To-Ho Le Tueur d’or

Chapitre 3

 

Cependant, To-Ho et Van Kock descendaient versle vallon.

Van Kock était presque centenaire : maisencore alerte et vigoureux, tout en os et en muscles, il suivaitson compagnon à travers les fourrés et les roches.

C’était un bizarre personnage que Van Kock,qu’un accès de colère, de misanthropie, avait jeté dans la viesauvage : quoique Hollandais, il était ardent, enthousiaste ets’était adonné passionnément à la chimie et aux sciencesnaturelles.

Sa tendance d’esprit l’entraînait sur lesspéculations les plus hardies : il avait étudié à fond lesanciens alchimistes, et contrairement à tant de pseudo-chercheurs,qui parlent de leurs œuvres sans les connaître, il était remontéaux textes, avait eu le courage d’affronter les énormes in-foliosde Paracelse, de Raimond Lulle, de Bernard de Trévisan, d’Arnauldde Villeneuve, la philosophie naturelle d’Artephius, les Secretscachée de la cosmogonie de Crosset de la Haumerie, avait pâli desjours et des nuits sur la Table d’Émeraude attribuée à Hermès, etdes convictions singulières peu à peu s’imposaient à sonintelligence.

Pour lui, la nature venait de l’unité :la substance première était unique, contenait en soi-même toute laforce, tout le mouvement, et par son évolution, elle avait créétout ce qui existe, les choses dites inorganiques et les êtres, lesderniers sortant des premiers, sous l’action d’un progrèsincessant, dont les manifestations si diverses, si étonnammentvariées en apparence n’étaient que des modalités successives.

Du gaz au minéral – puis au végétal – puis àl’animal – et enfin à l’homme, la marche était ininterrompue :l’effort de la substance s’exerçait, sous la poussée intime dontelle était elle-même le foyer, et selon la force de l’élan premier,elle allait plus ou moins loin.

Au commencement des choses, cet effort s’étaitarrêté, concrété en des produits inférieurs, mais qui, une foisacquis étaient en quelque sorte des paliers sur lesquels la forces’appuyait pour aller plus loin et plus haut.

Kock n’admettait pas la métamorphose directede la pierre en végétal ni de la plante en animal, mais ilprétendait que le travail opérée par la force s’étant concrété enminéral, celle-ci, ce résultat obtenu, revenait pour ainsi dire enarrière pour prendre un nouvel élan, au bout duquel elle arrivait àun degré supérieur.

Ainsi, entre le singe et l’homme, ce n’étaitpas l’anneau manquant qui sollicitait son attention : lapoussée de la nature avait, selon lui, produit le singe ;l’œuvre n’était pas parfaite, elle était revenue en arrière,s’était lancé de nouveau en avant… Était-elle parvenue alors dansce second bond jusqu’à l’homme ? Il ne pouvait l’admettre,tant les différences étaient profondes entre les deux êtres, malgréleurs formes analogues, et il avait émis cette théorie que l’effortde la nature avait dû produire, en ses élans successifs, des êtresde plus en plus différents du singe, de plus en plus évoluée versl’homme, lesquels êtres avaient existé – ou pouvaient existerencore en tant qu’espèces fixées.

Pouvaient exister ? Là était la problème.Quand on constate aujourd’hui la disparition de races parfaitementhumaines – comme les Peaux-Rouges – repoussés, traqués, massacréspar les Américains ; quand on voit que des espèces animales,comme le bison disparaissent peu à peu à ce point qu’on cherche àen conserver à grands frais quelques types survivants, commentsupposer que des êtres voisins de l’homme eussent échappé à laviolence du conquérant, qui, par le droit de son intelligencesubitement développée, devenait le maître de la terre et supprimaitses rivaux ?

Pourtant, si quelques spécimens de ces racesanti-humaines avaient survécu ? Les anciennes légendesreposent très probablement sur des faits vrais, défigurés parl’ignorance ou embellis par l’imagination. Cette théorie fut émiseautrefois par le philosophe Evhemère. Van Kock la faisaitsienne : les géants, les monstres avaient réellement commisles forfaits dont l’histoire mythologique les accusent et avaientété détruits par des hommes que la reconnaissance publique avaitélevés au rang des demi-dieux.

Mais refoulés, repoussés de la terrecivilisée, n’en étaient-ils pas qui eussent trouvé un refuge dansdes solitudes impénétrables ?

Et voici qu’à vingt ans, Van Kock, dans sapassion de chercheur, était venu explorer l’île de Sumatra :alors que ses compatriotes ne rêvaient que conquête fructueuse, quedécouverte de richesses, lui, s’inspirant de quelques légendes quiétaient parvenues jusqu’en Europe, s’était donné la missiond’explorer, seul, avec une hardiesse admirable, la régions où nuln’avait encore pénétré.

Il était revenu dans son pays, ayant vu – deses propres yeux – des êtres qui formaient un chaînon entre lesraces simiesques et humaines. Il le proclama, exposant sesarguments, ses preuves… Alors ce fut dans le monde savant, chez lesfonctionnaires, dans la bourgeoisie, dans les académies, chez tousceux qui, exploitant les connaissances acquises, repoussentsystématiquement tout ce qui pourrait troubler leur sérénité etleur imposer des études nouvelles, un tollé formidable. On letraita d’ignorant, de menteur, d’hérétique même et, du haut de lachaire, tombèrent sur lui les anathèmes.

Ne niait-il pas la création, telle qu’elle estexpliquée par les livres hébreux ! Mais il y eut autrechose : il était riche. Sa famille le dénonça comme fou,provoqua des jugements contre lui, obtint son interdiction :la passion de l’or achevait l’œuvre commencée par l’intoléranceignorante. Il était déshonoré, montré au doigt, ruiné, menacé d’uninternement dans un hospice d’aliénés.

Alors, dégoutté des hommes, de leur sottise,de leurs petitesses et de leurs avidités, sachant d’ailleurs queson arrestation n’était plus qu’une question d’heures, il s’étaitévadé, pour ainsi dire, et, épuisant ses dernières ressources, ils’était embarqué sous un faux nom. Arrivé à Sumatra, échappant parmiracle aux dangers que lui faisait courir la haine des indigènescontre les Européens, il s’était engagé dans les forêts, avaitmarché pendant des semaines et des mois à travers les montagnes,gravissant les pics les plus inaccessibles, se défendant contre lesbêtes, et enfin il était tombé au milieu d’une tribud’anthropomorphes.

Là encore, le danger était terrible : carchez ces êtres, alors plus près du singe que de l’homme, lesinstincts de brutalité féroce prédominaient : une circonstanceimprévue l’avait sauvé. Il avait guéri, par une opérationchirurgicale… le père de To-Ho alors enfant, et dès lors les Aaps –comme il les appelait du mot hollandais qui signifie singe –l’avaient accueilli, respecté, aimé.

Depuis près de soixante ans, il vivait aumilieu de ces êtres en qui il avait reconnu des aptitudes – encorerudimentaires – à l’humanité. Il avait pris To-Ho sous saprotection, l’avait soigné, instruit. Ayant reconnu en les Aaps lafaculté du langage à l’état primitif, il l’avait développée. To-Ho,à son tour, s’était fait l’éducateur de la tribu.

Mais sur une centaine de couples qui lecomposaient, et dont le nombre diminuait chaque année par uneétrange consomption que Van Kock combattait, sans parvenir àl’enrayer tout à fait, à peine un tiers profitait réellement de sesenseignements. Seul, To-Ho et cinq de ses compagnons s’élevaientréellement, peu à peu, à la dignité d’hommes.

Chez les autres, c’étaient des continuellesalternatives de progrès et de décadence.

Les instincts d’anthropoïdes étaient les plusforts : mais, chose curieuse, ils se mélangeaient en quelquesorte aux vices humains, pour produire une floraison mauvaise etperverse.

C’est ainsi que les quelques outils dont Kockétait parvenu à leur enseigner la fabrication et l’usage déjà leuravaient servi d’armes, en des luttes brutales et meurtrières, oubien que les rudiments de vêtements dont on leur avait apprisl’utilité étaient devenus prétexte à d’orgueilleuses différences, àde ridicules ornementations.

Les Aapas surtout – les femelles –avaient compris avec une étonnante promptitude ce que tel ou teloripeau – collier de graines, coiffure de fleurs, draperie debranchages – pouvaient ajouter à ce qu’elles considéraient – lespauvres guenons ! – comme leur beauté. À l’instinct pur etsimple de la sélection entre aaps de genres différents, étaientvenus se juxtaposer les préférences nées de la vanité, de lacoquetterie, de la jalousie. Et par une étonnante prescience de lasottise humaine, ces êtres primitifs avaient fait élection de l’orcomme signe de supériorité, de puissance et d’amour !

L’or ! qui se trouvait à l’état natifdans les torrents ! qui parfois surgissait des roches ou desvallons ! L’or qui jaillissait des minerais broyés !…

Le premier, Kock, avait poussé ce cri :« L’or, c’est l’ennemi ! »

Et To-Ho l’avait compris, surtout le jour oùdes prospecteurs, s’aventurant jusqu’aux confins de ces solitude,avaient tué des aaps pour s’emparer de leurs cachettes ;avaient tué son fils, le pauvre petit, qui n’avait commis d’autrecrime que de ne pouvoir répondre à ceux qui le voulaientcontraindre à révéler les gisements !

Combien cette première notion de la perversitéde l’or s’était accrue, lorsque To-Ho s’était, une fois, aventuréchez les hommes et avait constaté par lui-même que l’or conférait àses possesseurs la toute-puissance du mal !

Dans ce cerveau aux lobes épais, auxcirconvolutions mal définies, les idées se manifestaient vagues,lourdes en quelque sorte, comme celles qui naissent dans ledemi-sommeil, en une lueur trouble.

Kock lui avait montré l’or fauteur dediscordes et de meurtres, et l’avait amené à cette conception dontla simplicité l’avait frappé : Il faut tuer l’or, partout ettoujours !

Comment ? Ceci était le secret de Kock,et il avait attendu longues années pour le communiquer à To-Ho,tant il avait redouté que l’anthropopithèque, dans un de cesmouvements de rage où reparaissaient ses instincts de bestialité, –et qui devenaient, il est vrai, de plus en plus rares, – n’usât dela puissance dont lui, Kock, était le détenteur intelligent – pourprovoquer quelque catastrophe effroyable.

Quelle était cette découverte deKock ?

Nous avons dit que, de longue date, partant del’hypothèse de l’unité de la matière, il avait étudié les procédésdes alchimistes, par lesquels ils s’efforçaient de transformer lesmétaux, plomb, mercure en or. Kock s’était fait ce raisonnement quepeut-être la régression était plus facile, c’est-à-dire laréduction de l’or – non plus considéré comme corps simple – à seséléments primitifs. L’or, il en avait la conviction, était du métalmûri ; il savait que, dans les mines du Mexique, il arrivefréquemment que les ouvriers indigènes rejettent des minerais endisant : « Cet or n’est pas mûr » estimant que lamatière minérale, pour passer à l’état d’or, a encore besoin d’unepériode d’incubation sous l’influence de la double chaleursouterraine et solaire.

D’où cette conclusion que l’or – mûri – sepouvait pourrir, comme le fruit, se désagréger et n’être plussemblable à lui-même, pas plus que la pêche ou la cerise, – ou toutcorps organique, – de par la décomposition, ne conserve sacontexture et sa forme… Tuer l’or, de telle sorte que son cadavrese décomposât, tel était le problème que Van Kock s’était posé.Pendant des années, il s’était livré à des expériences sansfin : même il avait tenté de produire une chaleur plus forteque celle du soleil, d’après cette idée préconçue que, mûri par lachaleur, l’or se devait désagréger par une chaleur supérieure àcelle qui l’avait engendré.

Il avait brûlé des forêts pour obtenir cefoyer de monstrueuses incandescences : et tout avait échoué.L’or fondait, mais se retrouvait en lingot, impérissable.

Un jour, dans le laboratoire qu’il s’étaitconstruit, – et qui, pour les Aaps, était un lieu de vénérationcraintive, comme le temple, – il soumettait à des procédésd’analyse des minerais trouvés dans un des plis de la montagne.

La désagrégation s’était opérée. Kock avaitconstaté que les éléments dissociées lui étaient déjà connus, etaprès un examen superficiel, il s’en était allé, fermant derrièrelui la porte de sa hutte.

Il était revenu, seul, le soir, et soudains’était arrêté, interdit.

À travers la vitre, qu’il avait taillée dansun bloc de mine, il apercevait une lueur, blanche, douce, d’unéclat étrange.

Que se passait-il là dedans ? Il étaitbien certain cependant de n’avoir pas allumé la lampe de résine quid’ordinaire l’éclairait et d’ailleurs, quelle différence entrecette lumière jaune, fuligineuse, et celle-ci – qui était clairecomme celle d’une étoile !

Il entra. Le foyer de cette lueur était dansle creuset : avec une hâte fiévreuse, il regarda, il étudia…dans le fond du matras, une parcelle – métallique, minérale –gisait, et de cette parcelle émanais une lumière… bien plus, unechaleur !…

Révélation foudroyante ! La matière,source par elle-même de force et de mouvement !… Avec quellepassion, il se remit à l’étude !… et quels dangers ilaffronta ! Car à mesure qu’il dégageait le mystérieux métaldes minerais dont un immense gisement se trouvait au fond de lavallée, à mesure qu’il en augmentait la masse, il constatait deseffets stupéfiants, terrifiants surtout.

Le nouveau métal, ayant en lui la forceproductrice de lumière et de chaleur, c’est-à-dire émettantplusieurs millions de vibrations par seconde, était un agentterrible de désagrégation des choses.

Plus Van Kock le purifiait, l’obtenait àl’état natif, et plus la force qui s’en dégageaitl’épouvantait : projeté à la dose d’un centième de milligrammesur la roche la plus dure, il le pulvérisait… et à son contact, lesmétaux les plus réfractaires – l’or – se volatilisaient en quelquesorte…

Avec un kilo de cette matière, Van Kock eûtfait sauter la planète…

Il varia ses expériences, les contrôla, lesamplifia… et il constata avec un orgueil terrifié qu’il étaitdésormais le maître de la vie terrestre, qu’il pouvait, s’il luiplaisait, anéantir d’un seul coup…

À quoi bon ? Pourquoi ne pas laisser leshommes vivre leur vie, évoluer lentement vers le progrès. Se vengerd’eux, de leur sottise, Van Kock avait l’âme trop haute pourconcevoir pareilles pensée !…

Il songea à rentrer dans le monde, armé decette formidable puissance. Il se disait que, grâce à elle,l’industrie prendrait un essor nouveau, que la terre changeraitd’aspect, que les montagnes m’abaisseraient pour que les peuplespussent mieux se mêler et se tendre les mains ! Un instant, cerêve d’humanité – par la puissance de la science – le hanta etl’affola presque…

Il se ressaisit : certes, si les hommesavaient droit au titre de race supérieure, quelle joie c’eût été deremettre entre leurs mains un pareil outil de progrès, de résoudretous les problèmes de mécanique, de rénover toutes les industriesde transport, de dompter en un mot la terre et de lutter à forceségales contre les forces aveugles de la nature !…

Mais Van Rock se souvint que, de cettepuissance, les hommes se serviraient avant tout pours’entre-détruire, pour s’asservir, pour se piller les uns lesautres ; les guerres se déchaîneraient plus furieuses, et,dans l’épouvantable conflit des ambitions, le monde tout entiers’écroulerait !…

Et il se résigna à garder son admirable etdangereux secret. Mais, du moins, il pouvait servir à protéger sesamis, ses frères d’élection, To-Ho et ses amis.

Grâce au Phœbium, comme il avait baptisé cettematière en l’honneur du Soleil, il pouvait repousser l’invasion deschercheurs d’or, en leur montrant, par la destruction desgisements, l’inanité de leurs tentatives.

Avec les précautions les plus minutieuses, ilavait initié To-Ho à la manipulation du terrible produit : illui avait confié une baguette qui portait à son extrémité unecapsule, contenant une parcelle infinitésimale de Phœbium, et aveclaquelle il suffirait de toucher l’or pour qu’il se désagrégeât etse transformât en une boue noire dans laquelle l’analyse chimiquela plus minutieuse n’eût pas retrouvé un vestige du précieuxmétal ; et souvent déjà, ils avaient détruit ainsi des amas depépites, recueillies et emmagasinées par les Aaps eux-mêmes, enleur vague passion de luxe et d’enrichissement, et ainsi ilsavaient transformé des embryons de mines en de véritables cloaquesdevant lesquels les plus hardis prospecteurs avaient reculé…

Mais par un dernier esprit de précaution, VanKock n’avait pas révélé à To-Ho le mode de fabrication de lamystérieuse matière, non plus que les effets foudroyants qui sepouvaient obtenir.

Ces explications données, – un peu longues,mais indispensables à l’intelligence de ce récit, – revenons à nosdeux personnages, l’homme et le pithécanthrope, qui, ainsi que nousl’avons dit, se dirigeaient vers un point du vallon où on entendaitdes clameurs et des rires.

Après avoir franchi un étroit défilé formé pardeux masses basaltiques taillées à pic, comma si elles eussent étéséparées par le coup d’un glaive énorme, ils se trouvèrent tout àcoup dans une sorte de petit cirque, clos de tous les côtés par desroches inégales, disparaissant presque complètement sous destouffes vertes.

Un cri de surprise, de colère aussi, leuréchappa. La scène qui apparaissait à leurs yeux était à la fois siétrange et si burlesque que leur stupéfaction s’expliquaitd’elle-même.

Sur un tertre, au milieu du cirque, une Aapfemelle était couchée, à demi étendue sur un amas debranchages : elle avait au front une espèce de diadème fait defleurs d’un rouge écarlate, et sur son cou, sur ses épaules, à sesbras, à ses jambes, serpentaient des lacis de lianes danslesquelles étaient retenues des pépites d’or.

Autour d’elle, d’autres femelles s’étaientdisposées, avec un singulier instinct de théâtre et de mise enscène, sur les plans inclinée du monticule, et là, en des posesétudiées – plus bizarres que gracieuses, et grotesques surtout parla laideur des coryphées – semblaient les adoratrices ou plutôt lesprêtresses de l’idole choisie.

C’étaient comme des rudiments de coquetterieféminine, quelque chose de brutal, de sauvagement passionné decouleur et de lumière : où avaient-elles trouvé les morceauxde cristal de roche, les pierres brillantes aux nuancesmultiples ?

Plus maladroites encore, plus dénuées de goûtque celle qui, au milieu, figurait une sorte de reine ou de déesse,elles s’étaient en quelque sorte ligotées, engainées de pierres, depépites, de lianes et de fleurs, et à travers ce lacis, leur peaunoire et velue, à bouquets hérissés, apparaissait en sa laideurparfaite.

Puis elles minaudaient, riaient, grognaient,tournaient les yeux dont on ne voyait plus que la sclérotiqueblanche, tandis qu’avec leurs bras et leurs jambes ellesesquissaient des gestes d’une désolante inharmonie.

Mais ceci n’était rien auprès de l’incroyableet fantastique spectacle qu’offraient les Aaps mûres. Ceux-ci, àvrai dire, ressemblaient à une troupe de démons aliénés.

Debout, gesticulant, hurlant, bondissant, seculbutant, ils tournaient en une ronde sabbatique autour du tertredes déesses, tandis que d’autres, non moins fous, non moinsdéséquilibrés, tapaient à tour de bras sur des morceaux de bois,dont le son claquant arrivait, par des dissonances exaspérées, àproduire une épouvantable cacophonie.

Chose curieuse, ces primitifs avaient lanotion des différentielles sonores. Chacun avait choisi, pour samanifestation musicale, un morceau de bois, une pierre qui,frappée, donnait une note inadéquate aux autres : et les tons,et les notes se mêlaient en un tohu-bohu inextricable, d’autantplus fatigant que les résonances n’étaient que bruyantes, mates etsans prolongement vibratoire.

Mais ce qui donnait à cette orchestration uncaractère plus diabolique, c’est qu’elle s’accompagnait d’effets devoix… – et quelles voix !… Rien que des cris, venant de lagorge, de la poitrine, tantôt pareils à des gargouillements deliquides retenus dans un conduit étroit, tantôt larges, rauques,émis des profondeurs de la cage thoracique.

Et il semblait que chacun de ces êtres n’eût àsa disposition que quelques vociférations spéciales, toujours lesmêmes, et qu’il répétait dans un ordre invariable, avec plus oumoins de force, en variant seulement le rythme. Là était d’ailleursla profonde différence qui séparait ces manifestations vocales decelles des animaux sauvages, sans parler des oiseaux, bienentendu.

Tandis que le rugissement du lion, du tigre,que le sifflement du serpent, que le barrissement de l’éléphant,que le hennissement du cheval, ou le braiment de l’âne onttoujours, pour chaque individu, la même sonorité, ce qui prouvequ’ils ne sont pas maîtres de leur voix et ne la jettent que dansun effort réflexe, les Aaps au contraire semblaient calculer laportée, la durée, la périodicité de leurs cris.

Et comme justement, en ce moment, ils étaientau comble de l’exaltation, ces cris – dont les modalités étaient enmoyenne de six – mais dont les intermittences étaient innombrables– produisaient une musique de Babel, discordante, croissante,beuglante, insupportable à entendre.

Il y avait des rires qui jaillissaient commedes glapissements, tandis que tous les corps étaient agités demouvements convulsifs, et cette furie était partagée par les mâles,les femelles et les petits Aaps qui se trémoussaient en turbulencesépileptiques.

Du premier coup d’œil, Van Kock avait compris.À l’exception d’un groupe de six ou huit Aaps qui, réfugiés dans uncoin de roche, regardaient cette scène démoniaque de leurs grosyeux étonnés, presque terrifié, tous ces êtres étaient ivres.

Ivres, comment ? Certes, To-Ho savait quecertains avaient trouvé le moyen, en concassant, en écrasent desbaies facilement trouvées dans cette plantureuse végétation, decomposer une liqueur qu’ils laissaient ensuite fermenter et quiproduisait sur eux un effet d’ivresse, d’empoisonnement plutôt,dont Van Kock avait dû souvent combattre les effets, mais quijusqu’ici n’avait déterminé chez eux qu’une agitation passagère etsans caractère convulsif.

Mais jamais le pithèque n’avait vu ses frèresen cet état de monstrueuse dégradation. Ils semblaient ne rienvoir, tout à leurs chants, à leurs danses.

To-Ho courut à ceux qui étaient restés calmeset les interrogea. Il comprenait mal leurs réponses, d’autant quele langage rudimentaire qu’ils employaient entre eux comportaittrop peu de vocables pour exprimer des idées peut-êtrenouvelles.

Van Kock s’était approché, et, ayant écouté,son intelligence plus subtile le mit bientôt sur la voie del’énigme à résoudre.

« Viens, dit-il à To-Ho en leurhollandais de convention, et que nos six amis nous suiventcourageusement… »

Et il se lança résolument à travers lesgroupes de convulsionnaires, les bousculant, les écartant ;ils chancelaient, titubaient, tombaient. Mais alors que le plusfaible d’entre eux n’aurait eu qu’à saisir le docteur entre sesmains énormes pour le pulvériser, ils le laissaient faire, abrutis,stupides.

To-Ho avait obéi à l’ordre de Van Kock, etainsi tous deux étaient arrivés, suivis des Aaps sobres, jusqu’aupied du monticule sur lequel les femelles étaient juchées, et commeils cherchaient à les écarter, les mégères simiesques se blottirentles unes contre les autres, formant une phalange que défendaient,comme les hastes des soldats anciens, leurs ongles dardés enavant.

Van Kock reçut une estafilade en pleinvisage ; une d’elles s’accrocha à To-Ho, cherchant à luicrever les yeux, tandis que les autres, furieuses grinçaient desdents, griffant ceux qu’elles pouvaient atteindre, mordant etgrimaçant effroyablement.

Mais, d’une poussée vigoureuse, To-Ho et sescompagnons parvinrent à se frayer un passage, et tout à coup VanKock poussa un cri…

L’appui, le coussin moelleux sur lesquels lesguenons – car en ce moment elles ne méritaient pas d’autreappellation – étaient étendues en leurs poses poétiques, c’étaient…quatre fûts, dont trois étaient défoncés et d’où coulaient encoreles derniers restes d’une liqueur que Van Kock, le bon Hollandais,reconnut à premier odorat pour du genièvre de choix…

Les fûts avaient été crevés au hasard, lesbrutes s’étaient jetées à plat ventre pour boire, léchant même lesol imbibé… et bientôt si ivres, qu’ils ne s’étaient même pasaperçus que le dernier fût était encore intact.

Comment les fûts se pouvaient-ils trouverlà ? D’où les Aaps les avaient-ils amenés ?

« Les hommes sont-ils donc près denous ? dit Van Kock. Ah ! les misérables seront destraîtres sans le savoir et amèneront la ruine de leur pauvretribu. »

To-Ho, lui aussi, avait compris les causes decette ivresse formidable : tous avaient bu jusqu’à folie, lesfemelles comme les mâles ; celles-ci s’étaient hâtées d’allerdéterrer les pépites d’or qu’elles avaient enfouies pour lesdérober aux recherches de Van Kock.

To-Ho n’hésita pas : il alla droit au fûtqui restait et, le soulevant de ses deux bras tendus, il le juchasur son épaule ; puis, criant d’un ton d’autorité pour qu’onlui fit place, il se mit à marcher…

On comprend son dessein : il voulaitaller le précipiter dans une des crevasses de la montagne. Lescompagnons s’étaient groupés autour de lui.

Pendant ce temps, en une seconde, Van Kock,tirant de son vêtement une baguette de phœbium, avait touché lespépites d’or, éparses sur le sol : il y eut une sorte decrépitation et le métal éclata, se dissolvant en boue. Chosesingulière, chacune des parcelles d’éclat semblait douéeinstantanément des mêmes propriétés que le phœbium, et l’or sedésagrégeait par une espèce de contagion.

Les femelles, les premières, s’avisèrent del’œuvre à laquelle se livrait Van Kock, et, exaspérées, coururentpour défendre leurs trésors, se jetant à terre, ramassant la boue àpoignées, gémissant de cette transformation, essayant de sauver lespépites non encore gangrenées. Mais les derniers morceaux d’orencore restés intacts éclataient entre leurs doigts… Ellescriaient, portaient leurs mains à leur tête, à leurs épaules, commepour préserver du moins les bijoux rudimentaires qu’elles s’étaientfabriquée, et ceux-ci, à peine touchés, claquaient, s’écrasaient,s’émiettaient en une poudre brune et visqueuse…

À la vue de leur trésor anéanti, les femellesentrèrent dans une fureur indescriptible, se livrant à d’horriblescontorsions de terreur : puis, leur rage ne connaissant plusde bornes, elles se ruèrent sur Van Kock pour le déchirer.

Celui-ci reculait, se débattant de son mieux,retrouvant pour se défendre une vigueur supérieure à celle de sonâge.

Mais l’exaspération de ces furies veluesdécuplait leurs forces.

« To-Ho ! To-Ho ! cria leHollandais. À moi ! À moi ! »

Mais, de son côté, To-Ho était aux prises avecles Aaps qui, irrités de voir emporter le fût de genièvre,s’étaient jetés au devant de lui pour l’empêcher de passer.

En vain, il leur parlait. En vain, aidé parceux de ses compagnons qui, n’étant pas ivres, lui restaientfidèles, il s’efforçait de se frayer un passage, à chaque minute ledanger devenait plus terrible.

Ces primitifs – d’ordinaire si doux, indolentset indifférents – étaient affolés par cette boissonempoisonneuse.

Comment donc se l’étaient-ilsprocurés ?

C’étaient des prospecteurs qui, plus hardisque les autres, étaient arrivés à proximité de leur retraite etavaient installé, dans une gorge sauvage, un camp d’où,pensaient-ils, ils pourraient examiner le pays.

Les Aaps les avaient surpris : ils seseraient contentés de les mettre en fuite, si les Européens,épouvantés de ces apparitions fantastiques, ne s’étaient défendus àcoups de feu…

Deux Aaps étaient tombés, foudroyés. Alors lesautres, exaspérés, et d’autant plus courageux qu’ils n’avaientaucune notion du danger, s’étaient ruée sur leurs adversaires, lesavaient enveloppés et massacrés, jusqu’au dernier.

Puis, retrouvant en quelque sorte tous leursinstincts ataviques de brutes simiesques, ils avaient saccagé lestentes, brisé les armes, les outils, lacéré les étoffes, lesvêtements… jusqu’au moment où le hasard, les mettant en présencedes fûts de liqueur, leur avait révélé ce qu’ils contenaient.

On devine le reste ; comment, chargeantces petits tonneaux sur leurs épaules, ils les avaient rapportésdans leur repaire. Déjà hypocrites, et devinant par une intuitionsingulière que To-Ho ne devait pas être averti de l’aventure, ilsétaient venus se cacher dans cette partie éloignée du val, etl’orgie avait commencé. Mâles et femelles s’étaient gavés de cegenièvre brûlant dont la saveur leur était inconnue, et maintenant,ils rétrogradaient rapidement au stade des plus basanthropoïdes…

Ils n’étaient plus hommes que par l’instinctde la jouissance immédiate et perverse : sous l’influence del’ivresse, les ignobles passions de l’animal se réveillaient, et,en quelques heures, toute l’œuvre de progrès, tentée, à demiréalisée par Van Kock et To-Ho, était anéantie…

Les Aaps n’étaient plus que des singesredescendus au degré le plus intime de la bestialité, stupidementféroces.

To-Ho avait entendu le cri d’appel de son ami,de celui qu’il considérait comme son père, de l’homme qui lui avaitcommuniqué une parcelle de son humanité, et qui, dans l’obscuritéde se conscience encore ensommeillée, avait fait luire lespremières aurores du progrès…

Il avait bondi sur une roche et de là avait vuVan Kock prêt à succomber sous les attaques des forcenés.

Alors, s’armant du tonneau qu’il portait,comme d’une énorme massue, il fonça à travers les Aaps, quejusque-là il avait tenté de ménager, tant le sentiment de lafraternité peu à peu s’était introduit dans son cerveau ; maismaintenant il avait la notion d’un devoir supérieur, le salut dubienfaiteur.

Son élan fut si violent qu’il parvint jusqu’àlui, et, en quelques horions bien distribués, dispersa les femellesqui s’enfuirent vers les Aaps en poussant des cris discordants.

Ceux-ci, surexcités encore par le traitementmérité que venaient de subir leurs compagnes, se mirent à arracherdes quartiers de roche et à lapider les deux amis : cespithèques étaient robustes et sous leurs efforts, dont leur fièvredoublait l’énergie, des blocs énormes se détachaient. Ils semettaient à dix pour les hisser sur la hauteur et de là lesfaisaient rouler sur leurs adversaires qui plusieurs fois déjàavaient failli être écrasés.

To-Ho s’était placé devant Van Kock et avechabileté parvenait à détourner les coups. Mais il était évident queleur résistance ne pouvait durer longtemps.

Nous avons dit que le lieu où se passait cettescène était une sorte de cirque, enclos de toutes parts par desrochers à pic dont l’escalade était impossible.

Une seule issue : la faille par laquelleTo-Ho et Van Kock étaient entrés et qui maintenant était occupéepar les Aaps, fous de rage et décidés à tuer celui qu’ilsconsidéraient comme leur implacable ennemi, To-Ho, qui leur avaitarraché le fût de liqueur et qui maintenant l’avait brisé sur lesol, en l’y précipitant.

Les Aaps voyaient cela, le flot de breuvage serépandant sur la terre qui le buvait, l’absorbait… et deshurlements forcenés criaient leur rage et leur désappointement. Lespierres pleuvaient plus dru sur les deux amis… mais tout à coup undes Aaps eut une idée démoniaque…

Tout le cirque était occupé par de hautesherbes, très sèches.

Il y avait eu soudain un arrêt dans l’attaque.Était-ce une accalmie ? L’épuisement avait-il raison de lafureur ? Était-ce la paix prochaine ? L’illusion nepouvait exister : car si To-Ho et Van Kock hasardaient un pasvers l’entrée du défilé, aussitôt la lapidation recommençait, plusviolente et plus dangereuses.

Déjà To-Ho avait été atteint en plein crâne etson sang coulait.

Van Kock avait été renversé et n’avait pu seredresser qu’à grand’peine.

« Mais que font-ils donc ? murmurale Hollandais à l’oreille de son compagnon. Voyez ce petit groupequi se cache derrière les assaillants et autour duquel les femelless’empressent, avec des gestes de curiosité et d’admiration… ma vueest affaiblie… je ne puis distinguer… »

To-Ho était monté sur la tertre,regardant.

Tout à coup, il poussa une exclamation desurprise, de terreur :

« Vou ! Vou ! »cria-t-il àpleins poumons.

Et ce mot, qui était le rudiment du mothollandais vuur, signifiait le feu !

Van Kock comprit et cria à son tour :

« Nous sommes perdus ! et c’est moiqui leur ai appris cela ! »

Cela, c’est-à-dire la manière de produire dufeu, en faisant tourner violemment une pointe de bois dans uneplaque d’arbre dur et sec. Et soudain la réalité leur prouva qu’ilsavaient bien deviné.

Les Aaps étaient parvenue à enflammer unetouffe d’herbes sèches et, avec des clameurs sauvages, ils venaientde mettre le feu aux broussailles du cirque…

Il y eut une série de crépitations, de petitesdétonations multipliées, puis soudain la flamme jaillit,étincelante, conquérante, et avec une rapidité prodigieuse elle sepropagea, courut, en cercle d’abord, le long des roches,enveloppant les deux amis d’un anneau d’incendie…

To-Ho et Van Kock voyaient cela etfrissonnaient.

C’était la mort, la mort douloureuse ethorrible !

La fuite ? elle était impossible !Les Aaps, – que leur instinct démoniaque ne trompait pas –fermaient le défilé, prêts à s’enfuir dès que l’œuvre sinistreserait accomplie… ils saluaient de leurs rugissements féroces lavictoire de leur lâcheté… les femelles les excitaient, montraientle poing aux deux condamnés et lançaient des crachats dans leurdirection…

Le feu accomplissait son œuvre :maintenant c’était dans les broussailles des grondements sourds.Parfois il semblait que la flamme se fût arrêtée, mais la fumée quisortait au-dessus des brindilles prouvait qu’elle continuaitsournoisement son chemin, et c’était tout à coup comme des fuséeshorizontales qui traçaient dans la végétation des lignesd’incendie.

Peu à peu, l’espace encore indemne serétrécissait. To-Ho et Van Kock fuyaient devant le fléau qui lespoursuivait, les cernait. Le pithèque s’était lancé dix fois àl’assaut des roches, mais il était retombé…

Van Kock, concluant à l’impossibilité del’effort, restait calme, la tête inclinée sur sa poitrine, pensifet comme absorbé par une méditation intérieure.

Il y eut un nouveau jaillissement defeu : tout l’espace qui se trouvait au fond du cirque brûlait,et les victimes étaient repoussées vers le défilé où les Aaps lesattendaient, pour les repousser dans la fournaise.

À ce moment, les six pithèques qui, depuis lecommencement de cette scène, avaient refusé de faire cause communeavec leurs congénères se séparèrent, avec leurs compagnes, dugroupe des assaillants et coururent vers To-Ho.

Ils venaient mourir avec lui.

Et pour accomplir leur sacrifice, ilsarrivaient à peine à temps, car maintenant, entre la limite del’incendie et l’entrée du défilé, il restait à peine une dizaine demètres, plus dénudés d’ailleurs et où le feu n’avait pas deprise.

C’était quelques minutes de répit, car lachaleur se faisait intolérable et, en ce peu d’espace, la stationétait impossible…

Pourtant To-Ho voulut faire une dernièretentative. Le malheureux, qui tant de fois s’était dévoué pour sescompagnons ; qui avait rêvé de les élever peu à peu à un stadesupérieur à l’animalité ; qui, dernier survivant d’une racedont l’origine se perdait dans les origines de la terre, avait lanotion d’une vie plus intime, d’une cérébralité plus large dont unvague reflet s’était glissé jusqu’aux intimités de son être, To-Hocontemplait son œuvre perdue…

Il voyait le martyre de Van Kock dont labonté, la patience lui avaient ouvert des horizons moraux jusque làinconnus : de ses fidèles qui, moins évolués que lui,cependant prouvaient par leur admirable sacrifice qu’ils étaientdignes de monter plus haut dans l’échelle des êtres…

Et puis il pensait à sa compagne, à l’enfantdes hommes qu’il avait voulu sauver – et que ces brutes tenaientdans un stupide paroxysme de vengeance.

Il parla, il adjura ses compagnons, ses amis,ses frères de renoncer à leur dessein barbare. Il les suppliait deleur livrer passage.

Il employait alors la langue des pithèques,faite de modulations, de grondements, et dans son désespoir, cettelangue que Van Kock était parvenue à comprendre révélait, dans sesexpressions incomplètes et rudimentaires, une grandeur douloureuseet presque sublime…

Des huées, des vociférations, des discordancesâpres et croissantes lui répondirent…

Il était condamné et, avec lui, Van Kock etses amis :

« Ma pauvre Waa ! »murmura-t-il en se tournant vers le Hollandais.

Mais celui ci, tressaillant comme s’ils’éveillait d’un profond sommeil, regarda autour de lui… la mort –et quelle mort ! n’était plus qu’une question de minutes, desecondes peut-être…

« Ma foi ! tant pis ! cria-t-ilà son tour. Jamais je n’ai tué personne – mais puisqu’il lefaut… »

Il avait brandi la baguette de Phœbium dont ilne s’était pas dessaisi.

Elle était munie à l’intérieur d’un ressorttrès habilement ménagé, et qui pouvait lancer la terrible substanceà une distance assez longue… Il hésita encore un instant :justement To-Ho reçut en plein corps, à ce moment même, une pierrequi, sous le choc, le plia en deux… il n’y avait aucun quartier àattendre…

Van Kock brandit son arme et déclencha leressort…

Le morceau de Phœbium alla frapper de biaisune des roches du défilé et ricocha sur l’autre côté… Etinstantanément toute la masse se dégagea, s’effondra, se pulvérisa,enfouissant dans sa chute de boue noire les Aaps qui n’avaient pasmême conçu la notion du danger…

En même temps, des deux côtés, grâce àl’écroulement, des voies s’ouvraient…

« En avant ! » cria VanKock.

Le petit groupe s’élança ; au moment oùil parvenait à l’issue miraculeuse, le cirque s’enflamma toutentier…

Mais ils étaient sauvés…

To-Ho et Van Kock coururent, hors d’haleine,jusqu’au sommet de la colline… Waa était auprès de George… ilsn’avaient rien vu, rien entendu… l’enfant des hommes jouait avec lapithèque, qui était toute joyeuse.

Auteurs::

Les cookies permettent de personnaliser contenu et annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer