L’Hirondelle sous le toit

L’Hirondelle sous le toit

de Lucien Descaves

À LA MÉMOIRE DE MON FILS BIEN-AIMÉ,

LE DOCTEUR JEAN DESCAVES,

invisible, mais toujours présent.

L D.

 

Chapitre 1UN CONVOI DE RÉFUGIÉS

Le 23 décembre 1914, Palmyre Boussuge et son ex-amie, Agathe Chévremont, la femme du vétérinaire, se trouvaient parmi les dames notables de Bourg-en-Thimerais, dit aussi Bourg-en-Forêt, convoquées par le maire, le docteur Chazey, pour recevoir un train de réfugiés du département de l’Aisne, chassés par l’invasion.

Ils arrivèrent dans la soirée transis,fourbus, poudreux, avec deux heures de retard.

Le convoi se composait d’une douzaine de vieillards hébétés et dépaysés de toutes les manières au milieu des mères et des enfants dont le flot les avait charriés ; cent personnes en tout qui fuyaient devant l’orage et tournoyaient aux coups de vent comme feuilles mortes.

Ces errants avaient couché la veille, à Paris,dans un cirque de la rive gauche transformé en asile de jour et denuit. Sur eux traînaient encore des brins de paille de leurlitière. Les plus petits, le pouce dans la bouche et le regard endessous, se blottissaient peureusement dans les jupes desfemmes ; les autres aidaient à porter des ballots d’effets etde choses sans nom ramassées pêle-mêle et sans discernement, à ladernière minute. On dirait que ce qui est sans valeur s’accroche ànous davantage et craint de nous perdre. Tel qui s’attache à desriens est possédé par eux plus qu’il ne les possède. Une gamine dehuit ans trimbalait une cage où sautillait un moineaueffarouché ; une autre serrait dans ses bras un parapluie decotonnade verte deux fois plus haut qu’elle. Un couple chenu etchancelant avait pour trait d’union un vaste panier noir àcouvercle dont chacun des vieillards tenait une anse ; l’osierjouait entre eux le rôle du lierre dans les mines. Tandis que cesmalheureux veillaient sur les cendres de leur foyer, desaccompagnantes rassemblaient pour la dernière fois les épaveshumaines que leur avaient confiées les parents restés aux paysenvahis.

– Marie-Anne !… Juliette !…Fernand !… Où est encore passé Adolphe ?…

Quand elles eurent leur compte à portée de lamain, le piétinement des ombres cessa sous la lampe à pétrole quiéclairait de sa lueur trouble la salle d’attente commune à toutesles classes. Elles n’y étaient pas, cette fois, confondues. On eûtpu croire que les dames de la ville, groupées à l’écart,attendaient le premier coup de cloche annonçant l’ouverture dumarché, plutôt que l’invitation du maire, le docteur Chazey, àfaire leur choix.

Le docteur Chazey, que l’on aimait pour samodération et ses manières affables, était un petit vieillardalerte, frileux et dispos, qui retirait fréquemment son lorgnonpour le faire tourner, en causant, autour de son index raidi. Quandil avait fini d’y enrouler le cordon, il le déroulait ; puisil remettait le lorgnon sur son nez et les verres se rallumaientaux étincelles de ses yeux vifs. Autre signe particulier : lecol de son vêtement, pardessus l’hiver ou veston l’été, étaitinvariablement relevé, au moins d’un côté, contre les courantsd’air. Le docteur Chazey était assisté, ce jour-là, du personnel dela gare et du garde champêtre, le père Froidure, un souvenir de1870, par le képi sur l’oreille, l’impériale et la martialitéindéfectible que conférait, en ces temps-là, l’exercice dutambour.

Il cria, d’une voix fêlée :« Silence !… » Et le docteur Chazey, tourné vers sesadministrées, leur dit : « Je vous remercie, mesdames, deme faciliter ma tâche en donnant l’hospitalité à cesnaufragés : la municipalité pourvoira à leur logement, aprèsvous… s’il en reste… et, connaissant votre cœur, je suis convaincuqu’il n’en restera pas. Votre choix, d’ailleurs, ne saurait êtredéfinitif. Si des échanges paraissent nécessaires, il sera toujourspossible de les effectuer. »

Aussitôt le contact s’établit, comme à lalouée de la Saint-Jean, entre l’aisance et l’infortune. Les deuxcamps se mêlèrent et les bonnes dames, guidées par leur instinct oupar le hasard firent connaissance avec les postulants. Un murmures’éleva et s’amplifia tout de suite en rumeur. Le père Froidure,l’œil droit à demi fermé par une descente de képi, allait de-ci,de-là, en disant avec bonhomie : « Ne pressons pas lemouvement ; il y en aura pour tout le monde ». Et lesaccords se poursuivaient posément, sous les regards du maire et duchef de gare qui causaient autour du poêle central heureusementéteint, car le petit troupeau, depuis qu’il était rallié, répandaitla chaleur et l’odeur de sa laine.

Il y avait deux ans queMme Chévremont et Mme Boussuge,brouillées, ne se parlaient plus. Elles ne s’étaient donc pasconcertées en se comportant à peu près de la même façon, chacune deson côté. Toutes les deux cédèrent au seul charme et au seulprestige que pussent conserver, à la lueur d’un lumignon, cespauvres figures blêmes, ravagées par la fatigue et l’inquiétude.Les yeux opérèrent leur miracle, comme dans ces tableaux d’EugèneCarrière, où tout leur est soumis. Palmyre Boussuge alla d’embléevers les yeux noirs brillants d’un petit bonhomme d’une dizained’années, en même temps qu’Agathe Chévremont était irrésistiblementattirée par les lacs bleus d’une fillette à peine moins âgée. Lepremier, affublé d’un tricot trop long et d’une casquette decycliste trop vaste, debout dans un coin, serrait entre ses jambesun grand sac de toile bise sur lequel se détachait cetteinscription : Julien Damoy. Café en grains. On eûtdit que deux de ces grains avaient sauté sous ses paupières.

– Comment t’appelles-tu ? demandaMme Boussuge.

– Fernand Servais, répondit le gamin.

– Tu es seul ?

– Oui, madame.

– Tes parents ?

– Papa est mobilisé. Maman est restée aupays, avec ma petite sœur qui est venue au monde le moisdernier.

– Alors, personne net’accompagne ?

– Si… une de nos voisines,Mme Louvois, qui est partie avec ses trois enfants.Maman m’a confié à elle.

« Inutile de chercher davantage, pensaPalmyre Boussuge, je ne trouverai pas mieux. »

Et elle se fit désignerMme Louvois, pour lui dire qu’elle emmenaitl’enfant.

Cependant, Agathe Chévremont s’approchait dela petite fille aux prunelles magnétiques. Elle était assise àl’écart, sur son baluchon, et attendait placidement que son sortfût fixé. Elle avait rejeté en arrière le capuchon de sa pèlerineet, sous le mouchoir à carreaux qui la coiffait, deux maigresnattes en queue de rat pendaient sur ses épaules.

– Comment t’appelles-tu ? demandaMme Chévremont.

– Marie-Anne.

– Ton nom de famille ?

– Grimodet.

– Tu es seule ?

– Oui madame.

– Tes parents ?

– Papa est mobilisé. Maman est mortel’année dernière.

– Personne ne t’accompagne ?

– Si… Mme Louvois ;notre voisine.

– Où est-elle ?

– Là… derrière nous… avec ses troisenfants. Une dame cause avec elle.

C’était Mme Boussuge :elle se faisait donner décharge du petit Fernand. À chaqueadoptante qui passait, avec sa part, devant lui, le docteur Chazeyglissait en douceur :

– Ne manquez pas de m’amener le plus tôtpossible votre réfugié, afin que j’établisse sa fichesanitaire.

– Sa fiche, naturellement… murmuraMme Chévremont ; et, à son tour venu, elleaborda Mme Louvois, une grande femme sèche etbasanée qui avait un enfant sur les bras, deux autres à ses pieds,et ressemblait à un pasteur régnant sur son troupeau vautré.

– C’est vous, madame, qui prenez soin decette enfant… Marie-Anne… Giraud… Girodet ?…

– Grimodet, rectifia le grand berger enjupons. Oui, c’est moi. Son père, qui est veuf, me l’a laissée àgarder en partant. Elle est bien douce et bien complaisante. Elleme venait en aide à la maison… où ça n’est pas l’ouvrage quimanquait.

Elle jeta un coup d’œil du côté de la petite,toujours immobile à quatre pas de là, sur son bagage, etajouta :

– Il ne faut pas la juger sur lamine ; elle tombe de sommeil… et de tout… C’est une naturetrès gaie, on ne le croirait pas en la voyant… Elle aurait le droitd’être triste, affligée comme elle est. On peut dire que celle-làn’a pas de chance…

« Pourquoi me fait-elle l’article,ruminait Mme Chévremont ; je ne marchandepas. » Et tout haut, elle reprit :

– Oui… à moitié orpheline déjà, voir sonpère la quitter… Pour le moment, elle semble, en effet, avoirbesoin de repos avant tout. Elle va se remettre chez nous… Je vousreverrai bientôt, madame, pour de plus amples renseignements.

– À votre disposition, madame.

Suivie des yeux par la meneuse, AgatheChévremont revint vers la petite fille qui paraissait s’êtreendormie sur son paquet de hardes.

– Allons, Marie-Anne, viens. Un bon litt’attend, et de quoi manger, si tu as faim… As-tu faim ?

– Pas beaucoup.

– Je vais te porter tes affaires… C’esttout près d’ici. Nous serons vite rendues.

La fillette se leva et fit quelques pas à côtéde Mme Chévremont qui s’aperçut alors que l’enfantsautait sur un pied en marchant.

– Tu t’es blessée ?

– Oh ! non, répondit Marie-Anne.

– Tu boites pourtant…

– Ça n’est pas d’aujourd’hui, repritlégèrement la petite, qui ne se préoccupait plus des faitsaccomplis.

– Depuis quand ?

– Je ne sais pas… On allait me faireopérer, je crois, quand maman est tombée malade de lapoitrine… ; alors, comme papa ne pouvait pas perdre unejournée pour me conduire à Saint-Quentin, où il y a de bonschirurgiens…

– C’est donc grave, ton… ta… cette…

– Mon infirmité ? Non. Le médecin dechez nous a dit que je serais guérie quand on voudrait… à conditionde ne pas trop attendre, naturellement.

– Quel âge as-tu ?

– Neuf ans.

– Quel métier ton pèreexerce-t-il ?

– Boulanger.

– Et jamais il n’a trouvé le temps de tefaire soigner sérieusement ?

– Mais je ne suis pas malade !s’écria la fillette qui sauta plus haut, pour s’en faire accroireautant peut-être que pour en faire accroire à la dame. Un pied bot,comme c’est que j’en ai un, ça n’empêche pas de boire, de manger etde courir. Quand maman s’est mise à mourir tout doucement, il abien fallu que je me rende utile à la maison, et chezMme Louvois aussi. Demandez-lui ce que je saisfaire.

Mme Chévremont avait crudevoir ralentir le pas en apprenant de quelle incommodité, pour nepas dire plus, sa petite pensionnaire était atteinte ; maiscelle-ci continuant de protester contre tous ménagements par dessauts plus vifs, la femme du vétérinaire accéléra l’allure.

Son mari l’attendait avec une impatience àlaquelle toute curiosité n’était point étrangère. Il regardal’enfant que la loterie lui attribuait et n’attacha aucuneimportance à sa claudication qu’il mit sur le compte de lalassitude.

– Alors, c’est toi notreréfugiée ? fit-il rondement.

Agathe répondit à la place de lapetite :

– Dame ! puisque tu as voulu unefille…

Légèrement déçue dans son choix, elle avaitl’habileté féminine de lui en faire tout de suite partager laresponsabilité.

Mais le vétérinaire continuait à n’y voir quedu feu.

– Certainement, j’ai désiré une fille,reprit-il, et je ne le regrette pas, car celle-ci est mignonne etne nous attirera point d’ennuis. N’est-ce pas, petitbijou ?…

De ses fortes mains velues, il avait levé lementon que baissait Marie-Anne, et le visage enfantin se colora unpeu à la bouffée de chaleur qui lui venait de ce cordialaccueil.

Agathe rompit de nouveau le charme.

– Tu sais que les Boussuge ont un garçon,eux…

– Ah !… fit Chévremont sansdissimuler sa contrariété. Il ne faut plus s’étonner de rien.

Il eût dit, d’ailleurs, mais sur un autre ton,exactement la même chose, si les Boussuge s’étaient dérobés audevoir d’assistance.

– Au fait, la petite doit le connaître,ajouta Agathe : elle et lui ont été confiés à la mêmepersonne… une dame Louvois avec qui j’ai causé un moment à lagare.

Prise à témoin et déjà apprivoisée, Marie-Anneprécisa :

– C’est le gosse Fernand, le fils dumaçon qui demeure en face de chez nous. On jouait ensemble.

Elle scrutait le couple, de ses yeux bleuslimpides, sans arriver à comprendre pourquoi le nom de Fernand,jeté dans la conversation, l’avait subitement refroidie.

– Veux-tu tremper un biscuit dans du vinavant d’aller te coucher ? demanda Agathe.

– Merci, madame.

– Merci oui ou merci non ? insistale vétérinaire.

– Je n’ai pas faim, monsieur, j’ai mangéen route.

– Elle a besoin de dormir plus qued’autre chose, trancha Mme Chévremont. Rose va temontrer ta chambre. Bonsoir, Marie-Anne.

– C’est ton nom, Marie-Anne ? ditChévremont, qui l’entendait pour la première fois.

– Oui, monsieur.

– Il est bien long et bien sérieux pourton âge. Nous t’appellerons Nanette… Tu n’y vois pasd’inconvénients ?…

La bouffée de chaleur revint aux joues de lafillette.

– Oh ! monsieur…

– Alors, bonsoir, Nanette. À demain.

 

La soirée du même jour s’achevait de la mêmefaçon chez les Boussuge qui recueillaient, de leur côté, le petitFernand.

Au sortir de la gare, il avait été soulagé deson sac… Julien Damoy, Café en grains… par une servantevirile qui répondait au nom de Zénaïde et venait au-devant de samaîtresse en bougonnant. Elle avait tout d’un cavalier arabedémonté, d’un Bédouin. Un linge blanc lui enveloppait la figuredont on ne voyait que le nez.

– Je vous avais dit de ne pas prendrel’air avec votre fluxion, fit Palmyre Boussuge, sans provoquerautre chose qu’un grognement sous le burnous.

Fernand eut peur de la guerrière. Ilrapetissait encore à côté d’elle, dans la maturité de l’âge et auxépaules de qui les plus lourds fardeaux devaient être poids plume.Les deux sexes semblaient avoir fait en elle un accommodement. Sonenfance et sa jeunesse avaient appartenu au sexe féminin ;mais, à partir de quarante ans, tous les attributs du sexe fort, ycompris la barbe au menton, lui avaient été conférés. Fernandarrivait trop tard. Il s’était senti rapidement dévisagé ;puis le déménageur travesti empoignant le sac comme unecourtepointe, avait échangé quelques mots avecMme Boussuge, tout en hâtant le pas, car le froidpiquait et les rues désertes de Bourg ne recevaient un peu delumière que des fenêtres çà et là encore éclairées, à une heure oùtout le monde habituellement dormait.

– Comme ça, vous avez trouvé votreaffaire, disait la vieille Sarrasine encapuchonnée.

– Oui, ce petit bonhomme, qui a l’airgentil…

– Ne pas se fier aux apparences.

– Évidemment.

– C’est gros comme deux liards debeurre.

– Il n’a pas été élevé dans du coton.C’est le fils d’un maçon des environs de Soissons.

– Il a encore sa mère ?

– Oui… et une petite sœur nouveau-née… Jen’en sais pas davantage. Il aura le temps de nous raconter sonhistoire.

– Et de la broder. À beau mentir quivient de loin.

– En voilà des idées, Zénaïde !Pourquoi cet enfant ne nous dirait-il pas la vérité ?

– Il n’y a pas beaucoup de gossesaujourd’hui, qui ne soient de la mauvaise graine.

– On voit bien que vous n’avez pas eud’enfant.

– À Dieu ne plaise ! Mes vieux jourssont assurés.

L’impression qu’avait produite sur le petitFernand l’acariâtre portefaix fut heureusement effacée parl’aménité de M. Boussuge.

Il fit entrer l’enfant dans la salle à manger,le conduisit sous l’abat-jour crémeux de la suspension etl’interrogea affectueusement.

– Tu n’es pas trop fatigué ?

– Non.

– D’où venez-vous ?

– De Paris.

– Je veux dire de quellerégion ?

– De Soissons… mais nous habitons lesenvirons.

– Bon. Je suis sûr qu’il a les piedsgelés ! Vous n’allez pas l’envoyer se coucher sans lui faireprendre quelque chose de chaud…

Derrière lui Zénaïde, toujours bourrue,marmonna irrespectueusement : « Croyez-vous donc qu’onn’y a point pensé ? » Et elle mit sur la table une tassede lait fumant que le gamin fit mine de refuser. Mais l’autreordonna : « Faut boire ça très chaud… quitte à sebrûler. »

Elle était encore plus effrayante sansmanteau. Sa mentonnière, nouée à l’envers, faisait les cornes etdécouvrait, avec le nez, de gros yeux de porcelaine dans un visageempourpré.

L’enfant dut obéir, en voyant que ni « lemonsieur » ni la « dame » ne le soutenaient. Avalerà petits coups le breuvage ne l’empêchait pas d’entendre les proposde ses hôtes.

– Tu ne devinerais pas qui j’ai rencontréà la gare, disait Mme Boussuge. Ne cherche pas,va : Agathe !

– Avec Chévremont ?

– Non, toute seule.

– Quel numéro a-t-elle tiré ?

– Je ne sais pas : je suis partie lapremière.

– Elle a donc bien vu que nous avonsaussi notre réfugié. Quelle tête faisait-elle ?

À ce moment, le petit Fernand, ayant enfinvidé sa tasse, la rendit à Zénaïde.

– On ne dit pas merci ?

Il comprit la leçon de politesse etfit :

– Merci, madame.

– Madame est de trop. Contente-toi dedire : Merci, Zénaïde.

– Merci, Zénaïde.

En se rapprochant du « monsieur »comme pour chercher protection auprès de lui contre la grondeuse,il passa devant elle.

– On demande pardon en passant devant lemonde, redoubla-t-elle.

– Pardon, mad…, pardon, Zénaïde.

– Il faudra tout lui apprendre,poursuivit la servante que l’on n’avait pas pour rien surnomméedans le pays, la Malaisée.

– Vous l’intimidez, aussi, ditM. Boussuge en attirant entre ses genoux le petit réfugié.Veux-tu encore un peu de lait ?

– Non.

Zénaïde mit bon ordre derechef à ses façonsinciviles :

– On dit : Non, monsieur.

– Non, monsieur, répéta l’enfantsubjugué.

– Quel est ton nom, au fait ?

À cette question du « monsieur »,l’enfant répondit :

– Je m’appelle Fernand… mais, à lamaison, on m’appelait Nanand.

– Parfait ! s’écriaM. Boussuge. Va pour Nanand ! Ne changeons rien à unehabitude prise. Le lit de ce jeune homme est prêt ?

– Oui, dans la chambre de Justin, auprèsde nous, dit Palmyre. Zénaïde l’a bassiné… et il y a une boule aupied, comme pour notre Justin, quand il était là.

Mais cette déclaration ne fut point du goût dela servante, qui attendait l’enfant, un bougeoir à la main, pourl’accompagner. Elle le poussa devant elle en ronchonnant sur sestalons, dans l’escalier : « Bien sûr que je l’ai bassiné,son lit… Mais quant à dire que c’est la même chose, non !Monsieur Justin était le fils de la maison, lui… Faudrait pasconfondre… »

Et l’enfant s’étonnait naïvement de trouvertant de familiarité chez une personne qui exigeait de lui, dans sonlangage, tant de correction.

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