Les trophées

Les trophées

de José-Maria de Heredia

L’amour sans plus du verd Laurier m’agrée.

Pierre de Ronsard

* * * * *

Manibus
carissimæ
et
amantissimæ
matris
filius memor

J. M. H.

** * * *

ÉPÎTRE LIMINAIRE

À Leconte de L’Isle

C’est à vous, cher et illustre ami, que j’aurais dédié ces Trophées, si le respect d’une mémoire sacrée qui, je le sais, vous est chère aussi, ne m’eût interdit d’inscrire un nom, si glorieux soit-il, au frontispice de ce livre.

Un à un, vous les avez vus naître, ces poèmes. Ils sont comme des chaînons qui nous rattachent au temps déjà lointain où vous enseigniez aux jeunes poètes, avec les règles et les subtils secrets de notre art, l’amour de la poésie pure et du pur langage français. Je vous suis plus redevable que tout autre : vous m’avez jugé digne de l’honneur de votre amitié.J’ai pu, au cours d’une longue intimité, comprendre mieux l’excellence de vos préceptes et de vos conseils, toute la beauté de votre exemple. Et mon titre le plus sûr à quelque gloire sera d’avoir été votre élève bien aimé.

C’est pour vous complaire que je recueille mes vers épars. Vous m’avez assuré que ce livre, bien qu’en partie inachevé, garderait néanmoins aux yeux du lecteur indulgent quelque chose de la noble ordonnance que j’avais rêvée. Tel qu’il est, je vous l’offre, non sans regret de n’avoir pu mieux faire, mais avec la conscience d’avoir fait de mon mieux.

Recevez-le, cher et illustre ami, entémoignage de mon affectueuse gratitude, et comme il seraitmalséant de clore sans le vœu traditionnel une épître liminaire,quelque brève qu’elle soit, permettez que je vous souhaite, à vouset à tous ceux qui feuilletteront ces pages, de prendre à lire mespoèmes autant de plaisir que j’eus à les composer.

José-Maria de Heredia

Partie 1
LA GRÈCE ET LA SICILE

L’Oubli

Le temple est en ruine au haut dupromontoire.
Et la Mort a mêlé, dans ce fauve terrain,
Les Déesses de marbre et les Héros d’airain
Dont l’herbe solitaire ensevelit la gloire.

Seul, parfois, un bouvier menant ses bufflesboire,
De sa conque où soupire un antique refrain
Emplissant le ciel calme et l’horizon marin,
Sur l’azur infini dresse sa forme noire.

La Terre maternelle et douce aux anciensDieux
Fait à chaque printemps, vainement éloquente,
Au chapiteau brisé verdir un autre acanthe ;

Mais l’Homme indifférent au rêve desaïeux
Écoute sans frémir, du fond des nuits sereines,
La Mer qui se lamente en pleurant les Sirènes.

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