To-Ho Le Tueur d’or

Chapitre 5

 

Un profond silence régnait dans le mausoléequi servait de salle de réception au sultan Mahmoud-Schah.

Subitement, toutes les voix s’étaienttues : mais pour ne se plus répandre en imprécations, leshaines contre l’étranger, contre l’ennemi n’en étaient que plusardentes, et des yeux des Atchés, des femme surtout, des éclairsjaillissaient vers le soldat qui, très droit, la tête haute, le pasferme, sans hésitation comme sans forfanterie, allait entre lesgardes atchés, sans voir où il était conduit.

Une large place avait été ménagée devant lesofa du sultan qui s’était accroupi dans une pose quasihiératique.

Le Hollandais, à en juger par les broderies deson uniforme, portait le grade de capitaine de vaisseau :c’était un homme d’une quarantaine d’années, dans toute saforce.

On le plaça au milieu du demi-cercle, dont lacirconférence était gardée par les soldats atchés et lesOrangs-Sakeys. Puis les portes du mausolée avaient étérefermées.

Dans la cage, l’Homme-bête était debout etregardait toujours.

Le sultan donna un ordre et le bandeau futenlevé du front de l’officier, qui jeta les yeux autour de lui aveccalme.

Le Panglima des vingt-deux moukims étaitauprès de Mahmoud : c’était à lui qu’avait été dévolu le soind’interroger le Hollandais.

« Officier, dit-il, qu’êtes-vous venufaire ici ?… Vous vous êtes présenté aux avant-postes et vousavez demandé d’être conduit devant le Sérénissime sultan, notremaître, vous soumettant d’avance à toutes les conditions qui vousseraient imposées. Votre désir a été accompli : ennemi denotre pays, vous êtes au milieu de ceux que vous persécutez… vousêtes devant le maître, le fils d’Allah. Parlez. »

L’officier s’inclina respectueusement devantMahmoud, puis, se redressant :

« Au nom de mon maître, le roi deHollande, représenté en ce pays par le colonel van der Hyeden, moicapitaine de vaisseau, parlementaire, me réclamant du droit desgens pour parler en toute liberté, je viens vous apporter, à vous,sultan Mahmoud-Schah, à vous tous, habitants de l’île de Sumatra,les propositions qui vous sont faites et dont dépendra l’avenir…Êtes-vous prêts à m’entendre ?…

– Parlez, dit le Panglima.

– Je n’ai, d’ailleurs rien à vous apprendreque vous ne sachiez déjà… nos armes ont triomphé de votrerésistance, et, en rendant hommage à votre courage, je ne dois pasvous cacher que tout espoir est perdu pour vous… nos vaisseaux ontforcé le port d’Oulélé et bloquent la côte… à Deli, nous noussommes emparés de vos arsenaux et un corps important de Battaks adu capituler… enfin, la victoire de Samalaggan nous a rendusmaîtres de tout le pays au-dessus de Kota-Rajia… Vous êtes cernés,enserrés dans un cercle de fer et de feu… et nos troupesn’attendent plus qu’un signal pour livrer au kraton, votre dernièreforteresse, un assaut décisif.

« Vous êtes courageux, vous êtes forts,mais contre la puissance des Européens, tous vos efforts seraientvains et n’aboutiraient qu’à des massacres inutiles.

« Assez de sang a déjà coulé : assezde catastrophes ont fondu sur votre malheureux pays. Au nom de laraison, au nom de l’humanité, je viens, de par mon maître, vousdemander de mettre fin à ces luttes meurtrières dont l’issue n’estplus douteuse… je vous offre la paix…

– Et à quelles conditions ? dit lePanglima dont la voix tremblait de colère.

– Vos personnes, vos biens, votre religion,vos coutumes, vos femmes seront respectées. Les soldats sortirontdu kraton et livreront leurs armes : toutes les portes, lesredoutes, les forts, les édifices publics seront remis à la gardedes Hollandais… Vous, sultan Mahmoud, votre personne sera tenuepour sacrée et nos troupes répondront de votre sécurité. Il voussera loisible de traiter avec notre maître des conditionsdéfinitives de la soumission.

– C’est-à-dire, reprit le Panglime, que vousvenez proposer à des soldats, à des patriotes, à des hommes qui ontdes armes et qui se sentent libres, de commettre la pire deslâchetés…

– Je suis un soldat, reprit le Hollandais, etmieux que tout autre je comprends combien de telles nécessités sontcruelles : mais plus vaillamment on a combattu, et plushonorablement on peut reconnaître sa défaite… Songez-y bien… il nes’agit pas ici d’illusion, mais de réalités !… Si vous refusezles propositions que je vous apporte… qui vous laissent l’honneurintact et qui sont une garantie pour votre indépendance, sous leprotectorat des Européens… si vous vous obstinez dans une lutte où,je vous le dis sans forfanterie, vous êtes vaincus d’avance,aujourd’hui même, avant que le soleil soit couché, nos obuspulvériseront vos maisons, vos palais et vos mosquées… le fer et lefeu nous ouvriront la route et nos troupes achèveront l’œuvre de laconquête…

« Sultan Mahmoud ! c’est à votrejustice, à votre humanité que je m’adresse. Il est encore tempsd’épargner à votre peuple les épouvantables péripéties d’une luttefinale dans laquelle tant d’existences seront inutilementsacrifiés… Donnez votre assentiment à une capitulation immédiate,qui sera honorable et qui, je m’y engage au nom de mon maître, necoûtera rien à vos justes sentiments d’orgueil… et les Européensentreront ici non plus en ennemi, mais en amis et enprotecteurs… »

Pendant le temps qu’il parlait, sans élever lavoix, d’un accent monotone et ferme, il semblait qu’une fièvres’emparât de tous les auditeurs. Ils ne l’interrompaient pas ;mais leurs regards, leurs gestes, leurs mains qui tourmentaientleurs armes, la trépidation de leurs membres, tout prouvait la ragegrandissante et prête à éclater…

Mais celui qui put le moins se posséder fut lesultan lui-même.

Oublieux de sa dignité, il avait bondi sur sespieds, et s’armant d’un sabre qui se trouvait auprès de lui, ilavait couru jusqu’à l’officier et, le frappant en plein front, ilavait crié :

« Chien ! oses-tu m’insulter de tespropositions infâmes ?… Meurs donc et aussi meurent tous ceuxqui osent outrager les nobles Atchés… »

D’un geste instinctif, l’officier avait écartél’arme, qui, glissant sur son crâne, avait effleuré sa peau d’oùcependant le sang jaillit, et il cria :

« Ceci est une épouvantablelâcheté !… je suis ici en parlementaire, protégé par le droitdes nations… Vous n’avez pas le droit de mettre la main surmoi !… »

Les Panglimas s’étaient jetés au-devant dusultan et parvenaient avec peine à le contenir : il leurdéplaisait que le fils d’Allah s’abaissât à cette fonction debourreau !

« Vous tous qui m’écoutez ! criaencore l’officier dont la face sanglante était terrible à voir,déjà, naguère, vous avez tué ma femme et mes enfants !…n’êtes-vous donc en réalité qu’un peupled’assassins ?… »

À ce moment, un cri aigu, déchirant, retentit…et, rompant les rangs des Sakeys qui, en raison de l’intérêtpoignant de cette scène, s’étaient relâchés de leur surveillance,Méha, pâle, échevelée, courut jusqu’à l’officier et se jeta dansses bras, criant :

« Wilhelm ! mon Wilhelm !… toivivant ! Oh ! sauve-moi, sauve tes enfants…

– Luisa ! cria-t-il à son tour enl’étreignant contre sa poitrine.

Ainsi, autrefois, l’époux avait cru aumassacre de sa femme, de ses chers petits, et elle-même avait étéconvaincue que tout était fini pour lui.

Et voici qu’ils se retrouvaient, après tantd’années, dans une situation plus tragique encore…

D’abord Méha, abattue, brisée, n’avait portéaucune attention à la scène qui se déroulait : le cerveautroublé, engourdi, elle entendait à peine les mots prononcés ;puis, tout à coup, il lui avait semblé reconnaître la voix quiparlait… elle avait prêté l’oreille et soudain, quand I’officier,emporté par le désespoir, avait prononcé ces mots : « Mafemme, mes enfants !… a elle avait été éveillée de sa torpeurcomme par un choc électrique…

L’impossible pouvait donc être vrai !…les morts sortaient donc de leur tombeau !

Et maintenant, ils étaient là, tous deux,enlacés, au milieu de cette foule hostile, affolée de colère et quirugissait comme une horde de bêtes fauves.

Et le Panglima des vingt-deux moukims essayaiten vain de les calmer. Igli-Otou, le forcené, criait :

« Au Toko ! au Toko !Tous ! L’homme, la femme, les enfants ! Sakeys, Atchés,vengez vous et rendez-nous l’Antou favorable ! À mort ! àmort ! »

À sa voix glapissante, qui retentissait commecelle d’un clairon, une ruée se fit dans la masse encorehésitante : eu un clin d’œil, Wilhelm, l’officier ; Méha,qui pour la première fois depuis tant d’années avait retrouvé sonnom d’épouse, Luisa, et le petit George et la pauvre Margaret, queleur père sans armes ne pouvait même essayer de défendre, furentrenversés, saisis, enlevés et emportés, comme des masses inertes,vers le lieu du supplice, la place du Toko, tout encombrée debasses paillotes, de boutiques, de tentes… En un instant, lemausolée était resté vide, le sultan lui-même ayant été entraîné àl’intérieur du palais.

Nul n’avait songé à l’Homme-bête qui étaittoujours dans sa cage, derrière les grillages.

Alors ses reins s’étaient arc-boutés, ses brass’étaient raidis contre les barreaux de fer, tous ses musclesénormes s’étaient tendus dans un effort surhumain, et les barreaux,pliant sous cette traction formidable, s’étaient courbés, brisés…et une ouverture s’était faite.

Mais l’Être était grand, ses épaules étaientlarges, son thorax colossal. Pourtant il se glissa, déchirant sapeau sur laquelle des gouttes de sang apparurent, meurtrissant sachair… mais il ne n’arrêtait pas, opposant ses os aux duretés dufer et le forçant à s’écarter…

Il se trouvait dehors, debout au milieu desstèles qui étaient les tombes des sultans. Un instant il s’arrêta,comme pensif, devant ces pierres où étaient incrustées desciselures d’or et des pierres précieuses…

Aussi il regarda autour de lui, curieusement,comme hypnotisé par cette ornementation orientale qui était d’or etde rubis. Puis il secoua la tête, gagna la porte que la foulen’avait pas refermée, et se glissa à travers les arbres, derrièreles paillotes, rampant ou sautant, allant en avant…

Cependant les Orangs-Sakeys, satisfaits detenir enfin leur victimes, les entraînaient vers le champ de mort…ils étaient arrivés, et au milieu d’un cercle qui s’était bien viteimprovisé, les deux Européens et leurs enfants étaient groupés,attendant le coup suprême.

Une courte délibération avait eu lieu :un Sakey colossal, portant un sabre qu’il maniait à deux mains,allait faire l’office de bourreau.

La foule hurlait d’impatience. Pourquoitardait-on ainsi ? Pourquoi n’avait-on pas encorefrappé ?… Pourquoi le peuple ne pouvait-il pas encore se ruersur les cadavres pour s’en disputer les lambeaux…

Deux des Panglimas s’étaient approchésd’Igli-Otou et lui parlaient vivement. Évidement ils luiproposaient quelque chose qu’il se refusait à accepter. Mais lesprincipaux des Atchés, se joignant aux Panglimas, s’adressaient auxchefs sakeys et essayaient de les convaincre… de quoi ?

De ceci. Moins stupides que la foule, lesPanglimas avaient compris que dans les paroles de l’Européen, iln’y avait pas de rodomontade. Ce qu’il avait dit était vrai :les Hollandais allaient, sous la protection de leur artillerie,livrer à la ville un assaut furieux, et quelle que fut la vaillancedes défenseurs de Koto-Rajia, l’issue du combat n’était pasdouteuse.

Mais un moyen se présentait de transformercette défaite possible en un triomphe certain. Le hasard fait biendes choses. Cette dramatique reconnaissance de l’époux et de safemme, du père et de ses enfants, suggérait un expédientmerveilleux, infaillible : c’était le Dieu qui offrait auxassiégés cette ressource suprême… pourquoi la rejeter ?… Etles Panglimas avaient fini par obtenir gain de cause… Igli-Otoului-même s’était laissé convaincre, et, fort de son autoritéindiscutée, il imposa à la foule la patience et l’immobilité. AlorsToukou Polim, qui commandait aux vingt-deux moukims, s’approcha del’officier hollandais, Wilhelm Villiers.

Celui-ci, prêt à la mort, mettait dans unsuprême entretien avec sa bien-aimée Luisa toutes les émotions dupassé, rappelant leurs bonheurs d’autrefois, leurs épreuves, leurssouffrances… ils échangeaient en quelques mots des pensées quicontenaient des années… La mère, oublieuse du péril, serrait dansses bras Margaret, qui, toute rose, – il est de ces grâces pour lesenfants, – s’était endormie, tandis que George, pâle, déjàcompréhensif, mais faisant bonne contenance, tenait la main de sonpère et le contemplait de ses yeux affectueux.

« Capitaine, dit Toukou Polim,voulez-vous m’accorder un instant d’entretien… »

Wilhelm eut un sourire ironique :

« Ai-je donc rien à vous refuser ?fit-il. Que me voulez-vous ? »

Alors, le tenant à l’écart, parlant d’une voixbasse et précipitée, Toukou Polim lui expliqua ceci.

Il était perdu : sa mort, celle de safemme et de ses enfants n’étaient plus qu’une question de minutes.Et cependant il pouvait être sauvé, lui et ceux qu’il aimait.

Le Hollandais regardait attentivement cevisage tanné, ridé, sur lequel on ne lisait qu’astuce et quemensonges.

« Et que devrai-je faire pour cela,demanda-t-il.

– Retournez au camp et annoncez que nousfaisons notre soumission… »

L’officier, un instant troublé, le regardaavec surprise.

« Que les Hollandais entrent dans notrecité non en ennemis, mais en amis, comme vous le disiez vous-même…que vos chefs viennent les premiers discuter avec nous lesconditions de la capitulation… que vos matelots viennent au milieude nous confiants, non point en soldats prêts au massacre, mais enfrères… nous tenons particulièrement à traiter avec le colonel vander Heyden… personnellement. Persuadez-lui de venir ici, en allié,en protecteur, avec une escorte dont le nombre ne soit pas uneprovocation ni une menace… telle est la mission que nous vousoffrons, capitaine… et si vous l’acceptez, vous êteslibre… »

Wilhelm avait compris : ce qu’on luiproposait était tout simplement une indigne trahison, c’est-à-direattirer dans un guet-apens le général et les principaux officiersde l’armée hollandaise. C’eût été le renouvellement du massacred’autrefois auquel il avait lui-même miraculeusement échappé.

Cependant il ne parut pas tout de suite avoirpercé à jour les mensonges de son interlocuteur.

« Et ma femme ? et mesenfants ? demanda-t-il.

« Vous trouverez juste que nous lesgardions comme otages… Si vous nous avez donné votre paroled’amener ici le général et sa suite, en des conditions pacifiques,nous conserverons cette garantie que vous ne nous aurez pas abusés…et si, contrairement à l’engagement pris, vos compatriotes seprésentaient en ennemis…

– Vous égorgeriez ceux que vous auriez retenusprisonniers… Eh bien ! noble Panglima, dites-vous bien qu’unofficier européen n’est pas et ne peut pas être votre dupe… Vous medemandez tout simplement de vous livrer mes chefs… ceci serait à lafois une sottise et un crime… et je ne rachèterai pas nosexistences à ce prix…

– Ah ! prenez garde ! que je fasseun signe… et le bourreau aura raison de votre insolence…

– Je n’en doute pas. Seulement, voulez-vousm’écouter à votre tour, noble seigneur ? Le tempe passe… or,il a été entendu avec mes chefs que si je n’étais pas de retourdeux heures après mon entrée comme parlementaire dans Kota-Rajia,l’attaque commencerait… Les deux heures sont écoulées… À mon tour,puisque je ne suis pas encore mort, je vous somme une dernière foisde vous soumettre, sinon notre artillerie saura vous imposer notrevolonté… »

Le Panglima poussa un cri de rage :

« Ah ! c’en est ainsi !cria-t-il. Eh bien ! du moins nous serons vengés !

Et il courut vers les Sakeys pour leur donnerl’ordre de mort.

Mais à ce moment précis, et comme par ledéclenchement chronométrique de quelque mécanisme, on entendit dansl’air une sorte de grincement formidable, et un obus s’abattit surune des paillotes du toko, dispersant ses débris.

Des hommes tombèrent, des imprécationséclatèrent. Une seconde bombe sillonna l’air, et cette foiss’écrasa au milieu des Sakeys… Ce fut un massacre.

Wilhelm avait dit vrai : à l’heureprécise le bombardement commençait, les troupes devaient être auxportes du kampong.

L’officier s’était précipité sur une arme, etentraînant sa femme et ses enfants, il cherchait à s’ouvrir unchemin… l’artillerie faisait rage. Atchés et Sakeys s’enfuyaientsous la pluie des projectiles.

Mais Wilhelm et les siens ne seraient-ils pasatteints ?

La panique des Atchés, du moins, leur laissaitl’espoir de la fuite.

« Écoute ! disait Wilhelm à Luisa,voici que j’entends les clairons de nos soldats, ils forcent lesportes… ils seront ici dans quelques minutes… Courage ! serrebien Margaret contre ta poitrine… George, ne me quittepas ! »

Et il allait devant lui, sous la trombe de feret de feu qui l’épargnait…

Déjà les uniformes coloniaux apparaissaientsur les murs de Kota-Rajia… l’artillerie, admirablement dirigée,modifiait son tir pour laisser le champ libre aux assaillants…

« Sauvés ! » s’écriaWilhelm.

Mais à ce moment, Igli-Otou, qui ne voulaitpas laisser échapper ses victimes et qui les suivait à la piste,saisit un moment où le petit George, malgré ses efforts, étaitresté de quelques pas en arrière.

Il bondit sur l’enfant, l’enleva et, sautant àtravers les paillotes, se perdant dans les ruines, il disparut…

Il tenait l’enfant : le sorcier croyait àsa sorcellerie. Se suggestionnant lui-même, il s’était convaincuque son Dieu, l’Antou – sorte d’idole informe qu’il servait dansles forêts de Malacca – exigeait un sacrifice humain… que le sangd’un blanc fut versé, offert à la divinité monstrueuse… et tous cescataclysmes, le bombardement… le sifflement des obus, la marche destroupes ennemies escaladant les remparts, tout subitements’arrêterait et les Hollandais tomberaient foudroyés…

Il s’était emparé du petit George et,bondissant à travers les rochers qui surplombent les kraton, ilarriva enfin sur une sorte de plate-forme qui se penchait à pic surune crevasse si noire, si profonde qu’on n’en voyait pas lefond…

C’était le lieu propice… il laissa tomberlourdement l’enfant sur la pierre, puis, levant les yeux vers laciel en une invocation, il tira de sa ceinture un poignard dont lalame aiguë était dentelée comme la mâchoire d’un crocodile.

L’enfant vit cela, eut horreur, voulutcrier…

Mais la main d’Igli-Otou le clouait sur lesol, tandis que l’autre levait l’arme horrible…

Tout à coup, une forme, venue on ne sait d’où,surgissant par un saut gigantesque d’une roche par-dessus leprécipice, s’abattit sur la plate-forme, saisit Igli-Otou par lanuque, l’éleva en l’air comme un jeune chat, puis, d’une détentebrusque, le précipita dans la crevasse… le Sakey s’écrasa contre laparoi, étendit les bras, raya le granit de ses ongles, tournoya etdisparut…

L’enfant était resté sur la place, inerte,évanoui.

Alors l’Homme-bête, l’être inconnu, se baissa,s’agenouilla, prit l’enfant dans ses bras… avança les lèvres commepour l’embrasser… puis, l’appuyant contre sa poitrine, se laissadévaler au bas du rocher, courut, atteignit un bois, s’y enfonça,disparut… emportant l’enfant.

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