Le Monastère des frères noirs

PRÉFACE.

L’esprit humain, en dépit des efforts qu’on veut tenter afin de le pousser vers la route du positif, aime à figurer dans le pays des chimères. Les contes de nos aïeules ont des charmes auxquels s’abandonnent les imaginations les moins exaltées ; et, par suite, en dépit de l’anathème que lancent maints censeurs contre le genre du roman à mystères ou à merveilles, il est encore celui qui trouve un plus grand nombre de lecteurs. La réalité, en général, est peu gracieuse ; les jouissances qu’elle nous procure manquent à tel point de vivacité, qu’on ne peut trouver étrange, si, pour y suppléer, nous nous jetons au milieu des illusions agréables ou attachantes, destinées à nous faire oublier nos chagrins permanents, ou nos inquiétudes momentanées. Des sensations fortes sont également nécessaires après les agitations politiques. On ne peut, tout d’un coup, passer au calme complet d’une vie ordinaire ; et l’âme vivement émue a besoin, pour revenir à son état habituel, de porter son attention sur des ouvrages qui remplacent, en apparence, la tourmente qui vient de finir. À la suite du règne exécrable de la terreur, quand la France entière échappait à la hache du crime, les romans de Lewis, d’Anne Radcliff, etc., furent recherchés avec avidité. Les événements de 1814 et 1815, remettant les opinions en présence, et portant, de nouveau, de pénibles sentiments dans les cœurs, rendirent nécessaire le même genre de lecture. Alors parurent aussi les écrits intéressants de Jean Mayard, de Melmoth, de Frankheintein, de Han d’Islande, etc., tous goûtés du public, qui les parcourait avec avidité. À la même époque, nous osâmes essayer de crayonner de pareils tableaux ; et le goût du temps l’emporta, sans doute, sur les défauts de nos œuvres, qui obtinrent un succès peu mérité. L’Hermite de la Tombe, Tête de Mort, les Mystères de la Tour de Saint-Jean eurent aussi plusieurs éditions : et voici, en moins de quatre mois, la seconde du Monastère des Frères Noirs. Il est vrai que les temps ont changé, et que les idées entièrement désassombries, doivent se tourner vers de plus riants objets. La concorde et la paix qui pour nous renaissent avec le nouveau règne, semblent rendre moins nécessaires des lectures pareilles à celles de notre roman. Nous espérons néanmoins qu’au milieu de la félicité publique, il restera aux amateurs du Mystérieux quelque désir de reprendre, par intervalle, ce qui les intéressa autrefois.

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