CXCII
LE jour est clair et le soleil brillant.L’émir est descendu de son vaisseau. A sa droite s’avanceEspaneliz ; dix-sept rois marchent :à sa suite ;puis viennent des comtes et des ducs dont je ne sais le nombre.Sous un laurier, au milieu d’un champ, on jette sur l’herbe verteun tapis de soie blanche : un trône y est dressé, toutd’ivoire. Là s’assied le païen Baligant ; tous les autres sontrestés debout. Leur seigneur, le premier, parla :« Écoutez, francs chevaliers vaillants ! Le roi Charles,l’empereur des Francs, n’a droit de manger que si je le commande.Par toute l’Espagne il m’a fait une grande guerre ; en douceFrance je veux aller le requérir. Je n’aurai de relâche en toute mavie qu’il ne soit tué ou ne s’avoue vaincu. » En gage de saparole, il frappe son genou de son gant droit.