Les Mille et une nuits

XCIII NUIT.

« Commandeur des croyants, poursuivit levizir Giafar, Agib, étonné d’entendre ce que lui disait Bedreddin,répondit : « Il y a de l’excès dans l’amitié que vous metémoignez, et je ne veux point entrer chez vous que vous ne voussoyez engagé par serment à ne me pas suivre quand j’en serai sorti.Si vous me le promettez et que vous soyez homme de parole, je vousreviendrai voir encore demain, pendant que le vizir mon aïeulachètera de quoi faire présent au sultan d’Égypte. – Mon petitseigneur, reprit Bedreddin Hassan, je ferai tout ce que vousm’ordonnerez. » À ces mots, Agib et l’eunuque entrèrent dansla boutique.

« Bedreddin leur servit aussitôt unetarte à la crème, qui n’était pas moins délicate ni moinsexcellente que celle qu’il leur avait présentée la première fois.« Venez, lui dit Agib, asseyez-vous auprès de moi et mangezavec nous. » Bedreddin s’étant assis, voulut embrasser Agibpour lui marquer la joie qu’il avait de se voir à ses côtés ;mais Agib le repoussa en lui disant : « Tenez-vous enrepos, votre amitié est trop vive. Contentez-vous de me regarder etde m’entretenir. » Bedreddin obéit et se mit à chanter unechanson dont il composa sur-le-champ les paroles à la louanged’Agib ; il ne mangea point, et ne fit autre chose que servirses hôtes. Lorsqu’ils eurent achevé de manger, il leur présenta àlaver et une serviette très-blanche pour s’essuyer les mains. Ilprit ensuite un vase de sorbet[45], et leuren prépara plein une grande porcelaine, où il mit de la neige fortpropre. Puis, présentant la porcelaine au petit Agib :« Prenez, lui dit-il ; c’est un sorbet de rose, le plusdélicieux qu’on puisse trouver dans toute cette ville ; jamaisvous n’en avez goûté de meilleur. » Agib en ayant bu avecplaisir, Bedreddin Hassan reprit la porcelaine et la présenta aussià l’eunuque, qui but à longs traits toute la liqueur jusqu’à ladernière goutte.

« Enfin Agib et son gouverneur,rassasiés, remercièrent le pâtissier de la bonne chère qu’il leuravait faite, et se retirèrent en diligence parce qu’il était déjàun peu tard. Ils arrivèrent sous les tentes de SchemseddinMohammed, et allèrent d’abord à celle des dames. La grand’mèred’Agib fut ravie de le revoir, et comme elle avait toujours sonfils Bedreddin dans l’esprit, elle ne put retenir ses larmes enembrassant Agib. « Ah ! mon fils, lui dit-elle, ma joieserait parfaite si j’avais le plaisir d’embrasser votre pèreBedreddin Hassan comme je vous embrasse. » Elle se mettaitalors à table pour souper ; elle le fit asseoir auprès d’elle,lui fit plusieurs questions sur sa promenade, et en lui disantqu’il ne devait manquer d’appétit, elle lui servit un morceau d’unetarte à la crème, qu’elle avait elle-même faite et qui étaitexcellente, car on a déjà dit qu’elle les savait mieux faire queles meilleurs pâtissiers. Elle en présenta aussi à l’eunuque ;mais ils avaient tellement mangé l’un et l’autre chez Bedreddin,qu’ils n’en pouvaient pas seulement goûter. »

Le jour, qui paraissait, empêcha Scheherazaded’en dire davantage cette nuit ; mais sur la fin de lasuivante, elle continua son récit dans ces termes :

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