Le Prisonnier de la planète Mars

Le Prisonnier de la planète Mars

de Gustave Le Rouge

Partie 1

 

 

Chapitre 1 UN MESSAGE MYSTÉRIEUX

 

– Personne n’est encore venu me demander,mistress Hobson ?

– Personne.

– Il n’est venu aucune lettre pour moi ?

– Aucune.

Mistress Hobson, propriétaire de la taverne à l’enseigne des Armes de l’Écosse, n’était pas bavarde de son naturel. Malgré le désir qu’avait son interlocuteur d’entrer en conversation, elle lui fit comprendre d’un petit mouvement sec et décidé qu’elle n’avait nullement envie de perdre son temps en paroles inutiles.

Installée derrière son comptoir, encadrée de pintes d’étain, d’énormes tranches de rosbif saignant, de petits barils de conserves et de flacons de pickles, elle était gravement occupée, en attendant l’heure du thé, à compter sa recette du matin et à disposer en tas égaux les pièces d’un shilling et de six pence qui remplissaient son tiroir-caisse.

À l’autre extrémité de la salle, à ce momenttout à fait vide, un jeune homme de mine et de tournure éléganteétait assis près d’un grand feu de charbon qui faisait monter deses vêtements tout trempés une épaisse vapeur.

De temps à autre, il se levait, allait à lafenêtre et, à travers les carreaux ruisselants de pluie,contemplait le panorama des quais de la Tamise, où des centaines depaquebots noirs, alignés sous le ciel couleur de fumée, dessinaientdes profils tristes dans le brouillard jaunâtre.

Quand le jeune homme avait bien contemplé lesmonceaux de charbon alignés à perte de vue, qui allaients’engouffrer dans les docks, les allées et venues de locomotivespoussives, attelées à d’interminables trains chargés de barriqueset de pierres de taille, il allait se rasseoir mélancoliquement etfermait à demi les yeux, engourdi par la chaleur humide de lapièce, le cerveau endolori par les rugissements incessants dessteamers.

C’était un jeune homme d’une trentained’années, aux cheveux et à la barbe blonds et frisés, au profilfin, aux yeux bleus et clairs on devinait à le voir une de cesnatures nerveuses, qui ont horreur de l’oisiveté et qui courentbrusquement à la réalisation des choses, même avant de les avoircomplètement étudiées et mûries.

La brume se faisait plus épaisse, et lepaysage plus indécis. Les locomotives et les paquebots étaientdevenus tout à fait vagues, et les lampes électriques commençaientà jeter leurs taches blanchâtres dans ce décor de papierbrouillard, lorsque le grelot de la porte d’entrée tinta.

Un nouveau venu pénétra brusquement dans lataverne. Malgré son macfarlane doublé de drap de Suède et sesguêtres hautes, il était couvert de boue et trempé jusqu’aux os.Ses bottes rendaient un bruit d’éponge et de larges flaquesnaissaient sous ses pas.

– C’est vous, mon cher Pitcher ?

– Votre santé est bonne, masterDarvel ?

Mr. Pitcher, sans se laisser intimider parl’air grognon de mistress Hobson, se débarrassa de son capuchon etlaissa voir une face rubiconde et vermeille, souriante etdébonnaire, à laquelle de longues moustaches rousses, à laKitchener, n’arrivaient pas à donner un air belliqueux.

Avec ses grasses mains rouges cerclées debagues, sa bedaine arrondie comme un fût de bière de Mars et paréede griffes de tigre montées en breloque, Mr. Pitcher apparaissaitcomme un des plus paisibles habitants du Royaume-Uni.

Il s’assit tout essoufflé, s’épongea le frontet se commanda un verre de porto épicé, de l’air grave d’un hommequi songe d’abord aux choses sérieuses et qui prend ses précautionscontre la bronchite.

– Toujours le même, mon vieux Ralph, ditRobert Daniel en souriant.

– Ma foi oui, M. Robert.

– Et les oiseaux, cela marchetoujours ?

– Tout doucement, M. Robert. Quandje vous ai rencontré hier à Drury-Lane, je venais de conclure uneaffaire avec un officier retour du Soudan, pour un lot de maraboutset de flamants. Eh bien, ma parole d’honneur, c’esthonteux !

Le gros homme s’était levé, pris d’uneindignation subite.

– Vous me croirez si vous voulez,M. Robert, s’écria-t-il ; dans dix ans d’ici, le commercedes oiseaux sera devenu impossible. Notez que je ne parle pas pourles plumes d’autruche, il y en a toujours, à cause des autrucheriesdu Cap, où on les élève comme des canards ; mais les beauxoiseaux des forêts vierges, les lophophores, les aigrettes, lesménures, les oiseaux de paradis, tout cela n’existera plus quecomme une légende, avant qu’il soit peu.

– Eh ! pourquoi donc, mon vieuxPitcher ? dit Robert, souriant un peu de cetteindignation.

– Pourquoi, fit l’autre en se levant avecune fureur croissante, parce qu’on les détruit, parce qu’on lesmassacre. On va jusqu’à tendre des fils électriques au bord dessources où ils s’abreuvent ; yes, sir, j’aivu de mes yeux trois mille hirondelles foudroyées le même jour,grâce à ce procédé barbare, et tout cela pour quoi faire ?Pour garnir des chapeaux !

– On pourrait en faire un plus mauvaisusage.

Ralph Pitcher n’écoutait pas soninterlocuteur ; la face empourprée de colère, il continuait àpérorer en donnant de temps en temps de grands coups de poing surla table, comme pour ponctuer ce qu’il disait.

– Oui, grondait-il avec une nuanced’émotion dans la voix, on extermine sans pitié les volatiles,grands et petits. Partout où le chemin de fer et la lumièreélectrique pénètrent, c’est un massacre. Et les oiseaux migrateurs,les cygnes, les canards sauvages, les albatros mêmes, ne sont pasépargnés. Savez-vous qu’à certaines saisons, les gardiens de pharetrouvent au pied de leur tour de granit des centaines d’oiseauxqui, fascinés par la lueur de ces foyers puissants, visiblesjusqu’à cinquante milles au large, sont venus se briser le crânecontre l’épais cristal des lanternes.

– Mais enfin, interrompit Robert Darvel,– lorsque Pitcher essoufflé s’arrêta pour reprendre haleine et enmême temps lamper une rasade -, je ne comprends pas beaucoup cetteindignation ; naturaliste et chasseur, vous êtes par métierl’ennemi naturel de tout gibier de poil ou de plume.

– Permettez…

– Et, quand je vous ai connu dans lessteppes du Turkestan et dans les jungles du Bengale, vous leurfaisiez une guerre sans merci ; je ne me rappelle d’ailleursjamais qu’avec un vif sentiment de plaisir les matins d’affût dansles grands roseaux, encore tout humides de la fraîcheur de la nuit,et nos folles cavalcades à travers les bois où nous étions parfoisobligés de camper, et d’où nous revenions pliant sous le fardeaudes pièces abattues.

Pitcher était tout à coup devenumélancolique.

– Oui, fit-il ; mais, dans nosexpéditions, nous n’employions pas de ces machines maudites, quidétruisent systématiquement toute une race d’animaux. C’étaitloyalement, la carabine au poing, que nous chassions les beauxoiseaux de la forêt, respectant les couvées, et faisant une guerreacharnée aux serpents et aux bêtes de proie.

– Il y a du vrai !

– Alors, il parait que vous êtes arrivétout à fait au succès. J’ai vu votre portrait dans le DailyTelegraph et la photographie de votre installation en Sibérie…Vous êtes riche ?

– Mon pauvre ami, quelle erreur est lavôtre ! Je suis ruiné à plates coutures.

– Mais, vos inventions ?

– Vendues pour un morceau de pain à destrusts américains.

– Et votre mariage avec la fille dubanquier Téramond ?

– Rompu, le mariage.

Le naturaliste écarquilla les yeux avecstupeur.

– Comment tout cela est-il arrivé ?demanda-t-il, en allumant flegmatiquement un cigare et ens’accotant pour mieux écouter.

– Oh ! très simplement. Je vais vousraconter cela. Avec mes inventions, mon moteur à poids léger pourles aérostats, ma chaudière à alcool pour les paquebots à grandevitesse, j’avais gagné de l’argent. C’est alors que je fis laconnaissance du banquier Téramond et que je fus présenté à safille, la charmante Alberte. Elle eut la bonté d’accueillirfavorablement mes hommages. Son père, qui voyait une fortune àgagner en utilisant mes brevets, ne se montra pas tout d’abordhostile à ce projet d’union. Tout allait bien, quand un jour jerencontrai à White-Chapel un réfugié polonais que j’avais connuautrefois à Paris. M. Bolenski était un astronome de premierordre, il avait la ferme conviction que toutes les planètes sonthabitées par des êtres semblables à nous et il étayait cetteopinion d’une foule de preuves. Ses études avaient été constammentdirigées vers les moyens d’entrer en communication avec leshabitants des astres les plus rapprochés de nous. Il eut l’art deme communiquer son enthousiasme et, après huit jours de discussionset d’entretiens, une association fut conclue entre nous. Il futconvenu (d’ailleurs vous avez dû l’apprendre par les journaux) que,négligeant la Lune que la majorité des astronomes s’accorde àreconnaître comme une planète morte, nous nous attaquerions à laplanète Mars, l’astre rouge que les astrologues du Moyen Agedisaient annoncer les guerres et les désastres. Suivant une donnéeindiquée par plusieurs savants, mais qui n’avait jamais encore étémise en pratique, nous résolûmes d’établir dans un lieuparfaitement plat une figure géométrique d’un genre élémentaire,assez vaste pour être nettement visible des astronomesmartiens.

– Pourquoi une figure degéométrie ?

– Les lois de cette science sontcertainement les mêmes dans tout l’univers. Les chiffres et lescaractères de l’alphabet sont de convention. Le triangle et lecercle et les lois qui régissent ces figures sont, au contraire,connus des savants de Mars, quelque faible que soit leurdéveloppement scientifique.

– Je ne vois pas encore par quel moyen,même si les Martiens savent la géométrie, vous auriez pu entrer encommunication avec eux.

Robert haussa les épaules en souriant.

– Mais c’est l’enfance de l’art. Admettezque l’on ait répondu à mes signaux par des signaux semblables,aussitôt j’en faisais d’autres ; j’écrivais à côté de chaquefigure son nom, les Martiens faisaient de même ; il y avait làle rudiment d’un alphabet qu’il était facile de compléter à l’aidede dessins très simples, toujours accompagnés de leur nom. Aprèsquelques mois de travail, il eût été certainement facile decorrespondre couramment. Vous voyez d’ici quels merveilleuxrésultats. Nous étions initiés en peu de temps à l’histoire, auxdécouvertes et même à la littérature de ces frères inconnus quinous tendent peut-être les bras eux-mêmes à travers les abîmes dufirmament. Puis, on ne s’en serait pas tenu là : j’ai déjà leplan d’un appareil de photographie géant ; nous eussions avantpeu possédé les portraits des rois et des reines, des grands hommeset même des plus jolies personnes de la planète-sœur.

– Qui sait ? murmurait Pitcher toutrêveur. Vous m’auriez peut-être obtenu des commandes ?

– Pourquoi pas ? s’écria Robert avecfeu. Rien n’est impossible, dans cet ordre d’idées… Mais voyez quelénorme avantage je procurais à l’humanité tout entière ; nousprofitions à peu de frais, je puis le dire, des travauxintellectuels accumulés par des milliers de générations. Lasolution de la question sociale, la longévité indéfinie, lesMartiens connaissent peut-être tout cela. Le succès de monexpérience eût été pour tous un incalculable bienfait.

– Pardon ! fit Pitcher, quiadmirait, sans le partager, l’enthousiasme de son ami. Mais, si lesMartiens en sont encore à la période semi-barbare, si ce sont desêtres féroces…

– Belle objection. Dans ce cas, c’estnous qui les aurions civilisés en les faisant profiter de nosconnaissances.

– Voilà de nobles intentions… Mais enfin,comment tout cela s’est-il terminé ?

– De la façon la plus malheureuse. Jesuis parti avec mon associé pour la Sibérie. D’abord tout marchatrès bien, mon associé M. Bolenski, qui avait été banni dePologne autrefois, obtint sa grâce. Le gouvernement russe accordales autorisations nécessaires. Arrivés par le chemin de fertranssibérien jusqu’à Stretensk, nous nous pourvûmes dans cetteville de travailleurs et de matériel, puis nous remontâmes vers lenord jusqu’à une steppe parfaitement unie où furent installées surplusieurs lieues de long nos figures géométriques. Les lignesétaient simplement tracées sur une largeur de trente mètres avecdes pierres crayeuses dont le ton blanc tranchait vigoureusementsur le sol noirâtre de la steppe. La nuit, de puissantes lampesélectriques répétaient nos signaux.

– Cela dut vous coûter cher, interrompitPitcher.

Quand furent terminés le cercle, le triangle,et la figure géométrique qui accompagne la démonstration duthéorème du carré de l’hypoténuse, que nous avions choisie commecaractéristique et très visible, mon capital était fortemententamé, mais j’étais plein d’espoir. Notre campement, à l’ombred’un petit bois, d’où nous pouvions surveiller nos tracés, formaitun petit village assez pittoresque avec ses cahutes de terre et defeuillage, et ses cuisines en plein vent. J’allais chasser l’oursgris et le renard, pêcher l’esturgeon et le saumon, en compagniedes Ostiaks vêtus de blouses de fils d’ortie et de gilets en peaude poisson, braves gens, un peu malpropres, mais prêts à me suivreau bout du monde, pour un paquet de tabac ou une fiole de rhum. Jem’accoutumais à cette vie pastorale : la Sibérie pendantl’été, avec ses vertes et giboyeuses forêts, est un séjourcharmant. D’ailleurs, les habitants de Mars ne donnaient pas signede vie.

« Mais nous avions fait la connaissanced’un grand propriétaire russe, riche à plusieurs millions deroubles, qui avait chaudement embrassé nos idées et devait nouscommanditer. À l’entendre, nos tracés étaient beaucoup troprestreints, il prétendait les faire réédifier sur un plan plusvaste et obtenir de l’empereur quelques sotnias<spanclass=footnote>Sotnia : escouade de soldats.</span> decosaques pour les garder. Brusquement, tout se gâta.M. Bolenski, dont l’acte d’amnistie n’avait pas étéenregistré, fut tout à coup arrêté et envoyé au bagne de l’île deSakhaline. Je fus moi-même emprisonné pendant quelque temps etj’eus beaucoup de peine à prouver mon innocence. Quand je revins aucampement, je le trouvai entièrement détruit par une bande depillards Khoungouses<span class=footnote>Khoungouses :brigands de la steppe.</span>. Les misérables avaient toutemporté : armes, instruments, vivres et munitions, toutjusqu’au beau télescope qui devait nous servir à reconnaître lessignaux des Martiens.

« Mes tracés géométriques étaient déjàtransformés en routes commodes et solides à l’usage des marchandsde thé et de poissons salés. Quant aux travailleurs sibériens etaux chasseurs asiatiques de mon escorte inutile de dire qu’ilsétaient partis dans toutes les directions, après avoir sans doutereçu leur part du butin… J’allai trouver le grand propriétairerusse qui devait nous commanditer, il me mit froidement à la porteen m’assurant qu’il était trop dévoué à Sa Majesté l’empereur« le Petit Père » Nicolas, pour entretenir quelquerelation avec un nihiliste de ma trempe.

– Voilà ce qui s’appelle n’avoir pas dechance, dit Pitcher, qui avait allumé un second cigare et commandéun grog ; mais comment vous êtes-vous tiré de là ?

– Je ne m’en suis pas tiré. Il me restaitencore un peu d’argent, heureusement : je me suis empressé deprendre le train et me voici. J’ai de quoi vivre à Londres pendantun mois. D’ici là, il faut que je fasse quelque découverte,autrement je ne sais ce qu’il adviendra.

– À votre place, j’irais voir ceM. Téramond : je suis persuadé qu’il vous feraitvolontiers une avance de fonds.

– Que vous êtes naïf, mon pauvreami ! Ma première visite en débarquant à Londres a été pour lebanquier que je considérais déjà comme mon futur beau-père. Ilétait au courant d’une partie de mes déboires aussi son accueilfut-il assez froid. À dire vrai, il fut tout juste poli.

– Cher monsieur, me dit-il avec uneironie un peu lourde d’homme pratique arrivé comme on dit « àla force du poignet » et qui connaît le prix de l’argent, mesfaibles capitaux ne me permettent pas de me lancer dans desentreprises aussi grandioses que les vôtres. Certes, je vousadmire, vous êtes brillamment doué, vous serez la gloire de votrepays ; mais pour communiquer avec les habitants des autresplanètes, il ne vous faut pas moins d’un milliard ou deux.Embarquez-vous pour Chicago ; c’est le conseil que je vousdonne.

« Je ne daignai pas répondre à cemalappris, je lui brûlais la politesse et me retirai un peu triste,non pas à cause de l’affaire manquée, l’argent je m’en moque, Dieumerci !… Mais miss Alberte a de si tendres yeux bleus, un simystérieux sourire, de si beaux cheveux à la fois sombres etbrillants comme le cuivre neuf…

– Inutile de continuer votre description,allons au fait.

– Oh ! c’est à peu près tout.Seulement, en me retournant avant de franchir pour la dernière foisla grille dorée de l’hôtel, j’aperçus à une fenêtre du premierétage l’adorable profil de miss Alberte. Nous nous saluâmestristement et je me retirai la mort dans l’âme. Mais j’ai compris,au regard qu’elle m’a jeté, que la pauvre enfant ne fait que subirla volonté d’un père tyrannique.

– Tout s’arrangera, dit Pitcher, je pariequ’avant un mois, vous aurez fait quelque trouvaille de génie quevous vendrez à prix d’or. Alors, le père de la belle vous rendrases bonnes grâces.

La conversation en était là entre les deuxamis, lorsque la sonnette de la porte d’entrée fit retentir sepetite voix fêlée.

Un gamin sale et déguenillé, grelottant sousson vieux tricot de marin, entra et s’avança jusqu’au comptoir oùtrônait mistress Hobson, en jetant autour de lui un regardsoupçonneux.

– Que viens-tu faire ici, vaurien ?demanda aigrement la dame.

– C’est une lettre que j’ai à remettre àce gentleman, fit le petit drôle d’un air important, etostensiblement, il désignait du doigt Robert Darvel.

En même temps, il tira de sa poche une missivetoute froissée, où le pouce crasseux du porteur s’accusait en noir,comme un cachet supplémentaire ; puis il disparut, sanslaisser le temps à personne de le questionner, en claquant la porteavec fracas.

Mistress Hobson, après avoir haussé lesépaules d’un air scandalisé, se remit à compter sa monnaie.

– Drôle de message, fit Pitcher avecméfiance.

– Drôle de messager plutôt, dit Robert enriant de bon cœur ; je ne connais personne qui puissem’écrire.

– Voilà qui est louche.

– Je vais être fixé à l’instant même.

Et Robert ouvrit la lettre et lut à hautevoix :

« Monsieur,

« J’ai eu l’occasion d’être mis aucourant de vos travaux et de vos voyages. J’ai une propositionintéressante à vous faire. Veuillez, je vous prie, venir me voir cesoir, vers dix heures, en l’appartement que j’occupe 15, rued’Yarmouth : vous demanderez M. Ardavena.

« Recevez mes salutations etl’expression de mon dévouement et surtout ne manquez pas aurendez-vous que je vous assigne et qui est, pour vous comme pourmoi, d’une haute importance. »

– C’est curieux, murmura Robert, je mecreuse vainement la tête pour deviner quel peut être cet étrange etlaconique correspondant. Regardez d’ailleurs quelle mystérieuseécriture. À côté de la lettre, l’enveloppe est presque unchef-d’œuvre de calligraphie et ce style bref et pénible…

– Oui, on dirait que ces lignes ont ététracées par un enfant sachant à peine former ses lettres et quiaurait cherché chaque mot dans un dictionnaire.

– Bah ! c’est probablement bien plussimple que vous ne l’imaginez. C’est tout bonnement quelque richeétranger, quelque industriel ou quelque excentrique, qui veutm’employer dans une de ses usines ou acheter mes futuresdécouvertes.

– Oui, vous avez raison peut-être.

– Si cela est, vous avouerez que j’ai dela chance. Je me demandais déjà ce que j’allais devenir.

Mistress Hobson avait allumé les becs de gaz,car le brouillard était devenu tellement intense qu’il étaitabsolument impossible de rien distinguer.

– Il n’est que quatre heures, dit RalphPitcher. Si vous voulez accepter mon invitation, nous dîneronsensemble en compagnie de ma mère.

– Entendu, dit Robert Darvel ; cebrouillard exhale un ennui funèbre. Je suis vraiment charmé, avantd’aller à mon mystérieux rendez-vous, de passer une bonne soirée àdiscuter de science et d’histoire naturelle, avec un ami que jen’ai pas vu depuis tant d’années.

Les cookies permettent de personnaliser contenu et annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer