Le Monastère des frères noirs

CHAPITRE XLV.

Je voulais, néanmoins, te parler ; j’en avais le plus grand besoin ; et voyant que je pouvais parvenir auprès du lieu où tu étais, par une porte placée dans la ruelle de ton lit, je tentai de m’introduire par cette voie ; déjà j’ouvrais la porte, quand un grand bruit se fit entendre ; il annonçait le retour de Luiggi, et je n’eus rien de plus pressé que de courir auprès de lui pour m’en quérir du sujet qui lui avait fait interrompre son voyage.

Hélas ! je ne pus en rien tirer, il n’avait garde de me le dire ; ce fut Luciani qui me l’apprit : ton oncle le marquis Magini, auquel, par une imprudence impardonnable, tu n’avais pas fait part de ton projet, avait conçu de justes inquiétudes de ton absence ; il s’était mis en quête pour te chercher, et ta mauvaise étoile voulut qu’il s’adressât à un bandit ; celui-ci donna l’éveil à ses camarades. Le père abbé était encore assez près du couvent ; on lui dépêcha un messager qui l’instruisit de cet incident ; il put donc croire que tu rôdais autour de notre demeure, et il acheva d’en être persuadé lorsqu’on eut trouvé le cadavre de Négroni, que ton cousin avait tué.

Dès-lors la disparition d’Amédéo ne fut plus une chose naturelle ; on se méfia du pélerin qui restait dans le couvent. Le prieur reçut la commission de l’interroger ; par bonheur Luiggi n’osa pas le faire, dans la crainte d’être reconnu, et son confident ne te connaissait point.

Tes réponses, néanmoins, ne laissèrent pas que de te rendre suspect ; et lorsque l’adresse de Luciani eut donné un ton nouveau à tous tes interrogatoires, on resta persuadé que tu étais Amédéo Grimani. En conséquence, l’infirmerie te fut donnée pour prison jusqu’à nouvel ordre, et on redoubla de précautions.

Malgré mon inquiétude, je ne faiblissais pas ; plus le péril croissait, plus je voulais redoubler d’énergie, et passant par les issues secrètes qui pouvaient me conduire vers toi, je t’engageai à me suivre ; je t’enlevai du lieu où l’on te retenait.

J’oubliais ici de te dire qu’écoutant à l’écart l’interrogatoire que te faisait subir l’indigne prieur, j’élevai ma voix involontairement ; mon indignation m’arracha quelques paroles qui commencèrent à faire naître des soupçons contre moi dans l’âme de Luiggi ; car il ne douta point que je ne les eusse prononcées lorsque l’on vint les lui rapporter. Maintenant, reprenons le fil de mon discours et revenons à notre course dans les corridors de l’abbaye. Je te conduisis au vestiaire des religieux, afin que, revêtant leur costume tu pusses plus facilement te soustraire à leurs regards ; je t’indiquai une place dans l’église où je devais t’aller rejoindre, et de là te faire entrer dans les souterrains qui t’eussent conduit hors du monastère. La providence divine en décida autrement.

Je te quittai, voulant revenir près de mon frère, afin d’éveiller son inquiétude le plus tard qu’il me serait possible ; j’étais assuré que tu ne risquerais rien ; il était si ordinaire de voir des religieux en prière dans l’église attendre l’heure de l’office du soir, que je ne pensais pas que tu pusses faire naître le moindre soupçon.

Tu entrais dans le cloître, décoré avec cette magnificence lugubre et bizarre qui le rend l’objet de la curiosité de toute la Sicile, quand, par une fatalité sans exemple, Luiggi le traversait. Se croyant en sûreté dans ces lieux où nul n’était introduit sans sa permission expresse, il marchait son capuchon relevé ; tu le vis et plus que jamais tu t’enfonças dans ta fatale erreur ; tu courus à lui les bras tendus. Cette action, ta taille mal cachée sous ton vêtement, suffirent à te faire reconnaître ; il entra précipitamment par une porte qu’il referma sur lui, et puis voyant que tu t’éloignais, il te suivit avec précaution par derrière jusque dans l’église où tu fus prendre la place que je t’avais indiquée.

Luiggi, ne te perdant pas de vue, envoya chercher un religieux qui lui était dévoué ; il lui commanda de venir vers toi, et, d’une voix mystérieuse, de t’engager à aller t’asseoir dans la cinquième stalle en face de son trône abbatial. Une infernale idée venait de naître dans son âme fertile en perfides inventions, et bien assuré que j’étais d’intelligence avec toi, il voulut te donner le change s’il était possible.

Ayant mis en sentinelle un nouveau surveillant, il vint dans son appartement où je me trouvais.

» Mon frère, me dit-il, il faut que tu me rendes un service dont seul je puis apprécier l’importance ; je ne me sens pas bien, je ne voudrais pas aller à l’office du soir, et comme assez fréquemment je m’en dispense, je crains de faire murmurer mes religieux. Ta taille, ta voix sont semblables à la mienne ; fais-moi le plaisir de prendre ma place dans cette circonstance : tu m’obligeras beaucoup. »

Cette proposition, si extravagante, me surprit au-delà de toute expression ; certes, dans une autre journée, je l’eusse repoussée comme je devais le faire, mais en ce moment je craignais tant d’éveiller sa méfiance que je me prêtai à un caprice dont d’ailleurs j’entrevoyais le but. Je le croyais du moins ; il me semblait que son idée était de m’occuper afin que je ne pusse pas être instruit de la présence d’Amédéo Grimani dans le monastère. Je ne pouvais deviner qu’il t’eût parfaitement reconnu.

Après lui avoir fait diverses objections, qu’il détruisit en me prouvant qu’à cette heure il ne se faisait aucune cérémonie qui eût pu me conduire au sacrilège, je me rendis, espérant que tu te perdrais dans la foule des religieux ; d’ailleurs je voulus t’envoyer Luciani pour t’engager à sortir et à rentrer dans le cloître, où tu aurais eu l’air d’accomplir une pénitence ; mais Luciani ne se remontra pas.

Déjà tu avais pris ta place dans la cinquième stalle, tandis que le moine qui eût dû l’occuper avait reçu l’ordre de ne point paraître à l’église ; je m’y rendis, ne sachant pas trop ce que je devais faire, mais poussé par une main invisible qui agissait impérieusement sur moi.

Dans le temps que je suppliais le ciel de me pardonner cette profanation, en raison du motif qui me la faisait commettre, je sentis que le détestable prieur, qui était auprès de moi, ayant passé sa main par derrière ma tête, fît tomber mon capuchon, qui laissa un instant mon visage découvert ; je me hâtai de le rejeter sur ma tête, ne comprenant pas pourquoi le misérable en agissait ainsi, quand les paroles : À toi Francavilla, à toi ! ayant retenti sous les voûtes sombres de l’église, me donnèrent une faible lumière sur le rôle qu’on me faisait jouer et sur le motif de l’insolence du prieur.

Mais je ne pus alors en savoir davantage ; bientôt après les religieux défilèrent en procession, selon l’usage ; et comme nous arrivions à la porte extérieure, des satellites que nous y trouvâmes, fondirent sur un Frère noir, et il fut emmené avec promptitude. Je ne doutai pas que ce ne fût toi, aussi oubliant toute discrétion, je courus vers le malheureux pour prendre sa défense ; mais l’erreur ne dura pas long-temps, il se fit reconnaître, et soudain la cloche d’alarme ayant retenti, on se mit à te poursuivre dans le monastère.

J’oubliai dans cet instant mon désir de punir le prieur de son action impertinente ; je ne m’occupai plus qu’à me mêler parmi tes persécuteurs, afin de te sauver si il était possible. On te chercha d’abord sans succès ; le lieu que tu avais choisi pour ton asile était excellent, et certes tu te fusses épargné beaucoup de soucis, si tu eusses voulu demeurer tranquille plus long-temps ; tu quittas ton poste ; on te surprit ; une lutte s’engagea entre toi et les bandits à la solde de Luiggi ; ta vie fut menacée, je fus assez heureux pour la préserver et pour te rendre, dans cette circonstance, ce que tu avais fait deux fois pour moi dans les combats, au péril de la tienne.

Luciani se dévouant aussi, parvint à suspendre la rage d’un assassin ; on te garrotta, tu fus entraîné dans une prison, et je te perdis de vue. Pendant que l’on me conduisait vers mon frère, j’eus le temps de dire à Luciani de veiller sur toi : déjà tout était disposé par nous pour faciliter ta fuite, et je voulais que tu emmenasses avec toi ma Palmina ; je me défiais trop de Luiggi pour souffrir plus long-temps que ma femme, en demeurant dans cette prison, devînt envers lui l’otage de ma conduite future.

Je n’eus pas la peine de me justifier auprès de Luiggi, car il ne voulut pas me voir, bien assuré que moi seul avais pu prendre ta défense ; craignant mes reproches, il avait à l’avance donné l’ordre que je fusse conduit dans une chambre, où l’on devait me garder à vue, sans qu’on me permît ni de lui écrire, ni de parler à qui que ce fût ; pour toi ton sort devait être affreux : précipité dans un cachot profond, où l’on avait suspendu l’Étendard de la Mort, tu devais y expirer dans les angoisses d’une faim dévorante.

Luciani, que rien ne pouvait faire suspecter, demeura libre de ses mouvemens. Dès que les religieux furent rentrés dans leurs chambres, il sortit de la sienne, prit ton épée, dont on t’avait dépouillé, et fut te chercher de souterrain en souterrain ; enfin il parvint dans ce lieu où l’on t’avait jeté, et sa joie ne fut pas médiocre : il commençait à craindre de ne pas te rencontrer.

« Une nouvelle perfidie de Montaltière rendait l’adresse nécessaire pour tirer Palmina du lieu qui la renfermait ; sous prétexte de mieux veiller à sa sûreté dans une demeure où assurément elle n’avait rien à craindre, il avait placé, sans m’en prévenir, un corps-de-garde composé de deux brigands ; on les relevait toutes les vingt-quatre heures.

La première fois que je les vis, j’en fus indigné ; mais ayant pris la résolution de tout dissimuler pour mieux venir à bout de mes desseins, je parus me contenter de l’explication que Luiggi me donna de cette conduite.

J’étais le maître d’aller chez Palmina ; j’avais le mot d’ordre et la bague qui devaient me faire reconnaître et me donner le droit d’emmener ma femme, si je le voulais ; et les bandits me voyant dans mon costume de Frère noir, me prirent pour l’abbé qui venait visiter l’objet d’une passion coupable.

« Je crus donc qu’il ne serait pas difficile de tirer Palmina des mains de ses gardiens, et que, sous le prétexte de la ramener dans l’intérieur du couvent, tu pourrais la conduire chez Stéphano ; mais j’ignorais qu’une nouvelle consigne venait d’être, dans la journée précédente, ajoutée à celles qui déjà avaient lieu, et cela par suite des événemens qui se passaient.

Il te fallut donc combattre ; la victoire appartint à la cause la plus juste, ma Palmina fut délivrée, tu franchis les profondeurs de ces cavernes naturelles où l’art a eu peu de chose à faire pour pratiquer des routes inconnues aux humains, et après avoir retrouvé Grimani chez Stéphano, tu pus enfin rentrer dans Altanéro ; la fortune était lasse de te poursuivre, ma femme, prévenue à l’avance me conserva le secret que je lui avais demandé, et tu veillas sur elle comme je l’espérais.

Rien ne fut égal à la colère de Luiggi, lorsqu’il apprit ton évasion et celle de ma femme ; il leva alors le masque, il m’accusa hautement de l’avoir trahi ; nous eûmes une explication orageuse, à la suite de laquelle il me consigna dans mon appartement dont il me fut défendu de franchir la porte, et les plus intimes affidés de l’abbé devinrent mes surveillans ; c’était ce qui pouvait le moins m’inquiéter ; je savais par où passer pour m’échapper quand il m’en naîtrait l’envie ; et je n’eus garde d’avouer à Luiggi par quel moyen j’avais pu te tirer de ton cachot, faire sortir Palmina de sa prison, et vous faire franchir à l’un et à l’autre l’enceinte du monastère.

Deux jours après, Montaltière vint me faire une visite ; il essaya de me gagner à son parti, il m’apprit que ma femme était dans Altanéro. « Et là, dit-il, je puis plus facilement la suivre dans toutes ses démarches, et si elle trahit mon secret, dont elle est sans doute informée, je ne balancerai pas à la livrer au roi Frédéric, qui la réclame. »

Cette menace barbare me fit frémir ; je jugeai Luiggi capable de l’exécuter, et dans cette cruelle alternative, je résolus de rester tranquille jusqu’au moment où je me rendrais à Palerme. Ce qui m’inquiétait était de ne pas voir Jacomo ; enfin j’appris son combat contre Amédéo, et j’admirai comme le ciel se plaît à mélanger le bien et le mal sur ceux qu’il frappe.

Plusieurs jours se passèrent ainsi ; enfin voyant qu’il me fallait partir, le vingt-deux du mois approchant, je disparus une nuit par mon issue cachée, et je me rendis chez Stéphano ; il était prévenu déjà de mon arrivée par les soins de Luciani, aussi avait-il tout préparé pour me seconder dans ma fuite. Nous sortîmes du bois à la faveur de la nuit ; je gagnai un village voisin, et là je me séparai de ce brave homme, que je n’ai plus revu ; j’arrivai à Palerme le vingt-un, dans la journée, et me cachant à tous les yeux, j’attendis avec impatience le moment convenu qui devait tout apprendre à Lorédan.

Il m’était impossible de croire que j’eusse été suivi ; mes précautions étaient telles que Luiggi devait avoir perdu ma trace ; cependant je me trompais, et sur ce point je ne puis donner aucun renseignement, car j’ignore encore comment mon frère a su mon projet, à moins que, pendant la nuit, lorsque ses satellites me gardaient, je n’aie laissé, dans mon sommeil, échapper des paroles qu’on aura soigneusement recueillies et interprétées avec facilité après ma sortie de Santo Génaro.

Enfin l’heure fatale arriva : caché sous un manteau, je me rendis dans la cathédrale par une petite porte peu fréquentée, et je marchai, vêtu en Frère noir, vers le lieu du rendez-vous ; Lorédan n’y avait pas manqué ; mais au moment où j’allais lui parler et commencer notre conversation, un fratricide, (ah ! j’aime pourtant à croire que Luiggi crut ne frapper que mon émissaire) me porta un coup qui eût dû être mortel ; à peine je pus laisser échapper un faible cri ; je tombai sans connaissance, et un mois s’écoula avant que l’usage de mes sens me fût entièrement rendu.

Luiggi, instruit du rendez-vous donné par moi à Lorédan, forma le projet de se défaire de celui-ci à l’instant où il entrerait dans la cathédrale ; prenant avec lui le prieur de Santo Génaro et plusieurs brigands déterminés, il était venu à Palerme et avait recruté d’autres misérables parmi les bandoléros dont cette ville abonde.

Son attente fut trompée ; Francavilla n’entra point dans l’église par le grand portique, il s’y introduisit par les galeries de l’archevêché, et le perfide abbé ne trouva pas un homme qui osât commettre un meurtre dans l’église ; lui seul en prit le soin, il courut se cacher derrière un banc, et attendit que nous nous présentassions.

Ma présence le fit frémir, il connut le danger, et ne craignit pas, pour en sortir, d’attenter aux jours de son frère. Lorédan, à la vue de l’action qu’il venait de commettre, mit l’épée à la main ; Luiggi, pour échapper à ce péril certain, d’ailleurs sûr de lui avoir fait prendre le change en me montrant à lui comme son persécuteur, fit voir son visage. Sa ruse abominable lui réussit. Lorédan crut lui devoir la vie ; il voulut l’embrasser, mais Luiggi essaya de l’emmener hors de l’église où les bandits l’attendaient pour l’immoler ; il ne put y réussir ; Francavilla donna le signal, et l’édifice se remplit des gens que l’archevêque avait apostés ; en même temps les portes se fermèrent, et la terreur descendit dans l’âme de Montaltière ; il craignit une explication qui pouvait lui être préjudiciable, et il sortit par un des bas côtés, que lui ouvrit un sacristain, dont il paya largement la complaisance.

Sa plus grande inquiétude était alors de savoir si j’avais parlé ou si j’avais expiré ; il se donna force soins pour découvrir la vérité ; enfin il apprit avec quelque certitude que j’existais encore, mais qu’un long espace de temps s’écoulerait avant que je retrouvasse l’usage de la parole ; ceci le rassura, et sa fertile malice lui inspira les perfidies qu’il devait employer pour te perdre avant mon retour à la santé. (Ici nous le répétons encore, nous mettons dans la bouche de Ferdinand le récit des choses qu’il ne pouvait savoir à cette époque, mais nous avons cru devoir en agir ainsi pour satisfaire de suite la curiosité du lecteur.)

En quittant le monastère, je n’avais pas songé à retirer les documens, les papiers appartenans à la princesse de Chypre ; ils se trouvaient par conséquent au pouvoir de mon frère : ce fut sur eux qu’il s’appuya pour en faire les fondemens de ses nouvelles machinations. Je vais vous décrire par ordre tout ce qu’il fit, afin de vous faire bien connaître sa haine : elle avait formé un plan, il ne s’agissait rien moins que de brouiller Lorédan avec Grimani, dont la présence à Altanéro gênait les complots de vos ennemis, décidés à le perdre dans l’opinion du roi de Sicile, et enfin à le séparer de son Ambrosia.

Je vous ai dit, continua Valvano, que la belle Elphyre, cette amie de ma femme, ayant été enlevée presque sous les yeux de Francavilla, avait été conduite dans une prison particulière du château de ce dernier. Luiggi, qu’on en instruisit, voulut, après ton retour du monastère, qu’un brigand, dont la figure était assez gracieuse, se donnât pour toi, la trompât, soit pour chercher à lui arracher ce qu’elle pouvait savoir de nos secrets, soit pour feindre près d’elle un amour, qui devait te nuire également dans l’esprit d’Ambrosia et de Grimani ; car, grâce aux espions dont vous étiez environnés, on devinait vos plus secrètes pensées.

Le fourbe qu’on employa prétendit avoir appris dans le monastère le lieu où la jeune fille était détenue ; il joua son rôle avec assez d’adresse pour séduire Elphyre, et pour que, dans la suite, les récits de celle-ci, trompassent également Amédéo.

Mais pour mieux tromper celui-ci, on fit mouvoir de plus puissants ressorts ; une lettre laissée dans sa chambre par le concierge qui vous trahissait, éveilla ses soupçons ; il voulut en effet surveiller les courses nocturnes de Lorédan, comme on lui en faisait naître l’envie, et la nuit suivante il se plaça en embuscade.

– « Tu dois te rappeler, cher Lorédan, que cette même nuit le concierge du château se présenta devant toi ; il venait, disait-il, te révéler ce qui s’était passé dans la journée. Un homme introduit dans Altanéro avait, prétendait-il, agi de manière à lui devenir suspect ; cet homme cherchant à lui parler, il ne s’était pas refusé à l’entendre, et peu à peu il avait paru céder à la séduction qu’on cherchait à opérer sur lui ; de cette manière, il était parvenu à saisir le fil d’un complot qu’on lui avait entièrement révélé ; il s’agissait de pouvoir, par une entrée particulière, pénétrer dans Altanéro en nombre suffisant pour en surprendre les habitans.

Le concierge promit d’en indiquer une qui était à sa connaissance, et sous ce prétexte, il se fit suivre de l’inconnu, le conduisit dans les souterrains, le fit entrer dans un cachot où il l’enferma brusquement ; il avait agi ainsi pour ne pas faire connaître à ceux qui employaient cet individu le sort de leur agent.

Francavilla demeura charmé de l’adresse du concierge ; aussi consentit-il facilement à le suivre pour aller sur l’heure interroger le bandit, et tous deux prirent de suite le chemin des souterrains, tandis qu’Amédéo les suivait doucement ; arrivés au lieu que l’on ne voulait pas laisser dépasser en cet instant par Grimani, une porte fut fermée, et le concierge, poursuivant son chemin, conduisit Lorédan en un cachot voisin de la demeure d’Elphyre, où tu trouvas en effet un bandit qui s’y était laissé amener volontairement ; tu fus la dupe de ce qu’il voulut bien te dire, et tu le quittas en recommandant au concierge de veiller sur lui ; ainsi tu fus joué par ces deux scélérats.

« Le lendemain selon ton usage, tu courus à Rosa Mazini, auprès de ton Ambrosia ; de nouveaux ressorts furent mis en jeu : on donna à Grimani une clef qui lui était nécessaire, on disposa tout de manière à ce que sa sortie et celle d’Elphyre fussent libres, et une felouque fut prête afin qu’il put s’en servir pour s’éloigner d’Altanéro ; la ruse réussit comme on l’avait espéré. Amédéo en partant enlevait un témoin dangereux aux Frères noirs ; et de plus, il emmenait avec lui, non seulement Elphyre, son amante, mais encore Palmina, dont la présence devenait incompatible avec les projets de Luiggi.

Les cookies permettent de personnaliser contenu et annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer