XXII NUIT.
Dinarzade avait tant d’impatience d’entendrela suite du conte de la nuit précédente, qu’elle appela sa sœur defort bonne heure : Ma chère sœur, lui dit-elle, si vous nedormez pas, je vous supplie de continuer le merveilleux conte quevous ne pûtes achever hier. – J’y consens, répondit lasultane ; écoutez-moi :
Vous jugez bien, poursuivit-elle, que lesultan fut étrangement étonné quand il vit l’état déplorable oùétait le jeune homme : « Ce que vous me montrez là, luidit-il, en me donnant de l’horreur, irrite ma curiosité ; jebrûle d’apprendre votre histoire, qui doit être, sans doute, fortétrange ; et je suis persuadé que l’étang et les poissons yont quelque part : ainsi, je vous conjure de me laraconter ; vous y trouverez quelque sorte de consolation,puisqu’il est certain que les malheureux trouvent une espèce desoulagement à conter leurs malheurs. – Je ne veux pas vous refusercette satisfaction, repartit le jeune homme, quoique je ne puissevous la donner sans renouveler mes vives douleurs ; mais jevous avertis par avance de préparer vos oreilles, votre esprit etvos yeux même à des choses qui surpassent tout ce que l’imaginationpeut concevoir de plus extraordinaire. »