Les Liaisons dangereuses

Lettre CXXIII

Le Père Anselme au Vicomte de Valmont

J’ai reçu, monsieur le vicomte, la lettre dont vous m’avez honoré, et dès hier je me suis transporté suivant vos désirs, chez la personne en question. Je lui ai exposé l’objet et les motifs de la démarche que vous demandiez de faire auprès d’elle. Quelque attachée que je l’aie trouvée au parti sage qu’elle avait pris d’abord, sur ce que je lui ai remontré qu’elle risquait peut-être par son refus de mettre obstacle à votre heureux retour et de s’opposer ainsi, en quelque sorte, aux vues miséricordieuses de la Providence, elle a consenti à recevoir votre visite, à condition, toutefois, que ce sera la dernière, et m’a chargé de vous annoncer qu’elle serait chez elle jeudi prochain, 28. Si ce jour ne pouvait pas vous convenir, vous voudrez bien l’en informer et lui en indiquer un autre. Votre lettre sera reçue.

Cependant, monsieur le vicomte, permettez-moi de vous inviter à ne pas différer sans de fortes raisons, afin de pouvoir vous livrer plus tôt et plus entièrement aux dispositions louables que vous me témoignez. Songez que celui qui tarde à profiter du moment de la grâce s’expose à ce qu’elle lui soit retirée ; que si la bonté divine est infinie, l’usage en est pourtant réglé par la justice, et qu’il peut venir un moment où le Dieu de miséricorde se change en un Dieu de vengeance.

Si vous continuez à m’honorer de votre confiance, je vous prie de croire que tous mes soins vous seront acquis aussitôt que vous le désirerez : quelque grandes que soient mes occupations, mon affaire la plus importante sera toujours de remplir les devoirs du saint ministère auquel je me suis particulièrement dévoué ; et le moment le plus beau de ma vie celui où je verrai mes efforts prospérer par la bénédiction du Tout-Puissant. Faibles pécheurs que nous sommes, nous ne pouvons rien par nous-mêmes ! Mais le Dieu qui vous rappelle peut tout, et nous devrons également à sa bonté, vous le désir constant de vous rejoindre à lui, et moi les moyens de vous y conduire. C’est avec son secours que j’espère vous convaincre bientôt que la Religion sainte peut donner seule, même en ce monde, le bonheur solide et durable qu’on cherche vainement dans l’aveuglement des passions humaines.

J’ai l’honneur d’être, avec une respectueuse considération, etc.

Paris, ce 25 octobre 17**.

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