L’Épouse du soleil

L’Épouse du soleil

de Gaston Leroux

Partie 1

 

Le navire n’était pas plutôt entré en rade de Callao qu’il était déjà envahi, avant même qu’il eût jeté l’ancre,par une multitude de bateliers criards et tyranniques. Les escaliers, les cabines, les salons furent pleins, en une seconde,de cette engeance matriculée, comme nos commissionnaires, qui avait la prétention d’enlever tous les passagers. L’oncle François-Gaspard Ozoux (de l’Institut, section des Inscriptions et Belles-Lettres), assis sur ses malles où il avait solidement cadenassé tous ses documents et les objets chers à son érudition,se défendit comme un enragé.

C’est en vain qu’on lui fit entendre que le paquebot ne pourrait être remorqué jusqu’au quai de la Darsena que deux heures plus tard ; il se cramponna à ses trésors en jurant que rien ne l’en séparerait… Quant à permettre à ces démons de jeter sur leurs frêles esquifs un bagage aussi précieux, l’idée ne pouvait décemment lui en venir toute seule. Elle fut émise par un grand jeune homme qui ne devait pas être d’un naturel timide,car il ne marqua aucun effroi de la colère que déchaîna illico chez l’irascible vieillard une proposition aussi audacieuse. Raymond Ozoux haussa tranquillement ses épaules, qui eussent pu faire envie à un athlète, et il résolut de laisser son oncle se débrouiller sur son vaisseau. Quant à lui, il avait trop de hâte d’être arrivé pour ne point sauter dans une barque qui, surson ordre, fit aussitôt force rames vers le rivage.

Le cœur battant, Raymond voyait venir à lui lepays fabuleux, l’Eldorado de sa jeune ambition, la terrede l’or et des légendes, le Pérou de Pizarre et des Incas !…et de bien autre chose encore pour lui, Raymond Ozoux, dont le cœurbattait…

Il ne fut point désillusionné par l’aspectmonotone du rivage. Il lui importait peu que la ville s’allongeât,sans beauté, toute plate, au niveau de la mer et qu’elle ne dressâtpoint, au-dessus des flots, ces tours, ces clochers, ces minarets,avec lesquels les antiques cités font de loin leurs gestes de bonaccueil aux voyageurs. Il ne s’intéressa en aucune façon, dès qu’ileut passé le môle, aux ouvrages modernes de la MuelleDarsena qui eussent pu séduire un jeune ingénieur sortirécemment de « Centrale »… Rien de tout cela neparaissait l’occuper…

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