CX
LA bataille est merveilleuse et pesante.Roland y frappe bien, et Olivier ; et l’archevêque y rend plusde mille coups et les douze pairs ne sont pas en reste, ni lesFrançais, qui frappent tous ensemble. Par centaines et parmilliers, les païens meurent. Qui ne s’enfuit ne trouve nulrefuge ; bon gré mal gré, il y laisse sa vie. Les Français yperdent leurs meilleurs soutiens. Ils ne reverront plus leurs pèresni leurs parents, ni Charlemagne qui les attend aux ports. EnFrance s’élève une tourmente étrange, un orage chargé de tonnerreet de vent, de pluie et de grêle, démesurément. La foudre tombe àcoups serrés et pressés, la terre tremble. De Saint-Michel-du-Périljusqu’aux Saints, de Besançon jusqu’au port de Wissant, il n’y amaison dont un mur ne crève. En plein midi, il y a de grandesténèbres ; aucune clarté, sauf quand le ciel se fend. Nul nele voit qui ne s’épouvante. Plusieurs disent : « C’est laconsommation des temps, la fin du monde que voilà venue. » Ilsne savent pas, ils ne disent pas vrai : c’est la grandedouleur pour la mort de Roland.