Les Mille et une nuits

CXVII NUIT.

Le jeune homme de Bagdad, acheva de raconterson histoire de cette sorte au marchand chrétien : « Ceque vous venez d’entendre, poursuivit-il, doit m’excuser auprès devous d’avoir mangé de la main gauche. Je vous suis fort obligé dela peine que vous vous êtes donnée pour moi. Je ne puis assezreconnaître votre fidélité, et, comme j’ai, Dieu merci, assez debiens, quoique j’en aie dépensé beaucoup, je vous prie de vouloiraccepter le présent que je vous fais de la somme que vous me devez.Outre cela, j’ai une proposition à vous faire : Ne pouvantplus demeurer davantage au Caire, après l’affaire que je viens devous conter, je suis résolu d’en partir pour n’y revenir jamais. Sivous voulez me tenir compagnie, nous négocierons ensemble et nouspartagerons également le gain que nous ferons. »

« Quand le jeune homme de Bagdad eutachevé son histoire, dit le marchand chrétien, je le remerciai lemieux qu’il me fut possible du présent qu’il me faisait ; etquant à sa proposition de voyager avec lui, je lui dis que jel’acceptais très-volontiers, en l’assurant que ses intérêts meseraient toujours aussi chers que les miens.

« Nous prîmes jour pour notre départ, etlorsqu’il fut arrivé nous nous mîmes en chemin. Nous avons passépar la Syrie et par la Mésopotamie, traversé toute la Perse, où,après nous être arrêtés dans plusieurs villes, sommes enfin venus,sire, jusqu’à votre capitale. Au bout de quelque temps le jeunehomme m’ayant témoigné qu’il avait dessein de repasser dans laPerse et de s’y établir, nous fîmes nos comptes et nous nousséparâmes très-satisfaits l’un de l’autre. Il partit, et moi, sire,je suis resté dans cette ville, où j’ai l’honneur d’être au servicede votre majesté. Voilà l’histoire que j’avais à vous raconter. Nela trouvez-vous pas plus surprenante que celle dubossu ? »

Le sultan de Casgar se mit en colère contre lemarchand chrétien, « Tu es bien hardi, lui dit-il, d’oser mefaire le récit d’une histoire si peu digne de mon attention et dela comparer à celle du bossu. Peux-tu te flatter de me persuaderque les fades aventures d’un jeune débauché sont plus admirablesque celles de mon bouffon ? Je vais vous faire pendre tousquatre pour venger sa mort. »

À ces paroles, le pourvoyeur, effrayé, se jetaaux pieds du sultan : « Sire, dit-il, je supplie votremajesté de suspendre sa juste colère, de m’écouter et de nous fairegrâce à tous quatre, si l’histoire que je vais conter à votremajesté est plus belle que celle du bossu. – Je t’accorde ce que tudemandes, répondit le sultan ; parle. » Le pourvoyeurprit alors la parole et dit :

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