Tarass Boulba

Tarass Boulba

de Nikolai Gogol

La nouvelle intitulée Tarass Boulba, la plus considérable du recueil de Gogol, est un petit roman historique où il a décrit les mœurs des anciens Cosaques Zaporogues. Une note préliminaire nous semble à peu près indispensable pour les lecteurs étrangers à la Russie.

Nous ne voulons pas, toutefois, rechercher si le savant géographe Mannert a eu raison de voir en eux les descendants des anciens Scythes (Niebuhr a prouvé que les Scythes d’Hérotode étaient les ancêtres des Mongols), ni s’il faut absolument retrouver les Cosaques (en russe Kasak) dans les K????? de Constantin Porphyrogénète, les Kassagues de Nestor, les cavaliers et corsaires russes que les géographes arabes, antérieurs au XIIIe siècle, plaçaient dans les parages de la mer Noire. Obscure comme l’origine de presque toutes les nations, celle des Cosaques a servi de thème aux hypothèses les plus contradictoires. Nous devons seulement relever l’opinion, longtemps admise, de l’historien Schloezer, lequel, se fondant sur les moeurs vagabondes et l’esprit d’aventure qui distinguèrent les Cosaques des autres races slaves,et sur l’altération de leur langue militaire, pleine de mots turcs et d’idiotismes polonais, crut que, dans l’origine, les Cosaques ne furent qu’un ramas d’aventuriers venus de tous les pays voisins de l’Ukraine, et qu’ils ne parurent qu’à l’époque de la domination des Mongols en Russie. Les Cosaques se recrutèrent, il est vrai, deRusses, de Polonais, de Turcs, de Tatars, même de Français etd’Italiens; mais le fond primitif de la nation cosaque fut une raceslave, habitant l’Ukraine, d’où elle se répandit sur les bords duDon, de l’Oural et de la Volga. Ce fut une petite armée de huitcents Cosaques, qui, sous les ordres de leur ataman Yermak, conquittoute la Sibérie en 1580.

Une des branches ou tribus de la nation cosaque, et la plusbelliqueuse, celle des Zaporogues, paraît, pour la première fois,dans les annales polonaises au commencement du XVIe siècle. Ce nomleur venait des mots russes za, au delà (trans), et porog,cataracte, parce qu’ils habitaient plus bas que les bancs de granitqui coupent en plusieurs endroits le lit de Dniepr. Le pays occupépar eux portait le nom collectif de Zaporojié. Maîtres d’une grandepartie des plaines fertiles et des steppes de l’Ukraine, tour àtour alliés ou ennemis des Russes, des Polonais, des Tatars et desTurcs, les Zaporogues formaient un peuple éminemment guerrierorganisé en république militaire, et offrant quelque lointaine etgrossière ressemblance avec les ordres de chevalerie de l’Europeoccidentale.

Leur principal établissement, appelé la setch, avait d’habitudepour siège une île du Dniepr. C’était un assemblage de grandescabanes en bois et en terre, entourées d’un glacis, qui pouvaitaussi bien se nommer un camp qu’un village. Chaque cabane (leurnombre n’a jamais dépassé quatre cents) pouvait contenir quaranteou cinquante Cosaques. En été, pendant les travaux de la campagne,il restait peu de monde à la setch; mais en hiver, elle devait êtreconstamment gardée par quatre mille hommes. Le reste se dispersaitdans les villages voisins, ou se creusait, aux environs, deshabitations souterraines, appelées zimovniki (de zima, hiver).

La setch était divisée en trente-huit quartiers ou kouréni (dekourit, fumer; le mot kourèn correspond à celui du foyer). ChaqueCosaque habitant la setch était tenu de vivre dans son kourèn;chaque kourèn, désigné par un nom particulier qu’il tiraithabituellement de celui de son chef primitif, élisait un ataman(kourennoï-ataman), dont le pouvoir ne durait qu’autant que lesCosaques soumis à son commandement étaient satisfaits de saconduite. L’argent et les hardes des Cosaques d’un kourèn étaientdéposés chez leur ataman, qui donnait à location les boutiques etles bateaux (douby) de son kourèn, et gardait les fonds de lacaisse commune. Tous les Cosaques d’un kourèn dînaient à la mêmetable.

Les kouréni assemblés choisissaient le chef supérieur, lekochévoï-ataman (de kosch, en tatar camp, ou de kotchévat, en russecamper). On verra dans la nouvelle de Gogol comment se faisaitl’élection du kochévoï. La rada, ou assemblée nationale, qui setenait toujours après dîner, avait lieu deux fois par an, à joursfixes, le 24 juin, jour de la fête de saint Jean-Baptiste, et le1er octobre, jour de la présentation de la Vierge, patronne del’église de la setch.

Le trait le plus saillant, et particulièrement distinctif decette confrérie militaire, c’était le célibat imposé à tous sesmembres pendant leur réunion. Aucune femme n’était admise dans lasetch.

Préface à l’édition de la Librairie Hachette et Cie, 1882.

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