Les Mille et une nuits

LXXXVII NUIT.

Sire, le petit Agib, piqué des plaisanteriesde ses compagnons, sortit brusquement de l’école et retourna aulogis en pleurant. Il alla d’abord à l’appartement de sa mère, Damede Beauté, laquelle, alarmée de le voir si affligé, lui en demandale sujet avec empressement. Il ne put répondre que par des parolesentrecoupées de sanglots, tant il était pressé de sa douleur, et cene fut qu’à plusieurs reprises qu’il put raconter la causemortifiante de son affliction. Quand il eut achevé : « Aunom de Dieu, ma mère, ajouta-t-il, dites-moi, s’il vous plaît, quiest mon père ? – Mon fils, répondit-elle, votre père est levizir Schemseddin Mohammed, qui vous embrasse tous les jours. –Vous ne me dites pas la vérité, reprit-il, ce n’est point mon père,c’est le vôtre. Mais moi, de quel père suis-je lefils ? » À cette demande, Dame de Beauté rappelant danssa mémoire la nuit de ses noces suivie d’un si long veuvage,commença de répandre des larmes, en regrettant amèrement la perted’un époux aussi aimable que Bedreddin.

Dans le temps que Dame de Beauté pleurait d’uncôté et Agib de l’autre, le vizir Schemseddin entra et voulutsavoir la cause de leur affliction. Dame de Beauté lui apprit etlui raconta la mortification qu’Agib avait reçue à l’école. Cerécit toucha vivement le vizir, qui joignit ses pleurs à leurslarmes, et qui, jugeant par là que tout le monde tenait desdiscours contre l’honneur de sa fille, en fut au désespoir. Frappéde cette cruelle pensée, il alla au palais du sultan, et aprèss’être prosterné à ses pieds, il le supplia très-humblement de luiaccorder la permission de faire un voyage dans les provinces duLevant, et particulièrement à Balsora, pour aller chercher sonneveu Bedreddin Hassan, disant qu’il ne pouvait souffrir qu’onpensât dans la ville qu’un génie eût couché avec sa fille Dame deBeauté. Le sultan entra dans les peines du vizir, approuva sarésolution et lui permit de l’exécuter. Il lui fit même expédierune patente par laquelle il priait dans les termes les plusobligeants les princes et les seigneurs des lieux où pourrait êtreBedreddin, de consentir que le vizir l’amenât avec lui.

Schemseddin Mohammed ne trouva pas de parolesassez fortes pour remercier dignement le sultan de la bonté qu’ilavait pour lui. Il se contenta de se prosterner devant ce princeune seconde fois ; mais les larmes qui coulaient de ses yeuxmarquèrent assez sa reconnaissance. Enfin il prit congé du sultan,après lui avoir souhaité toutes sortes de prospérités. Lorsqu’ilfut de retour au logis, il ne songea qu’à disposer toutes chosespour son départ. Les préparatifs en furent faits avec tant dediligence, qu’au bout de quatre jours il partit accompagné de safille Dame de Beauté, et d’Agib son petit-fils.

Scheherazade, s’apercevant que le jourcommençait à paraître, cessa de parler en cet endroit. Le sultandes Indes se leva fort satisfait du récit de la sultane, et résolutd’entendre la suite de cette histoire. Scheherazade contenta sacuriosité la nuit suivante, et reprit la parole dans cestermes :

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