L’Espion X. 323 – Volume I – L’Homme sans visage

L’Espion X. 323 – Volume I – L’Homme sans visage

de Paul d’Ivoi

AVANT-PROPOS – Petit Avertissement jugé utile par l’Auteur

 

Moi, Max Trelam, correspondant du Times, le puissant journal anglais, je tiens à déclarer qu’en écrivant ce récit, j’ai l’intention d’élever un monument à la gloire d’un homme dont la profession n’a point l’heur de plaire au plus grand nombre.

Cet homme est un espion.

Oui, un Espion… mais un espion étrange,inexplicable, peut-être unique.

D’abord, il n’a jamais été brûlé,selon l’expression usitée, alors que ses collègues professionnels ont tous succombé à un moment donné.

Ensuite, il a une audace, une clairvoyance incroyables. Sa puissance de raisonnement est telle que, secondée par un sens de l’observation que je n’ai rencontré au même degré chez personne, il arrive mathématiquement à prévoir ce qu’une circonstance donnée déterminera comme action chez un personnage d’un caractère connu.

Mais surtout, l’étrangeté de cet espion est sa loyauté. Ses actes, il les signe, avertissant ses adversaires qu’il est sur leur piste.

Vous penserez comme moi, j’imagine, qu’un être doué de qualités exceptionnelles peut seul se permettre si dangereuse franchise. Je vous étonnerai sans doute en ajoutant que mon très honorable espion est d’un désintéressement absolu, et que les gouvernements qui ont eu recours à ses talents en sont réduits à demeurer ses obligés.

Au moral, il est incompréhensible. D’une générosité chevaleresque, j’emploie le mot avec préméditation, car il joue sa vie chaque jour, il ne consent à s’occuper des affaires à lui soumises que si elles lui plaisent. Or, j’ai constaté que seules lui convenaient les missions ayant pour objet d’empêcher les guerres, de défendre les faibles contre toutes les oppressions.

Tendre, pitoyable, jusqu’au sacrifice delui-même, en faveur des victimes, il devient d’une cruauté froide,je dirais presque raisonnée, dans l’assaut qu’il livre aux despotesde tout ordre.

Et cet homme, un des plus merveilleuxspécimens sorti des creusets de la nature, cet homme digne detoutes les admirations, ne les recherche pas. Elles lui semblentindifférentes. Il va où sa conscience l’appelle. Le fleuve descendvers la mer ; la terre s’endort sous les brises glaciales del’hiver, pour se réveiller au souffle tiède du printemps. Pourquoiest-ce ainsi ? Nul ne le sait. On bégaie scientifiquement. –Ce sont des lois naturelles.

La vie du personnage que je présenteaujourd’hui obéit aussi à une loi ignorée.

Moi, Max Trelam, je suis heureux de proclamermon estime et mon affection pour sa supérieure individualité, quidomine à ce point le commun des mortels, qu’il accepte sans murmurece mot si mal vu : Espion.

Je veux m’efforcer de montrer les servicesrendus à la cause de l’humanité par mon étrange ami. Je souhaiteque tous le comprennent comme je le comprends, et que les trésorsde tendresse qui dorment au sein des foules aillent à ce grandcitoyen du monde.

Maintenant, je vais vous conter comment j’eusce que j’appelle le bonheur, faute d’un mot plus expressif, de merencontrer pour la première fois avec lui, d’assister, pour ainsidire à ses côtés, à la lutte dont l’enjeu était la mort ou la viede milliers d’hommes jeunes et vigoureux.

Partie 1
LE PAPIER DU PREMIER

Chapitre 1L’INCIDENT DE CASABLANCA

 

Je me trouvais à Paris, lorsque se produisitcet incident banal, dont la volonté trouble de l’Allemagne faillitfaire le point initial d’une conflagration européenne. Rappelonsles faits.

Un employé du consulat allemand de la citémarocaine de Casablanca avait donné asile, au consulat, à cinqdéserteurs de la légion étrangère, faisant partie du corps d’arméefrançais, chargé de la police dans la région, en suite du mandatconsenti à la France lors de la conférence d’Algésiras.

Or, comme cet employé, fautif sans discussionpossible, conduisait les déserteurs au port, afin de les faireembarquer secrètement, une patrouille française les rencontra. Leslégionnaires reconnus furent arrêtés. Une bousculade s’ensuivit…L’allemand prétendit avoir été houspillé par les soldats ; lesfrançais affirmèrent que l’agent consulaire s’était rué sureux.

Et de cette niaiserie naquit une notediplomatique allemande, réclamant de la France une réparation pourl’atteinte portée aux prérogatives du Consulat.

Comme si les Consuls avaient le droit deprovoquer à la désertion les soldats des nations qui lesaccueillent.

Un billet laconique du « patron »,de ce directeur avisé qui a fait du Times l’un desjournaux les plus écoutés du globe, m’enjoignit de suivre lesnégociations à Paris.

Je savais, bien que cela ne m’eût pas étéécrit, que pareil soin devait retenir un de mes confrères àBerlin.

Aussi, n’ayant à m’occuper que de la Capitalefrançaise, je considérais mon service comme étant de tout repos. Lalecture des journaux, quelques apparitions dans les milieuxpolitiques et financiers, me permettraient de renseigner trèsexactement les lecteurs du Times sur l’état des espritschez notre coassociée en entente cordiale.

Il est curieux de constater que le sortironique semble se complaire à infirmer la plupart de nosappréciations.

À moins que le réel coupable soit ennous-mêmes, présomptueux qui ne pouvons nous accoutumer à servir dejouets aux événements.

Un matin que, dans le dining-room de l’hôtelBedford, où j’étais descendu, en client accoutumé au paisiblequartier voisinant avec la Madeleine, un matin donc que jedégustais « mon petite précaution matinale », ainsi quenotre humoriste Lanallan désigne le premier déjeuner, un boym’apporta une dépêche arrivée de Londres.

Une dépêche du Directeur.

Et quelle dépêche !

Presque une brochure. Cela n’était point pourm’étonner, car au Times, il est de règle de ne paslésiner.

– Dépensez sans compter, recommande-t-onaux nouveaux venus… la seule chose importante est d’avoir desnouvelles intéressantes. Le prix n’est rien.

Et les nouvelles ne devaient pas êtredépourvues d’intérêt, car le long télégramme m’apparaissait rédigéau moyen du chiffre spécial, dont le secret est confié à l’honneurde tout reporter en mission pour le journal.

Deux minutes plus tard, laissant là mondéjeuner, je déchiffrais la stupéfiante communication quevoici :

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