Les Fanfarons du Roi

Les Fanfarons du Roi

de Paul Féval (père)

À M. L. DU MOLAY BACON.

Bien cher ami.

Nous étions jeunes tous tes deux et tu m’aidais déjà de ta science aussi bien que de ton goût si pur en fait d’art. Un soir, tu m’apportas un petit livre d’apparence respectable, au moins par l’âge, qui avait ce long titre :

RELATION des troubles arrivez dans la cour de PORTUGAL en l’année 1667 et en l’année 1668, où l’on voit la renonciation d’Alfonse VI à la couronne, la dissolution de son mariage avec la princesse Marie-Françoise-Isabelle de Savoye et le mariage de la mesme princesse avec le prince Dom Pedro, régent du royaume.

À PARIS, François Clousier, l’aisné, à l’image Nostre-Dame et chez Pierre Auboüin, à la Fleur de lis, près de l’hostel de monseigneur le Premier Président, MDCLXXIV, avec privilége du roy.

C’était l’histoire écrite au jour le jour et par un témoin oculaire de cette lamentable mascarade qui fut le règne du pauvre enfant, Alfonse de Bragance, première victime de l’empoisonnement systématique, pratiqué par la politique anglaise à l’égard de ce vaillant et malheureux pays, le Portugal.

J’avoue que j’hésitai à faire usage de ces documents si curieux, qui montraient jusqu’où la royauté peut tomber quand la plaie du favoritisme est attachée à ses flancs.Mais d’autre part, il y avait dans ces pages naïves une si jeune et belle figure de citoyen, dévoué à la royauté et à la patrie, que jepris la plume tout exprès pour mettre en lumière le dévouementdouloureux du grand seigneur de très-illustre nom que ses amis etses ennemis appelaient Le Moine et qui épargna au Portugall’alternative d’une furieuse révolution ou d’une absorptioncomplète par l’Angleterre.

L’Angleterre, grand peuple qui vit du mald’autrui et qui en mourra, ne se tint pas, il est vrai, pourbattue, et moins de cent ans après, on vit, sous un autremalheureux roi, le marquis de Pombal, autre favori d’hypocrite etsanglante mémoire, feindre la haine contre les Anglais tout enessayant d’introduire le protestantisme dans son pays catholique ettout en proposant à son roi pour héritier présomptif un prince dusang royal d’Angleterre.

Les ennemis du Portugal, à travers sonhistoire, furent les favoris d’abord, ensuite les Espagnols etenfin les Anglais, mais à bien considérer les choses, il faudraitretourner l’ordre et mettre les Anglais en première ligne par cetteraison que les favoris, ces rongeurs de couronnes, furent toujours,en Portugal, soit ouvertement, soit sous le voile, des âmes damnéesde l’Angleterre.

Le Portugal lui est commode : elles’en sert, et si le Portugal dure encore, c’est qu’il a la viebrave et dure.

Après tant d’années, bien cher ami, je terends ce livre que tu m’avais prêté. Puisse cette restitution êtrepour toi comme pour moi un bon, un cordial souvenir.

P.F.

Paris, 15 février 1879.

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