Le Moine

Le Moine

de Matthew Gregory Lewis

Somnia terrores magicos, miracula,

sagae nocturnoslemures, portentaque… [Horace]

Songes,terreurs magiques, miracles,

magiciennes,spectres nocturnes et

présages menaçants.

Imitation d’HoraceEp. 20-L 1

AVERTISSEMENT DE L’AUTEUR

La première idée de ce roman m’a été suggérée par l’histoire de Santon Barsisa, relatée dans le Guardian. – La Nonne sanglante est une tradition à laquelle on continue d’ajouter foi dans plusieurs parties de l’Allemagne ; et j’ai ouï dire que les ruines du Château de Lauestein, où elle est censée revenir, se voient encore sur les confins de la Thuringe. – Le Roi des eaux, de la troisième à la douzième stance, est un fragment d’une ballade danoise ; – et celle de Belerma et Durandarte est traduite de quelques strophes qui se trouvent dans un recueil de vieille poésie espagnole, lequel contient aussi la chanson populaire de Gayferos et Melesindra, dont il est parlé dans Don Quichotte. – Voilà ma confession pleine et entière des plagiats dont je me sais coupable ; mais je ne doute pas qu’on n’en puisse découvrir bien d’autres dont, en ce moment, je n’ai pas le moindre soupçon.

PRÉFACE DE L’AUTEUR

Il me semble, ô livre vain et sansjugement ! que je te vois lancer un regard de désir là où lesréputations s’acquièrent et se perdent dans la fameuse rue appeléePater-Noster. Furieux que ta précieuse olla podrida soitensevelie dans un portefeuille oublié, tu dédaignes la serrure etla clef prudentes, et tu aspires à te voir, bien relié et doré,figurer aux vitres de Stockdale, de Hookham ou de Debrett. Va donc,et passe cette borne dangereuse d’où jamais livre ne peutrevenir ; et quand tu te trouveras condamné, méprisé, négligé,blâmé et critiqué, injurié de tous les lecteurs de ta chute (sitant est que tu en aies un seul), tu déploreras amèrement ta folie,et tu soupireras après moi, mon logis et le repos.

Maintenant, faisant l’office de magicien,voici la destinée future que je te prophétise : dès que tanouveauté sera passée, et que tu ne seras plus jeune et neuf,jetées dans quelque sombre et sale coin, moisies et toutescouvertes de toiles d’araignée, tes feuilles seront la proie desvers ; ou bien, envoyées chez l’épicier, et condamnées à subirles brocards du public, elles garniront le coffre ou envelopperontla chandelle.

Mais dans le cas où tu obtiendraisl’approbation et où quelqu’un, par une transition naturelle, seraittenté de t’interroger sur moi et sur ma condition, apprends auquestionneur que je suis un homme ni très pauvre, ni trèsriche ; de passions fortes, d’un caractère pétulant, d’unetournure sans grâce et d’une taille de nain ; peu approuvé,n’approuvant guère ; extrême dans la haine et dansl’amour ; abhorrant tous ceux qui me déplaisent, adorant ceuxpour qui je me prends de fantaisie ; jamais long à former unjugement, et la plupart du temps jugeant mal ; solide enamitié, mais croyant toujours les autres traîtres et trompeurs, etpensant que dans l’ère présente l’amitié est une purechimère ; plus emporté qu’aucune créature vivante ;orgueilleux, entêté et rancuneux ; mais cependant, pour ceuxqui me témoignent de l’affection, prêt à aller à travers feu etfumée.

Si encore on te demandait : « Jevous prie, quel peut être l’âge de l’auteur ? » tesfautes, à coup sûr, l’indiqueront : j’ai à peine vu mavingtième année, qui, cher lecteur, sur ma parole, arriva lorsqueGeorge III occupait le trône d’Angleterre.

À présent donc, poursuis ta courseaventureuse ; allez, mes délices… cher livre, adieu !

La Haye, 28 octobre 1794.

M. G. L.

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