Les Mille et une nuits

CXXIII NUIT.

« Lorsque la favorite de Zobéide,poursuivit le marchand de Bagdad, vit que le calife voulaitabsolument qu’elle ouvrit le coffre où j’étais : « Pourcelui-ci, dit-elle, votre majesté me fera, s’il lui plaît, la grâcede me dispenser de lui faire voir ce qu’il y a dedans : il y ades choses que je ne lui puis montrer qu’en présence de son épouse.– Voilà qui est bien, dit le calife, je suis content ; faitesemporter vos coffres. » Elle les fit enlever aussitôt etporter dans sa chambre, où je commençai à respirer.

« Dès que les eunuques qui les avaientapportés se furent retirés, elle ouvrit promptement celui oùj’étais prisonnier. « Sortez, me dit-elle, en me montrant laporte d’un escalier qui conduisait à une chambre au-dessus ;montez et allez m’attendre. » Elle n’eut pas fermé la portesur moi, que le calife entra et s’assit sur le coffre d’où jevenais de sortir. Le motif de cette visite était un mouvement decuriosité qui ne me regardait pas. Ce prince voulait lui faire desquestions sur ce qu’elle avait vu ou entendu dans la ville. Ilss’entretinrent tous deux assez longtemps, après quoi il la quittaenfin, et se retira dans son appartement.

« Lorsqu’elle se vit libre, elle me vinttrouver dans la chambre où j’étais monté, et me fit bien desexcuses de toutes les alarmes qu’elle m’avait causées :« Ma peine, me dit-elle, n’a pas été moins grande que lavôtre ; vous n’en devez pas douter, puisque j’ai souffert pourl’amour de vous et pour moi, qui courais le même péril. Une autre,à ma place, n’aurait peut-être pas eu le courage de se tirer sibien d’une occasion si délicate. Il ne fallait pas moins dehardiesse ni de présence d’esprit, ou plutôt il fallait avoir toutl’amour que j’ai pour vous, pour sortir de cet embarras ; maisrassurez-vous, il n’y a plus rien à craindre. » Après nousêtre entretenus quelque temps avec beaucoup de tendresse :« Il est temps, me dit-elle, de vous reposer ;couchez-vous ; je ne manquerai pas de vous présenter demain àZobéide, ma maîtresse, à quelque heure du jour, et c’est une chosefacile, car le calife ne la voit que la nuit. » Rassuré par cediscours, je dormis assez tranquillement, ou si mon sommeil futquelquefois interrompu par des inquiétudes, ce furent desinquiétudes agréables, causées par l’espérance de posséder une damequi avait tant d’esprit et de beauté.

« Le lendemain, la favorite de Zobéide,avant de me faire paraître devant sa maîtresse, m’instruisit de lamanière dont je devais soutenir sa présence, me dit à peu près lesquestions que cette princesse me ferait, et me dicta les réponsesque je devais faire. Après cela, elle me conduisit dans une salleoù tout était d’une magnificence, d’une richesse et d’une propretésurprenantes. Je n’y étais pas entré, que vingt dames esclaves d’unâge un peu avancé, toutes vêtues d’habits riches et uniformes,sortirent du cabinet de Zobéide, et vinrent se ranger devant untrône, en deux files égales, avec une grande modestie. Elles furentsuivies de vingt autres dames, toutes jeunes, et habillées de lamême sorte que les premières, avec cette différence pourtant queleurs habits avaient quelque chose de plus galant. Zobéide parut aumilieu de celles-ci avec un air majestueux, et si chargée depierreries et de toutes sortes de joyaux qu’à peine pouvait-ellemarcher. Elle alla s’asseoir sur le trône. J’oubliais de vous direque sa dame favorite l’accompagnait, et qu’elle demeura debout à sadroite, pendant que les dames esclaves, un peu plus éloignées,étaient en foule des deux côtés du trône.

« D’abord que la femme du calife futassise, les esclaves qui étaient entrées les premières me firentsigne d’approcher. Je m’avançai au milieu des deux rangs qu’ellesformaient, et me prosternai la tête contre le tapis qui était sousles pieds de la princesse. Elle m’ordonna de me relever et me fitl’honneur de s’informer de mon nom, de ma famille et de l’état dema fortune, à quoi je satisfis à son gré. Je m’en aperçusnon-seulement à son air, elle me le fit même connaître par leschoses qu’elle eut la bonté de me dire : « J’ai bien dela joie, me dit-elle, que ma fille (c’est ainsi qu’elle appelait sadame favorite), car je la regarde comme telle après le soin quej’ai pris de son éducation, ait fait un choix dont je suiscontente : je l’approuve, et consens que vous vous mariieztous deux. J’ordonnerai moi-même les apprêts de vos noces ;mais auparavant j’ai besoin de ma fille pour dix jours. Pendant cetemps-là je parlerai au calife et obtiendrai sonconsentement ; et vous, demeurez ici, on aura soin devous. »

En achevant ces paroles, Scheherazade aperçutle jour et cessa de parler. Le lendemain, elle reprit la parole decette manière :

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