Les Mille et une nuits

LXXV NUIT.

La sultane des Indes ayant été réveillée parsa sœur Dinarzade à l’heure ordinaire, elle prit la parole etl’adressa à Schahriar : Sire, dit-elle, le calife nes’ennuyait pas d’écouter le grand vizir Giafar, qui poursuivitainsi son histoire : « On enterra donc, dit-il, NoureddinAli avec tous les honneurs dus à sa dignité. Bedreddin Hassan deBalsora, c’est ainsi qu’on le surnomma à cause qu’il était né danscette ville, eut une douleur inconcevable de la mort de son père.Au lieu de passer un mois, selon la coutume, il en passa deux dansles pleurs et dans la retraite, sans voir personne et sans sortirmême pour rendre ses devoirs au sultan de Balsora, lequel, irritéde cette négligence et la regardant comme une marque de mépris poursa cour et pour sa personne, se laissa transporter de colère. Danssa fureur, il fit appeler le nouveau grand vizir, car il en avaitfait un dès qu’il avait appris la mort de Noureddin Ali ; illui ordonna de se transporter à la maison du défunt et de laconfisquer avec toutes ses autres maisons, terres et effets, sansrien laisser à Bedreddin Hassan, dont il commanda même qu’on sesaisît.

« Le nouveau grand vizir, accompagné d’ungrand nombre d’huissiers du palais, de gens de justice et d’autresofficiers, ne différa pas de se mettre en chemin pour allerexécuter sa commission. Un des esclaves de Bedreddin Hassan, quiétait par hasard parmi la foule, n’eut pas plus tôt appris ledessein du vizir, qu’il prit les devants et courut en avertir sonmaître. Il le trouva assis sous le vestibule de sa maison, aussiaffligé que si son père n’eût fait que de mourir. Il se jeta à sespieds tout hors d’haleine, et après lui avoir baisé le bas de sarobe : « Sauvez-vous, seigneur, lui dit-il, sauvez-vouspromptement. – Qu’y a-t-il ? lui demanda Bedreddin en levantla tête ? Quelle nouvelle m’apportes-tu ? – Seigneur,répondit-il, il n’y a pas de temps à perdre. Le sultan est dans unehorrible colère contre vous, et on vient de sa part confisquer toutce que vous avez, et même se saisir de votre personne. »

« Le discours de cet esclave fidèle etaffectionné mit l’esprit de Bedreddin Hassan dans une grandeperplexité. » Mais ne puis-je, dit-il, avoir le temps derentrer et de prendre au moins quelque argent et despierreries ? – Non. seigneur, répliqua l’esclave ; legrand vizir sera dans un moment ici. Partez tout à l’heure,sauvez-vous. » Bedreddin Hassan se leva vite du sofa où ilétait, mit les pieds dans ses babouches, et après s’être couvert latête d’un bout de sa robe pour se cacher le visage, s’enfuit sanssavoir de quel côté il devait tourner ses pas pour s’échapper dudanger qui le menaçait. La première pensée qui lui vint, fut degagner en diligence la plus prochaine porte de la ville. Il courutsans s’arrêter jusqu’au cimetière public, et, comme la nuits’approchait, il résolut de l’aller passer au tombeau de son père.C’était un édifice d’assez grande apparence en forme de dôme, queNoureddin Ali avait fait bâtir de son vivant ; mais ilrencontra en chemin un juif fort riche qui était banquier etmarchand de profession. Il revenait d’un lieu où quelque affairel’avait appelé, et il s’en retournait dans la ville.

« Ce juif ayant reconnu Bedreddin,s’arrêta et le salua fort respectueusement. » En cet endroit,le jour venant à paraître, imposa silence à Scheherazade, quireprit son discours la nuit suivante.

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