CXXXIV
LE comte Roland, à grand effort, à grand ahan,très douloureusement, sonne son olifant. Par sa bouche le sangjaillit clair. Sa tempe se rompt. La voix de son cor se répand auloin. Charles l’entend, au passage des ports. Le duc Naimes écoute,les Francs écoutent. Le roi dit : « C’est le cor deRoland ! Il n’en sonnerait pas s’il ne livrait unebataille. » Ganelon répond : « Il n’y a pas debataille ! Vous êtes vieux, votre chef est blanc etfleuri ; par de telles paroles vous semblez un enfant. Vousconnaissez bien le grand orgueil de Roland : c’est merveilleque Dieu si longtemps l’endure. N’a-t-il pas été jusqu’à prendreNoples sans votre ordre ? Les Sarrasins firent une sortie etcombattirent le bon vassal Roland ; pour effacer les traces[ ?], il inonda les prés ensanglantés. Pour un seul lièvre, ilva tout un jour sonnant du cor. Aujourd’hui, c’est quelque jeuqu’il fait devant ses pairs. Qui donc sous le ciel oserait luioffrir la bataille ? Chevauchez donc ! Pourquoi vousarrêter ? La Terre des Aïeux est encore loin là-bas devantnous. »