Jim Harrison, boxeur

Jim Harrison, boxeur

de Sir Arthur Conan Doyle

Préface

Dans un roman antérieur qui a été fort bien accueilli par le public français, La grande Ombre,Conan Doyle avait abordé l’époque de la lutte acharnée entre l’Angleterre et Napoléon. Il avait accompagné jusque sur le champ de bataille de Waterloo un jeune villageois arraché au calme des falaises natales par le désir de protéger le sol national contre le cauchemar de l’invasion française, qui hantait alors les imaginations britanniques.

Cette fois, dans une œuvre nouvelle, la peinture est plus large.

C’est toute l’Angleterre du temps du roi Georges qui revit d’une vie intense dans les pages de Jim Harrison boxeur, avec son prince de Galles aux inépuisables dettes, ses dandys élégants et bizarres, ses marins audacieux et tenaces groupés avec art autour de Nelson et de la trop célèbre Lady Hamilton, ses champions de boxe dont les exploits entretiennent au delà de la Manche le goût des exercices violents,entraînement indispensable à un peuple qui voulait tenir tête auxgrognards de Napoléon, aux marins de nos escadres et aux corsairesde Surcouf et de ses émules.

Le tableau est complet et tracé par uneplume compétente, Conan Doyle s’appliquant à décrire ce qu’ilconnaît bien et évitant dès lors les grosses erreurs qui tachentcertains de ses romans historiques, Les Réfugiés parexemple.

Les éditions anglaises portent le titrede Rodney Stone. C’est, en effet, le fils du marin Stone,compagnon de Nelson, qui est censé tenir la plume et évoquer lesouvenir des jours de sa jeunesse pour l’instruction de sesenfants. Mais Rodney Stone, s’il est le fil qui relie les feuilletsdu récit, n’en est jamais le héros. Âme simple et moyenne, il n’apas l’envergure qui conquiert l’intérêt.

Le vrai héros du roman, c’est JimHarrison, élevé par le champion Harrison qui s’est retiré du Ringaprès un terrible combat où il faillit tuer son adversaire, etétabli forgeron à Friar’s Oak.

N’est-ce pas lui qui entraîne Stone à laFalaise Royale, dans le château abandonné, à la suite de ladisparition étrange de lord Avon accusé du meurtre de sonfrère ?

N’est-ce pas lui qui devient le protégé,et plutôt le protecteur, de miss Hinton, la Polly du théâtre deHaymarket, la vieillissante actrice de genre que l’isolement faitchercher une consolation dans le gin et le whisky ?

N’est-ce pas lui que nous voyons, audénouement du roman, fils avoué et légitime de lord Avon par un deces mariages secrets si faciles avec la loi anglaise et qui noussemblent toujours un pur moyen de comédie ?

N’est-ce pas à lui qu’aboutit toute cettepeinture du Ring, de ses rivalités, de ses gageures, de ses paris,de ses intrigues ?

Aussi avons-nous cru bien faire d’adopterpour cette édition française, préparée par nous de longue main, letitre de Jim Harrison boxeur.

La boxe a tenu une telle place dans la vieanglaise du temps du roi Georges qu’il parait extraordinaire que lesport anglais par excellence, cher à Byron et au prince de Galles,chef de file des dandys, ait attendu jusqu’à nos jours unpeintre.

Et voilà cependant la première fois qu’unde ces romanciers, qui ont l’oreille des foules, entreprend lerécit de la vie et de l’entraînement d’un grand boxeurd’autrefois.

Belcher, Mendoza, Jackson, Berks, BillWar, Caleb Baldwin, Sam le Hollandais, Maddox, Gamble, trouvent enConan Doyle leur portraitiste, il faudrait presque dire leurpoète.

Comme il le remarque fort judicieusement,le sport du Ring a puissamment contribué à développer dans la racebritannique ce mépris de la douleur et du danger qui firent uneAngleterre forte.

De la instinctivement la tendance del’opinion à s’enthousiasmer, à se passionner pour les hommes duRing, professeurs d’énergie et en quelque sorte contrepoids à cequ’il y avait d’affadissant et d’énervant dans le luxe despetits-maîtres, des Corinthiens et des dandys tout occupés detoilettes et de futilités, en une heure aussi grave pour la vienationale anglaise.

Qu’à côté de l’entretien de cet idéal debravoure et d’endurance, il y eût comme revers de la médaille labrutalité des mœurs, la démoralisation qu’amène l’intervention del’argent dans ce qui est humain, Conan Doyle ne le nie certes pas,mais la corruption des meilleures choses ne prouve pas qu’ellesn’ont pas été bonnes.

Si nos pères n’ont pas compris le systèmeanglais, s’ils n’ont voulu y voir que les boucheries que raillaitle chansonnier Béranger, les hommes de notre génération ont vu pluséquitablement. Ils ont donné à la boxe son droit de cité en Franceet réparé l’injustice de leurs prédécesseurs.

Voila pourquoi, en écrivant JimHarrison boxeur, Conan Doyle a bien mérité aux yeux de tousceux, amateurs ou professionnels, qui se sont de nos jourspassionnés pour la boxe. Jim Harrison boxeur est donc certain detrouver parmi eux de nombreux lecteurs, outre ceux qui sont déjàles fidèles résolus du romancier anglais, toujours assurés detrouver dans son œuvre un intérêt palpitant et des émotionssaines.

ALBERT SAVINE.

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