Un mousse de Surcouf

Un mousse de Surcouf

de Pierre Maël

L’auteur

Catholique fervent, amateur de discussions théologiques, monarchiste légitimiste, Charles Vincent était évidemment tout à son affaire pour enseigner la philosophie à la manière des jésuites de Tivoli. Il dut cependant quitter les lieux quelques mois à peine après son entrée en fonctions. Dans sa fougue loyolesque il avait en effet été jusqu’à souffleter au café de la Comédie un loyolophobe sinon un loyolophage. Ce fut à cette occasion qu’il apprit à ses dépens l’insondable philosophie pratique des fils de Saint Ignace. En effet non seulement on ne félicita point le nouveau croisé, mais au contraire on lui montra  ô poliment  le chemin de la porte. Et c’est ainsi que s’acheva sa carrière professorale.

Il fallait vivre. Le journalisme, refuge des vocations contrariées ou inabouties, lui parut le moyen idéal de satisfaire tout à la fois ses aspirations politiques et philosophiques comme ses besoins quotidiens. Et c’est ainsi que le Courrier de la Gironde, journal orléaniste plutôt austère, compta un journaliste de plus

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Fils de l’économe du Collège de Lorient,où il était né le 30 septembre 1862, Charles Causse était comme Charles Vincent assoiffé de gloire littéraire. Portant beau, jeune,fils, petit-fils et neveu de fonctionnaires Charles Causse traduisait pour sa part cette gloire en collaborations rémunératrices ainsi qu’en positives relations. À la différence de son aîné il était plein d’entregent comme de ressources et les contacts humains ne lui pesaient pas, bien au contraire.

Est-ce lui ou est ce Charles Vincent quien eut l’idée ? Nul ne le sait ou le saura véritablement.Toujours est-il que les deux hommes décidèrent d’unirlittérairement leurs efforts dans le cadre d’une sorte defraternité littéraire.

Ils n’étaient ni les premiers ni lesderniers à conjuguer leurs diversités.

Avant eux il y avait eu sur le modeartiste les frères Goncourt. Avant eux également il y avait eu surle mode populaire Erckmann et Chatrian. Après eux il y aurait lesfrères Rosny, les frères Tharaud, les frères Fischer et biend’autres encore à telle enseigne qu’il serait intéressant d’étudierà part ces fraternités littéraires, leurs joies et leurspeines.

En revanche ils se séparaient de leursprédécesseurs comme de leurs successeurs sur un point. Pleinementvoulue et féconde  il y aurait une centaine de titres elle reposait sur ce qu’il faut bien appeler une imposturecontractuelle.

Se voulant écrivain sérieux et catholique,Charles Vincent ne souhaitait en aucune manière apparaître aux yeuxdu public comme à ceux des éditeurs. Il estimait avoir une œuvresolide et de qualité devant lui et n’entendait qu’en aucune manièreles romans populaires sinon alimentaires auxquels il devait serésoudre viennent hypothéquer les beaux ouvrages qu’il sentait enlui. C’est la raison pour laquelle il préférait que Charles Caussejouât aux yeux du public et des éditeurs le rôle de l’auteur uniquede cette œuvre commune, mais sous un pseudonyme commun quenourrirait leur collaboration.

Ce pseudonyme fut en définitive celui dePierre Maël.

À cet égard il est vraisemblable que decommunes attaches bretonnes ont dû jouer un rôle. Maël était eneffet le nom de deux communes des Côtes du Nord, dansl’arrondissement de Guingamp. Or Charles Causse était né à Lorientet Charles Vincent descendait de son côté d’une famillebrestoise.

Ce que furent les modalités réelles decette collaboration est assez curieux.

Charles Causse ne parait avoir rien publiésous son nom patronymique avant de s’associer avec Charles Vincent.Et si Charles Vincent concurremment entendait et allait menercarrière par rapport à Pierre Maël (une trentaine d’ouvrages dontdeux Mystères en vers paraîtraient sous son patronyme), CharlesCausse ne parait pas davantage avoir publié quoi que ce soit dansla même optique.

En revanche il est avéré que son activité administrative et commerciale dirons-nous  a étéintense.

Pierre Maël n’eut en effet aucun mal àtrouver un, puis des éditeurs, et auparavant des journauxsusceptibles de recueillir sa prose suivant la formule habituellepour l’époque d’une prépublication en revue.

Est-ce qu’à la longue Charles Vincententendit protéger sa part dans ce concert d’autoadoration ? Oubien la santé de demi-Dieu de Charles Causse donna-t-elle desinquiétudes et que Charles Vincent voulut protéger ses droits pourl’avenir ? Toujours est-il qu’en 1902 les deux hommes semirent d’accord pour enregistrer de manière formelle les conditionsde leur collaboration et son éventuel avenir.

C’est ainsi que le 30 juillet 1902, devantMaître Motel, notaire à Paris intervint une convention aux termesde laquelle était, entre les deux associés, authentifié l’apparenceet la réalité de leurs accords et qu’il était stipulé que CharlesCausse continuerait à se confondre de son vivant avec Pierre Maël,mais que s’il venait en revanche à disparaître avant CharlesVincent, celui-ci deviendrait seul et entier propriétaire dupseudonyme.

Restait le cas de la veuve de CharlesCausse. Elle était connue dans le monde sous le nom de MadamePierre Maël. Homme bon et sincèrement attristé par la mort deCharles Causse, Charles Vincent, plutôt que de la sommer de cesserde porter un nom d’usage auquel elle n’avait plus aucun droit, sitant est qu’elle en ait eu un, préféra laisser les choses en l’étatet supporter sur ce plan précis la situation ainsi crée par un parisur l’avenir qui s’était révélé payant.

Il y avait en revanche du nouveau en cequi concerne Frédéric Causse. Celui-ci, né en 1892, qui avait desprétentions à la littérature et à la littérature nourricièreentendait visiblement utiliser à son profit le pseudonyme souslequel son père avait été connu.

C’est ainsi qu’en 1914 il avait faitparaître un conte  adapté il est vrai d’un Anglais du nom deA.C. Higgins, Le Château d’Ogier, légende danoise dans la populaire revue Lectures pour Tous sous lepseudonyme de Fred Maël. C’est ainsi également qu’il apparaissaitparmi d’autres au sommaire d’une revue intitulée Paris-Revueen qualité de secrétaire et sous le nom de Fred Maël.

Le 28 juin 1920, le vieux scotiste etenchanteur de millions de lecteurs sous le nom de Pierre Maël,mourait. Il laissait une veuve et 5 enfants survivants parmilesquels deux d’entre eux avaient hérité de leur père ses donsartistiques mais, bizarrement, sur le plan graphique. René, né en1879 était un dessinateur et affichiste célèbre. Quant à Henri ilétait également connu comme un peintre distingué.

Il laissait également un problème àrégler, celui, toujours renaissant de ses cendres de la familleCausse. Car ces braves gens, et notamment Frédéric avaient récidivésitôt la mort de Charles Vincent.

Frédéric qui n’entendait manifestement pasperdre le pactole potentiel que représentait bien exploité le nomde Maël l’avait réutilisé et ce à bien des titres.

Il l’avait tout d’abord réutilisé dans lavie littéraire pour signer quelques adaptations ou traductions.C’est en effet sous le nom de Fred Causse-Maël qu’il figure commetraducteur (1919) des Nuits des Îlesde Stevenson dans laCollection littéraire des romans d’aventures, dirigée par PierreMac Orlan à l’Édition Française illustrée.

Il l’avait ensuite et surtout réutilisédans la vie professionnelle. Voulant visiblement arriver et vite,Frédéric Causse cumulait ainsi un certain nombre de fonctions dontcelle d’agent littéraire. Et là encore il était connu sous le nomde Fred C. Maël, le C. voulant tout à la fois rappeler et éluder lenom de Causse. C’est ainsi qu’il représentait les intérêts decertains poids lourds ou légers de la littérature dans le domainetant littéraire que cinématographique. Ainsi c’était à Fred C. Maëlexerçant sous l’enseigne mirobolante d’International LiteraryDramatic and Cinema Corporationque Maurice Renard avait confiénotamment, courant 1920, la gestion de ses droits de traduction etde reproduction du Péril Bleu.

http://www.ifrance.com/pareiasaure/mael.html

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