Les Chasseurs de chevelures

Chapitre 18LES CHASSEURS DE CHEVELURES

 

Il était presque nuit quand nous arrivâmes aucamp, au camp des chasseurs de scalps. Notre arrivée fut à peineremarquée. Les hommes près desquels nous passions se bornaient àjeter un coup d’œil sur nous. Pas un ne se leva de son siège ou nese dérangea de son occupation. On nous laissa desseller nos chevauxet les placer où nous le jugeâmes à propos.

J’étais fatigué de la course, après avoirpassé si longtemps sans faire usage du cheval. J’étendis macouverture par terre, et je m’assis, le dos appuyé contre un troncd’arbre. J’aurais volontiers dormi, mais l’étrangeté de tous lesobjets qui m’environnaient tenait mon imagination éveillée ;je regardais et j’écoutais avec une vive curiosité. Il me faudraitle secours du pinceau pour vous donner une esquisse de la scène, etencore ne pourrais-je vous en donner qu’une faible idée. Jamaisensemble plus sauvage et plus pittoresque ne frappa la vue d’aucunhomme. Cela me rappelait les gravures où sont représentés lesbivouacs de brigands dans les sombres gorges des Abruzzes. Jedécris d’après des souvenirs qui se rapportent à une époque déjàbien éloignée de ma vie aventureuse. Je ne puis donc reproduire queles points les plus saillants du tableau. Les petits détails m’ontéchappé ; alors cependant les moindres choses me frappaientpar leur nouveauté, et leur étrangeté fixait pendant quelque tempsmon attention. Peu à peu ces choses me devinrent familières, et dèslors, elles s’effacèrent de ma mémoire comme le font les actesordinaires de la vie.

Le camp était établi sur la rive du Del-Norte,dans une clairière environnée de cotonniers dont les troncs lissess’élançaient au-dessus d’un épais fourré de palmiers nains et debaïonnettes espagnoles. Quelques tentes en lambeauxétaient dressées çà et là ; on y voyait aussi des huttes enpeaux de bêtes, à la manière indienne. Mais le plus grand nombredes chasseurs avaient construit leur abri avec une peau debuffalo supportée par quatre piquets debout. Il y avait,dans le fourré, des sortes de cabanes formées de branchages etcouvertes avec des feuilles palmées d’yucca, ou des joncs arrachésau bord de la rivière. Des sentiers frayés à travers le feuillageconduisaient dans toutes les directions. À travers une de cespercées, on apercevait le vert tapis d’une prairie dans laquelleétaient groupés les mules et les mustangs, attachés à despiquets par de longues cordes traînantes. On voyait de tous côtésdes ballots, des selles, des brides, celles-là posées sur destroncs d’arbres, celles-ci suspendues aux branches ; dessabres rouillés se balançaient devant les tentes et leshuttes ; des ustensiles de campement de toutes sortes, telsque casseroles, chaudières, haches, etc., jonchaient le sol. Autourde grands feux, où brillaient des arbres entiers, des groupesd’hommes étaient assis. Ils ne cherchaient pas la chaleur, car latempérature n’était pas froide : ils faisaient griller destranches de venaison ; ou fumaient dans des pipes de toutesformes et de toutes dimensions. Quelques-uns fourbissaient leursarmes ou réparaient leurs vêtements.

Des sons de toutes les langues frappaient monoreille : lambeaux entremêlés de français, d’espagnol,d’anglais et d’indien. Les exclamations se croisaient, chacunecaractérisant la nationalité de ceux qui les proféraient :« Hilloa, Dick ! kung it, old hoss, whot ore ye’bout ? (Holà, Dick ! accroche-moi ça,vieille rosse ; qu’est-ce que tu fais donc ?) » –« Sacrr… ! – Carramba ! » –« Pardieu, monsieur ! » – « By the eternalairthquake ! » (par le tremblement de terreéternel). – « Vaya, hombre, vaya ! » –« Carajo ! » – « ByGosh ! » – « Santissima,Maria ! » – « Sacrr… ! » On aurait pucroire que les différentes nations avaient envoyé là desreprésentants pour établir un concours de jurements.

Trois groupes distincts étaient formés. Danschacun d’eux un langage particulier dominait, et il y avait uneespèce d’homogénéité de costume chez les hommes qui composaientchacun de ces groupes. Le plus voisin de moi parlaitespagnol : c’étaient des Mexicains. Voici, autant que je me lerappelle, la description de l’habillement de l’un d’eux :

Des calzoneros de velours vert,taillés à la manière des culottes de marin ; courts de laceinture, serrés sur les hanches, larges du bas, doublés à lapartie inférieure de cuir noir ornementé de filets gaufrés et debroderies ; fendus à la couture extérieure, depuis la hanchejusqu’à la cuisse ; ornés de tresses, et bordés de rangéesd’aiguillettes à ferrets d’argent. Les fentes sont ouvertes, car lasoirée est chaude, et laissant apercevoir les calzoncillosde mousseline blanche, pendant à larges plis jusqu’autour de lacheville. Les bottes sont en peau de biche tannée, de couleurnaturelle. Le cuir en est rougeâtre ; le bout est arrondi, lestalons sont armés d’éperons, pesant chacun une livre aumoins ; et garnis de molettes de trois pouces dediamètre ! Ces éperons, curieusement travaillés, sont attachésà la botte par des courroies de cuir ouvré. Des petits grelots(campanillas) pendent de chacune des dents de ces molettescolossales, et font entendre leur tintement, à chaque mouvement dupied. Les calzoneros ne sont point soutenus par desbretelles, mais fixés autour de la taille par une ceinture ou uneécharpe de soie écarlate. Cette ceinture fait plusieurs fois letour du corps ; elle se noue par derrière, et les boutsfrangés pendent gracieusement près de la hanche gauche. Pas degilet ; une jaquette d’étoffe brune brodée, juste au corps,courte par derrière, à la grecque, et laissant voir la chemiseelle-même, à large collet, brodée sur le devant, témoigne del’habileté supérieure de quelque poblana à l’œil noir. Lesombrero à larges bords projette son ombre sur tout cetensemble ; c’est un lourd chapeau en cuir verni noir, garnid’une large bordure en galon d’argent. Des glands, également enargent, tombent sur le côté et donnent à cette coiffure un aspecttout particulier. Sur une épaule pend le pittoresquesérapé, à moitié roulé. Un baudrier et une gibecière, uneescopette sur laquelle la main est appuyée, une ceinture de cuirgarnie d’une paire de pistolets de faible calibre, un long couteauespagnol suspendu obliquement sur la hanche gauche, complètent lecostume que j’ai pris pour type de ma description. À quelques menusdétails près, tous les hommes qui composent le groupe le plusrapproché de moi sont vêtus de cette manière. Quelques-uns portentdes calzoneros de peau, avec un spencer ou pourpoint demême matière, fermé par devant et par derrière. D’autres ont, aulieu du sérapé en étoffe peinte, la couverture desNavajoès avec ses larges raies noires. D’autres laissent pendre deleurs épaules la superbe et gracieuse manga. La plupartsont chaussés de mocassins ; un petit nombre, les pluspauvres, n’ont que le simple guarache, la sandale desAztèques. La physionomie de ces hommes est sombre et sauvage ;leurs cheveux longs et roides sont noirs comme l’aile ducorbeau ; des barbes et des moustaches incultes couvrent leursvisages ; des yeux noirs féroces brillent sous les largesbords de leurs chapeaux. Ils sont généralement petits detaille ; mais il y a dans leurs corps une souplesse qui dénotela vigueur et l’activité. Leurs membres, bien découplés, sontendurcis à la fatigue et aux privations. Tous, ou presque tous,sont nés dans les fermes du Mexique ; habitant la frontière,ils ont eu souvent à combattre les Indiens. Ce sont desciboleros, des vaqueros, des rancheroset des monteros, qui, à force de fréquenter lesmontagnards, les chasseurs de races gauloise et saxonne des plainesde l’est, ont acquis un degré d’audace et de courage dont ceux deleur pays sont rarement doués. C’est la chevalerie de la frontièremexicaine. Ils fument des cigarettes, qu’ils roulent entre leursdoigts, dans des feuilles de maïs. Ils jouent au monte surleurs couvertures étendues à terre, et leur enjeu est du tabac. Onentend les malédictions et les « carajo » deceux qui perdent ; les gagnants adressent de ferventes actionsde grâces à la « santissima Virgen » Ils parlentune sorte de patois espagnol ; leurs voix sont rudes etdésagréables.

À une courte distance, un second groupe attiremon attention. Ceux qui le composent diffèrent des précédents soustous les rapports : la voix, l’habillement, le langage et laphysionomie. On reconnaît au premier coup d’œil desAnglo-Américains. Ce sont des trappeurs, des chasseurs de laprairie, des montagnards. Choisissons aussi parmi eux un type quinous servira pour les dépeindre tous.

Il se tient debout, appuyé sur sa longuecarabine, et regarde le feu. Il a six pieds de haut, dans sesmocassins, et sa charpente dénote la force héréditaire du Saxon.Ses bras sont comme des troncs de jeunes chênes ; la main quitient le canon du fusil est large, maigre et musculeuse. Ses joues,larges et fermes, sont en partie cachées sous d’épais favoris quise réunissent sous le menton et viennent rejoindre la barbe quientoure les lèvres. Cette barbe n’est ni blonde ni noire ;mais d’un brun foncé qui s’éclaircit autour de la bouche, oùl’action combinée de l’eau et du soleil lui a donné une teinted’ambre. L’œil est gris ou gris-bleu, petit et légèrement plissévers les coins. Le regard est ferme, et reste généralement fixe. Ilsemble pénétrer jusqu’à votre intérieur. Les cheveux bruns sontmoyennement longs. Ils ont été coupés sans doute lors de ladernière visite à l’entrepôt de commerce, ou auxétablissements ; le teint, quoique bronzé comme celui d’unmulâtre, n’est devenu ainsi que par l’action du hâle. Il étaitautrefois clair comme celui des blonds. La physionomie estempreinte d’un caractère assez imposant. On peut dire qu’elle estbelle. L’expression générale est celle du courage tempéré par labonne humeur et la générosité. L’habillement de l’homme dont jeviens de tracer le portrait sort des manufactures du pays,c’est-à-dire de son pays à lui, la prairie et les parcs de lamontagne déserte. Il s’en est procuré les matériaux avec la ballede son rifle, et l’a façonné de ses propres mains, à moins qu’il nesoit un de ceux qui, dans un de leurs moments de repos, prennent,pour partager leur hutte, quelque fille indienne, des Sioux, desCrows ou des Cheyennes. Ce vêtement consiste en une blouse de peaude daim préparée, rendue souple comme un gant par l’action de lafumée ; de grandes jambières montant jusqu’à la ceinture etdes mocassins de même matière ; ces derniers, garnis d’unesemelle de cuir épais de buffalo. La blouse serrée à lataille, mais ouverte sur la poitrine et au cou, se termine par unélégant collet qui retombe en arrière jusque sur les épaules.Par-dessous on voit une autre chemise de matière plus fine, en peaupréparée d’antilope, de faon ou de daim fauve. Sur sa tête unbonnet de peau de rackoon[10] ornée, àl’avant, du museau de l’animal, et portant à l’arrière sa queuerayée, qui retombe, comme un panache, sur l’épaule gauche.L’équipement se compose d’un sac à balles, en peau non apprêtée dechat des montagnes, et d’une grande corne en forme de croissant surlaquelle sont ciselés d’intéressants souvenirs. Il a pour armes unlong couteau, un bowie (lame recourbée), un lourdpistolet, soigneusement attaché par une courroie qui lui serre lataille. Ajoutez à cela un rifle de cinq pieds de long, du poids deneuf livres, et si droit que la crosse est presque le prolongementde la ligne du canon.

Dans tout cet habillement, cet équipement etcet armement, on s’est peu préoccupé du luxe et del’élégance ; cependant, la coupe de la blouse en forme detunique n’est pas dépourvue de grâce. Les franges du collet et desguêtres ne manquent pas de style, et il y a dans le bonnet de peaude rackoon une certaine coquetterie qui prouve que celuiqui le porte n’est pas tout à fait indifférent aux avantages de sonapparence extérieure. Un petit sac ou sachet gentiment brodé avecdes piquants bariolés de porc-épic pend sur sa poitrine. Parmoments, il le contemple avec un regard de satisfaction :c’est son porte-pipe, gage d’amour de quelque demoiselle aux yeuxnoirs, aux cheveux de jais, sans doute, et habitant comme lui cescontrées sauvages. Tel est l’ensemble d’un trappeur de la montagne.Plusieurs hommes, à peu de chose près vêtus et équipés de même, setiennent autour de celui dont j’ai tracé le portrait. Quelques-unsportent des chapeaux rabattus, de feutre gris ; d’autres desbonnets de peau de chat ; ceux-ci ont des blouses de chasse denuances plus claires et brodées des plus vives couleurs ;ceux-là, au contraire, en portent d’usées et rapiécées, noircies defumée ; mais le caractère général des costumes les faitaisément reconnaître ; il était impossible de se tromper surleur titre de véritables montagnards.

Le troisième des groupes que j’ai signalésétait plus éloigné de la place que j’occupais. Ma curiosité, pourne pas dire mon étonnement, avait été vivement excitée lorsquej’avais reconnu que ce groupe était composé d’Indiens.

– Sont-ils donc prisonniers ? pensai-je.Non ; ils ne sont point enchaînés ; rien dans leurapparence, dans leur attitude, n’indique qu’ils soientcaptifs ; et cependant ce sont des Indiens. Font-ils doncpartie de la bande qui combat contre… ?

Pendant que je faisais mes hypothèses, unchasseur passa près de moi.

– Quels sont ces Indiens ? demandai-je enindiquant le groupe.

– Des Delawares ; quelques Chawnies.

J’avais donc sous les yeux de ces célèbresDelawares, des descendants de cette grande tribu qui, la première,sur les bords de l’Atlantique, avait livré bataille aux visagespâles. C’est une merveilleuse histoire que la leur. La guerre étaitl’école de leurs enfants, la guerre était leur passion favorite,leur délassement, leur profession. Il n’en reste plus maintenantqu’un petit nombre. Leur histoire arrivera bientôt à son dernierchapitre ! Je me levai et m’approchai d’eux avec un vifsentiment d’intérêt. Quelques-uns étaient assis autour du feu, etfumaient dans des pipes d’argile rouge durcie, curieusementciselées. D’autres se promenaient avec cette gravité majestueuse siremarquable chez l’Indien des forêts. Il régnait au milieu d’eux unsilence qui contrastait singulièrement avec le bavardage criard deleurs alliés mexicains. De temps en temps, une question articuléed’une voix basse, mais sonore, recevait une réponse courte etsentencieuse, parfois un simple bruit guttural, un signe de têteplein de dignité, ou un geste de la main ; tout en conversantainsi, ils remplissaient leurs pipes avec du kini-kin-iket se passaient, de l’un à l’autre, les précieux instruments.

Je considérais ces stoïques enfants des forêtsavec une émotion plus forte que celle de la simple curiosité ;avec ce sentiment que l’on éprouve, quand on regarde, pour lapremière fois, une chose dont on a entendu raconter ou dont on a lud’étranges récits. L’histoire de leurs guerres et de leurs courseserrantes était toute fraîche dans ma mémoire. Les acteurs mêmes deces grandes scènes étaient là devant moi, ou du moins des types deleurs races, dans toute la réalité, dans toute la sauvageriepittoresque de leur individualité. C’étaient ces hommes qui chassésde leur pays par les pionniers venus de l’Atlantique, n’avaientcédé qu’à la fatalité, victimes de la destinée de leur race. Aprèsavoir traversé les Apaches, ils avaient disputé pied à pied leterrain, de contrée en contrée, le long des Alleghanis, dans desforêts des bords de l’Ohio, jusqu’au cœur de la terresanglante.[11]

Et toujours les visages pâles étaient surleurs traces, les repoussant, les refoulant sans trêve vers lesoleil couchant. Les combats meurtriers, la foi punique, lestraités rompus, d’année en année, éclaircissaient leurs rangs. Et,toujours refusant de vivre auprès de leurs vainqueurs blancs, ilsreculaient, s’ouvrant un chemin, par de nouveaux combats, à traversdes tribus d’hommes rouges comme eux, et trois fois supérieurs ennombre ! La fourche de la rivière Osage fut leur dernièrehalte. Là, l’usurpateur s’engagea de respecter à tout jamais leurterritoire. Mais cette concession arrivait trop tard. La vieerrante et guerrière était devenue pour eux une nécessité denature ; et, avec un méprisant dédain, ils refusèrent lestravaux pacifiques de la terre. Le reste de leur tribu se réunitsur les bords de l’Osage ; mais, au bout d’une saison, ilsavaient disparu. Tous les guerriers et les jeunes gens étaientpartis, ne laissant sur les territoires concédés que lesvieillards, les femmes et les hommes sans courage. Où étaient-ilsallés ! Où sont-ils maintenant ! Celui qui veut trouverles Delawares doit les chercher dans les grandes prairies, dans lesvallées boisées de la montagne, dans les endroits hantés parl’ours, le castor, le bighorn et le buffalo. Làil les trouvera, par bandes disséminées, seuls ou ligués avec leursanciens ennemis les visages pâles ; trappant et chassant,combattant le Yuta ou le Rapaho, le Crow ou le Cheyenne, le Navajoet l’Apache.

J’étais, je le répète, profondément ému encontemplant ces hommes ; j’analysais leurs traits et leurhabillement pittoresque. Bien qu’on n’en vit pas deux qui fussentvêtus exactement de même, il y avait une certaine similitude decostume entre eux tous. La plupart portaient des blouses de chasse,non en peau de daim comme celles des blancs, mais en calicotimprimé, couvertes de brillants dessins. Ce vêtement, coquettementarrangé et orné de bordures, faisait un singulier effet avecl’équipement de guerre des Indiens. Mais c’était par la coiffurespécialement que le costume des Delawares et des Chawnies sedistinguait de celui de leurs alliés, les blancs. En effet, cettecoiffure se composait d’un turban formé avec une écharpe ou avec unmouchoir de couleur éclatante, comme en portent les brunes créolesd’Haïti. Dans le groupe que j’avais sous les yeux on n’aurait pastrouvé deux de ces turbans qui fussent semblables, mais ils avaienttous le même caractère. Les plus beaux étaient faits avec desmouchoirs rayés de madras. Ils étaient surmontés de panachescomposés avec les plumes brillantes de l’aigle de guerre, ou lesplumes bleues du gruya.[12]

Leur costume était complété par des guêtres depeau de daim et des mocassins à peu près semblables à ceux destrappeurs. Les guêtres de quelques-uns étaient ornées de cheveluresattachées le long de la couture extérieure, et faisant montre dessombres prouesses de celui qui les portait. Je remarquai que leursmocassins avaient une forme particulière, et différaientcomplètement de ceux des Indiens des prairies. Ils étaient cousussur le dessus, sans broderies ni ornements, et bordés d’un doubleourlet.

Ces guerriers étaient armés et équipés commeles chasseurs blancs. Depuis longtemps ils avaient abandonné l’arc,et beaucoup d’entre eux auraient pu rendre des points ou disputerla mouche à leurs associés des montagnes, dans le maniement dufusil. Indépendamment du rifle et du long couteau, la plupartportaient l’ancienne arme traditionnelle de leur race, le terribletomahawk.

J’ai décrit les trois groupes caractéristiquesqui avaient frappé mes yeux dans le camp. Il y avait, en outre, desindividus qui n’appartenaient à aucun des trois et qui semblaientparticiper du caractère de plusieurs. C’étaient des Français, desvoyageurs canadiens, des rôdeurs de la compagnie du nord-ouest,portant des capotes blanches, plaisantant, dansant, et chantantleurs chansons de bateliers, avec tout l’esprit de leur race ;c’étaient des pueblos, des Indios manzos,couverts de leurs gracieuses tilmas, et considérés plutôtcomme des serviteurs que comme des associés par ceux qui lesentouraient. C’étaient des mulâtres aussi, des nègres, noirs commedu jais, échappés des plantations de la Louisiane, et quipréféraient cette vie vagabonde aux coups du fouet sifflant ducommandeur. On voyait encore là des uniformes en lambeaux quidésignaient les déserteurs de quelque poste de la frontière ;des Kanakas des îles Sandwich, qui avaient traversé les déserts dela Californie, etc., etc. On trouvait enfin, rassemblés dans cecamp, des hommes de toutes les couleurs, de tous les pays, parlanttoutes les langues. Les hasards de l’existence, l’amour desaventures les avaient conduits là. Tous ces hommes plus ou moinsétranges formaient la bande la plus extraordinaire qu’il m’aitjamais été donné de voir : la bande des chasseurs dechevelures.

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