Le Monastère des frères noirs

CHAPITRE XLIV.

Pendant cette journée, Luiggi feignant de m’accorder sa confiance m’avoua qu’il était l’abbé du monastère, et la résolution de s’y confiner pour le reste de ses jours ; je combattis cette idée ; mais il me certifia de son inébranlable fermeté et j’eus l’air de me rendre à ce que je ne pouvais empêcher.

Le lendemain, presqu’avec le jour, mon frère entra dans mon appartement il m’apprit avec une feinte joie la nouvelle du départ de Lorédan, d’Altanéro ; le messager avait dit que le marquis ayant reçu un ordre du roi, par lequel Frédéric lui commandait de venir le joindre, s’était mis en route sur-le-champ.

– « Tu ne trouverais donc pas mon ami où tu voulais aller le rejoindre, poursuivit Luiggi, reste donc avec moi puisque la fortune semble le vouloir, et crois que mon amitié n’oubliera rien pour que tu ne t’ennuies point dans cette demeure isolée.

– « Je n’allais chez Francavilla, lui dis-je, que dans l’ignorance où j’étais du lieu de sa retraite ; puisque je l’ai trouvé je ne souhaite plus rien ; une chose seule m’embarrasse ; je ne voudrais pas me séparer de mon épouse, et il ne serait pas convenable qu’elle restât dans le monastère, son séjour pourrait y être connu malgré les précautions que nous pourrions prendre ; les religieux eux-mêmes auraient le droit d’en murmurer. »

– « Tu as raison, me répliqua-t-il, mais je puis y trouver un remède, si pour quinze jours ou un mois que tu resteras avec ton frère, la princesse de Chypre consent à garder une retraite absolue dans un petit fort situé à peu de distance du monastère, et auquel on communique par des conduits souterrains ; là, elle sera en sûreté, tu pourras aller la voir à toute heure, et nous serons tranquilles de toute façon.

Je connaissais le lieu dont me parlait Montaltière ; je jugeai qu’à sa tristesse près, il était fort convenable, et je cherchai à engager Palmina de se décider à l’habiter. Durant quelque temps je feignis de m’en faire indiquer le chemin par Luiggi et j’y menai ma femme, elle se serait refusée cependant à en faire son séjour momentané, si je ne lui avais pas fait part de tout ce qui m’occupait en ce moment ; alors Palmina voyant ce que m’inspirait l’amitié, voulut aussi me seconder en triomphant de sa répugnance : elle accéda donc à ma proposition, et nous nous préparâmes tous à jouer nos rôles.

Luiggi désirait vivement que je renvoyasse les deux serviteurs amenés par moi dans Santo Génaro ; il lui tardait de me voir entièrement abandonné des miens, dans la crainte que si je venais à m’apercevoir de ses machinations, je ne cherchasse à m’aider de tous les secours que je pourrais rencontrer pour le jouer à mon tour.

Depuis ma rencontre avec Luciani, je me crus assez secondé pour ne pas avoir besoin d’autre appui ; d’ailleurs en accédant à tous les désirs de mon frère, je parvenais à le mieux éblouir. Je donnai donc ordre à mes serviteurs de s’en retourner à Syracuse ; et dans une lettre que l’un d’eux emporta secrètement, j’engageai Elphyre à venir en toute hâte habiter la ville de Sansalvator, voisine de la forêt sombre, et où sa présence nous devenait nécessaire.

J’avais fait annoncer à Stéphano une prochaine visite ; je me décidai à la lui faire pendant la nuit. Luciani voulut venir avec moi, afin de bien connaître les détours des souterrains dont je lui avais parlé. Nous les suivîmes dans toute leur longueur ; tu les connais, cher Lorédan, tu les as déjà parcourus lorsque je te facilitai les moyens de t’évader du monastère.

Stéphano, prévenu de notre arrivée, n’en montra pas de l’effroi, je vis cet excellent homme, il me parut digne de ma confiance ; je lui témoignai le désir d’avoir dans nos intérêts un des bandits de la forêt, afin qu’il nous fut possible de nous transmettre réciproquement les nouvelles qui pourraient nous parvenir, et d’être informés à point nommé des expéditions auxquelles on employerait ses compagnons.

Ce vieillard me promit de trouver l’homme dont nous aurions besoin, dans un certain Jacomo, bizarre personnage, et qui vouait une fidélité à toute épreuve à celui qui l’employait le premier. « Il est absent depuis quelque temps, aussi n’a-t-il pu être soldoyé par votre abbé ; je suis assuré qu’avant d’aller nulle part, à son retour, il viendra dans ma cabane ; je lui proposerai de nous servir, et je vous réponds qu’après lui avoir fait toucher la somme convenue, et pris son serment, vous pourrez en toute sûreté vous confier à lui comme à moi-même. »

Cela me contenta ; je priai ensuite Stéphano d’aller, dès que le bandit serait arrivé, à la ville de Sansalvator, où il trouverait dans l’auberge que je lui avais indiquée une jeune personne à laquelle il remettrait une lettre, et l’amènerait avec lui dans sa cabane, s’il croyait pouvoir le faire en sûreté.

– « Vous pouvez, me dit-il, être sur mon compte sans aucune crainte ; les brigands n’auront garde de l’insulter ; ils savent combien mon art leur est utile ; aussi me respectent-ils, car ils ont besoin de moi ; d’ailleurs je ferai déguiser cette dame, et alors elle passera pour mon neveu ou pour ma nièce, selon le costume qu’elle prendra. »

Après ce propos, n’ayant plus rien à faire chez Stéphano, nous revînmes dans le couvent où l’on ne s’aperçut pas de notre absence ; voulant avoir la liberté de m’absenter lorsque je le jugerais convenable, j’annonçai à Luiggi que je voulais faire aller habiter par ma femme, l’appartement du petit fort ; nous feignîmes de quitter le monastère où nous rentrâmes secrètement, Palmina et moi sous le costume des Frères noirs, si favorable à tout ce que nous voulions faire.

Je conduisis Palmina dans son apparente prison, où une femme était déjà venue pour la servir ; j’ignore comment Luiggi se l’était procurée, mais je n’eus garde de lui accorder ma confiance, tout ce qui venait de lui devait désormais m’être suspect.

J’habitais aussi ce lieu, et nouveau Frère noir, je pouvais librement aller dans le monastère. Mon appartement était demeuré à ma disposition, et par conséquent, j’étais maître de toutes les issues secrètes dont j’avais tant besoin. Luiggi annonça à la congrégation que le chevalier issu des fondateurs du monastère, voulait par esprit de pénitence séjourner quelque temps au milieu d’eux, vêtu de leur habit, et assistant à tous leurs offices ; cela suffit pour détourner les conjectures de la curiosité.

J’avais bien fait de prendre à l’avance mes mesures, car les événemens ne tardèrent pas à se presser. Elphyre venait d’arriver à la cabane de Stéphano ; j’avais reçu les sermens du bandit Jacomo, lorsqu’une conversation que j’entendis, et qui se faisait entre Luiggi et le prieur, m’informa que la nuit prochaine on devait, par des prestiges, chercher à effrayer Lorédan, afin, en ouvrant son cœur à des terreurs superstitieuses, de préparer les moyens de le mieux accabler lorsque l’occasion s’en présenterait.

Je formai alors le dessein d’instruire Lorédan de ce qui se passait ; je n’osais plus m’éloigner du monastère depuis que ma Palmina y était comme une sorte d’otage ; je ne voulais pas non plus abandonner mon poste, dans la crainte de perdre le fil de la trame qui s’ourdissait, de sorte qu’après y avoir bien réfléchi, je songeai à t’attirer sur la lisière de la forêt sombre, où je serais venu te parler, en profitant de la facilité que me donnait le souterrain connu de moi seul et de Luciani.

En conséquence de ce projet, et voulant te faire sortir de ton château, sans que les espions de Luiggi, dont tu étais environné, pussent avoir le plus léger soupçon, j’imaginai d’envoyer Elphyre vêtue en villageoise ; elle devait chanter au point du jour, sous tes fenêtres, une romance tellement en rapport avec les visions pénibles que tu avais eues dans la nuit précédente, qu’il était impossible qu’elle ne piquât pas ta curiosité ; j’espérais que venant à elle, Elphyre pourrait t’engager à la suivre, et dans le cas où ta méfiance ne te l’eût pas permis, elle devait te remettre des tablettes qui t’y auraient assurément décidé.

Pendant le temps que nous étions ensemble à Messine, j’entrai un jour chez un bijoutier ; il venait de faire deux paires de tablettes absolument semblables, et aussi richement ornées que le dessin en était de bon goût ; je lui achetai la première qui tomba sous ma main. Peu de temps après ma sortie de cette boutique, tu y vins ; les tablettes te frappèrent, ainsi que moi ; tu en fis l’acquisition ; et venant dans mon palais, tu me les montras en disant que ton intention était d’en faire cadeau à la belle Ambrosia.

J’aimais alors cette noble personne, et par une faiblesse puérile, j’attachais du plaisir à posséder un meuble absolument pareil à celui que tu lui destinais ; je n’eus donc garde de t’avouer que j’avais en mon pouvoir son pareil ; je le gardai soigneusement, et l’emportai toujours avec moi ; je possédais encore les tablettes, et je voulus m’en servir pour piquer ton attention, je savais qu’en les voyant tu les prendrais pour celles d’Ambrosia ; j’y enfermai un de mes portraits que Luiggi venait de me rendre ; ma femme l’ayant demandé pour le copier, et enfin je glissai dans un secret, un billet contenant ce peu de mots : Lorédan, c’est Valvano qui veut te parler, ton bonheur et ta vie sont attachés à ce que tu viennes où je t’attends !

J’étais bien persuadé que cet appel ne serait pas fait en vain, et s’il eût été entendu, nous eussions peut-être évité les malheurs qui vinrent à la suite. J’avais soigneusement caché les tablettes dans le fond d’urne corbeille garnie de fleurs, et quand le moment fut venu, je fis partir Elphyre avec Stéphano et je les suivis à quelque distance.

Je n’avais pu prévoir que ce matin même, plusieurs brigands ayant à leur tête un homme plus habile qu’eux, viendraient rôder, autour du château d’Altanéro ; ils entendirent la prétendue villageoise, ils virent les signes qu’elle faisait à Lorédan, et sans plus tarder, ils tombèrent sur elle aussitôt que Francavilla eût quitté la fenêtre, et avant qu’il eût pu sortir du château.

Par une rencontre également malheureuse, le concierge d’Altanéro était dans la campagne ; il vit ce qui se passait, et craignant que le marquis n’envoyât après les bandits, il engagea ceux-ci, auxquels il répéta le mot d’ordre, de lui confier la jeune beauté encore évanouie ; il la prit dans ses bras, et par une secrète issue il la conduisit dans les souterrains du château où il la renferma dans une prison. Cependant, les brigands montés sur des chevaux vifs à la course, s’éloignèrent, et leur trace ne tarda pas à être perdue.

Dans cette catastrophe, j’eus lieu néanmoins de m’applaudir de ce que le malheur n’était pas complet ; Stéphano, qu’il m’était si important de conserver, n’avait pas été surpris ; ainsi le fil de cette intrigue était rompu, étant bien assuré qu’Elphyre ne me trahirait pas ; la fermeté de son âme était telle, que facilement on ne pourrait l’intimider.

J’avais pourtant à craindre que les tablettes que Stéphano t’avait vu remettre de loin, ne nous devinssent funestes, par les démarches ostensibles que tu pourrais faire pour connaître à qui elles appartenaient ; Luiggi me les avait vues, et s’il eût su de quelle façon elles étaient tombées dans tes mains, il lui eût été plausible de me soupçonner, et la chose me paraissait dangereuse ; je ne vis qu’un seul moyen d’éviter cet embarras ; c’était de te faire reprendre les tablettes ; et alors j’imaginai la lettre mystérieuse et menaçante que je te fis remettre par Jacomo ; cette ruse me réussit à merveille ; tu ne balanças pas à sacrifier un objet qui, par un refus, pouvait en excitant tes ennemis, devenir funeste à ton Ambrosia.

Fâché de voir ainsi déjouer le premier ressort que j’avais mis en usage, je passai une assez mauvaise nuit ; et dès que j’eus vu Luiggi, je le priai de se rendre par le souterrain à la cabane de Stéphano, pendant l’heure de l’office du matin, pour y prendre les tablettes que Jacomo devait y avoir portées, si tu avais consenti à les rendre.

Ce que je ne pouvais prévoir arriva ; suivi de ton cousin Amédéo Grimani, tu vins toi même chez Stéphano, dans le temps que Luciani s’y trouvait ; tes questions surprirent si fort le vieillard, que ton déguisement empêchait de te reconnaître, que pour ne pas se laisser deviner, il rentra dans la partie secrète de sa demeure et demanda conseil à Luciani ; celui-ci ne sachant pas mes idées, te donna rendez-vous à tout hasard dans la cathédrale de Palerme, ayant ainsi l’intention de t’éloigner d’Altanéro, où il te croyait plus en danger. Stéphano te répéta ses paroles ; et voyant que tu avais envie de venir dans le monastère des Frères Noirs, il n’eut pas la présence d’esprit de t’en détourner, et Luciani n’étant plus auprès de lui ; ce dernier courut pour m’annoncer la nouvelle de ton imprudent voyage ; il n’y eu pas moyen de changer la fortune, et tu vins te livrer aux mains de ton ennemi.

Le ciel, néanmoins, ne te délaissa pas ; il te fit rencontrer presqu’en arrivant dans le monastère le religieux Luciani ; lui et moi, instruits de ton entrée dans la forêt, n’étions pas sans inquiétude ; nous soupçonnions jusqu’où pouvait te conduire ton audace ; et ce digne ami te vit pénétrer en un lieu où tu avais tant à redouter la malice de tes adversaires.

Ce fut Luciani qui te fit conduire à la salle des voyageurs avec ton compagnon ; il se rendit immédiatement ensuite chez le Père abbé, bien certain qu’on ne tarderait pas à venir lui annoncer la venue de deux voyageurs. Le moine chargé de ce soin, déclara dans son bavardage inutile, que votre bonne mine l’ayant frappé, vous ne pouviez être des gens du commun.

Il était bien impossible que Luiggi pût soupçonner qui vous étiez. Cependant comme tout tracasse la conscience du coupable, il engagea par une vague inquiétude le père prieur à venir l’interroger, celui-ci ne demanda pas mieux, et il y fut ; et Luciani, de l’air, le plus naturel, demanda à le suivre.

Ce n’était pas le prieur que nous devions craindre ; il ne connaissait pas Lorédan, d’ailleurs assez bien caché par son déguisement ; son interrogatoire ne lui apprit pas grand chose ; vous jouâtes merveilleusement votre rôle, et Luciani en sortant vous glissa ce mot espérez, pour vous tenir alertes, et vous préparer aux événemens de la nuit qui commençait.

Puisque la Providence vous avait amenés dans le monastère, je résolus de ne pas vous en laisser sortir sans vous avoir fait connaître l’ennemi de Lorédan, et pour cela je pensais qu’il me suffisait de lui faire voir les traits de Luiggi ; ce fut la cause de ma venue mystérieuse pendant cette nuit auprès de vous ; désirant vous en imposer et frapper également de terreur ceux qui pourraient nous surprendre, je revêtis un costume lugubre, je suspendis ma lanterne sourde sur ma poitrine ; je l’enveloppai de voiles si bien, qu’il était difficile d’imaginer d’où pouvait partir cette lueur, et je marchai vers votre chambre.

Tout me réussit d’abord ; entraîné par mes gestes impérieux, vous vous décidâtes à me suivre ; je vous menai par des corridors peu fréquentés jusqu’à une tribune qui, de mon appartement intérieur, donnait dans l’église en face du siège de l’abbé ; je vous laissai quelque temps dans la crainte que l’envie de me parler ne vous fît oublier les règles de la prudence.

Je savais que lorsque les sacristains illumineraient l’église pour l’office de la nuit, votre tribune se trouverait éclairée, et que vos regards apercevant dans le loin l’étendard de la mort et la sinistre inscription, vous commenceriez par vous convaincre qu’il fallait chercher dans ce lieu l’ennemi de Lorédan, et que la vue de Luiggi achèverait de vous dévoiler le mystère. Tout ne répondit pas à mes désirs ; vos craintes furent éveillées, et, pour la première fois peut-être, Luiggi rejeta son capuce sur son visage avant le moment où il le faisait ordinairement ; il fallut donc vous ramener sans que vous fussiez plus instruits qu’auparavant.

Cependant j’avais à l’avance prévu non ce cas, mais celui où une autre circonstance eût pu faire manquer mon projet, et alors j’avais écrit un billet pour vous apprendre le mot d’ordre et pour vous engager à feindre une maladie qui, vous faisant transporter à l’infirmerie, nous facilitait de communiquer ensemble, soit en employant Luciani, soit à la faveur d’un passage secret qui y aboutissait.

Vous étiez trop curieux de débrouiller ces mystères pour ne pas accéder à mes désirs, et le lendemain, Lorédan se déclara malade lorsque Luiggi vint dans sa chambre avec les frères lais. Dès-lors l’infirmerie lui fut ouverte, et Jacomo, que nous n’avions pas mis dans le secret, mais qui vous reconnut pour vous avoir vu la veille dans la chaumière de Stéphano, se chargea de vous y conduire, vous, Amédéo, pour accompagner votre frère prétendu, et Lorédan pour y être soigné de sa faiblesse extraordinaire.

La fortune en ce moment semblait vouloir nous sourire ; une affaire importante et intéressant le temporel du monastère, appelait Luiggi dans la ville de Taormine ; il se vit contraint à partir vers le point du jour, et nous pouvions espérer que son absence se prolongerait peut-être durant toute une semaine.

Je voulus en profiter pour te parler ; mais, dans le cas où quelque catastrophe vînt de nouveau déranger mes projets, je chargeai Luciani de te renouveler l’avis qui devait t’engager à te trouver dans la cathédrale de Palerme, au jour précédemment indiqué.

Cependant la présence de ton cousin Grimani me tourmentait ; je savais que dans un moment de péril (et nous pouvions nous y trouver à toute minute) il serait bien plus difficile de vous sauver, deux qu’un, lorsque sa promenade dans la forêt nous donna les moyens de l’empêcher de rentrer dans le monastère. Sa fuite devait, il est vrai, faire naître quelque soupçon ; mais outre que nous devions la faire passer comme le résultat de votre désir commun, de donner de vos nouvelles à vos maîtres, nous espérâmes que durant l’absence de mon frère on s’en apercevrait moins. D’ailleurs ne fallait-il pas, dans la situation présente, donner quelque chose au hasard.

Jacomo fut chargé d’un billet que Luciani écrivit à Grimani ; il devait le conduire dans la cabane de Stéphano, où tu les rejoindrais lors de ta sortie du monastère. Le bandit ne me trompa point, mais son amitié pour le misérable Négroni, qu’Amédéo venait de tuer, faillit amener une sanglante catastrophe ; par bonheur qu’elle n’eut pas lieu ; le duel qui survint entre ces deux personnages, nous fut pourtant funeste, en ce qu’il me priva de Jacomo dont je me serais si utilement servi pour te faire passer d’autres avis.

Cependant je voulais te parler, je voulais me faire connaître à toi, te demander ta parole de ne pas révéler la conduite de Luiggi ; mais je ne pouvais le faire dans l’infirmerie où des religieux indiscrets et vendus à l’abbé te poursuivaient sans cesse de leurs regards curieux ; je m’étais mêlé parmi eux à la faveur de mon déguisement, lorsque Luciani te proposa de venir prendre l’air en un lieu voisin ; tu compris ce que cela voulait dire, tu acceptas son offre, et me trouvant-là comme par hasard, le grand infirmier me pria de te donner le bras.

Lorsque je te sentis aussi près, mon amitié ne put se contenir ; je te pressai contre moi avec tant de force, que tu ne tardas pas à me reconnaître pour ton protecteur ; mais je ne sais quelle puissance infernale vint t’inspirer la fatale idée que je pouvais être Luiggi ; peut-être ma taille, pareille à la sienne, notre son de voix semblable, t’induisirent en erreur ; mais tu as payé bien cher cette méprise funeste. »

(Ici Lorédan interrompant le récit de son ami, lui répéta les motifs qui lui avaient fait croire une chose pareille, et Valvano, les déplorant, reprit la parole en ces termes.)

« En t’entendant prononcer avec tendresse le nom de ton persécuteur, en te voyant me prendre pour lui, je ne fus pas maître d’un mouvement de saisissement et d’horreur ; je m’arrachai de ton bras, je m’enfuis avec indignation, et fus ailleurs déplorer ta crédulité ; tu sais la suite. Luciani, surpris de ma retraite, te ramena dans l’infirmerie et tu revins prendre ta place sur ton lit.

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