Micah Clarke – Tome I – Les Recrues de Monmouth

Micah Clarke – Tome I – Les Recrues de Monmouth

de Sir Arthur Conan Doyle

Introduction

James Scott, duc de Monmouth, (1649-1685),fils naturel de Charles II d’Angleterre.

À l’avènement de Jacques II, il organisa avec le duc d’Argyle un coup de force qui échoua. Ses troupes furent écrasées le 6 juillet 1685 lors de la bataille de Sedgemoor et il fut décapité.

Toutefois certaines théories ont prétendu qu’il aurait pu être l’homme au masque de fer.

Cette victoire ne profita guère à Jacques II qui ne resta que quelques mois sur le trône avant de venir se réfugier en France où il finit ses jours.

Préface

Micah Clarke, dont nous publierons successivement en traduction française les trois épisodes : Les recrues de Monmouth, Le capitaine Micah Clarke, La bataille de Sedgemoor, est le grand roman historique qui établit la réputation en ce genre d’Arthur-ConanDoyle.

Le romancier y a déployé une verve, un humour, un entrain qui rappellent les bonnes pages de Dumas père.Aussi faudrait-il s’étonner que les traducteurs aient négligé une œuvre aussi vivante s’il n’en fallait voir la cause dans le peu de familiarité de nos contemporains français avec l’histoire étrangère. Pour le lecteur d’Outre-Manche, Conan Doyle n’avait nulle besoin d’explications préliminaires. Il nous a paru qu’uneprésentation était nécessaire en tête de l’édition française de sonroman et l’on nous permettra, en outre, de renvoyer à notreouvrage La Cour galante de Charles II, où le lecteurtrouvera, sans préjudice de bien des détails curieux, des portraitsdes meilleurs peintres et graveurs, leurs contemporains,reproduisant les traits de Lucy Walters, mère de Monmouth, du roiCharles II, jeune homme et vieillard, et enfin deMonmouth.

Monmouth était né à Rotterdam, le 9 avril1649, de Lucy Walters, alors maîtresse de Charles II, après l’avoirété de Robert Sydney, qui en avait, lui-même, hérité du célèbreAlgernon Sydney, son frère. C’était une belle fille, mais communeet sans éducation, d’ailleurs très fière d’être maîtresse royale etmère d’un bâtard de roi. En 1655, la princesse d’Orange écrivant àson frère le plaisantait sur « sa femme ». La concubinedominait encore les sens de son amant et le tenait dans un servageamollissant si bien que, l’année suivante, les ministres duprétendant inquiets, obtinrent le départ de Lucy pour l’Angleterresous promesse d’une pension annuelle de quatre cents livres. Sonséjour à Londres n’alla pas sans encombre. Lucy fut arrêtée et miseà la Tour : elle y reçut les hommages des Cavaliers et obtintensuite l’autorisation de retourner en France du gouvernement peujaloux de fournir aux mécontents l’occasion de prononcer pour unecause quelconque le nom des Stuarts. Charles, prince et volage, netarda pas à délaisser cette maîtresse encombrante et volontaire,puis à l’oublier complètement et, de chute en chute, la pauvre Lucymourut, dit un chroniqueur, « d’une maladie, suite naturellede sa profession ».

Charles II n’abandonna pas l’enfant, commeil avait abandonné la mère. La veuve de Charles I le fit élever parlord Crofts et peu d’années après la Restauration, c’est sous lenom de celui-ci qu’il parut à la cour. Lady Castlemaine, la reinede la main gauche du moment, le prit en bon gré. Il était vif,spirituel, de bonnes manières, en élève formé par les soins desRévérends Pères de la Compagnie de Jésus à qui la reine-mère avaitconfié son éducation. En 1663, ce beau cavalier, titré duc et filsavoué du roi, faisait tourner la tête à toutes les dames de la courquand Charles II, jaloux de la Castlemaine, le maria à une richehéritière d’Écosse, Anna Scott, duchesse de Buccleuch. Celan’arrêta pas le cours de ses bonnes fortunes qui ne l’empêchaientpas de devenir le champion de la cause protestante. À ce titre, ilparaissait doué de toutes les vertus et de toutes les perfections.« La grâce, dit le poète Dryden, accompagnait tous sesmouvements et le paradis se révélait sur sa figure ».

On prend goût à ce jeu de la popularité.Monmouth commit imprudence sur imprudence et passa pour s’êtreassocié au complot whig avec Essex, Sydney et Russell, au moment oùla conjuration de Rye-House se proposait comme but, non plus desoulever la nation contre le gouvernement, mais d’assassiner le roiet son frère. Alors il dut s’exiler et vivre en Hollande dans uneoisiveté plus ou moins honorable. En même temps qu’il s’étaitbrouillé avec la cour, il avait cessé de vivre avec sa femme. Samaîtresse, Lady Henriette Wentworth, était riche. Dans le particatholique, on murmurait qu’elle pourvoyait à ses besoins, lessecours que lui fournissait le roi ne suffisant point à payer sescaprices. Le roi vieilli gardait pourtant, à travers son égoïsmequinteux, un faible pour ce fils de sa jeunesse et de ses bellesamours. Tant que vécut Charles II, il y eut donc pour Monmouthespoir de rappel. En octobre 1684, le prince d’Orange qui lerecevait à Leyde et à La Haye le traitait en hôte princier. Peu demois avant la mort de Charles II (en novembre 1684) Monmouthfaisait un voyage rapide en Angleterre. Allait-il rentrer enfaveur ? On le crut. Le duc d’York lui fit, on le remarqua, unaccueil cordial, comme s’il voulait démentir ainsi les bruits quicommençaient à courir et qui peignaient Monmouth comme unprétendant à la couronne. Mais bientôt le fils rebelle et ingrat,repartit pour l’exil.

Alors les rumeurs, d’abord vagues, prirentde la consistance et de la cohésion. On prétendait parmi les exilésque John Cosin, évêque de Durham, avait remis un coffret, quicontenait le contrat de mariage de Charles II et de Lucy Walters, àson gendre Gilbert Gérard, capitaine des gardes du roi. On enjasait à Londres, dans la Cité, à la cour. Gilbert Gérard niadevant le Conseil privé avoir connaissance et de la boîte et dumariage. Beaucoup continuèrent à douter. La légende de la cassettesubsista : elle devait prendre une nouvelle force quand lesavancés du parti protestant auraient intérêt à opposer leurprétendant à un roi catholique.

À la mort de Charles II, la situation deMonmouth changea brusquement. Il était maintenant un exilé danstoute l’acception du terme. Consentirait-il à mener sur le sol dela Hollande une existence inactive et presque honteuse sous lasurveillance des polices continentales ? L’ambition de samaîtresse ne paraissait pas devoir s’en contenter pour lui :elle voulait le voir roi. Stimulé par elle, Monmouth annonçad’abord l’intention de se rendre en Suède et d’y vivre del’existence d’un particulier auprès de la chère maîtresse qui avaitsacrifié pour le suivre la splendeur d’un grand nom et ses droits àun riche héritage. Mais il ne partait point.

C’est à ce point d’hésitation que leprirent les avances des exilés. Eux aussi ne savaient pas serésigner à avoir été et à ne plus être. Certes Monmouth leur étaitsuspect à plus d’un titre. Qu’y avait-il de commun entre cepaillard, séducteur de femmes et sceptique au point, luiprotestant, d’avoir versé leur sang, et les pieux et fanatiquesmartyrs de leur foi et de leur haine pour les partisans masqués deRome ? Ils reprochaient à Monmouth sa vie de plaisir, saliaison extra-conjugale, ses désordres et ses folies. Mais lanécessité fit plus que le goût. Les exaltés cédèrent auxobjurgations des plus politiques. Ils consentirent à ce queMonmouth fut sondé par des émissaires sûrs. Il se montra froid, peudésireux de se lancer dans les aventures. Alors les travauxd’approche visèrent un autre but. Sur l’invite de Ferguson, lordGrey agit auprès de Lady Henriette. Il lui montra le trône commefruit d’une alliance à laquelle il faudrait momentanément sacrifierles droits de son amour. La maîtresse de Monmouth n’était pas uneamoureuse banale : elle se jura de lui donner les moyens, tousles moyens, de conquérir une couronne. Pedro Ronquillas,ambassadeur d’Espagne, qui voyait le fait sans en comprendre lebut, fit alors des gorges chaudes de ce prince qui vivait auxcrochets de sa maîtresse et vendait son amour pour ses subsides. Cen’était pas par là cependant que Monmouth péchait. La pensée deLady Henriette était devenue la sienne.

À son passage à Rotterdam, il se rencontraavec quelques-uns des chefs de l’émigration. L’union était loind’être faite dans les rangs de celle-ci. Le duc d’Argyle seconsidérait comme maître chez lui en Écosse et entendait agird’après ses propres inspirations. Il eut soin de ne paraître àRotterdam qu’après le départ de Monmouth qu’il jalousait et quandon lui parla de différer l’exécution des projets anciens, il fitgrand étalage de ses espérances et des promesses de concours qu’ilavait reçues d’Écosse, ayant toujours grand soin de faire entendrequ’il était un chef d’armée et non un lieutenant. Il acheta unefrégate, s’équipa et arma un corps d’expédition. Cette attitudeobligea les exilés à précipiter leurs plans. Monmouth, dans sesentrevues avec eux, s’était présenté avant tout comme un protestantanglais. Légitime fils de Charles II, disait-il, il avaitlégalement droit à la couronne que portait son oncle, mais il nevoulait prendre le titre de roi que autant que ses associés lejugeraient utile à la cause commune. Il se déclarait même en ce casprêt à abdiquer ce titre après le succès et à rentrer dans le rang.Au besoin il servirait sous le duc d’Argyle. La proposition nepouvait sourire au chef écossais. Il visita personnellementMonmouth pour lui démontrer qu’une guerre de partisans n’était passon fait et qu’il valait bien mieux qu’il attendit que l’Angleterreput se soulever. Monmouth, à son tour, lui représenta que lapolitique adoptée par Jacques II était plutôt propre à remédier auxplus criants abus du précédent règne. Argyle se déclara prêt àpartir au début de mai. Alors Monmouth assura aux gentilshommesécossais qu’il mettrait à la voile six jours plus tard.

Jusqu’à l’arrivée des agents des exilés,l’Angleterre était paisible. Au début de son règne, Jacques IIparaissait prendre à tâche de donner toute satisfaction au partimodéré. En quittant le lit de mort de son frère, n’avait-il paspromis dans un bref discours au Conseil privé de soutenir l’Églised’Angleterre, propos qui avaient encore été accentués dans laproclamation rédigée par le solicitor général Finch. Toutes leslettres qu’écrivaient de Rome ou du Vatican les agents catholiquesrecommandaient la patience, la modération et le respect pour lespréjugés du peuple anglais. Mais tandis que Jacques rêvait ainsi laliberté de conscience pour tous ses sujets, sauf les catholiques àqui celle-ci faisait défaut, nul n’était disposé à accepter pourautrui une liberté qui paraissait un empiétement sur des droitsacquis. Les Dissenters, comme le clergé épiscopal, paraissaientconvaincus que la déclaration ne profiterait qu’aux Catholiques.Les épiscopaux se refusèrent à lire la déclaration à la presqueunanimité et les Dissenters marquaient qu’ils préféraient à laliberté pour eux un système résolu de persécution contre lesPapistes. Les choses s’envenimaient encore quand on apprit que lesportes de la chapelle de la reine à Saint James s’ouvraient toutesgrandes et que le roi entendait la messe avec une pompe officielle.Les gardes du corps formant la haie, les chevaliers de laJarretière, les lords les plus illustres suivant le roi jusqu’à sonprie-dieu, parurent à tous menacer d’un bouleversement atroce lemonde protestant et aux appels des prédicants les recrues deMonmouth se groupèrent le long des chemins

Albert Savine.

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