Le Maître de Ballantrae

Chapitre 10Ce qui se passa à New York

J’étais résolu, ai-je dit, à prendre les devants sur leMaître ; et cette résolution, grâce à la complicité ducapitaine Mac Murtrie, fut exécutée sans peine : un canot étant àdemi chargé sur un flanc du navire, et le Maître placé à son bord,cependant ma yole démarra de l’autre, qui m’emmenait seul. Je n’euspas la moindre difficulté à me faire enseigner l’habitation deMylord, où je me rendis en toute hâte. C’était, aux abordsextérieurs de la ville, une résidence très convenable, située dansun beau jardin, avec des communs fort vastes, granges, resserres etécuries tout ensemble. C’était là que mon maître se promenait lorsde mon arrivée ; il en faisait d’ailleurs son lieufavori ; car il était alors engoué d’exploitation agricole. Jel’abordai tout hors d’haleine, et lui communiquai mesnouvelles ; nouvelles qui n’en étaient pas, plusieurs naviresayant dépassé le Nonesuch dans l’intervalle.

– Nous vous attendions depuis longtemps, dit Mylord, et même,ces jours derniers, nous avions cessé de vous attendre. Je suisheureux de vous serrer la main encore une fois, Mackellar. Je vouscroyais au fond de la mer.

– Ah ! Mylord, plût à Dieu que ce fût vrai !m’écriai-je. Cela vaudrait mieux pour vous.

– Pas du tout, dit-il, d’un air sardonique. Je ne pouvaisdésirer mieux. La note à payer est longue, et, aujourd’hui,enfin ! je puis commencer à la régler.

Je me récriai devant son assurance.

– Oh ! dit-il, nous ne sommes plus à Durrisdeer, et j’aipris mes précautions. Sa réputation l’attend ; j’ai préparé àmon frère sa bienvenue. D’ailleurs, le hasard m’a servi ; carj’ai retrouvé ici un marchand d’Albany qui l’a connu après 45, etqui le soupçonne fort d’un assassinat : il s’agirait d’un nomméChew, Albanien également. Personne ici ne sera étonné de me voirlui refuser ma porte ; il ne sera pas autorisé à voir mesenfants, ni même à saluer ma femme ; quant à moi, j’admettraienvers un frère cette exception, qu’il puisse me parler. Jeperdrais mon plaisir, autrement, – dit Mylord, en se frottant lesmains.

Après quelques réflexions, il expédia des messagers, avec desbillets convoquant les notables de la province. Je ne me rappellepas sous quel prétexte, mais il réussit ; et lorsque notrevieil ennemi apparut sur la scène, il trouva Mylord en train de sepromener à l’ombre des arbres, devant la façade de sa maison, avecle gouverneur de la ville d’un côté, et plusieurs grandspersonnages de l’autre. Mylady, qui était assise dans la véranda,se leva d’un air pincé, et emmena ses enfants à l’intérieur.

Le Maître, bien vêtu et une élégante épée de ville au côté,salua la compagnie d’une manière distinguée, et fit un signe detête familier à Mylord. Mylord, sans tenir compte du salut, regardason frère les sourcils froncés.

– Eh bien, monsieur, dit-il enfin, quel mauvais vent vous amène,ici en particulier, où (pour notre malheur commun) votre réputationvous a précédé ?

– Votre Seigneurie est priée d’être polie s’écria le Maître,avec un sursaut.

– Je tiens d’abord à être clair, répliqua Mylord ; car ilest indispensable que vous compreniez votre situation. Chez nous,quand on ne vous connaissait pas bien, il était encore possible degarder les apparences ; ce serait tout à fait inutile danscette province ; et j’ai à vous dire que de vous, je me laveles mains : j’y suis résolu. Vous m’avez déjà presque réduit à lamendicité, comme vous avez ruiné mon père avant moi, – après luiavoir brisé le cœur. Vos crimes échappent à la loi ; mais monami le gouverneur m’a promis aide et protection pour ma famille.Prenez garde, monsieur ! cria Mylord en le menaçant de sacanne ; si l’on vous surprend à dire deux mots à l’un de mesjeunes innocents, on saura bien étirer la loi pour vous en fairerepentir.

– Ah ! dit le Maître, très lentement. Ainsi donc, voilàl’avantage d’une terre étrangère ! Ces messieurs ne sont pasau courant de notre histoire, je le vois. Ils ignorent que c’estmoi le lord Durrisdeer ; ils ignorent que vous êtes mon frèrecadet, et que vous êtes en mes lieu et place par suite d’un pactede famille ; ils ignorent (sans quoi on ne les verrait pasaussi amicalement liés avec vous) que tout est mien jusqu’audernier arpent devant Dieu Tout-Puissant, – et que jusqu’au dernierliard de l’argent que vous détenez à moi, vous le détenez comme unvoleur, un parjure, et un frère déloyal !

– Général Clinton, m’écriai-je, n’écoutez pas ses mensonges. Jesuis le régisseur du domaine, et il n’y a pas un mot de vrai danstout cela. Cet homme est un rebelle confisqué, devenu espion àgages : telle est en deux mots son histoire.

Ce fut ainsi que (dans réchauffement de l’heure) je laissaiéchapper son infamie.

– L’ami, dit le gouverneur en braquant sur le Maître un regardsévère, j’en sais sur vous plus long que vous ne croyez. Il nousest revenu quelques bribes de vos aventures dans les provinces, quevous ferez bien de ne pas me forcer à sonder. Il y a entre autresla disparition corps et biens de M. Jacob Chew ; il y a laquestion de savoir d’où vous veniez quand vous vous trouvâtes àterre avec tout cet argent et ces bijoux, alors que vous fûtesrecueilli par un marchand albanien. Croyez-moi, si je laisse cesmatières dans l’ombre, c’est en considération de votre famille, etpar respect envers mon excellent ami lord Durrisdeer.

Un murmure d’approbation parcourut les rangs desprovinciaux.

– J’aurai dû me rappeler quel prestige possède un titre dans untrou de ce genre-ci, dit le Maître, blanc comme un drap de lit : –n’importe l’injustice qui l’a procuré. Il ne me reste donc plusqu’à mourir à la porte de Mylord, où mon cadavre fera un trèsjoyeux ornement.

– Assez de vos simagrées, s’écria Mylord. Vous savez fort bienque telle n’est pas mon intention ; je ne veux que nousprotéger, moi contre vos calomnies, et ma demeure contre vosintrusions. Je vous donne à choisir. Ou bien je paye votre passageen Europe sur le premier bateau, et vous pourrez reprendre vosoccupations auprès du gouvernement, quoique, Dieu sait ! jepréférerais vous voir mendier sur les grand-routes ! Ou bien,si cela ne vous plaît pas, restez ici et soyez le bienvenu !je me suis informé du coût minimum auquel on peut décemment ne pasmourir de faim à New York ; c’est la somme que vous aurez,payée chaque semaine ; et si vous ne connaissez pas de métiermanuel susceptible de l’augmenter, il est temps de vous mettre à enapprendre un. La condition est : – que vous ne parliez à aucunmembre de ma famille, sauf moi.

Je ne crois pas avoir vu jamais personne aussi pâle que leMaître ; mais il continua de poitriner, et sa bouche netremblait pas.

– Je viens ici d’être accueilli par des insultes fortimméritées, dit-il ; insultes auxquelles je n’ai pas lamoindre idée d’échapper par la fuite. Donnez-moi votrepitance ; je la reçois sans rougir, car elle est mienne déjà –comme la chemise que vous avez sur le dos ; et je tiens àrester ici jusqu’à ce que ces messieurs me comprennent mieux. Déjàils doivent deviner le pied fourchu, puisque, avec tout votreprétendu soin de l’honneur de la famille, vous vous faites un jeude la dégrader en ma personne.

– Tout cela est très joli, dit Mylord ; mais pour nous quivous connaissons depuis longtemps, soyez sûr que cela ne signifierien. Vous choisissez le parti que vous croyez devoir vous être leplus avantageux. Prenez-le, si possible, en silence ; lesilence vous conviendra mieux à la longue, croyez-moi, que cetétalage d’ingratitude.

– Oh ! gratitude, Mylord, s’écria le Maître, sur une gammeascendante, et l’index levé de façon très ostensible. – Soyez enrepos ; ma gratitude ne vous manquera pas. Il ne me reste plusqu’à saluer ces messieurs, que nous avons détournés du soin deleurs affaires.

Et il s’inclina devant chacun à tour de rôle, assura son épée,et se retira, laissant chacun ébaubi de sa conduite, et moi decelle de Mylord.

Alors, cette division de famille entra dans une nouvelle phase.Le Maître n’était en aucune façon aussi dépourvu que Mylord se lefigurait, ayant sous la main, et tout dévoué à ses intérêts, unhabile artiste en toutes sortes de travaux d’orfèvrerie.L’allocation de Mylord, moins réduite qu’il ne l’avait annoncé,suffisait au couple pour vivre ; et tous les gains de SecundraDass pouvaient ainsi être mis de côté pour une occasion à venir. Jene doute pas que ce fut fait. Selon toute apparence, le but duMaître était de réunir une somme suffisante, puis de se mettre enquête du trésor qu’il avait enfoui longtemps auparavant au cœur desmontagnes. Il eût mieux fait de s’en tenir à ce projet strict.Mais, malheureusement pour lui et pour nous, il écouta sa colère.La honte publique de sa réception – je m’étonne fort qu’il ait pu ysurvivre – lui rongeait les moelles ; il était dans cettehumeur où – selon le vieil adage – on se couperait le nez pour sedéfigurer ; et il en vint à s’afficher en spectacle cynique,dans l’espoir qu’un peu de sa honte rejaillirait sur Mylord.

Il dénicha, dans un quartier misérable de la ville, une maisonen planches, petite et isolée, ombragée par deux ou trois acacias.Il y avait sur la façade un appentis ouvert, espèce de niche àchien, mais élevée à partir du sol environ comme une table, danslaquelle son humble constructeur avait jadis étalé sa marchandise.Ce fut cette niche qui séduisit l’imagination du Maître et luiinspira probablement sa tactique nouvelle. Il avait acquis à borddu bateau-pirate quelque habileté aux travaux d’aiguille, – assez,en tout cas, pour jouer le rôle de tailleur aux yeux dupublic ; il n’en fallait pas plus à sa vengeance. Il apposaau-dessus de la niche une pancarte avec cette inscription :

JAMES DURIE

Ci-devant Maître de Ballantrae

Raccommode les Habits proprement.

Secundra Dass

Gentilhomme déchu de l’Inde

Orfèvrerie fine.

Sous cette pancarte, lorsqu’il avait du travail, mon gentilhommes’asseyait en tailleur dans la niche, et cousait activement. Je dislorsqu’il avait du travail, mais les chalands qu’il recevaitvenaient surtout pour Secundra, et la couture du Maître étaitplutôt une toile de Pénélope. Il ne pouvait même prétendre gagnerle beurre de son pain grâce à son genre d’industrie : il luisuffisait que le nom de Durie fût traîné dans la boue sur lapancarte, et que l’héritier de cette orgueilleuse famille trônâtjambes croisées en public comme vivant témoignage de la ladreriefraternelle. Et son plan réussit à un tel point qu’il y eut desmurmures dans la ville et qu’un parti se forma, très hostile àMylord. Par contre, la faveur de Mylord auprès du gouverneur devintplus apparente ; Mylady (elle ne fut jamais si bien reçuequ’alors dans la colonie) rencontrait des allusions pénibles ;dans une société de femmes, où c’est cependant le thème deconversation le plus naturel, le seul mot de couture lui étaitpresque insupportable ; et je l’ai vue revenir toutebouleversée de ces réunions et jurant qu’elle n’irait plus dans lemonde.

Entre-temps, Mylord demeurait dans sa belle maison, férud’agriculture. Populaire dans son entourage, et insoucieux ouinconscient du reste, il engraissait ; sa face rayonnaitd’activité ; même les chaleurs semblaient lui réussir ;et Mylady – en dépit de ses préoccupations secrètes – bénissaitchaque jour le ciel de ce que son père lui eût légué un telparadis. Elle avait contemplé, de derrière une fenêtre,l’humiliation du Maître ; et dès lors, elle parut soulagée. Jel’étais moins, pour ma part, car, avec le temps, des symptômesmorbides se révélèrent dans les allures de Mylord. Heureux, ill’était sans doute, mais les causes de son bonheur étaientcachées ; même au sein de sa famille, il lui arrivait desavourer avec une joie visible quelque pensée secrète ; etj’eus enfin le soupçon (tout à fait indigne de nous deux) qu’ilavait une maîtresse quelque part en ville. Cependant, il sortaitpeu, et ses journées étaient très occupées ; en fait, il yavait une heure unique de son temps, et cela très tôt dans lamatinée, alors que Mr. Alexander étudiait ses leçons, dontj’ignorais l’emploi. Il faut bien se dire, en vue de justifier ceque je fis alors, que je gardais toujours des craintes surl’intégrité de sa raison ; et avec notre ennemi se tenant coiainsi dans la même ville que nous, je faisais bien d’être sur mesgardes. Donc, sous un prétexte, je changeai l’heure à laquellej’enseignais à Mr. Alexander les principes de la numérotation etdes mathématiques, et me mis en place à suivre les pas de monmaître.

Chaque matin, beau ou mauvais, il prenait sa canne à pomme d’or,mettait son chapeau en arrière sur sa tête – habitude récente, quej’attribuais à une excessive chaleur de son front – et partait pourfaire un circuit déterminé. Son chemin passait d’abord sousd’aimables ombrages et le long d’un cimetière, où il s’asseyait unmoment, s’il faisait beau, à méditer. Puis il gagnait le bord del’eau, et revenait par les quais du port et la boutique du Maître.Arrivé à cette deuxième partie de son tour, Mylord Durrisdeerralentissait le pas, comme pour mieux jouir du bon air et dupaysage ; et devant la boutique, juste à mi-chemin entrecelle-ci et le bord de l’eau, il faisait une brève halte, appuyésur sa canne. C’était l’heure où le Maître jouait de l’aiguille,assis sur son établi. Les deux frères se considéraient avec desvisages durs ; puis Mylord repartait en souriant toutseul.

Deux fois seulement, je dus m’abaisser à cette ingrate nécessitéde jouer le rôle d’espion. Elles me suffirent à vérifier le but quepoursuivait Mylord dans ses flâneries et l’origine secrète de sonplaisir. C’était donc là sa maîtresse ; la haine, et nonl’amour, lui donnait ce teint florissant. Des moralistes auraientpeut-être été soulagés par une telle découverte ; j’avouequ’elle m’inquiéta. Je trouvai cette situation des deux frères nonseulement odieuse en elle-même, mais grosse de dangers possiblespour l’avenir ; et je pris l’habitude, pour autant que mesoccupations le permettaient, d’aller, par un chemin plus court,assister secrètement à leur entrevue. Un jour que j’arrivais un peutard, après avoir été empêché presque une semaine, je fus frappé deconstater qu’il y avait du nouveau. Je dois dire qu’un bancs’adossait à la maison du Maître, où les clients pouvaients’asseoir afin de parlementer avec le boutiquier ; sur cebanc, je trouvai Mylord assis, les bras croisés sur sa canne, etpromenant sur la baie un regard satisfait. À moins de trois piedsde lui, le Maître était assis à coudre. Aucun des deux neparlait ; et, dans cette nouvelle position, Mylord ne jetaitmême pas un coup d’œil sur son ennemi. Il se délectait de sonvoisinage, il faut croire, plus directement par cette proximité deleurs personnes ; et, sans aucun doute, il buvait à longstraits jouisseurs à la coupe de la haine.

Il ne se fut pas plus tôt éloigné que je le rattrapai sans medissimuler davantage.

– Mylord, Mylord, dis-je, ceci n’est pas une manière d’agir.

– Je m’en engraisse, répliqua-t-il ; et non seulement sesmots, qui étaient déjà fort singuliers, mais l’expression de saphysionomie, me choquèrent.

– Je vous mets en garde, Mylord, contre ce laisser-aller auxmauvais sentiments, dis-je. Je ne sais si le péril est plus grandpour l’âme ou pour la raison ; mais vous prenez le chemin deles tuer toutes les deux.

– Vous ne pouvez pas comprendre, dit-il. Vous n’avez jamais eusur le cœur pareilles montagnes d’amertume.

– Et à tout le moins, ajoutai-je, vous finirez sûrement parpousser cet homme à quelque extrémité.

– Au contraire, je le démoralise, répliqua Mylord.

Chaque matin, durant près d’une semaine, Mylord alla s’asseoirsur le même banc. C’était un lieu agréable, sous les acacias verts,ayant vue sur la baie et les navires, et non loin, des mariniers autravail chantaient. Les deux frères restaient là sans parler, sansqu’on les vît faire un mouvement, autre que celui de l’aiguille duMaître coupant son fil avec ses dents, car il s’obstinait à sonsimulacre d’industrie ; et c’est là que je me faisais undevoir de les rejoindre, étonné de moi-même et de mes compagnons.S’il venait à passer un des amis de Mylord, celui-ci l’appelaitgaiement, et lui criait qu’il était en train de donner de bonsconseils à son frère, lequel devenait à présent (ce qui lecharmait) tout à fait habile. Et ce nouvel outrage, le Maîtrel’acceptait sans broncher ; mais ce qu’il avait dans l’esprit,Dieu seul le sait, ou peut-être Satan.

Tout à coup, un beau jour calme de cette saison dite « l’étéindien », alors que les bois se nuent d’or, de rosé et de pourpre,le Maître déposa son aiguille, et fut pris d’un accès d’hilarité.Il avait dû, je crois, le préparer longtemps en silence, car lanote de son rire était des plus naturelles ; mais rompantsoudain un pareil silence, et en des circonstances si éloignées dela gaieté il résonna sinistrement à mes oreilles.

– Henry, dit-il, j’ai pour une fois fait un pas de clerc, etpour une fois vous avez le bon esprit d’en profiter. La farce dutailleur prend fin aujourd’hui ; et je vous avoue (avec tousmes compliments) que vous y avez eu le beau rôle. Il en sortira dusang ; et vous avez trouvé à coup sûr un moyen admirable devous rendre odieux.

Mylord ne dit pas un mot ; c’était juste comme si le Maîtren’avait pas rompu le silence.

– Allons, reprit le Maître, ne faites pas l’imbécile ; celagâterait votre attitude. Vous pouvez maintenant vous permettre(croyez-moi) d’être un peu aimable ; car je n’ai pas seulementune défaite à supporter. J’avais l’intention de poursuivre ce jeutant que j’aurais amassé de l’argent pour un certain but. Jel’avoue franchement, je n’en ai pas le courage. Vous désirez, bienentendu, me voir quitter la ville ; je suis arrivé par uneautre route à la même idée. Et j’ai une proposition à vousfaire ; ou, si Votre Seigneurie l’aime mieux, une faveur àvous demander.

– Demandez, répondit Mylord.

– Vous avez peut-être ouï dire que j’ai eu autrefois dans cepays un trésor considérable, reprit le Maître ; qu’on vousl’ait dit ou non, peu importe ; – tel est le fait ; et jefus contraint de l’enfouir en un lieu sur lequel j’ai des repèressuffisants. C’est à recouvrer ce trésor que mon ambition se borneaujourd’hui ; et, comme il est à moi, vous ne me le chicanerezpas.

– Allez le chercher, dit Mylord. Je n’y vois pasd’inconvénient.

– Oui, dit le Maître ; mais, pour ce faire, il me faut deshommes et des moyens de transport. La route est longue etdifficile, et le pays infesté d’Indiens sauvages. Avancez-moiseulement le nécessaire ; soit une somme globale, tenant lieude mon allocation ; ou, si vous l’aimez mieux, sous forme deprêt, remboursable à mon retour. Et alors, si vous acceptez, vousm’aurez vu pour la première fois.

Mylord le regarda dans le blanc des yeux ; il avait sur lestraits un sourire dur ; mais il ne dit rien.

– Henry, dit le Maître, avec une tranquillité redoutable, et sereculant un peu, – Henry, j’ai l’honneur de vous parler.

– Retournons à la maison, me dit Mylord, comme je le tirais parla manche ; et, se levant, il s’étira, assura son chapeau, et,toujours sans une syllabe de réponse, se mit en route paisiblementle long du quai.

J’hésitai une seconde entre les deux frères, car nous touchionsà une crise aiguë. Mais le Maître avait repris son ouvrage, lesyeux baissés, la main en apparence aussi sûre que devant ; etje décidai de courir après Mylord.

– Êtes-vous fou ? m’écriai-je, dès que je l’eus rattrapé.Laisserez-vous passer une aussi belle occasion ?

– Se peut-il que vous le croyiez encore ? demanda Mylord,ricanant à demi.

– Je voudrais tant qu’il sorte de la ville ! m’écriai-je.Je voudrais le savoir n’importe où, mais pas ici !

– J’ai dit mon avis, répliqua Mylord, et vous le vôtre. Celasuffit.

Mais je tenais à faire déguerpir le Maître. L’avoir vu reprendrepatiemment ses travaux d’aiguille en était plus que je ne pouvaisdigérer. Personne au monde, et le Maître moins que tout autre,n’était capable de supporter une telle série d’outrages. Il y avaitdu sang dans l’air. Et je me jurai de ne rien négliger qui fût enmon pouvoir, s’il en était encore temps, pour détourner le crime.Ce même jour, donc, j’allai trouver Mylord dans son cabinet detravail, où, il était à écrire.

– Mylord, dis-je, j’ai trouvé un bon placement pour mes petiteséconomies. Malheureusement, je les ai laissées en Écosse ; ilfaudrait du temps pour les faire venir, et l’affaire est urgente. Yaurait-il moyen que Votre Seigneurie m’avançât la somme, sur masignature ?

Il me lança un regard scrutateur.

– Je n’ai jamais mis le nez dans vos affaires, Mackellar,dit-il. Outre le montant de votre caution, vous ne devez pas valoirun farthing, que je sache.

– J’ai été longtemps à votre service, sans jamais dire unmensonge, ni vous demander une faveur pour moi, jusqu’à cejour.

– Une faveur pour le Maître, répliqua-t-il tranquillement. Meprenez-vous pour un idiot, Mackellar ? Comprenez une fois pourtoutes que je traite cette bête féroce à ma manière ; lacrainte ni la prière ne peuvent m’en détourner ; et ilfaudrait pour me duper un leurre moins transparent que le vôtre. Jedemande à être servi loyalement ; et non à ce que l’onmanigance derrière mon dos, et que l’on me vole mon argent pour metromper.

– Mylord, dis-je, voilà des expressions tout à faitimpardonnables.

– Réfléchissez un peu, Mackellar, reprit-il, et vous verrezqu’elles s’appliquent bien à votre cas. C’est votre subterfuge quiest impardonnable. Niez, si vous l’osez, que cet argent soitdestiné à éluder mes ordres, et je vous présente aussitôt mesexcuses. Sinon, il vous faut avoir le courage d’entendre nommervotre conduite par son nom.

– Si vous croyez que mon dessein n’est pas uniquement de voussauver… commençai-je.

– Oh ! mon vieil ami, dit-il, vous savez très bien ce queje pense ! Voici ma main, et de tout mon cœur ; maisd’argent, pas un patard.

Battu de la sorte de ce côté, j’allai droit à ma chambre,écrivis une lettre, courus la porter au port, car je savais qu’unnavire allait mettre à la voile, et arrivai à la porte du Maîtreavant le crépuscule. J’entrai sans frapper et le trouvai assis avecson Indien, devant un bol de porridge au maïs et au lait.L’intérieur de la maison était propre et nu ; quelques livressur un rayon en faisaient le seul ornement, avec, dans un coin, lepetit établi de Secundra Dass.

– Mr. Bally, dis-je, j’ai près de cinq cents livres déposées enÉcosse, toute l’épargne d’une existence laborieuse. Une lettre s’enva par ce bateau là-bas jusqu’au retour du bateau, et le tout est àvous, aux mêmes conditions que vous offriez à Mylord ce matin.

Il se leva de table, s’avança vers moi, me prit par les épaules,et me regarda au visage, en souriant.

– Et vous tenez beaucoup à l’argent ! dit-il. Et vous aimezl’argent plus que toute chose, excepté mon frère !

– Je crains la vieillesse et la pauvreté, dis-je, ce qui esttout différent.

– Ne chicanons pas sur les mots, et appelons cela comme vousvoulez, reprit-il. Ah ! Mackellar, Mackellar ! si vous mefaisiez cette offre pour l’amour de moi, avec quel plaisir je mejetterais dessus.

– Et toutefois, m’empressai-je de répondre, – je rougis de ledire, mais je ne puis vous voir dans cette misérable demeure sansvous plaindre. Ce n’est pas là mon unique sentiment, ni leprincipal ; toutefois, je l’éprouve ! Je serais heureuxde vous voir délivré. Je ne vous fais pas mon offre pour l’amour devous, loin de là ; mais, comme Dieu me voit – et j’en suisémerveillé : – sans la moindre inimitié.

– Ah ! dit-il, me tenant toujours les épaules, et mesecouant tout doucement, vous m’estimez plus que vous ne croyez. Etj’en suis émerveillé, ajouta-t-il, en reprenant ma phrase et, jecrois, mon intonation. – Vous êtes un honnête homme, et c’est pource motif que je vous épargne.

– Vous m’épargnez ? fis-je.

– Je vous épargne, répéta-t-il, en me lâchant et se retournant.Puis, me faisant face de nouveau : – Vous ne savez pas encore cedont je suis capable, Mackellar ! Vous imaginiez-vous quej’avais avalé ma défaite ? Tenez, ma vie a été une successionde revers indus. Ce fou de prince Charlie, m’a fait manquer uneaffaire du plus bel avenir : là tomba ma fortune pour la premièrefois. À Paris, j’avais une fois de plus le pied surl’échelle ; cette fois-là, il s’agit d’un accident : unelettre s’égare entre les mains qu’il ne fallait pas, et me revoilàsur le pavé. Une troisième fois, j’avais trouvé mon fait ; jeme ménageai une place dans l’Inde avec des soins infinis ; etpuis Clive arrive, mon rajah est par terre, et j’échappe à lacatastrophe, tel un nouvel Énée, avec Secundra Dass sur mon dos.Trois fois j’ai mis la main sur la plus haute situation ; etj’ai à peine quarante-cinq ans. Je connais le monde comme bien peule connaîtront au jour de leur mort : – la cour et les camps,l’Orient et l’Occident ; je sais où aller, j’aperçois milledétours. Me voici arrivé en pleine possession de mes moyens,robuste de santé, d’ambition peu commune. Eh bien, tout cela, j’yrenonce ; peu m’importe si je meurs et que le monde n’entendeplus parler de moi ; je ne désire plus qu’une chose, et jel’aurai. Faites attention, quand le toit tombera, que vous ne soyezenseveli sous les ruines.

En sortant de chez lui, tout espoir d’intervention perdu, je visun rassemblement sur le bord du quai, et, levant les yeux, un grandnavire qui venait de jeter l’ancre. Il paraît singulier que j’aiepu le voir avec une telle indifférence, car il apportait la mortaux frères de Durrisdeer. Après tous les tragiques épisodes de leurlutte, les outrages, les intérêts opposés, le duel fratricide de lacharmille, il était réservé à quelque pauvre diable de Grub Street,griffonnant pour vivre, et insoucieux de ce qu’il griffonnait, dejeter un sort par-delà quatre mille milles d’océan, et d’envoyerces deux frères en des solitudes barbares et venteuses, pour ymourir. Mais cette idée était bien éloignée de mon esprit ; ettandis que tous les provinciaux étaient mis en émoi par l’animationinusitée de leur port, je traversai leur foule pour retourner à lamaison, tout occupé à me remémorer cette visite au Maître et sesdiscours.

Le même soir, on nous apporta du navire en question un petitpaquet de pamphlets. Le lendemain, Mylord était invité par legouverneur à une partie de plaisir ; l’heure approchait, et jele laissai un moment seul dans sa chambre parcourir les pamphlets.Lorsque je revins, son front était retombé sur la table, ses braslarges étalés parmi les brochures froissées.

– Mylord ! Mylord ! m’écriai-je en courant àlui ; car je le croyais en proie à une attaque.

Il se releva comme mû par un ressort, les traits défigurés parla fureur, à un tel point que, si je l’avais rencontré au-dehors,je ne l’aurais pas reconnu. En même temps, il leva le poing commepour me frapper. « Laissez-moi tranquille ! » râla-t-il, et jem’encourus, aussi vite que mes jambes flageolantes me lepermettaient, avertir Mylady.

Elle ne perdit pas de temps ; mais quand nous revînmes à laporte, celle-ci était fermée à clef, et de l’intérieur, il nouscria de le laisser en paix. Nous nous entre-regardâmes, tout pâles,– persuadés l’un et l’autre que la catastrophe était arrivée.

– Je vais écrire au gouverneur pour l’excuser, dit-elle. Il nousfaut garder nos amis influents. Mais lorsqu’elle prit la plume,celle-ci tomba des doigts : Je ne saurais écrire, dit-elle. Etvous ?

– Je vais essayer, Mylady.

Elle suivit des yeux ce que j’écrivais. « Cela suffit, dit-ellequand j’eus terminé. Grâce à Dieu, j’ai vous sur qui mereposer ! Mais que peut-il bien lui être arrivé ?Quoi ? quoi donc ? »

À mon idée, je ne voyais aucune explication possible, et je netrouvais pas nécessaire d’en chercher une ; je craignais à lavérité que la folie de mon maître ne vînt juste d’éclater, aprèsavoir couvé longtemps, comme un volcan fait éruption ; maiscette pensée (par pitié pour Mylady) je n’osais la formuler.

– Il est urgent de chercher la conduite à tenir, dis-je.Devons-nous le laisser seul.

– Je n’ose le déranger, répondit-elle. C’est peut-être la naturequi réclame la solitude ; et nous ne savons rien. Oh !oui, j’aime mieux le laisser comme il est.

– Je vais, en ce cas, faire porter cette lettre, Mylady, etreviendrai ensuite, si vous le permettez, m’asseoir auprès devous.

– Je vous en prie ! s’écria Mylady.

Tout l’après-midi, nous restâmes l’un et l’autre silencieux, àsurveiller la porte de Mylord. J’avais l’esprit occupé de la scènequi venait d’avoir lieu, et de sa singulière ressemblance avec mavision. Je dois toucher un mot de celle-ci, car l’histoire, en sedivulguant, a été fort exagérée, et je l’ai moi-même vue imprimée,avec mon nom cité comme référence. Or, voici qu’elle fut ma vision: Mylord était dans une chambre, avec son front sur la table, etquand il releva la tête, il avait cette expression qui me navrajusqu’à l’âme. Mais la chambre était tout à fait différente,l’attitude de Mylord devant la table n’était pas du tout la même etson visage, quand il le tourna vers moi, exprimait un degré péniblede fureur au lieu de cet affreux désespoir qui l’avait toujours(sauf une fois, comme je l’ai dit) caractérisé dans cette vision.Telle est la vérité que le public doit enfin connaître ; et siles divergences sont considérables, la coïncidence suffit àm’emplir de malaise. Tout l’après-midi, je le répète, je restai àméditer sur ce sujet, à part moi ; car Mylady en avait assezde ses ennuis, et il ne me serait jamais venu à l’idée de latourmenter avec mes imaginations. Vers le milieu de notre attente,elle conçut un plan ingénieux, fit chercher Mr. Alexander, et luidit d’aller frapper à la porte de son père. Mylord envoya promenerle gamin, mais sans aucune rudesse, et l’espoir me vint que l’accèsétait passé.

Comme la nuit tombait, et que j’allumais la lampe, la portes’ouvrit et Mylord apparut sur le seuil. La lumière trop faible nepermettait pas de discerner ses traits ; quand il parla, savoix me sembla un peu altérée, quoique parfaitement posée.

– Mackellar, dit-il, portez vous-même ce billet à son adresse.Il est rigoureusement personnel. Il vous faut le remettre sanstémoins.

– Henry, dit Mylady, vous n’êtes pas malade ?

– Non, non, dit-il, d’un ton agacé, je suis occupé. Pas dutout ; je suis simplement occupé. C’est une chose singulièrequ’on veuille vous croire malade, quand vous avez desaffaires ! Envoyez-moi à souper dans ma chambre, avec unpanier de vin : j’attends la visite d’un ami. Pour rien autrechose, je ne veux être dérangé. Et là-dessus il se renferma denouveau chez lui. Le billet portait l’adresse d’un certaincapitaine Harris, à une taverne du port. Je connaissais Harris (deréputation) pour un dangereux aventurier, véhémentement soupçonnéde piraterie dans le passé, et faisant alors le dur métier detrafiquant indien. Ce que Mylord pouvait bien avoir à lui dire, oului à dire à Mylord, cela passait mon imagination ; et nonplus comment Mylord avait ouï parler de lui, sinon à l’occasiond’un procès peu honorable dont cet homme s’était récemment dépêtré.Bref, je remplis ma mission à contrecœur, et d’après le peu que jevis du capitaine, j’en revins préoccupé. Je le trouvai dans unepetite pièce malodorante, assis devant une chandelle qui coulait etune bouteille vide ; il lui restait quelque chose d’une alluremilitaire, ou plutôt c’était là une affectation, car ses manièresétaient triviales. – Vous direz à Mylord, en lui présentant mesrespects, que je serai chez Sa Seigneurie dans moins d’unedemi-heure, dit-il, après avoir lu le billet ; puis il eut lavulgarité, en me montrant la bouteille vide, de vouloir me fairechercher à boire pour lui.

Je revins au plus vite, mais le capitaine me suivit de près, etil resta jusque tard dans la nuit. Le coq chantait pour la deuxièmefois quand je vis (de ma fenêtre) Mylord le reconduire enl’éclairant jusqu’à la porte, – et tous deux, affectés par leurslibations, s’appuyaient parfois l’un sur l’autre pour confabuler.Cependant dès le matin, très tôt, Mylord sortit avec cent livres enpoche. Je ne crois pas qu’il revint avec la somme ; mais jesuis sûr qu’elle n’était pas destinée au Maître, car je rôdai toutela matinée aux abords de sa boutique. Ce fut la dernière fois queMylord Durrisdeer sortit de chez lui jusqu’à notre départ de NewYork ; il se promenait dans le jardin, ou restait en famille,comme à l’ordinaire ; mais la ville ne le voyait plus, et sesvisites quotidiennes au Maître paraissaient oubliées. Quant à ceHarris, il ne reparut plus, ou du moins pas avant la fin.

J’étais alors très opprimé par l’intuition des mystères parmilesquels nous avions commencé de nous mouvoir. À lui seul, sonchangement d’habitudes dénotait que Mylord avait quelque gravesouci ; mais quel était ce souci, d’où il provenait, oupourquoi Mylord ne sortait plus de la maison ou du jardin, je ne ledevinais pas. Il était clair, jusqu’à l’évidence, que les pamphletsavaient joué un certain rôle dans cette transformation. Je lisaistous ceux que je pouvais découvrir, et tous étaient des plusinsignifiants, et contenaient les mêmes grossièretésscurriles[42] que d’habitude : voire un grandpolitique n’y eût pu trouver matière à offense déterminée ; etMylord s’intéressait peu aux questions publiques. La vérité est quele pamphlet origine de tout ne cessa de reposer sur le sein deMylord. Ce fut là que je le trouvai pour finir, après son trépas,au milieu des solitudes du Nord. C’était en un tel lieu, en d’aussipénibles circonstances, que je devais lire pour la première foisces phrases ineptes et mensongères d’un pamphlétaire whig déclamantcontre l’indulgence à l’égard des jacobites : – « Un autre Rebellenotoire, le M…e de B…e, va recouvrer son Titre. Cette Mesure a étélongtemps ajournée, car il exerçait de peu honorables Fonctions enÉcosse et en France. Son frère, L…d D…r, est connu pour ne valoirguère mieux que lui en Inclination ; et l’Héritier supposé,qui va être destitué, fut élevé dans les plus détestablesPrincipes. Selon la vieille Expression, c’est six de l’un etune demi-douzaine de l’autre ; mais la Faveur d’unesemblable Restauration est trop excessive pour passer inaperçue. »Un homme en possession de tous ses moyens ne se fût pas soucié pourdeux liards d’un conte si évidemment absurde ; que legouvernement eût conçu un tel projet, était inadmissible pour toutecréature raisonnable, sauf peut-être l’imbécile dont la plume luiavait donné naissance ; et Mylord avait beau être peubrillant, son bon sens était remarquable. Qu’il pût admettrepareille invention, et garder le pamphlet sur son sein et sesphrases dans son cœur, cela prouve sa folie jusqu’à l’évidence.Sans doute la simple mention de Mr. Alexander, et la menace dirigéecontre l’héritage de l’enfant, précipitèrent le coup si longtempssuspendu. Ou bien mon maître était réellement fou depuis quelquetemps, et nous étions trop peu perspicaces ou trop habitués à luipour discerner toute l’étendue de son mal.

Une semaine environ après la journée des pamphlets, je m’étaisattardé sur le port, à faire un tour jusqu’à la maison du Maître,comme il m’arrivait souvent. La porte s’ouvrit, un flot de lumières’étala sur la chaussée, et je vis un homme prendre congé avec dessalutations amicales. Je ne saurais dire l’impression singulièreque cela me fit de reconnaître l’aventurier Harris. Il me fallaitconclure que la main de Mylord l’avait amené ici ; et jepoursuivis ma promenade, envahi des pires suppositions. Il étaittard quand je rentrai, et Mylord était occupé à faire sa valisepour un voyage.

– Pourquoi donc arrivez-vous si tard ? s’écria-t-il. Nouspartons demain pour Albany, vous et moi ; vous n’avez que letemps de faire vos préparatifs.

– Pour Albany, Mylord ? Et dans quel but, grandDieu !

– Changement d’air, répondit-il.

Et Mylady, qui semblait avoir pleuré, me fit signe d’obéir sansautre réplique. Elle me conta un peu plus tard (quand nous eûmes leloisir d’échanger quelques mots) qu’il avait soudain manifesté sonintention après une visite du capitaine Harris, et que toutes sestentatives, aussi bien pour le détourner de ce voyage que pourobtenir l’explication de son but, avaient eu aussi peu desuccès.

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