Le Monastère des frères noirs

CHAPITRE XXIII.

Cependant le jour de la noce approchait. Francavilla ne sortait plus du château de son beau-père, et Amédéo, un jour, ne voulut pas l’y l’accompagner. Depuis long-temps il éprouvait le désir d’aller chasser ; il se rappelait que depuis le jour où il avait rencontré la belle villageoise, ce divertissement n’était plus devenu le sien ; il laissa partir Lorédan, et lorsque ce seigneur se fut éloigné, il descendit dans la campagne, escorté de deux écuyers et de quelques valets.

Sa course le mena d’abord vers les lieux dont le souvenir ne sortait pas de sa mémoire. Il revint sur cette prairie funeste où l’objet de ses pensées lui fut enlevé ; il visita les routes boisées qu’elle avait parcourues sous la conduite de Stéphano ; la chasse fut oubliée ; il ne s’occupa plus qu’à se rappeler le passé.

Assurément Grimani devait avoir rencontré dans sa vie des visages autant séduisans que ceux de cette inconnue ; mais comme il avait pu les contempler tout à son aise, comme rien d’extraordinaire ne se mêlait au charme produit par une rare beauté, son âme était demeurée tranquille ; et n’avait pas songé à aimer.

Mais, en cette occasion, tout était sorti de la marche commune des choses ; une circonstance particulière lui avait montré une jeune fille brillante d’attraits, annonçant, par sa tournure, par ses gestes, ses discours, une naissance qui n’était pas en rapport avec ses habits ; elle avait tout-à-coup disparu, ravie par une troupe criminelle, et, depuis cet instant, son existence était enveloppée d’un profond mystère.

Voilà les filets que l’amour, avec adresse, avait tendus autour du cœur d’Amédéo ; la ruse avait réussi à celui qui sait triompher de tous les obstacles. Grimani aimait ; et plus des traverses s’élevaient entre lui et l’inconnue, plus il se faisait le serment de les surmonter. À l’instant où nous décrivons sa promenade plutôt que sa chasse, il lui vint plusieurs fois dans la pensée de rentrer dans la forêt, d’aller retrouver Stéphano, de chercher, par ses supplications, à lui arracher la connaissance des secrets qu’il s’était obstiné à lui cacher.

Cependant d’autres réflexions contrariaient cette pensée ; il s’exagérait la difficulté qu’il trouverait à faire librement le voyage : pourrait-il reconnaître les sentiers par où il fallait passer ? rencontrerait-il même Stéphano dans sa cabane ? et, dans ce dernier cas, s’il le voyait, ne serait-ce pas en la compagnie de ces abominables bandits ? Il y avait assurément plus que de l’audace à courir vers ces nouveaux périls ; d’ailleurs quels en seraient les résultats ? pouvait-il espérer d’obtenir maintenant du vieillard ce qu’il lui avait refusé naguère ? la position des choses n’était point changée, et n’était-elle pas la même ? Luiggi persistait à s’envelopper de mystères ; il avait refusé de se faire connaître, puisque, depuis le jour de la scène de la cathédrale de Palerme, il s’était soustrait à tous les regards, et ne venait pas soulever le voile qui le couvrait ; dès lors pouvait-on se flatter de faire parler l’un de ses agens ? cela paraissait difficile, et peut-être même était impossible.

Dans cette fluctuation d’idées, Grimani se décida d’attendre encore quelque temps avant de prendre une détermination dernière ; il voulut croire que le temps, le grand maître de toutes les destinées humaines, viendrait à son secours en lui fournissant des lumières inattendues. Ce parti, momentanément pris, il continua sa course dans les champs, et ne rentra que vers le milieu de la journée.

Pressé par la fatigue de venir changer de vêtement, il écouta peu les nouvelles représentations de son oncle. Le marquis Mazini n’eût pas voulu qu’on sortît du château sans se faire accompagner d’une suite nombreuse ; son imagination, perpétuellement alarmée, lui faisait redouter partout les embûches des Frères-Noirs ; aussi commençait-il à chapitrer vertement Amédéo sur son imprudence ; mais, comme nous l’avons dit, le jeune seigneur, ayant un vif désir de prendre du linge frais, il se hâta d’échapper à la remontrance, et courut dans son appartement.

Ses premiers regards, en y rentrant, se portèrent sur une lettre singulièrement pliée et placée au milieu d’une table en mosaïque ; il la prit, et y lisant son adresse sur la suscription, il en brisa le cachet, impatient, comme il était, de lire ce qu’elle contenait.

« Baron Amédéo Grimani, lui disait-on, vos inquiétudes sont connues par celui qui correspond avec vous. Un peu de réflexion eût pu vous enseigner à démêler la vérité, des mensonges sous lesquels on la cache ; mais puisque votre aveuglement vous trompe, il faut venir à votre secours. La nuit prochaine, à une heure du matin, trouvez-vous dans le portique où vous fûtes surpris dernièrement par le maître du château ; il y viendra lui-même ; faites en sorte qu’il ne vous voie pas ; suivez-le en observant le plus profond silence ; peut-être par cette conduite prudente obtiendrez-vous les lumières que vous souhaitez de voir briller à vos yeux. »

Amédéo relut plusieurs fois cette épître mystérieuse ; sa première idée fut qu’un ennemi lui tendait un piège en voulant séparer sa cause de celle de Lorédan ; et en conséquence il se décida à faire part à celui-ci de l’avis qu’on lui donnait ; mais il ne tarda pas à s’élever de contraires sentimens dans son cœur. On paraissait vouloir le conduire à une importante découverte ; on lui reprochait son opiniâtreté à ne pas vouloir deviner ce qui se passait autour de lui, et le souvenir lui revint alors de cette course nocturne faite par Francavilla dans l’intérieur du château, et dont il crut que le marquis lui avait mal expliqué le vrai motif.

D’ailleurs ne lui offrait-on pas les moyens de parvenir à la connaissance de la chose qui lui importait le plus ; et que pouvait-elle être si, dans ce moment, elle ne regardait pas son inconnue. Ces diverses réflexions le surprirent de telle sorte qu’il oublia l’amitié de Lorédan, ses vertus, sa loyauté ; et, tout en croyant ne céder qu’à un vif sentiment de curiosité, il se rendit coupable du premier de tous les crimes envers un ami, celui de douter de son attachement et de sa franchise. La résolution fut donc prise par lui de se taire au moins jusqu’au lendemain, d’attendre le résultat de la course qu’il prétendait faire durant la nuit suivante.

Le retour de Lorédan, pour la première fois, ne satisfit pas Grimani ; il se trouvait mal à son aise devant celui dont il commençait à se séparer ; tel est l’effet d’une conduite incertaine, jamais elle ne plaît au cœur qui l’emploie, il s’en dépite lui-même si, par hasard, il n’en rougit pas, tant la dissimulation déplaît à la conscience, tant elle a de mépris pour tout ce qui s’écarte du droit chemin.

Francavilla était le plus heureux des hommes ; ce jour-là même l’archevêque de Palerme était arrivé ; et, avec lui, venait la certitude que le jour de son mariage n’éprouverait pas de retard. Nous n’avons pas cru devoir parler du voyage de ce prélat ; il venait, suivant sa promesse, et ce n’était pas un extraordinaire événement.

L’archevêque parla à Lorédan de son désir qui lui enjoignait d’aller le lendemain à Rosa-Mariani, visiter le duc Ferrandino et la belle fiancée. Lorédan s’empressa de lui promettre de le suivre, et engagea Amédéo à venir pareillement avec lui. Comme Grimani ne pouvait prévoir ce que pourrait amener la nuit prochaine, il balança à donner une réponse précise ; mais son ami le pressa avec tant de chaleur, lui parla avec une telle tendresse que non-seulement il le décida à se rendre à ses désirs, mais encore Amédéo, poussé par une heureuse inspiration, allait faire plus encore, car il était prêt à le tirer à part, et à lui raconter l’incident de la lettre, lorsqu’un propos de Lorédan, que ce dernier répéta plusieurs fois, changea, tout-à-coup sa dernière résolution. Le marquis prétendit, à diverses reprises, que, comme il devait se lever de très-bonne heure au jour suivant, il aurait besoin le soir de ne pas prolonger la veillée, et il demanda la permission à ses hôtes de lui permettre de faire une prompte retraite.

Ce désir, si en opposition avec ce que Francavilla devait faire d’après la lettre reçue par Amédéo, donna fort à penser à celui-ci, et sa curiosité se réveilla avec une nouvelle violence, aussi retint-il dans son cœur le secret que ses lèvres étaient sur le point de laisser échapper.

En voyant l’archevêque de Palerme, Lorédan, dès qu’il put lui parler en particulier, lui demanda des nouvelles de Ferdinand, et si sa position était empirée.

« – Non, lui répondit le prélat, la science de celui qui le soigne n’a pas été en défaut ; Valvano est toujours dans l’état qu’il avait prédit ; son pouls est bien, tandis que ses yeux sont couverts de profondes ténèbres et que sa langue est enchaînée ; les jours marqués par le chirurgien s’écouleront avant que l’usage de ses facultés lui soit rendu ; je n’ai pu par conséquent, tirer de lui les éclaircissemens que j’étais en droit d’attendre. »

Le prélat parlait encore, lorsqu’on lui annonça un messager des Frères Noirs. Comme en ce moment les seuls personnages qui se trouvaient dans le salon étaient Francavilla, Mazini et Amédéo, l’archevêque ordonna qu’on le fît entrer ; et quelle dut être la surprise des deux cousins, en reconnaissant dans cet envoyé l’insolent prieur de Santo Génaro, dont Lorédan dans son particulier avait tant à se plaindre. Ils admirèrent l’audace qui le conduisait dans Altanéro ; pour lui, affectant une complète tranquillité et le calme de l’innocence, il se prosterna devant l’archevêque en lui remettant les dépêches de son supérieur.

Le prélat, après lui avoir demandé son nom et son emploi dans le monastère, lui commanda de se lever ; il prit le paquet pour le lire, n’étant pas médiocrement étonné de son contenu. La première pièce était une lettre du père abbé qui se plaignait respectueusement à l’archevêque de la facilité de ce dernier à écouter les mauvaises impressions que la malignité cherchait à répandre contre lui. Il prétendait qu’à la seule jalousie de plusieurs ordres religieux, leurs concurrens, il fallait attribuer tous les bruits calomnieux dont on outrageait la conduite des Frères Noirs ; que ceux-ci, renfermés dans leur couvent, s’y livraient à de pieux exercices, et n’allaient point, ainsi qu’on ne craignait pas de les accuser, poursuivre au loin de prétendus ennemis en s’alliant aux bandits qui désolaient la forêt sombre. Enfin on rejetait sur ceux-ci tout ce qu’on disait des Frères Noirs, prétendant que ces misérables avaient bien pu revêtir un costume sacré pour se rendre plus terribles ; et de là, sans doute, naissaient primitivement des bruits, envenimés ensuite par la méchanceté ou la haine, plus active encore.

Une seconde pièce renfermait une attestation signée de tous les dignitaires de Santo Génaro, assurant et certifiant sur leur honneur et leurs âmes, que leur vénérable abbé n’avait pas un seul instant cessé de mériter leur confiance y et surtout n’était point sorti du monastère, ainsi qu’on semblait l’insinuer. Cet acte paraissait authentique ; l’archevêque avait vu plusieurs fois ces signatures et ces sceaux ; il ne pouvait en particulier ne pas reconnaître celui du père abbé, qui lui était parfaitement connu, comme aussi sa signature. L’abbé n’avait jamais pris le nom de Ferdinand, mais bien de Jacintho, en sorte que malgré sa ferme croyance qu’on le trompait en partie, il crut que Lorédan lui avait un peu exagéré la vérité.

La présence du Prieur ne lui permit pas de communiquer à Francavilla les dépêches qu’il avait reçues ; il se contenta, pour gagner du temps, d’inviter le prieur à attendre jusqu’au lendemain la réponse. Mais ce n’était pas le projet du religieux ; il remercia le prélat de son offre, et en même temps lui déclara que l’inquiétude dans laquelle on était à Santo Génaro ne lui permettait pas de prolonger son séjour. On y désire vivement connaître votre réponse ; et je me croirais coupable si je tardais trop long-temps à satisfaire une si vive impatience.

« – Cependant, reprit l’archevêque, le chemin n’est pas sûr durant la nuit, et voilà déjà le soleil sur le point de se perdre derrière l’horizon. »

« – Oh ! répliqua le Prieur, je ne suis pas venu seul, je me suis fait accompagner de quelques soldats employés par le monastère pour le défendre contre une attaque imprévue. »

« – D’ailleurs, dit Amédéo, qui ne put plus long-temps garder le silence, les bandits de la forêt, quoi que le père puisse dire, sont accoutumés à voir les Frères-Noirs circuler parmi eux ; cette habitude journalière a tellement dégénéré en usage, que je ne doute pas qu’un nombre des soldoyers du monastère on ne pût en un pressant besoin y recevoir tous les brigands commandés ou par un Claudio ou par un Orfano ou par un Jacomo même, car pour le Négroni, qui par bonté d’âme sans doute gardait la prison secrète, il a été recevoir dans l’autre vie le prix des services innocens rendus à ces religieux, poursuivis si mal à-propos par une détestable calomnie. »

On doit croire que le Prieur en venant dans Altanéro, avait dû se préparer à quelque attaque de cette sorte ; aussi ne laissa-t-il point paraître la plus légère émotion sur sa pâle figure ; il se contenta de jeter un modeste regard sur Grimani ; mais ne lui répondit pas ; car ce n’était pas une question qu’on lui avait faite.

Cependant ce propos engagea l’archevêque à dire au religieux : « J’aime à penser que des ennemis ont voulu nuire à votre monastère ; mais pourriez-vous répondre à des inculpations qui vous seraient adressées par les premiers seigneurs de la Sicile ; il y en a qui ont eu à se plaindre de votre supérieur et peut-être même de vous. »

« – Monseigneur, reprit humblement le Prieur en éludant la question par une tournure adroite, je pense que toute accusation dirigée contre nous demande à être entendue par notre chapitre entier ; il ne m’a pas chargé de prendre sa défense ; elle ne me serait pas néanmoins difficile à établir. S’il y a des barons qui ont des plaintes à faire contre nous, ils peuvent les adresser au tribunal de la monarchie ; nous ne dédaignerons pas de répondre ; jusque-là ce n’est point une lutte particulière que nous engageons ; et notre silence répondra à des assertions dont la preuve serait impossible à établir. »

« – Je ne crois pas, dit Lorédan en prenant la parole, qu’il vous fût si aisé d’établir que nul d’entre vous n’a trempé dans des machinations odieuses ; on pourrait vous en donner de telles preuves, que vous seriez bien embarrassé pour les détruire ; elles ne reposeraient pas sur de vaines allégations, mais sur une attaque formelle faite par ceux-là mêmes qui ayant pénétré dans Santo-Génaro, ont été sur le point d’être les victimes de votre malice. »

« – Je ne sais de qui ont veut me parler, reprit le religieux avec quelque hauteur ; nous n’avons pas vu depuis plus de six mois un seigneur recommandable venir à visage découvert dans notre demeure ; mais si, poussé par je ne sais quelle envie de contenter une vaine curiosité, il s’est trouvé des indiscrets dont les motifs cachés pouvaient être coupables, doit-on nous en vouloir de nous être mis en mesure de les punir de leurs complots ? est-ce par des déguisemens, par des mensonges même qu’on établit la franchise d’une conduite ; certes, je me fais une fausse idée de la justice des hommes, ou des griefs fondés sur une intrigue pareille ne serviraient guère à nous faire condamner. »

Le mot de mensonge avait paru pénible à entendre à l’impétueux Grimani ; aussi, s’approchant du Prieur : « Homme fourbe, lui dit-il, rendez grâce à la robe qui vous met à l’abri de ma juste vengeance ; sans elle je vous punirais moi-même de votre insolence présente et de vos crimes passés. »

– « Monseigneur, dit le religieux en s’adressant au prélat, est-ce devant des séculiers que notre cause doit être jugée, et le signor est-il au nombre de nos juges ou de nos accusateurs ?

– » Vous ne tarderez pas à l’apprendre, dit Lorédan profondément blessé, comme son cousin, de l’insulte du Prieur, ce sera devant le tribunal de la monarchie que nous vous ferons paraître, si le ciel enlève de ce monde le premier moteur des excès dont nous avons à nous plaindre. J’ignore par quel motif j’ai mérité sa haine, mais il me la fait cruellement sentir ; et vous, qui affectez le ton et le langage de l’innocence, pouvez vous nier de lui avoir servi d’instrument pour me persécuter ; n’est-ce pas vous qui, par son ordre, m’avez plongé, à Santo-Génaro, dans un cachot d’où je ne devais plus sortir ? n’est-ce pas vous qui, naguère, à Palerme, alliez chercher et solder des assassins destinés à agir contre moi ?

– » Monseigneur, repartit encore le prieur, sans cesser de s’adresser à l’archevêque, je ne puis répondre à ces inculpations que devant un tribunal légalement institué ; je vous le demande de nouveau, veuillez me donner vos ordres, je les porterai à notre abbé et à notre respectable chapitre. »

L’archevêque, choqué de la manière dont le prieur avait répondu, lui dit : « Je ne suis pas content de vous, religieux, et je suis loin de perdre mes soupçons au sujet de vos confrères ; vous avez le premier invoqué la rigueur des lois ; eh ! bien, je remettrai à elles le soin de vous faire parvenir ma réponse. D’aujourd’hui en un mois je vous cite au tribunal de la monarchie, et vous savez que je le préside.

– » Qui ! vous, saint archevêque, s’écria le prieur, et pour cette fois, en écoutant ces paroles, il se montra consterné ; je croyais que le chef de ce tribunal auguste était l’archevêque de Messine.

– » Depuis huit jours il ne l’est plus, répliqua le prélat ; son âge ne lui permettait pas d’en continuer plus longtemps les fonctions ; le roi a daigné me nommer à sa place. Je vous le répète encore, dans trente jours votre accusateur se présentera devant moi ; je l’entendrai ; vous viendrez vous défendre, et alors le coupable sera connu ; vous voyez maintenant si je puis, par une réponse, préjuger, à l’avance, de votre innocence ou de votre culpabilité. »

Le Prieur n’eut garde de répondre ; on voyait clairement sur ses traits le trouble de son âme ; il balbutia quelques paroles respectueuses, exprimant son désir que l’archevêque ne se laissât pas influencer par des considérations humaines, et se retira en disant à Lorédan, à qui, pour la première fois, il eut l’air de faire attention : « D’après ce que je viens d’entendre, ce sera vous, signor, qui vous porterez notre accusateur ; je vous conseille de ne pas manquer, au jour indiqué ; votre absence nous serait la preuve que vous n’auriez pu soutenir votre dire, et alors nous serions pleinement justifiés. »

Il y avait, dans ce propos, un ton si amer, que Lorédan en fut troublé ; il pensa en lui-même que dès ce moment la malice de ses ennemis allait redoubler afin de l’empêcher de comparaître en personne ; mais comme il savait Ferdinand étendu sur un lit de mort, il crut que, durant son inaction forcée, les satellites qu’il employait auraient moins d’activité.

Après que le prieur fut sorti de l’appartement, Mazini s’empressa de blâmer la violence d’Amédéo, qui, le premier, avait commencé l’attaque ; mais, pour cette fois, Grimani n’écouta pas son oncle avec le respect accoutumé ; il était indigné encore des paroles outrageantes du prieur, et il s’en voulait de ne pas en avoir pris sur-le-champ une vengeance éclatante.

L’archevêque l’apaisa. – « Vous venez, lui dit-il, d’entendre l’assignation que j’ai donnée à vos ennemis ; avant peu vous pourrez publiquement les confondre, si les moyens en sont dans votre pouvoir ; jusque-là souffrez que nous n’en parlions plus ; je dois dorénavant avoir l’impartialité d’un juge, et je la compromettrais en vous écoutant plus long temps. »

Ces paroles sages finirent la conversation ; l’on passa dans la salle à manger ; le souper venait d’être servi ; et l’écuyer tranchant du marquis Francavilla entra pour l’en prévenir.

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