La Compagnie blanche

La Compagnie blanche

de Sir Arthur Conan Doyle

Chapitre 1

Comment le mouton noir s’échappa de la bergerie

La grosse cloche de Beaulieu sonnait à toute volée ; elle brassait l’air lourd de l’été, elle poussait ses crescendos et ses diminuendos jusqu’au cœur de la forêt. Rien de plus banal, pour les pêcheurs sur l’Exe ou pour les tourbiers du Blackdown, que ses grands battements rythmés qui leur étaient aussi familiers que le caquetage des geais ou le grondement des butors.Cette fois-ci pourtant ils levèrent la tête, intrigués :l’angélus avait déjà été sonné, et ce n’était pas encore l’heure des vêpres ; pourquoi s’agitait donc la grosse cloche de Beaulieu alors que l’ombre n’était ni courte ni longue ?

Tout autour de l’abbaye les moines se hâtaient ; leurs robes blanches affluèrent dans les grandes allées de chênes noueux et de hêtres moussus. Dès le premier coup de cloche tous s’étaient mis en route ; ils avaient quitté les vignes ou le pressoir, les étables ou les prés, les marnières oules salines, et même les lointaines forges de Sowley ou le manoirécarté de Saint-Léonard. Cet appel ne les avait pas surpris. Laveille au soir un messager avait fait le tour des dépendances del’abbaye, et il avait averti chaque moine d’avoir à être rentrédans le couvent pour trois heures de l’après-midi. Le vieux frèreconvers Athanasius, qui était préposé au heurtoir depuis l’année dela bataille de Bannockburn, ne se rappelait pas qu’une convocationaussi pressante eût jamais réuni la communauté.

Un étranger qui n’aurait rien su de l’abbayeet de ses immenses ressources, mais qui aurait assisté au défilédes frères, aurait à peu près deviné les diverses tâches dontl’accomplissement faisait vivre le vieux monastère. Rares étaienten effet les religieux qui, tandis qu’ils avançaient gravement pardeux ou par trois, tête basse et la prière aux lèvres, n’arboraientpas les signes extérieurs de leurs occupations quotidiennes. Cesdeux-là, par exemple, avaient les poignets et les manches tachés dujus des raisins noirs ; cet autre à la barbe fleurierapportait sa hache et avait juché sur ses épaules un gros fagot debois ; à côté de lui marchait un moine qui portait sous lebras des cisailles pour la tonte, et sa robe blanche était parseméedes flocons d’une laine plus blanche encore ; une longuecohorte était pacifiquement armée de bêches et de pioches ;enfin les deux derniers transportaient un énorme panier débordantde carpes fraîchement pêchées, car le lendemain était un vendrediet il y aurait cinquante écuelles à remplir pour un nombre égal degros mangeurs. Tous paraissaient las. Il est vrai que l’abbéBerghersh était aussi dur pour eux que pour lui-même.

Pendant que s’opérait le rassemblement, l’Abbéarpentait avec impatience la grande salle haute réservée auxévénements d’importance. Il avait joint ses mains, qu’il avaitblanches et nerveuses. Ses traits fins tirés par la méditation, sonvisage hâve attestaient qu’il avait terrassé l’ennemi intérieur,mais que ce combat l’avait grandement meurtri. On oubliait sadébilité apparente dès qu’un éclair d’énergie farouche jaillissaitsous ses sourcils retombants : cette lueur fulgurante (etfréquente) rappelait qu’il appartenait à une famille desoldats : son frère jumeau Sir Bartholomew Berghershn’avait-il pas été au nombre de ces héros qui avaient planté lacroix de saint Georges devant les portes de Paris ?… Lèvresserrées, front plissé, l’Abbé foulait de long en large le plancherde chêne, pendant que la grosse cloche sonnait au-dessus de satête. Il ressemblait à une incarnation de l’ascétisme.

Trois notes étouffées annoncèrent la fin dubranle. Avant même que leur écho se fût tu, l’Abbé frappa sur unpetit gong ; un frère lai se présenta aussitôt.

– Les frères sont-ils rentrés ?demanda-t-il dans le dialecte franco-anglais en usage dans lescouvents.

– Ils sont ici, répondit l’interpellé quiavait les yeux baissés et les mains croisées sur la poitrine.

– Tous ?

– Trente-deux anciens et quinze novices,Révérend Père. Le Frère Marc, qui a la fièvre, n’a pu venir. Il adit que…

– Peu importe ce qu’il a dit. Avec fièvreou sans fièvre il aurait dû se rendre à ma convocation. Son espritaura à s’assagir, comme celui de beaucoup dans cette abbaye.Vous-même, Frère Francis, vous avez par deux fois élevé la voix,assez fort pour qu’elle parvînt à mes oreilles, pendant qu’auréfectoire le lecteur évoquait la vie des saints bénis de Dieu.Qu’avez-vous à répondre ?

Le frère lai demeura humblement immobile etsilencieux.

– Mille ave et autant decredo, récités debout avec les bras ouverts devant l’autelde la Vierge, vous aideront peut-être à vous rappeler que leCréateur nous a donné deux oreilles mais une seule bouche, en signeque l’ouïe doit travailler deux fois plus que la parole. Où est lemaître des novices ?

– Il est dehors, Révérend Père.

– Introduisez-le.

Les sandales claquèrent sur le plancher, laporte cloutée de fer grinça sur ses gonds ; quelques instantsplus tard elle se rouvrit pour laisser pénétrer un moine trapu auvisage épais et à l’allure autoritaire.

– Vous m’avez demandé, RévérendPère ?

– Oui, Frère Jérôme. Je désire que cetteaffaire soit réglée avec le minimum de scandale ; et pourtantil est nécessaire que l’exemple soit public.

L’Abbé s’était exprimé en latin. Le latin, parson caractère antique et solennel, convenait mieux pour traduireles pensées de deux hauts dignitaires de l’ordre.

– Peut-être vaudrait-il mieux que lesnovices ne soient pas présents ? suggéra le maître. La mentiond’une femme risque de les détourner des pieuses méditations versdes pensées profanes et impies.

– Une femme ! Une femme ! gémitl’Abbé. Saint Chrysostome a eu bien raison de qualifier la femme deradix malorum ! Depuis Ève, quel bien est venu del’une d’elles ? Qui porte plainte ?

– Le Frère Ambrose.

– Un saint et brave jeune homme.

– Une lumière, un modèle pour tous lesnovices.

– Finissons-en donc, selon notrevénérable règle monastique. Commandez au procureur et au procureuradjoint d’introduire ici les frères par rang d’âge, en même tempsque Frère John l’accusé et frère Ambrose l’accusateur.

– Et les novices ?

– Qu’ils attendent dans l’allée nord ducloître ! Un moment ! Dites au procureur adjoint de leurenvoyer Thomas le lecteur afin qu’il leur lise des extraits desGesta beati Benedicti. Peut-être ce texte lespréservera-t-il contre les babillages puérils et pernicieux.

Une fois de plus l’Abbé demeura seul. Ilpencha sa maigre figure grisonnante au-dessus de son bréviaireenluminé et ne leva pas les yeux quand les moines pénétrèrent dansla salle ; à pas lents, mesurés, ils allèrent s’asseoir surles bancs de bois qui de chaque côté étaient parallèles au mur. Àl’autre extrémité, sur deux sièges élevés aussi imposants que celuide l’Abbé, mais sculptés avec un peu moins de recherche, s’assirentle maître des novices et le procureur. Ce dernier était un grosmoine majestueux, dont les yeux noirs pétillaient ; sa tonsureétait entourée d’une masse abondante de cheveux frisés, très bruns.Entre eux se tenait un frère pâle et efflanqué qui semblait peu àson aise : il se balançait nerveusement et se grattait lementon avec le rouleau de parchemin qu’il serrait dans sa main.L’Abbé, du haut de sa position, considéra les deux rangs de visagesplacides et hâlés, leurs grands yeux bovins, leurs expressionssimplistes. Puis il tourna son regard inquisiteur dans la directiondu moine pâle qui lui faisait face.

– Cette plainte émane de vous, FrèreAmbrose, dit-il. Puisse saint Benoît, patron de cette maison, setrouver avec nous aujourd’hui et nous aider dans nosconclusions ! Combien de chefs d’accusation yfigurent ?

– Trois, Révérend Père, répondit le frèred’une voix mal assurée.

– Les avez-vous établis selon larègle ?

– Les voici, Révérend Père, inscrits surce parchemin.

– Que ce parchemin soit remis auprocureur. Faites entrer le Frère John afin qu’il entende lesaccusations portées contre lui.

À ce commandement un frère lai ouvrit laporte ; deux autres frères lais entrèrent alors, encadrant unjeune novice de l’ordre. Il avait la taille d’un colosse, les yeuxnoirs, les cheveux roux, de gros traits, et, répandu sur toute sapersonne, un air mi-provocant, mi-amusé. Il avait rejeté lecapuchon sur ses épaules. Sa robe, dégrafée en haut, laissaitapparaître un cou puissant, rougeaud, côtelé comme l’écorce dusapin. Des bras très musclés, couverts d’un duvet roux, émergeaientdes larges manches de son habit dont le pan retroussé sur un côtépermettait d’apercevoir une jambe formidable toute égratignée parles ronces. Sur une révérence à l’Abbé (révérence qui étaitpeut-être plus ironique que respectueuse) le novice se dirigea versle prie-Dieu sculpté qui avait été préparé pour lui, puis ildemeura silencieux et tout droit, la main sur la clochette d’or quiétait utilisée pour les oraisons spéciales de la maison de l’Abbé.Ses yeux noirs parcoururent l’assemblée avant de se poser,menaçants et farouches, sur le visage de son accusateur.

Le procureur se leva. Il déroula avec lenteurle parchemin et en commença la lecture d’une voix emphatique. Lefrémissement qui agita les frères révéla l’intérêt qu’ils portaientau débat.

– Accusations portées le deuxième jeudiaprès la fête de l’Assomption, l’an 1366 de Notre Seigneur, contrele Frère John, précédemment connu sous le nom de Hordle John, ouJohn de Hordle, mais à présent novice dans le saint ordremonastique des Cisterciens. Lecture faite le même jour à l’abbayede Beaulieu en présence du Révérend Père Abbé Berghersh et de toutl’ordre assemblé.

« Les accusations contre ledit Frère Johnsont les suivantes, à savoir :

« Premièrement, que le jour susmentionnéde la fête de l’Assomption, de la bière légère ayant été servie auxnovices dans la proportion d’un quart pour quatre, ledit Frère Johnvida le pot d’un trait au grand dam du Frère Paul, du FrèrePorphyre et du Frère Ambrose, qui purent à peine avaler leur moruesalée en raison de la sécheresse de leur gosier…

Devant cette accusation solennelle, le noviceleva une main et mordit ses lèvres, tandis que les frères (même lesplus dévôts) échangeaient des regards amusés et toussotaient pourdissimuler leur envie de rire. Seul l’Abbé demeuraimperturbable.

– … De plus, que le maître des novicesl’ayant informé que pendant deux jours il aurait pour toutenourriture un pain de son de trois livres et des haricots afind’honorer et de glorifier plus hautement sainte Monique, mère desaint Augustin, il fut surpris par le Frère Ambrose et par d’autresfrères à dire qu’il vouait à vingt mille diables ladite Monique,mère de saint Augustin, ou n’importe quelle sainte quis’interposerait entre un homme et sa nourriture. De plus, que leFrère Ambrose lui ayant reproché ce souhait blasphématoire, il sesaisit dudit frère et lui plongea la tête dans le piscatorium ouvivier, pendant un laps de temps au cours duquel ledit frère putrépéter un pater et quatre ave pour fortifier sonâme contre une mort imminente…

Cette grave accusation souleva unbourdonnement et des murmures dans les rangs des frères en robeblanche ; mais l’Abbé étendit sa longue main nerveuse.

– Quoi encore ? demanda-t-il.

– … De plus, qu’entre none et les vêpresle jour de la fête de Jacques le Mineur, ledit Frère John futaperçu sur la route de Brockenhurst, près de l’endroit appelél’étang de la Cognée, en conversation avec une personne de l’autresexe, jeune fille nommée Mary Sowley, fille du verdier du Roi. Deplus, qu’après diverses plaisanteries et farces, ledit Frère Johnsouleva ladite Mary Sowley et la prit, la porta et la reposa del’autre côté du ruisseau, pour l’infinie satisfaction du diable etau profond détriment de son âme, dont la scandaleuse défaillance etvilenie est attestée par trois membres de l’ordre.

Un silence de mort plana dans la salle ;des hochements de tête, des yeux levés vers le ciel révélaient lapieuse horreur qui s’était emparée de la communauté. L’Abbé arquases sourcils gris.

– Qui peut se porter garant de cesderniers faits ? interrogea-t-il.

– Je le puis, répondit l’accusateur. Etle peuvent également Frère Porphyre, qui était avec moi, et FrèreMarc, lequel a été si bouleversé et si troublé intérieurement parce spectacle qu’il est alité avec de la fièvre.

– Et la femme ? demanda l’Abbé. Nes’est-elle pas répandue en lamentations et en larmes devant ladégradation du Frère ?

– Non. Elle lui a souri gentiment et l’aremercié. Je l’affirme, et le Frère Porphyre peut l’affirmeraussi.

– Vous le pouvez ? tonna l’Abbé.Vous le pouvez tous les deux ? Avez-vous oublié que latrente-cinquième règle de l’ordre ordonne qu’en présence d’unefemme le visage doit se détourner et les yeux se river ausol ? Vous l’avez oubliée, cette règle ! Si vos yeuxavaient été braqués sur vos sandales, comment auriez-vous pu voirle sourire dont vous faites état ? Huit jours de cellule, fauxFrères, huit jours de pain de seigle et de lentilles, avec doublesLaudes et doubles Matines, vous aideront à vous rappeler les règlessous lesquelles vous vivez.

Accablés par ce subit accès de colère, lesdeux témoins enfouirent leurs figures dans le creux de leurspoitrines, et se laissèrent tomber sur leurs sièges. L’Abbé lesfoudroya d’un ultime regard, puis reporta ses yeux sur l’accusé quisoutint le choc avec un visage ferme et tranquille.

– Qu’avez-vous à dire, Frère John, surles lourdes charges qui sont alléguées contre vous ?

– Assez peu, bon Père, assez peu !dit le novice en anglais avec le débit traînant des Saxons del’Ouest.

Les frères, qui étaient tous de bons Anglais,dressèrent l’oreille au son de ces accents familiers dont ilsavaient perdu l’usage. Mais l’Abbé devint rouge de colère et ilfrappa d’une main l’accoudoir de son fauteuil.

– Quel est ce langage ?s’écria-t-il. Est-ce là une langue à employer entre les murs d’unancien monastère de bonne réputation ? Il est vrai que lagrâce et la science vont toujours de pair ; quand l’une estperdue, point n’est besoin de chercher l’autre !

– Cela, je ne le sais pas, répondit FrèreJohn. Je sais seulement que les mots me sont venus naturellementaux lèvres, car c’est ainsi que s’exprimaient mes pères. Avec votrepermission je parlerai ma langue ; sinon je garderai lesilence.

L’Abbé tapota du pied sur le plancher etacquiesça de la tête, comme quelqu’un qui passe sur un détail maisqui ne l’oubliera pas.

– Pour l’affaire de la bière, repritFrère John, j’étais rentré des champs en nage, et j’avais à peineeu le goût dans la bouche que déjà le pot était vide. Il se peutégalement que j’aie parlé un peu brusquement à propos du pain deson et des haricots, mais pour un homme de ma taille une tellenourriture est insuffisante. Il est vrai aussi que j’ai empoigné cemaître idiot de Frère Ambrose, quoique je ne lui aie fait aucunmal, ainsi que vous pouvez le constater. Pour ce qui est de lajeune fille, il est vrai que je l’ai portée de l’autre côté duruisseau car elle avait sa robe et ses souliers, et moi j’étaispieds nus dans des sandales de bois qui ne risquaient pas d’êtreabîmées par l’eau. J’aurais été honteux en tant qu’homme et en tantque moine si je ne l’avais pas aidée.

Il regarda autour de lui ; il avait dansles yeux la même lueur amusée.

– Cela suffit, prononça l’Abbé. Il a toutconfessé. Il ne me reste plus qu’à déterminer le châtiment quemérite sa mauvaise conduite…

Il se leva ; les deux rangées dereligieux l’imitèrent ; les frères jetèrent des coups d’œilobliques vers le prélat en colère.

– … John de Hordle ! éclata-t-il.Pendant vos deux mois de noviciat vous vous êtes montré un moineinfidèle, indigne de porter la robe blanche qui est le symboleextérieur d’un esprit sans tache. Cette robe vous sera doncretirée, et vous serez rejeté dans le monde extérieur sans lebénéfice de la cléricature, et sans la moindre participation auxgrâces et aux bénédictions de ceux qui vivent sous la protection dubienheureux Benoît. Vous ne reviendrez jamais à Beaulieu ni dansl’une des dépendances de Beaulieu, et votre nom sera rayé des rôlesde l’ordre.

La sentence parut terrible aux moines âgés,qui avaient si bien pris l’habitude de la vie paisible et régulièrede l’abbaye qu’ils auraient été des enfants perdus dans le mondeextérieur : de leur oasis de paix et de piété, ilsconsidéraient le désert de la vie comme un lieu plein de tempêteset de luttes, très inconfortable, dominé par le mal. Le jeunenovice quant à lui ne devait pas partager cette opinion, car sesyeux étincelèrent et son sourire s’accentua. Il n’en fallut pasdavantage pour enflammer l’humeur de l’Abbé.

– Voilà pour le châtimentspirituel ! poursuivit-il. Mais c’est à vos sentiments plusgrossiers que nous allons maintenant nous intéresser. Comme vousn’êtes plus protégé par le bouclier de la sainte Église, ladifficulté ne sera pas grande. Holà ! Frères lais !Francis, Naomi, Joseph ! Saisissez-vous de lui et liez-lui lesbras ! Traînez-le par ici, et que les forestiers et lesportiers le chassent à coups de fouet hors de l’enceinte !

Quand les trois frères susnommés s’avancèrentpour exécuter l’ordre de l’Abbé, le sourire disparut du visage dunovice. Il regarda à droite, à gauche, avec des yeux sombresfarouches, comme un taureau harcelé par des chiens. Puis, poussantun cri jailli du plus profond de sa poitrine, il s’empara du lourdprie-Dieu de chêne et il le balança ; il était prêt à frapper.Il recula de deux pas afin de n’être pas assailli par surprise.

– Par la croix noire de Waltham !rugit-il. Si l’un de vous, coquins, touche du bout des doigts lebord de ma robe, je lui écrase le crâne comme uneaveline !

Ses gros bras musclés, sa voix tonnante, sescheveux roux en bataille impressionnèrent les trois frères quis’immobilisèrent, cloués sur place. Les deux rangs de moines blancsoscillaient comme des peupliers sous la tempête. L’Abbé seul bonditen avant ; mais le procureur et le maître des novices leretinrent chacun par un bras afin qu’il ne s’exposât point audanger.

– Il est possédé d’un démon !crièrent-ils. Courez, Frère Ambrose, Frère Joachim ! AppelezHugh du moulin, et Wat le bûcheron, et Raoul avec son arbalète etses carreaux ! Dites-leur que nous craignons pour notrevie ! Courez ! Courez, pour l’amour de laVierge !

Mais le novice était stratège autant qu’hommed’action. Il s’élança, précipita à la tête de Frère Ambrose sonarme lourde et, pendant que le moine et le prie-Dieu roulaientensemble sur le plancher, il se rua par la porte ouverte, pourdégringoler l’escalier en colimaçon. Le vieux Frère Athanasius, desa cellule, eut la vision de deux pieds ailés et d’une roberetroussée ; mais avant qu’il eût eu le temps de se frotterles yeux, le moine infidèle se trouvait dehors et fonçait sur laroute de Lyndhurst aussi vite que le lui permettaient sessandales.

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