, couvert, aussi bien àl’intérieur qu’à l’extérieur, d’or et d’argent. Puis, ilscélébrèrent un grand mariage et vécurent riches et heureux pour lereste de leur vie.

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