Le Monastère des frères noirs

CHAPITRE VIII.

On se figurerait difficilement le dépit qui s’empara de l’âme de Francavilla et de Grimani ; la terreur produite par la présence d’un être surnaturel fut suspendue pour faire place à la certitude qu’ils avaient d’avoir pu se laisser prendre à un piège qui tendait sans doute à les arracher sans violence de leur chambre pour les plonger dans les ténèbres d’un cachot, où peut-être ils devaient trouver le terme de leur vie. Cette pénible pensée, qu’ils n’eurent pas besoin de se communiquer, les jeta dans un découragement extrême ; ils s’embrassèrent étroitement, et déplorèrent leur aveugle imprévoyance.

Quel espoir pouvait leur rester ? de quelle manière pouvaient-ils se flatter de sortir de ce lieu de désolation ? quels seraient les amis qui parviendraient à les secourir ? les saurait-on dans cet infernal monastère, et pourrait-on deviner qu’ils seraient venus eux-mêmes se précipiter au devant des fers de leurs ennemis ?

Tandis qu’ils se livraient en silence à ces tristes réflexions, une lueur, venant d’un point élevé de leur prison, mais dont le foyer leur était inconnu, illumina tout à coup les objets environnans ; et à quel comble ne fut point portée la douloureuse terreur de Lorédan, lorsque les rayons de cette vive lumière, qui augmentait à chaque instant, se réfléchirent sur une draperie d’un rouge éclatant, qu’il reconnut pour être ce fatal étendard de la mort que les brigands lui avaient annoncé comme devant précéder toujours l’heure d’une de ses calamités, et qu’au-dessus de ce drapeau funeste il lut en frémissant ces mots provocateurs écrits sur une banderolle : À toi, marquis de Francavilla, à toi !!

Dès ce moment, les doutes du baron d’Altanéro et du jeune Grimani se trouvèrent tous éclaircis ; et, par un mouvement spontané, se rapprochant de nouveau, ils se serrent dans leurs bras, et à voix basse se font une mutuelle exhortation qui devait les préparer à la mort. Mais les bourreaux ne venaient pas encore, tout était silencieux autour d’eux, et cette attente était pour ces infortunés mille fois plus affreuse que la réalité du péril.

Cependant ils entendirent la cloche du monastère s’ébranler une seconde fois ; elle s’agita d’abord lentement, puis ses sons devinrent plus précipités. La clarté qui brillait dans le réduit servant de prison à nos héros, à chaque minute augmentait ; ils purent alors voir aisément les objets qui les environnaient, ils se trouvèrent dans une cellule assez étroite, mais longue ; à droite et à gauche étaient deux portes et une vaste boiserie revêtait tout le côté de la muraille qui laissait, de sa partie supérieure sans doute, échapper la lumière qui leur avait donné la triste assurance de leur mauvais sort.

Malgré leur abattement extrême, Francavilla et Grimani résolurent de ne pas se rendre sans avoir, par une défense opiniâtre, puni l’odieuse trahison dont ils étaient la victime ; ils s’adossèrent à la boiserie afin de ne pas être surpris par derrière ; et d’ailleurs cette position était d’autant plus avantageuse, qu’elle devait empêcher les assassins qu’on leur enverrait de les voir à leur aise ; tandis qu’eux, au contraire, à l’aide de la clarté qui venait au-dessus de leurs têtes, pourraient facilement choisir la place où ils voudraient porter leurs coups.

Cependant le calme de leur solitude fut troublé ; ils entendirent dans le lointain un bruit sourd de pas et un murmure confus de voix ; de temps en temps un son éclatant, tel que celui de deux corps durs et retentissans qui se heurtent l’un contre l’autre, parvenait jusqu’à eux ; ils ne doutèrent pas que leurs ennemis ne s’approchassent ; ils virent que l’instant du péril ne pouvait plus être retardé, et à chaque minute, ils s’attendaient à voir fondre dans la cellule une troupe homicide de brigands ou de Frères-Noirs.

Au milieu de cette cruelle anxiété, les yeux de Lorédan étaient sans cesse, et comme malgré lui, ramenés sur le sinistre étendard, il ne pouvait en détacher sa vue, malgré l’horreur qu’il devait en ressentir. Ainsi, dit-on, l’oiseau rapide, la souple belette, attirés par les yeux dévorans et impérieux d’un énorme serpent, cherchent vainement à se détourner de l’aspect du monstre ; une force irrésistible les y ramène toujours ; et soumis enfin au plus horrible ascendant, ils vont eux-mêmes se jeter dans la gueule ouverte de leur ennemi qui les attend sans bouger de la place où il est assuré de les voir accourir.

Lorédan faisait de même : cette sanglante bannière, ces horribles signes de notre destruction, apportaient la terreur et le désespoir dans son âme, et à chaque moment, par une impulsion involontaire, il répétait l’homicide défi, À toi, marquis de Francavilla, à toi !

L’horrible position des deux amis durait encore ; le même bruit dont nous avons parlé continuait à se faire entendre, toujours dans un pareil éloignement ; rien n’annonçait que les brigands s’avançassent, lorsqu’un nouvel incident vint donner un autre cours aux sensations pénibles de Lorédan et de Grimani. Dans ce moment d’épouvante et d’angoisses, une musique éclatante et délicieuse venant frapper leur oreille, fit entendre ses sons ravissans…

Que pouvait-ce être ? qui, dans cette heure d’agonie, pouvait ainsi chercher à augmenter leur supplice par le contraste de cette mélodieuse harmonie ? Leur esprit se perdait dans les plus vagues conjectures ; tout à coup un chœur de voix se fait entendre ; il chante les louanges du Seigneur, et les hymnes qui vantent la miséricorde du souverain auteur de toutes choses viennent se mêler aux préparatifs de la plus affreuse vengeance.

On appréciera facilement toute l’amertume, toute la bizarrerie d’une situation semblable. Oh ! qu’il tardait à nos pélerins d’en sortir ! Ami ou ennemi ils avaient besoin que quelqu’un se présentât à eux. Une pensée douloureuse les affligeait : « Se pourrait-il, se disaient-ils ensemble, que nos ennemis, par un sacrilège rapprochement, voulussent mêler à l’appareil de notre supplice les cérémonies destinées à nos cadavres, lorsqu’ils ne demanderont plus que le repos d’une tombe froide et silencieuse. »

Ce discours fut interrompu par un bruit léger, ils virent la porte opposée à celle par où ils avaient fait leur entrée dans cette prison d’une nouvelle espèce, s’ouvrir en roulant avec lenteur. « Les voici, s’écrient-ils dans leur désespoir. » Ils font un appel à leur courage, se préparent à repousser vigoureusement de misérables assassins… Ils s’étaient trompés : leur mystérieux conducteur, ce fantôme auquel ils ont obéi, se présente seul, il referme avec précaution la porte, puis venant à eux, et voyant les épées qui arment leurs mains, il s’arrête, lève les bras au ciel, puis leur fait signe de remettre ces fers dans leurs fourreaux.

Les amis hésitent ; ils vont parler à haute voix, le fantôme s’élance vers eux, et sans paraître les craindre, pose précipitamment son doigt sur leurs bouches, leur disant, d’une voix étouffée par la terreur : Silence, ou la mort ! Son action, si elle étonna ceux qui la virent, servit du moins à les rassurer un peu ; ils commencèrent à croire que le monastère des Frères-Noirs pouvait renfermer des cœurs honnêtes ; et soit que leur guide fût du nombre de ces mortels généreux, soit qu’il appartînt depuis long temps à la tombe, et qu’il eût reçu du Très-Haut, la mission de veiller au soin de leur conservation, ils se résolurent à lui obéir en tout, et en même temps leur langue demeura muette, et leurs épées rentrèrent dans leur place accoutumée.

Satisfait de leur docilité, l’être qui leur commandait d’une manière aussi extraordinaire, passant au milieu d’eux, les écarta l’un de l’autre, puis arrivant jusqu’à la boiserie dont nous avons déjà parlé, il l’agita ; elle céda à ses efforts, et un volet se détachant du reste, laissa voir à nos aventuriers une grille légère prenant jour sur une tribune, et par laquelle on pouvait apercevoir toute la partie droite de l’église du monastère de Santo Génaro ; cette vue, à laquelle ils étaient loin de s’attendre, dissipa soudain la plus grande partie de leur terreur ; en leur donnant l’explication de plusieurs mystères qui, jusqu’alors, leur avaient paru des prodiges, ils virent que la clarté dont leur chambre était illuminée provenait des lampes et des cierges sans nombre allumés dans l’église, et qui parvenait à eux par le dessus de la boiserie découpée en ornemens. Le murmure confus de voix, les chants, trouvèrent leur explication naturelle : les religieux disaient leur office, et en se plaçant dans leurs stalles, ils avaient dû faire le bruit éclatant dont nous avons rendu compte, et un orgue, placé dans le lointain au-dessus de la grande porte, était la cause des sons harmonieux qui avaient tant surpris les nobles pélerins.

En portant autour d’eux leurs regards avides, ils virent que, grâce à la grille dorée placée devant eux, ils pouvaient tout observer sans être aperçus des gens placés dans l’église. Leur tribune faisait face au trône abbatial, un personnage d’une haute taille, mais entièrement couvert du costume des Frères Noirs, l’occupait. On ne pouvait reconnaître ses traits, car ils étaient ensevelis sous un immense capuce rouge, marque sans doute de sa dignité, et les pélerins ne doutèrent pas que ce ne fût le père abbé chef de leurs persécuteurs, et celui qu’ils avaient le plus intérêt à reconnaître.

Tous les autres moines imitaient le recueillement de leur supérieur ; tous comme lui, se voilaient le visage, un seul n’avait pas pris cette précaution, et son aspect détruisit un soupçon de Lorédan. Il le reconnut pour le jeune religieux qui lui avait dit en passant auprès de lui le mot si agréable d’espérance ; et dès-lors ce ne pouvait être celui qui, vêtu d’une manière si effrayante, les accompagnait en ce moment.

Francavilla aussi ne douta pas qu’en les conduisant dans cette tribune on n’eût voulu les mettre à même de distinguer les traits de leur principal ennemi ; aussi s’obstinèrent-ils à ne pas détourner leurs regards de dessus sa personne, afin de profiter du premier moment où il lèverait son capuchon.

L’office continuait ; une cérémonie exigea que l’abbé sortît de sa place ; quatre religieux vinrent le chercher accompagnés de plusieurs acolytes portant des flambeaux d’or, et tous ensemble marchèrent vers l’autel. Ce fut là que l’abbé rejetant son voile sur ses épaules parut à visage découvert ; mais, malgré cette circonstance avantageuse, ni Lorédan ni Amédéo ne purent en profiter. La tribune où ils étaient se trouvait placée à la moitié du maître-autel, de façon qu’on ne pouvait voir que le dos du célébrant et non pas sa figure. Il demeura pendant quelques minutes prosterné sur les degrés de la table sainte, à l’instant où ses compagnons se retournant, et il y avait à présumer qu’il en ferait de même, et qu’alors ses traits se manifesteraient, il s’enveloppa de nouveau soigneusement dans son capuce, et revint lentement vers son trône.

C’est la première fois qu’il en agît ainsi, murmura, d’une voix presque inintelligible, le conducteur des pélerins, est-ce un pressentiment que lui envoie la providence ! » Surpris de ces paroles, comme il est facile de l’imaginer, Francavilla allait en demander l’explication, lorsqu’un signe de garder le silence lui fut fait, et le fantôme lui ordonna de reprendre sa place.

Une nouvelle surprise naissait dans le cœur de Lorédan ; par deux fois la voix de leur guide, quoi qu’étrangement troublée, était venue frapper son oreille, et il avait cru qu’elle ne lui était pas inconnue ; plus il réfléchissait, plus il acquérait la certitude que déjà, dans le cours de sa vie, il l’avait entendue. Oh ! combien était grande son envie de s’expliquer sur ce point ! mais à chaque mouvement que ses lèvres voulaient faire, un silence profond lui était recommandé ! et rendu prudent par la présence constante du danger, il n’osait désobéir à celui qui devait connaître le péril d’une parole indiscrète.

Cependant l’office tirait vers sa fin ; les religieux venaient processionnellement défiler devant l’abbé. Ce fut en ce moment que le guide des pélerins, les tirant par le bras, leur donna le signal de la retraite, il les ramena par les mêmes passages qu’ils avaient déjà parcourus et la lueur qui le devançait continua à les éclairer. Il les engagea par son exemple à presser leur course, et en peu de temps ils arrivèrent devant la porte de la salle des voyageurs. Là, leur guide commanda à Grimani, toujours par un geste, de pousser lui-même les verroux ; et tandis qu’il prenait ce soin, le fantôme s’approchant de Lorédan, lui rendit dans la main un papier roulé ; puis s’avançant encore davantage, le serra dans ses bras à plusieurs reprises, et parut verser des larmes et pousser des sanglots étouffés. C’en était trop pour Francavilla ; oubliant toute prudence, poussé par son émotion et sa curiosité : qui êtes-vous, dit-il ? pourquoi ne pas vous faire connaître ?… Le mystérieux personnage, à ces mots prononcés à haute voix, paraît épouvanté ; il se hâte de faire le signe du plus profond silence ; s’échappe des mains de Lorédan qui le retenait, le prend et l’oblige d’entrer dans la chambre où Amédée se trouvait déjà, et puis en poussant la porte la referme à l’aide des verroux.

Un long étonnement empêcha d’abord les deux amis de s’expliquer, à voix basse, leur inconcevable surprise ; tout leur paraissait, avec raison, étrange dans les événemens qui avaient eu lieu depuis leur entrée dans le couvent de Santo-Génaro ; mais ce qui par-dessus tout leur paraissait inexplicable c’était la conduite de leur guide, véritable labyrinthe dans lequel ils ne pouvaient rien démêler. Lorédan était si peu à lui-même, que de long-temps il ne songea pas au papier qu’on lui avait remis, et que machinalement il roulait dans ses doigts. Cependant peu à peu leurs idées se raffermirent, et alors Francavilla, se rapprochant de la lampe dont leur chambre était éclairée, s’occupa à lire ce billet.

« Lorédan (avait-on écrit), car nul autre que toi n’aurait assez de courage pour oser pénétrer dans le monastère des Frères Noirs, en quel lieu t’a jeté ton imprudence ? Sais-tu quel est ton ennemi ? le peux-tu même soupçonner ? non sans doute ; et celui qui t’écrit n’osera pas te le nommer. Si par une fatalité malheureuse, tes yeux ne peuvent le reconnaître cette nuit, il importe à ton repos, à celui de ceux qui te sont chers que tu ne quittes pas encore Santo Génaro. Feins, toi ou ton compagnon, une indisposition subite ; demande alors à être conduit à l’infirmerie ; là, on aura plus de facilité pour communiquer avec toi ; mais redouble de prévoyance ; songe que des yeux sinistres et vigilans éclaireront toutes tes démarches ; qu’on épiera tes actions les plus innocentes ; car où le crime se trouve, l’inquiétude et la crainte doivent se rencontrer. Brûle ce papier ; qu’il n’en reste point de trace ; le péril est partout : prudence, discrétion.

» P.S. J’oubliais de t’apprendre que les paroles sinistres par lesquelles on t’a menacé ici, sont le passeport de tous les brigands qui se trouvent mêlés à un petit nombre de pieux cénobites, dignes par leurs vertus de se voir délivrés du joug qui pèse sur eux ; tu seras leur libérateur ; et puissent les mots destinés à signaler ta perte, a toi marquis Francavilla, à toi ! devenir ceux qui en trompant tes adversaires assureront leur châtiment.

Lorédan demeura charmé d’avoir reçu un avis de cette importance ; il avait maintenant la certitude la plus complète que des amis veillaient sur lui ; mais qui pouvait être le chef de ses protecteurs ? à quel cœur fidèle le ciel avait-il confié le soin de sa défense ? Cette pensée l’occupait ; tout-à-coup comme frappé d’un trait de lumière, « oh ! Grimani, s’écria-t-il d’une voix étouffée, je le connais, ce généreux protecteur, et quel autre pourrait prendre ma défense. C’est toi, Luiggi, oui, c’est toi. » – « Que dites-vous, repartit Amédéo, est-ce du prince Montaltière que vous parlez ? » – « Et de qui donc pourrais-je, si ce n’était de lui avoir cette opinion. Voyez, Grimani, voyez comme avec lui tout s’explique. Vous le savez, dégoûté du monde ; il chercha la solitude, il vint sans doute la trouver dans le monastère des Frères Noirs. Là, par la volonté du ciel, il fut instruit des complots qu’on machinait contre moi : sa tendresse en fut alarmée, et depuis ce moment il veille à ma sûreté ; j’ai reconnu sa voix, lorsque dans la tribune de l’église il me recommanda la discrétion ; mon oreille et mon cœur en ce moment ne se trompèrent pas ; vous en faut-il une nouvelle preuve ? rappelez ces embrassemens qu’il vient de me prodiguer avant de se séparer de nous, et reconnaissez dans tous ces témoignages le meilleur comme le plus noble des amis. »

La chose parut plus que probable à Amédéo, et lui aussi en demeura convaincu. « Combien il me tarde, dit-il à son tour, de me trouver en présence de ce fantôme, jusqu’à cette heure l’objet de mon involontaire terreur ; avec quel empressement je lui demanderai des renseignemens sur la charmante fille dont il fit sans doute son émissaire. Il pourra peut-être me donner des nouvelles sur son sort, et alors nos divers buts se trouveront remplis, et nous pourrons revenir plus contens à Altanéro. »

Lorédan sourit de la chaleur avec laquelle son jeune cousin s’exprimait ; il lui promit de ne pas négliger auprès de Luiggi les éclaircissemens qui pourraient le conduire à connaître la position véritable de la belle inconnue. « Vous le voyez, poursuivit-il, comme tout devient facile à expliquer avec mon idée que Luiggi a été notre conducteur. Est-il extraordinaire que les tablettes d’Ambrosia se soient par hasard trouvées dans ses mains au moment de sa brusque retraite. Conduit par moi chez le duc Ferrandino, cette maison était devenue la sienne ; on aimait, on y appréciait ses aimables qualités ; il avait plusieurs portraits de Ferdinand son frère, et il a mis l’un d’eux dans les précieuses tablettes. Oui, voilà maintenant la vérité connue sous tous les points et mon inquiétude en partie dissipée. »

Je n’opposerai à toutes vos probabilités, répliqua Grimani, qu’une seule objection, et je vais vous la faire. Pourquoi, si votre protecteur dans cette maison était le prince Luiggi, ne s’est-il pas fait connaître, soit en nous parlant, soit en vous écrivant dans les tablettes que vous deviez livrer aux flammes ; et pourquoi enfin, n’y reconnaissez-vous pas son écriture.

Je puis, répartit Francavilla, vous répondre d’une façon, j’ose dire victorieuse. Luiggi est peut-être lié à l’association des Frères Noirs par quelque serment terrible que sa conscience ne lui laisse pas le droit d’enfreindre ; peut-être a-t-on exigé de lui, ceux qui l’ont mis au fait de cette trame odieuse de ne point paraître s’en mêler. Dès-lors, est-il extraordinaire que, pour m’écrire, il se soit servi d’une main étrangère ; il ne me paraît point probable qu’il soit seul ici, ses immenses richesses lui donnant la possibilité de gagner bien des serviteurs par l’appât irrésistible de grandes récompenses. Déjà je lui connais trois émissaires ; la jeune fille de la prairie, le vieillard Stéphano et le religieux qui, hier au soir, m’a parlé d’Espérance ; peut-être même faudrait-il encore y joindre ce Jacomo dont Stéphano nous a fait l’éloge. Vous voyez, Amédéo, que Montaltière déploie en ma faveur des moyens extraordinaires ; et le 22 de ce mois, si j’en crois ce qu’on nous a dit naguères, je puis espérer d’être complètement éclairci ; c’est peut-être le moment où mon ami pourra s’expliquer avec moi, sans manquer à ses promesses.

Grimani convint que tout ce que Lorédan venait de dire, était marqué du sceau de la vraisemblance ; cependant comme l’horloge principale du monastère venait de sonner trois heures du matin, il demanda à Francavilla s’il ne serait pas temps d’essayer à chercher le repos, avec d’autant plus de plaisir que leur inquiétude devait être bien diminuée. Lorédan accéda à sa proposition, mais avant de se livrer au sommeil, il voulut brûler le billet qu’il avait reçu comme on le lui avait conseillé ; puis ils convinrent que le baron d’Altanéro serait celui qui feindrait une maladie ; et ces divers soins pris, ils entrèrent dans leur couche, où leurs yeux ne tardèrent pas à se fermer.

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