Le Monastère des frères noirs

CHAPITRE XLI.

– « Avant tout, cher Lorédan, dit le baron Valvano je dois te faire l’aveu de ma faiblesse ; je n’avais pu voir la jeune duchesse Ambrosia, sans être vivement frappé de ses attraits, et mon cœur s’abandonnant trop au charme de la contempler fut sur le point de se rendre malheureux par sa faute ; heureusement que je ne tardai pas à découvrir le retour dont cette belle personne payait ta passion pour elle, et dès lors j’implorai les puissans secours de l’amitié, afin de triompher de l’amour naissant qui pouvait tant nous faire souffrir l’un et l’autre.

Tandis que les combats intérieurs se livraient dans mon âme, notre roi Frédéric s’en aperçut ; cet excellent prince eut pitié de mon trouble, et voulant tout à la fois achever ma guérison, et te laisser sans rivaux auprès de la signora Ferrandino, il me chargea du soin d’aller dans une autre contrée remplir une mission importante ; hélas ! je ne me doutais pas en l’acceptant de ce que le sort me préparait.

Le troisième des fils de Frédéric, le prince Manfred avait comme moi cédé au pouvoir des appas de la duchesse Ambrosia ; il souffrait avec impatience qu’un autre lui fût préféré. Son père, dans ce moment, souhaitait de lui trouver une femme dont la beauté, dont les vertus pussent balancer les perfections d’Ambrosia.

Parmi les princesses dont les cours de l’Europe étaient alors embellies, la renommée vantait principalement la belle Palmina, nièce du roi de Chypre ; ce fut sur elle que s’arrêta le premier choix de Frédéric ; mais avant de la demander par une ambassade solennelle, il voulut qu’un messager intelligent fut s’assurer si celle princesse était digne en tout de sa réputation ; il jeta les yeux sur moi pour remplir cette mission de confiance, et je me montrai satisfait de pouvoir pour quelque temps m’éloigner d’une terre où je ne rencontrais que des sujets de déplaisir. Le roi me recommanda de taire à tout le monde le voyage que j’allais faire. Un vaisseau devait me transporter en Chypre ; je fus m’y embarquer en secret, et après le temps nécessaire à cette navigation, je touchai la côte de cette île ; ce fut à Famagouste que j’allai descendre, la cour étant alors dans cette ville.

Mon équipage élégant annonçait le motif prétendu de mon voyage ; une croix rouge posée sur mon manteau, apprenait sans que j’eusse besoin de le dire, que, pieux pélerin, j’allais vers Jérusalem pour y chercher la rémission de mes fautes au sacré tombeau de Jésus-Christ.

Mon nom était connu, des lettres du monarque sicilien achevèrent de me faire accueillir, comme j’étais en droit de l’attendre ; et Lusignan lui-même après deux ou trois jours me pria de prolonger mon séjour dans son royaume, étant, me disait-il, bien aise de me le faire parcourir.

Je n’avais garde de refuser une proposition semblable ; hélas ! mon cœur, faible encore de sa première blessure, était tout prêt à se livrer de nouveau, et il ne tarda pas à rendre les armes à cette princesse, que mon maître souhaitait de donner pour épouse à son fils. Oui, mes amis, Palmina me parut si adorable que j’oubliai le devoir qui eût dû me commander. Ivre d’amour à l’aspect de tant de charmes, j’aurais inutilement cherché à me défendre, mes forces étaient vaines, contre une faiblesse irrésistible qui ne tarda pas à en triompher.

Dès le moment où je me livrai à ma passion nouvelle, je ne cherchai plus que les moyens de la satisfaire ; je fermai les yeux au danger de ma trahison, mon oreille demeura sourde aux cris de l’honneur, je devins coupable, aussi le ciel m’en a-t-il sévèrement puni.

La flamme qui me consumait ne demeura pas long-temps inconnue à celle qui en était l’objet. Palmina fut libre de s’en apercevoir ; elle ne s’en montra pas irritée ; nos regards s’entendirent d’abord, je vis que je plaisais, je me crus le plus heureux des hommes.

Nous cheminions alors dans l’île de Chypre, allant admirer les antiques édifices qui la décorent, restes précieux de la magnificence des anciens habitans de Nicosie, qui est la véritable capitale du royaume. Nous fûmes à Paphos, où Vénus fut autrefois adorée ; les restes de son temple subsistent encore ; nous en trouvâmes de beaux débris ; ils me rappelèrent les époques riantes de la mythologie, et ce fut avec le même charme que je vis successivement Amathonte, Cythère, lieux également consacrés au même culte, et où la reine des cœurs avait des autels.

Un jour le roi me dit en riant : il faut que je vous montre une des merveilles de ce pays ; on la nomme la fontaine d’amour ; ceux qui en boivent les eaux ne peuvent plus dès ce moment exister que par la tendresse.

– « Ah ! sire, lui répondis-je, il faut que dès mon arrivée en Chypre, on m’ait abreuvé de ses ondes ; car désormais je ne puis qu’être amoureux sans retour. » Et en parlant ainsi, un coup d’œil rapide fut expliquer ma pensée à la belle Palmina ; je vis à sa rougeur subite qu’elle m’avait entendu, car elle chercha en détournant sa tête, à cacher le feu qui de son cœur avait passé sur son visage ; le roi n’y fit pas attention, tout occupé de ce que je venais de lui dire.

– « Comment ! déjà, me répliqua-t-il, mon noble pélerin éprouve les effets de l’influence de ce doux climat : quoi ! il touche à peine le rivage, et déjà il ne s’appartient plus ; je serais vraiment curieux de connaître l’objet de son choix ; il ne peut être que digne de son mérite. »

– « Le profond respect dont je fais profession pour votre majesté, lui répondis-je, ne peut cependant m’engager à manquer à la première loi de la tendresse, celle de ne pas dévoiler son secret. »

– « Faites comme vous l’entendrez, me dit Lusignan, mais si votre bouche veut demeurer muette, je me contenterai de consulter vos yeux. Ceux-là, tout me l’assure, vous trahiront quand vous y penserez le moins. »

– « J’ai, repartis-je, des grâces à vous rendre, car vous me prévenez de ce que vous tentez contre moi, et je me flatte de ne pas me laisser surprendre. »

La conversation eût pu continuer encore ; mais une députation des habitans de la ville d’Acamas, près de laquelle nous nous trouvions, vint distraire le roi ; il se vit obligé de lui donner audience et le cercle se dispersa. L’heure invitait à la promenade, chacun y fut ; on avait devant soi un paysage délicieux ; pour moi je mesurai mes pas sur ceux de la princesse Palmina, bien décidé à choisir cette circonstance pour lui faire l’aveu de ma passion.

Suivie de ses femmes et de quelques chevaliers, elle prit une route bordée d’arbres, et qui serpentait à travers plusieurs rochers. Nous parcourûmes ce site agreste, perdant peu-à-peu ceux qui nous accompagnaient ; les uns s’arrêtant pour prendre du repos, les autres errant sur la montagne où parfois on rencontrait de belles cristallisations. Palmina seule poursuivait son chemin ; nous arrivâmes à un petit espace ombragé de vieux sycomores, entièrement clos par les rochers, et là, dans une petite grotte tapissée d’une mousse verdoyante, bouillonnait une source qui jaillissait d’une espèce de bassin.

– « Voilà, madame, dit un petit page qui seul était avec nous, ce qu’on nomme la Fontaine d’Amour » Et à peine a-t-il prononcé ces paroles que la vue d’un beau papillon attire ses regards ; il s’élance pour le saisir, et Palmina se trouve avec moi pour toute compagnie ; je vis qu’elle se troublait. « Chevalier, me dit-elle, le hasard nous a bien servis, et j’ai peine à croire que vous ne soyez pas curieux, puisque votre cœur est donné, d’essayer si votre tendresse ne pourra pas être augmentée par le secours de cette eau. »

– « Ah ! madame, lui répliquai-je, elle ne m’est pas nécessaire, je vous le jure ; mais cependant je veux m’abreuver à cette source ; si surtout vos belles lèvres consacrent ses ondes en les effleurant ; dès-lors on pourra dire avec plus de certitude, cette fontaine est bien celle d’amour. »

J’en avais trop dit pour me contraindre davantage ; favorisé par la solitude où nous étions, je posai un genou en terre, et je fis un aveu qui fut entendu sans colère, Palmina, feignant toujours de prendre pour les expressions de ma galanterie celles qui appartenaient à ma passion ; je la pressais de me répondre, mais elle n’en eut pas le temps ; plusieurs dames et chevaliers vinrent nous rejoindre ; tous voulurent boire les eaux fatales, et la princesse elle-même s’y décida en riant.

« Eh bien, madame, lui dis-je à voix basse, trouvez-vous qu’elles disposent à la tendresse. »

– « Hélas ! me répondit-elle en rougissant, elles nous portent au moins à la faiblesse. »

Je n’en demandai pas davantage, je compris ma félicité ; un regard enchanteur acheva de me la faire connaître ; j’aurais eu besoin de me recueillir en ce moment pour me livrer à toute ma joie ; il me fut impossible de le faire ; le roi arriva sur ces entrefaites, et, sa gaîté recommença les plaisanteries tantôt interrompues ; je m’y livrai de bonne grâce, j’étais assez heureux pour me divertir.

Depuis cet instant je n’eus pas de peine à entretenir Palmina, et j’obtins de sa bouche l’assurance positive de mon bonheur ; cependant je ne crus pas devoir lui taire le motif qui m’avait conduit en Chypre ; je lui fis part des intentions de Frédéric ; je l’engageai à se consulter elle-même, à envisager l’étendue du sacrifice qu’elle me faisait.

– « Je ne m’en repentirai jamais, me dit-elle ; sais-je si je préférerais le prince Manfred que je ne connais pas ; votre amour est désormais tout ce que je souhaite, puisse-t-il me récompenser du mien. »

Vous devez apprécier, mes chers amis, ce que j’éprouvai en écoutant ces paroles ; elles redoublèrent mon attachement pour la princesse ; elles me firent redouter les obstacles qui pouvaient s’opposer à notre union ; le principal me semblait devoir être l’orgueil de Lusignan ; le prince, disais-je à mon amie, préférera pour gendre le fils d’un roi à un simple baron. »

– « Je dois vous rassurer sur ce point, me répondit Palmina ; mon oncle, dans le fond de son cœur, pense différemment de ce que vous pouvez imaginer. On a dit que par ma naissance je pouvais avoir des droits au trône où il s’assied ; il redouterait peut-être qu’un époux puissant ne les fît valoir, et ne lui suscitât de fâcheuses traverses ; le fils du roi de Sicile, comme son plus proche voisin, est celui qui lui paraît le plus redoutable ; j’ai presque l’assurance qu’on lui refuserait ma main. Vous n’êtes-pas assez grand pour être à craindre, et à la politique de mon oncle, nous devrons notre bonheur. Continuez à vous rendre agréable, il vous aime déjà, portez-le à vous chérir davantage, puis, attendons tout du temps et de notre amour. »

En écoutant Palmina, la flatteuse espérance descendait dans mon cœur. On est, vous le savez, aisément persuadé par ce qu’on désire, et je crus sans peine ce qui me convenait si bien. Cependant pour ne pas attirer sur moi la malveillance, j’avais le soin de cacher mon bonheur ; je paraissais galant auprès de toutes les femmes, nulle ne pouvait l’emporter à mes yeux, et par cette tournure adroite, je restais maître de mon secret.

Lusignan continuait à me traiter avec distinction ; ma présence lui était absolument nécessaire ; il obtint sans peine que je remisse à une époque plus éloignée le voyage que je prétendais vouloir faire en Palestine ; il eut bientôt lieu de s’applaudir de ma condescendance. Le ciel voulut venir au secours de Palmina et de moi ; il dirigea les événemens de telle sorte, que le roi ne put apporter aucun empêchement à notre union. »

Un seigneur de sa cour, dévoré d’une ambition insatiable, aimé des troupes, par sa valeur, et des Cypriotes, par ses libéralités, conçut le projet de se rendra possesseur de la couronne, à la faveur des troubles qui ne manqueraient pas de s’élever après la mort du roi.

Mais ce moment ne paraissait pas devoir être prochain ; Lusignan pouvait vivre long-temps encore, et l’impatience de l’ambitieux avait peine à se contenir jusque-là. Du crime à de telles pensées le chemin n’est pas loin ; il ne craignait pas de comploter la mort de son prince. Deux esclaves sarrazins auxquels il promit leur délivrance et beaucoup d’or, s’engagèrent à le délivrer d’un maître dont l’existence lui était importune.

Dès-lors ces misérables cherchèrent le moyen de consommer ce détestable projet. Ils nous suivirent dans la course que nous fîmes dans l’île ; sans pouvoir trouver le moment favorable ; ils guettaient toutes les démarches de Lusignan, bien déterminés à profiter de la première occasion.

Nous nous rendîmes alors au fameux monastère Chekka, situé dans un canton délicieux et où l’on honore une statue de la Sainte-Vierge, célèbre par les miracles qu’elle a faits. En y arrivant nous fûmes embaumés des émanations parfumées qu’exhalaient les multitudes innombrables de roses, de chèvrefeuilles, de quantité d’arbres aromatiques dont la contrée était couverte. Le couvent était richement doté, et son abbé le cédait à peine en puissance à l’archevêque du diocèse. Non loin, on trouve une grotte dans laquelle naît une source qui a l’odeur de la rose. Lusignan voulait y descendre avec moi ; il commençait à avoir des soupçons sur la conduite du seigneur dont je vous ai déjà parlé, et il désirait qu’à la faveur de ma qualité d’étranger, je parvinsse à jeter quelque jour sur une conspiration dont encore il ne pouvait bien saisir tous les fils.

Nous étions dans la grotte de la fontaine, causant avec tranquillité, jouissant de la fraîcheur du lieu, et de son odeur délicieuse, lorsque les deux esclaves sarrazins se montrèrent tout-à-coup y j’étais à demi couché dans un enfoncement du rocher, et par ma position hors de leur vue, aussi crurent-ils le monarque tout seul, et soudain tirant les poignards dont ils étaient armés, ils fondirent sur lui.

Sans ma présence, le prince était perdu ; saisi à l’improviste par ces assassins, il n’eût pas eu le temps de sortir son épée, et se fut vu immoler malgré son courage, inutile dans cette circonstance.

Mais à l’aspect de ces scélérats, je pousse un cri terrible qui commence à les troubler, je me précipite entre eux et le roi, mon fer à la main ; je saisis le plus avancé, et le frappant avec force, je lui ôtai la vie, en même temps que son compagnon intimidé se défendait plutôt contre le roi qu’il ne l’attaquait avec avantage ; nous ne voulûmes pas le tuer sur le coup, mais nous unissant Lusignan et moi, nous parvînmes à nous rendre maîtres de sa personne malgré la résistance qu’il nous opposa.

Se trouvant désarmé, le misérable ne fut plus redoutable ; il se prosterna devant le roi, et avant d’être pressé avoua le complot dont il était l’exécuteur ; il nomma celui qui l’avait armé d’un glaive régicide, confirmant ainsi les justes soupçons du roi ; nous pouvions cependant craindre qu’il n’eut des complices dans les environs ; aussi sortîmes-nous de la grotte, en amenant le sarrazin avec nous.

À peu de distance, nous rencontrâmes plusieurs officiers de la suite de Lusignan ; nous leur remîmes la garde de notre captif, et le prince me pria de courir sur le champ, à la tête des gens de ma maison, dont j’étais assuré, pour saisir le principal coupable. Ce seigneur ne se défia pas de moi, je pus l’approcher facilement ; mais lorsque je lui eus dit que je l’arrêtais au nom du roi, il se douta de ce qui était arrivé, et faisant mine de vouloir me remettre son épée, il essaya de m’en frapper.

Je me défiais de ses intentions, aussi ne put-il pas me surprendre, je fis un mouvement qui détourna son coup, je tirai pareillement mon épée, tous les miens m’imitèrent, et je le sommai vivement de me suivre ; mais lui, plus enragé que jamais, désespéré de voir sa trame découverte, une seconde fois fondit sur moi ;dès lors je me crus en droit de ne pas le ménager ; je l’attaquai vivement, et fus assez heureux pour lui faire une blessure mortelle, elle ne termina pas sa vie sur le champ, elle lui donna le temps de se repentir, et de convenir de ses espérances ambitieuses. Ses complices, car il en avait, furent livrés à la rigueur des lois, et cette conspiration étouffée dès sa naissance.

Lusignan, je dois l’avouer, se montra reconnaissant du service que je lui avais rendu ; il en parlait le lendemain en présence de Palmina ; celle-ci croyant devoir profiter de la circonstance, pria le monarque de lui accorder un instant d’entretien particulier ; dès qu’elle se vit seule avec lui :

– « Sire, lui dit-elle, vous vous plaisez à rendre justice au zèle avec lequel ce noble sicilien a pris votre défense ; sans doute vous êtes envieux de lui donner une récompense digne de son action ; eh bien ! il dépend de vous de le faire ; apprenez que je règne dans son cœur, ma main pourrait vous acquitter envers lui, et je ne me refuserais pas à servir de prix à votre reconnaissance.

Ce discours fut loin de déplaire à Lusignan. Depuis que sa nièce avançait en âge, il craignait le moment de son hymen, aussi vit-il sans peine l’expression des sentimens de Palmina ; il me fit appeler, et affectant un air riant, il me demanda si pour récompense de ma généreuse conduite, je voudrais accepter l’épouse qu’il m’avait choisie.

Mon amante était avec lui, une vive satisfaction brillait sur son doux visage, aussi je pus facilement me douter de ce qui s’était passé ; je m’inclinai en l’assurant que puisqu’il appréciait si haut le zèle tout naturel que j’avais montré pour sa défense, j’étais prêt à prendre une femme de sa main, bien persuadé qu’il ne la choisirait point parmi les dernières de sa cour.

– « Mais, sire, poursuivis-je, avant que votre majesté prononce, je crois devoir à mon honneur de vous apprendre le cas particulier dans lequel je me trouve. Ambassadeur secret du roi de Sicile, mon souverain, j’étais venu dans vos états pour reconnaître si les vertus, les charmes de la princesse votre nièce n’étaient pas inférieurs à leur réputation ; et si mon opinion était conforme au bruit de la renommée, alors l’illustre Palmina vous eût été demandée pour le prince Manfred, l’un des fils de Frédéric. Insensé que j’étais, j’osai accepter cette mission périlleuse, je voulais observer de sang froid, et je ne tardai pas à me ranger sous les lois de cette belle personne ; dois-je maintenant prétendre la posséder, et devez-vous me l’accorder vous même ? »

– « Chevalier, répliqua Lusignan après un moment de silence, si par votre rang, vos qualités, cette bravoure dont vous avez donné de si éclatantes marques, vous étiez encore au-dessous de l’hymen que je vous propose, vous en deviendriez digne sur le champ par le noble aveu que vous venez de faire. Je ne balance pas entre vous et le prince Manfred ; je ne lui dois rien, vous m’avez sauvé la vie, il est indifférent à Palmina, elle vous a accordé sa tendresse, je serais injuste si je ne me déclarais pas en votre faveur ; cependant ce que vous m’avez dit change quelque chose dans mes premières idées, je voulais, vous unissant avec pompe à ma nièce, couronner votre loyauté aux yeux de toute ma cour ; la prudence me commande une conduite plus réservée ; si j’agissais ainsi, j’aurais l’air de vouloir braver votre souverain, j’attirerais sa haine sur moi et sur vous peut-être ; poursuivons autrement notre projet. Épouser Palmina en secret, moi seul avec deux seigneurs les plus élevés de mon royaume, et méritant ma confiance, en serons les témoins ; partez avec votre épouse, conduisez-là dans les riches baronnies que vous possédez sur le continent de l’Italie ; là vous pourrez vivre heureux avec elle, et lorsque le moment sera favorable, je chercherai à faire votre paix avec Frédéric. »

Tout enivré de mon amour, je ne vis pas les dangers d’une pareille conduite ; elle prouvait peu en faveur de Lusignan ; mais une chose m’attachait, celle de m’unir à la femme que j’adorais, je n’en voyais pas davantage ; aussi je consentis à tout ce qu’on me proposait.

Lusignan se montra libéral envers un neveu qui ne pouvait jamais lui être redoutable ; il me combla de biens, non compris ceux qui appartenaient à Palmina ; un mystère profond enveloppa toute cette intrigue, elle ne fut dévoilée qu’après notre départ ; alors le roi parut irrité contre moi, et loin d’avouer la part qu’il avait prise à cette affaire, il tonna, me déclarant perfide, m’accusant d’avoir abusé de sa confiante amitié ; il crut devoir en agir ainsi, d’après les conseils de sa politique, satisfait, cependant, de voir s’éloigner une nièce qui ne laissait pas que de lui donner de l’inquiétude, et d’être certain qu’elle ni son époux ne chercheraient à faire valoir des droits mal appuyés. »

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