Les Liaisons dangereuses

Lettre XVII

Le Chevalier Danceny à Cécile Volanges

Avant de me livrer, mademoiselle, dirai-je au plaisir ou au besoin de vous écrire, je commence par vous supplier de m’entendre. Je sens que pour oser vous déclarer mes sentiments, j’ai besoin d’indulgence ; si je ne voulais que les justifier, elle me serait inutile. Que vais-je faire après tout, que vous montrer votre ouvrage ? Et qu’ai-je à vous dire que mes regards, mon embarras, ma conduite et même mon silence, ne vous aient dit avant moi ? Eh ! pourquoi vous fâcheriez-vous d’un sentiment que vous avez fait naître ? Émané de vous, sans doute il est digne de vous être offert ; s’il est brûlant comme mon âme, il est pur comme la vôtre. Serait-ce un crime d’avoir su apprécier votre charmante figure, vos talents séducteurs, vos grâces enchanteresses, et cette touchante candeur qui ajoute un prix inestimable à des qualités déjà si précieuses ? Non, sans doute ; mais sans être coupable on peut être malheureux, et c’est le sort qui m’attend si vous refusez d’agréer mon hommage. C’est le premier que mon cœur ait offert. Sans vous ; je serais encore, non pas heureux, mais tranquille. Je vous ai vue ; le repos a fui loin de moi, et mon bonheur est incertain. Cependant vous vous étonnez de ma tristesse ; vous m’en demandez la cause, quelquefois même j’ai cru voir qu’elle vous affligeait. Ah ! dites un mot, et ma félicité sera votre ouvrage. Mais, avant de prononcer, songez qu’un mot peut aussi combler mon malheur. Soyez donc l’arbitre de ma destinée ; Pour vous je vais être éternellement heureux ou malheureux. En quelles mains plus chères puis-je remettre un intérêt plus grand ?

Je finirai, comme j’ai commencé, par implorer votre indulgence. Je vous ai demandé de m’entendre ; j’oserai plus : je vous prierai de me répondre. Le refuser, serait me laisser croire que vous vous trouvez offensée ; et mon cœur m’est garant que mon respect égale mon amour.

P.-S. — Vous pouvez vous servir, pour me répondre du même moyen dont je me sers pour vous faire parvenir cette lettre ; il me paraît également sûr et commode.

De…, ce 18 août 17**.

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