XCV
UN roi est là, qui a nom Corsablix. Il est deBarbarie, une terre lointaine. Il crie aux autres Sarrasins :« Nous pouvons bien soutenir cette bataille : lesFrançais sont si peu et nous avons droit de les mépriser : cen’est pas Charles qui en sauvera un seul. Voici le jour où il leurfaut mourir. » L’archevêque Turpin l’a bien entendu. Sous leciel il n’est homme qu’il haïsse plus. Il pique de ses éperons d’orfin, et vigoureusement va le frapper. Il lui a brisé l’écu, défaitle haubert, enfoncé au corps son grand épieu ; il appuiefortement, le secoue et l’ébranle ; à pleine hampe, il l’abatmort sur le chemin. Il regarde en arrière, voit le félon gisant. Ilne laissera pas de lui parler un peu : « Païen, fils deserf, vous en avez menti ! Charles, mon seigneur, peuttoujours nous sauver ; nos Français n’ont pas le cœur àfuir ; vos compagnons, nous les ferons tous rétifs. Je vousdis une nouvelle : il vous faut endurer la mort. Frappez,Français ! Que pas un ne s’oublie ! Ce premier coup estnôtre, Dieu merci ! » Il crie :« Montjoie ! » pour rester maître du champ.