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Ghazels – Poèmes persans

Ghazels – Poèmes persans

d’ anonymous

 

LE DERVICHE

Je t’ai demandé l’aumône d’un regard,

Et tu as détourné les yeux.

Je t’ai demandé l’aumône d’un sourire,

Et ton visage s’est durci.

Je t’ai demandé l’aumône d’un baiser,

Et tu m’as répondu : Passe ton chemin.

Ôma perdrix, sans un regard, sans un sourire, sans un baiser,comment puis-je continuer ma route ? Et à quelle source dois-je m’arrêter si j’ai éternellement soif de toi ?

SAÏFAH

Saïfah, mon âme, pourquoi revêts-tu le tchartchaf alors que le vent souffle sur la plaine et soulève les cailloux tranchants ?

Saïfah, couronne de ma tête, pourquoi ton sein bat-il à coups plus pressés que la feuille du platane secouée parle vent de la plaine ?

Saïfah, lumière de mes yeux, pourquoi ton regard si doux est-il devenu plus aride que la plaine desséchée parle vent ?

*

**

Je revêts le tchartchaf – ô maudit – pourvoler au vent de la plaine dans les bras de celui qui m’attend.

Mon sein bat à me rompre l’âme – ô maudit –parce que ta main menteuse a brisé sans émoi la coupe limpide demon cœur.

Mon regard est aride – ô maudit – parce quetoutes mes larmes je les ai données pour former le ruisseau qui menoiera dans la plaine.

POURQUOI ?

Pourquoi chantes-tu – ô Bulbul – puisque la voix de ma bien-aimées’est tue ?

Pourquoi brilles-tu – ô Soleil – puisque les yeux de ma bien-aiméese sont clos ?

Pourquoi rêves-tu – ô Jeune fille – puisque le bonheur est unéternel mirage ?

– Je chante encore – ô Éploré – parce que d’autres cœurs sontallègres.

Je brille encore – ô Éploré – parce que d’autres regardsscintillent.

Et si je rêve – ô Jeune homme – c’est que demain tu m’aimeraspeut-être.

LA VASQUE

L’eau glisse et s’épand dans la vasque,

Et c’est la chanson du printemps.

Le rosier s’effeuille sur la vasque,

Et c’est le carmin du printemps.

Le soleil se joue sur la vasque,

Et c’est le sourire du printemps.

*

**

La lune argente l’eau de la vasque,

Et c’est son visage, pâle d’amour.

Mais la nuit enténèbre la vasque,

Et mon cœur ne sait plus si Elle m’aime.

L’OBSESSION

Je vois le soleil éblouisseur,

Et ce sont ses yeux.

Je caresse l’ambre de mon chapelet,

Et c’est sa joue.

J’aperçois le cyprès altier,

Et c’est sa taille.

Je respire la rose de Kasvine,

Et c’est son haleine.

J’entends chanter l’eau du kanout,

Et c’est sa voix.

Et si je marche sur une vipère,

C’est encore Elle qui me hante.

LA BLESSURE

Ce n’est pas le Kandjar qui l’afaite :

Mes ennemis étaient sous leurs tentes.

Ce n’est pas une vengeance échue :

Ceux que j’ai offensés sont morts de ma propremain.

Ce n’est pas le hasard aveugle :

Le hasard quand il croise ma route devientclairvoyant.

Si ma vie se répand et me quitte

C’est que ses yeux m’ont blessé à mort

Et qu’Elle en aime un autre.

CLAIR DE LUNE

La lune bleuit le jardin et, dans l’ombre,Zeineh rêve. Elle est accroupie tout au bord du ruisseau limpide,un jasmin aux lèvres, l’âme resplendissante d’amour. Chaquebattement de son cœur scande le nom du bien-aimé et la chanson del’eau le lui répète. Zeineh sourit ; la fleur de jasminpalpite.

L’heure s’écoule. Le jardin bleuit davantage.La lune a quitté le palmier dentelé et glisse derrière lacolline ; un rossignol prélude ; ses notes énamouréess’égrènent une à une dans la nuit écouteuse.

Zeineh lève le visage et rit.

Mais la fleur de jasmin s’est échappée de seslèvres. Elle est recueillie par le ruisseau où ne se mire plus lalune.

Zeineh tressaille. Son regard cherche lespétales tombés au fil du courant. Mais le courant a emporté lafleur de jasmin et, là-bas, la grenouille mélancolique semblepleurer une joie évanouie.

La fleur de jasmin est loin ; elleparfume l’eau fuyante.

Dans le cœur de Zeineh plus rien, que lesouvenir du parfum.

LE SABLE

Son grain tiède glisse entre les doigts telleune caresse,

Ainsi a glissé sur mon âme le doux sourired’Aïcha.

Mille autres sourires ont passé sur monâme.

L’un y a fait une brûlure ; l’autre y alaissé un dard.

Où retrouver, dans le désert de ma vie,

Le grain de sable qui fut le sourired’Aïcha ?

SON AMOUR

Tu as encensé mes yeux de gazelle.

Tu as exalté la musique de ma voix

Tu t’es enivré du printemps de mon corps.

Puis, tu as piétiné mon cœur.

ORGUEIL

Àl’univers entier elle avait chanté son bonheur,

Et l’abeille butineuse contait à la rose cet amour unique.

Le jour où elle fut trahie nul ne le soupçonna,

Et les Délaissées, songeuses auprès de sa tombe,soupirent :

« Celle-là fut heureuse ».

ELLE EST MORTE…

Àcette source elle a bu.

Elle est morte – et la source n’a pas tari.

Àce miel elle a goûté.

Elle est morte – et le miel est resté aussi doux.

Sur ce rosier elle s’est penchée.

Elle est morte – et le rosier fleurit toujours.

Mais mon cœur, elle l’avait pris entre ses mains.

Elle est morte – et mon cœur repose dans sa tombe.

LA SOIF

Sous la tente – ô ma bien-aimée – ce soir jet’attends.

Kérim ! Prends mon étendard et dresse-leen bannière d’allégresse au plus haut de ma tente.

Combien de lunes se sont-elles inscrites aufirmament depuis que je suis altéré de toi – ô ma bien-aimée – carle sang répandu de mes ennemis n’a pas étanché la soif de moncœur.

Le crépuscule guette déjà le jour expirant. Lesoleil lance déjà son adieu royal dans une chevauchée flamboyantede nuages. Les voiles du soir s’étendent un à un sur la journéelassée ; ils enclosent de ténèbres les bouches convulsées desmourants et recueillent dans leurs plis silencieux le dernier cride rage des vaincus.

Kérim ! Au sommet de la dune surgit lacaravane, gardienne de mon trésor vivant !

Le vent du désert s’est levé. Assure-toi sison souffle fait fête à mon étendard déployé.

Ô mon cœur, mon cœur durci aux batailles, vosbattements ont retrouvé le printemps de ma jeunesse défunte.

Kérim ! Le vent du désert fait rage. Sorsde la tente et vois si mon étendard résiste à son souffledésordonné. L’étendard claque au vent – ô chérif – et chaqueondulation conte à la terre tes victoires.

Kérim ! Kérim ! Le vent du désertsouffle en tem­pête. Va, jeune homme, soutenir de ton bras mâlel’étendard triomphateur.

Kérim obéit à son maître.

Il soulève la portière de la tente.

Et le sable l’aveugle.

Il franchit le seuil de la tente

Et la nuit l’enveloppe.

Il avance pour soutenir l’étendard

Et Safiah, l’Attendue, étanche sa soif à ses lèvres.

SI TU M’AVAIS DIT…

Si tu m’avais dit : Donne-moi ton coursier préféré,

Je t’aurais répondu : Prends sans scrupule mon coursierpréféré,

Qu’importe ! Puisqu’à tes genoux tu m’enchaînes.

Si tu m’avais dit : Fais-moi l’offrande de tous testrésors.

Je t’aurais répondu : Prends sans compter tous mestrésors.

Qu’importe ! Puisque je reste ton débiteur.

Si tu m’avais dit : Fais-moi le don de tout ton sang,

Je t’aurais répondu : Prends sans remords tout mon sang,

Qu’importe ! Puisque tu as déjà mon âme entière.

Mais, si tu m’avais dit : Brise ton Kandjar,

Je t’aurais répondu : Femme, pas avant qu’il n’ait tranché tatête !

CONFIDENCES

J’aime mieux la nuit, dit Aïcha,

Tout dort et je puis pleurer en silence.

J’aime mieux le jour, dit Zeineh,

Tout est joie et ma peine reste inaperçue.

SOUVENIR

Àmes lèvres le goût du miel :

Son baiser.

Dans mon âme un reflet du paradis :

Ses yeux.

Dans mon cœur un poignard :

Ses serments.

QUERELLE

Pourquoi me demander – ô Gulnar – quel jours’est incendié mon cœur, puisqu’aujourd’hui mon cœur n’est plus quecendres dispersées ?

Pourquoi me demander – ô Gulnar – quel journos sourires se sont parlés, puisqu’aujourd’hui le Lapidé lui-mêmen’aurait pas le pouvoir de confesser mes lèvres ?

Pourquoi me demander – ô Gulnar – quel jourmes pas foulèrent le sol sans frôler la fourmi, puisqu’aujourd’huimon pied souhaiterait d’écraser tout ce qui respire ?

Et pourquoi demander – ô Gulnar – quel jourmon âme a fleuri puisque tes doigts ont jeté au vent la roseépanouie ?

Et toi me diras-tu – ô Mahmoud – quel jourAïcha m’a dérobé un battement de ton cœur ?

Me diras-tu – ô Mahmoud – quel jour Aïchareçut le choc de ton sourire complice ?

Me diras-tu quel jour tes pas t’ontd’eux-mêmes porté vers la fontaine d’El Latif ?

Et me diras-tu – ô Mahmoud – quel jour ton âmea tressailli devant Aïcha, penchée sur la source fraîche ?

Mais que sert de souder ensemble les chaînonsdu supplice ?

Rassure-toi – ô Pervers – ce soir tu pourrascaresser sans forfait la joue de ton Impudique, car, j’en fais leserment sur le Lotus de la Limite, mes larmes plus jamaisn’altèreront l’eau limpide de la source abhorrée.

Ces paroles dites, leurs regards se mêlèrentet ce fut à nouveau une matinée d’été.

TELLE QU’ELLE EST

Quand tu marches – ô Azizé – la gazelle sejuge pesante et l’antilope entravée.

Quand tu souris – ô Azizé – les perles perdentaussitôt leur orient et les roses s’effeuillent, dépitées d’exhalerun parfum si grossier.

Quand tu chantes – ô Azizé – la fauvettecritique le merle et le rossignol se tient coi.

Mais quand tu querelles – ô Azizé – le véziret le calender se chamaillent et l’humanité entière doute de labonté.

TELLE QU’IL S’EN RENCONTRE

Quand tu ouvres la bouche – ô Gul-i-siah –j’aperçois une caverne où s’alignent des perles dédaignées dutellal.

Quand ton haleine m’atteint – ô Gul-i-siah –je porte sans délai la rose à mes narines.

Quand tu commences un récit – ô Gul-i-siah –les serpents sifflent dans les airs et les scorpionss’entre­tuent.

Et quand retombe le silence – ô Réprouvée – lemonde n’est plus qu’un marécage au bord duquel tu as coassé.

PAGE LUE

Je ne l’avais point encore aperçu

Que – déjà – il me trouvait belle.

Je ne lui avais point encore souri

Que – déjà – il avait éprouvé qu’il m’aimait.

Je ne lui avais point encore parlé

Que – déjà – il m’avait juré un amour éternel

Et quand – après – je l’ai regardé,

Il a détourné les yeux.

Et quand – après – je lui ai souri,

J’ai senti son cœur rassasié.

Et quand – après – j’ai balbutié « Je t’aime »

Il m’a répondu : Assez ! Azizé me plaît davantage.

LE JASMIN DOUBLE

Aïcha en a fait un collier qu’elle enroule àson cou, mais son doigt impatient a rompu le fil de soie.

Les jasmins se répandent en pluieodorante ; l’un reste pris dans ses cheveux dénoués, l’autre aglissé à terre, un autre est demeuré entre deux seins plus fer­mesque les chelils du mois d’amardâd.

Que ne donnerait Mansour pour être la fleurqui repose dans cette vallée d’amour !

Mais le cœur de la jeune fille est une sourcenon encore épandue, et l’heure n’est point sonnée où des lèvresamoureuses mettront un collier de baisers au cou flexibled’Aïcha.

TRÈS PEU DE CHOSE

Un grain de sable dans Sa babouche

Que faut-il de plus pour allumer la jalousie d’Afrassiâb ?

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