CXLVII NUIT.
« Le meunier obligea mon frère à tournerainsi le moulin pendant le reste de la nuit, continua le barbier. Àla pointe du jour, il le laissa sans le détacher et se retira à lachambre de sa femme. Bacbouc demeura quelque temps en cetétat ; à la fin, la jeune esclave vint, qui le détacha.« Ah ! que nous vous avons plaint, ma bonne maîtresse etmoi, s’écria la perfide ; nous n’avons aucune part au mauvaistour que son mari vous a joué. » Le malheureux Bacbouc ne luirépondit rien, tant il était fatigué et moulu de coups ; maisil regagna sa maison en faisant une ferme résolution de ne plussonger à la meunière.
« Le récit de cette histoire, poursuivitle barbier, fit rire le calife : « Allez, me dit-il,retournez chez vous ; on va vous donner quelque chose de mapart pour vous consoler d’avoir manqué le régal auquel vous vousattendiez. – Commandeur des croyants, repris-je, je supplie votremajesté de trouver bon que je ne reçoive rien qu’après lui avoirraconté l’histoire de mes autres frères. » Le calife m’ayanttémoigné par son silence qu’il était disposé à m’écouter, jecontinuai en ces termes :