Le doigt du Destin

Chapitre 24Visite inattendue.

Le sommelier Williams venait à peine, avecl’aide du valet de pied, d’enlever les reliefs du souper, lorsqueretentit un coup de sonnette suivi immédiatement d’un double coupde marteau.

Cet appel n’avait rien« d’étourdissant », comme aurait pu dire Williams ;il était plutôt humble et timide, et fut, cependant, distinctemententendu dans la salle à manger.

– Qui peut venir aussi tard ?… Dixheures ! dit le général en jetant les yeux sur sonchronomètre.

Ni Nigel ni la tante ne répondirent ; ilsécoutaient.

Un colloque avait lieu entre Williams, quiavait ouvert la porte, et quelqu’un qui se tenait sur le seuil.

Il dura plus longtemps qu’il n’étaitnécessaire si le visiteur eut été un ami de la famille. La voixrépondant aux interrogations du sommelier avait évidemment unaccent étrange.

Le général pensa que ce pouvait être un de sesanciens camarades fraîchement arrivé des Indes et venu sanscérémonie par un train de nuit. Mais il ne se souvenait d’aucun quiparlait l’anglais de cette façon.

– Qui est-ce, Williams ?demanda-t-il au moment où parut le sommelier.

– Je n’en sais rien, général. Legentleman, s’il m’est permis de lui donner ce nom, ne veut donnerni son nom ni sa carte. Il prétend qu’il apporte une importantecommunication et qu’il est indispensable qu’il vous voie.

– Très-bizarre !… De quoi a-t-ill’air ?

– D’un étranger, général. Et ce n’estcertainement pas un gentleman, j’en jurerais.

– Très-bizarre ! répéta le général.Il a dit qu’il voulait me voir ?

– À satiété, général. Il ajoute quel’araire est plus importante pour vous que pour lui.L’introduirai-je, général, ou lui parlerez-vous à laporte ?

– À la porte ! Non, pardieu !répliqua vivement le vieux soldat. Je ne sortirai, certes, pas,pour plaire à un étranger qui ne veut donner ni son nom ni sacarte… C’est peut-être un mendiant. Dis-lui que je ne puis lerecevoir ce soir et qu’il revienne demain matin.

– Je le lui ai déjà dit, général. Ilinsiste pour vous voir immédiatement.

– Du diable !

– S’il m’est permis de donner monopinion, il ressemble furieusement à celui dont vous venez deprononcer le nom, général.

– Qui cela peut-il être, Nigel ? ditle vétéran en se tournant vers son fils.

– Je n’en ai pas la moindre idée, père,répondit Nigel. Serait-ce, par hasard, le gratte-papierWoolet ? Il répond parfaitement à la description que Williamsfait de l’intrus.

– Non, non, Maître Nigel, ce n’est pasM. Woolet. IL est encore plus laid, bien qu’il ait quelquechose d’un homme de loi. Dans tous les cas, c’est unétranger ; cela, je puis l’affirmer.

– Par Jupiter ! s’écria le général,je ne connais pas d’étranger qui ait affaire avec moi. Il fautpourtant me décider le recevoir. Qu’en dis-tu, mon fils ?

– Oh ! il ne peut y avoir aucun malà cela, répondit Nigel. Je resterai avec vous ; et s’ildevient trop importun, Williams et le valet de pied le jetterontdehors.

– Ah ! bien, maître Nigel, il n’estpas plus haut que votre groom. Je pourrais le prendre par le fondde sa culotte et le jeter à vingt pas sur les pelouses. N’ayezaucune crainte de ce côté.

– Allons ! Allons !Williams ! dit le général. Assez de paroles oiseuses.Introduis le gentleman.

Puis se tournant vers sa sœur, ilajouta :

– Ma chère Nelly, vous feriez bien deremonter au salon. Nigel et moi nous vous y rejoindrons aussitôtque nous aurons donné audience à cet hôte inattendu.

Le vieille fille, après avoir roulé sontricot, sortit de la salle à manger, laissant seuls son frère etNigel.

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