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La Philosophie dans le boudoir ou Les Instituteurs immoraux

La Philosophie dans le boudoir ou Les Instituteurs immoraux

de marquis de Sade

La mère en prescrira la lecture à sa fille.

AUX LIBERTINS

Voluptueux de tous les âges et de tous les sexes, c’est à vous seuls que j’offre cet ouvrage ; nourrissez-vous de ses principes, ils favorisent vos passions, et ces passions, dont de froids et plats moralistes vous effraient, ne sont que les moyens que la nature emploie pour faire parvenir l’homme aux vues qu’elles a sur lui ; n’écoutez que ces passions délicieuses, leur organe est le seul qui doive vous conduire au bonheur.

Femmes lubriques, que la voluptueuse Saint-Ange soit votre modèle ; méprisez, à son exemple, tout ce qui contrarie les lois divines du plaisir qui l’enchaînèrent toute sa vie.

Jeunes filles trop longtemps contenues dans les liens absurdes et dangereux d’une vertu fantastique et d’une religion dégoûtante,imitez l’ardente Eugénie, détruisez, foulez aux pieds, avec autant de rapidité qu’elle, tous les préceptes ridicules inculqués pard’imbéciles parents.

Et vous, aimables débauchés, vous qui, depuis votre jeunesse,n’avez plus d’autres freins que vos désirs, et d’autres lois quevos caprices, que le cynique Dolmancé vous serve d’exemple ;allez aussi loin que lui, si, comme lui, vous voulez parcourirtoutes les routes de fleurs que la lubricité vous prépare ;convainquez-vous à son école que ce n’est qu’en étendant la sphèrede ses goûts et de ses fantaisies, que ce n’est qu’en sacrifianttout à la volupté, que le malheureux individu connu sous le nomd’homme, et jeté malgré lui sur ce triste univers, peut réussir àsemer quelques roses sur les épines de la vie.

 

 

PREMIER DIALOGUE

MME DE SAINT-ANGE, LE CHEVALIER DEMIRVEL

MME DE SAINT-ANGE : Bonjour, mon frère, eh bien,M. Dolmancé ?

LE CHEVALIER : Il arrivera à quatre heures précises, nousne dînons qu’à sept, nous aurons, comme tu vois, tout le temps dejaser.

MME DE SAINT-ANGE : Sais-tu, mon frère, que je me repens unpeu, et de ma curiosité, et de tous les projets obscènes forméspour aujourd’hui ? En vérité, mon ami, tu es tropindulgent ; plus je devrais être raisonnable, plus ma mauditetête s’irrite et devient libertine : tu me passes tout, celane sert qu’à me gâter… À vingt-six ans, je devrais être déjàdévote, et je ne suis encore que la plus débordée des femmes… Onn’a pas idée de ce que je conçois, mon ami, de ce que je voudraisfaire. J’imaginais qu’en m’en tenant aux femmes, cela me rendraitsage ; … que mes désirs concentrés dans mon sexe, nes’exhaleraient plus vers le vôtre ; projets chimériques, monami, les plaisirs dont je voulais me priver ne sont venus s’offrirqu’avec plus d’ardeur à mon esprit, et j’ai vu que quand on était,comme moi, née pour le libertinage, il devenait inutile de songer às’imposer des freins, de fougueux désirs les brisent bientôt.Enfin, mon cher, je suis un animal amphibie ; j’aime tout, jem’amuse de tout, je veux réunir tous les genres ; mais,avoue-le, mon frère, n’est-ce pas une extravagance complète à moi,que de vouloir connaître ce singulier Dolmancé qui de ses jours,dis-tu, n’a pu voir une femme comme l’usage le prescrit, qui,sodomite par principe, non seulement est idolâtre de son sexe, maisne cède même pas au nôtre que sous la clause spéciale de lui livrerles attraits chéris dont il est accoutumé de se servir chez leshommes ? Vois, mon frère, quelle est ma bizarrefantaisie ! je veux être le Ganymède de ce nouveau Jupiter, jeveux jouir de ses goûts, de ses débauches, je veux être la victimede ses erreurs : jusqu’à présent tu le sais, mon cher, je neme suis livrée ainsi qu’à toi, par complaisance, ou qu’à quelqu’unde mes gens qui, payé pour me traiter de cette façon, ne s’yprêtait que par intérêt ; aujourd’hui ce n’est plus ni lacomplaisance ni le caprice, c’est le goût seul qui me détermine… Jevois, entre les procédés qui m’ont asservie, et ceux qui vontm’asservir à cette manie bizarre, une inconcevable différence, etje veux la connaître. Peins-moi ton Dolmancé, je t’en conjure, afinque je l’aie bien dans la tête avant que de le voir arriver ;car tu sais que je ne le connais que pour l’avoir rencontré l’autrejour dans une maison où je ne fus que quelques minutes aveclui.

LE CHEVALIER : Dolmancé, ma sœur, vient d’atteindre satrente-sixième année ; il est grand, d’une fort belle figure,des yeux très vifs et très spirituels, mais quelque chose d’un peudur et d’un peu méchant se peint malgré lui dans ses traits ;il a les plus belles dents du monde, un peu de mollesse dans lataille et dans la tournure, par l’habitude, sans doute, qu’il a deprendre si souvent des airs féminins ; il est d’une éléganceextrême, une jolie voix, des talents, et principalement beaucoup dephilosophie dans l’esprit.

MME DE SAINT-ANGE : Il ne croit pas en Dieu,j’espère ?

LE CHEVALIER : Ah ! que dis-tu là ? c’est le pluscélèbre athée, l’homme le plus immoral… Oh ! c’est bien lacorruption la plus complète et la plus entière, l’individu le plusméchant et le plus scélérat qui puisse exister au monde.

MME DE SAINT-ANGE : Comme tout cela m’échauffe, je vaisraffoler de cet homme, et ses goûts, mon frère ?

LE CHEVALIER : Tu les sais ; les délices de Sodome luisont aussi chers comme agent que comme patient ; il n’aime queles hommes dans ses plaisirs, et si quelquefois néanmoins ilconsent à essayer les femmes, ce n’est qu’aux conditions qu’ellesseront assez complaisantes pour changer de sexe avec lui. Je lui aiparlé de toi, je l’ai prévenu de tes intentions ; il accepteet t’avertit à son tour des clauses du marché. Je t’en préviens, masœur, il te refusera tout net, si tu prétends l’engager à autrechose : ce que je consens à faire avec votre sœur, est,prétend-il, une licence… une incartade dont on ne se souille querarement et avec beaucoup de précautions.

MME DE SAINT-ANGE : Se souiller !… desprécautions ! J’aime à la folie le langage de cesaimables gens ; entre nous autres femmes, nous avons aussi deces mots exclusifs qui prouvent comme ceux-là, l’horreur profondedont elles sont pénétrées pour tout ce qui ne tient pas au culteadmis… Eh, dis-moi, mon cher… il t’a eu ? Avec ta délicieusefigure et tes vingt ans, on peut, je crois, captiver un telhomme !

LE CHEVALIER : Je ne te cacherai point mes extravagancesavec lui, tu as trop d’esprit pour les blâmer. Dans le fait, j’aimeles femmes moi, et je ne me livre à ces goûts bizarres que quand unhomme aimable m’en presse. Il n’y a rien que je ne fassealors ; je suis loin de cette morgue ridicule qui fait croireà nos jeunes freluquets qu’il faut répondre par des coups de canneà de semblables propositions ; l’homme est-il le maître de sesgoûts ? Il faut plaindre ceux qui en ont de singuliers, maisne les insulter jamais, leur tort est celui de la nature, ilsn’étaient pas plus les maîtres d’arriver au monde avec des goûtsdifférents que nous ne le sommes de naître ou bancal ou bien fait.Un homme vous dit-il d’ailleurs une chose désagréable en voustémoignant le désir qu’il a de jouir de vous ? non, sansdoute, c’est un compliment qu’il vous fait ; pourquoi donc yrépondre par des injures ou des insultes ? Il n’y a que lessots qui puissent penser ainsi, jamais un homme raisonnable neparlera de cette matière différemment que je ne fais ; maisc’est que le monde est peuplé de plats imbéciles qui croient quec’est leur manquer que de leur avouer qu’on les trouve propres àdes plaisirs, et qui, gâtés par les femmes, toujours jalouses de cequi a l’air d’attenter à leurs droits, s’imaginent être les DonQuichotte de ces droits ordinaires, en brutalisant ceux qui n’enreconnaissent pas toute l’étendue.

MME DE SAINT-ANGE : Ah ! mon ami, baise-moi, tu neserais pas mon frère si tu pensais différemment ; mais un peude détails, je t’en conjure, et sur le physique de cet homme et surses plaisirs avec toi.

LE CHEVALIER : M. Dolmancé était instruit par un demes amis, du superbe membre dont tu sais que je suis pourvu, ilengagea le marquis de V*** à me donner à souper avec lui. Une foislà, il fallut bien exhiber ce que je portais ; la curiositéparut d’abord être le seul motif, un très beau cul qu’on me tourna,et dont on me supplia de jouir, me fit bientôt voir que le goûtseul avait eu part à cet examen. Je prévins Dolmancé de toutes lesdifficultés de l’entreprise, rien ne l’effaroucha. Je suis àl’épreuve du bélier, me dit-il, et vous n’aurez même pas la gloired’être le plus redoutable des hommes qui perforèrent le cul que jevous offre. Le marquis était là, il nous encourageait en tripotant,maniant, baisant tout ce que nous mettions au jour l’un et l’autre.Je me présente… je veux au moins quelques apprêts :« Gardez-vous-en bien, me dit le marquis, vous ôteriez lamoitié des sensations que Dolmancé attend de vous ; il veutqu’on le pourfende… il veut qu’on le déchire. – Il serasatisfait », dis-je en me plongeant aveuglément dans legouffre… et tu crois peut-être, ma sœur, que j’eus beaucoup depeine…, pas un mot ; mon vit, tout énorme qu’il est, disparutsans que je m’en doutasse, et je touchai le fond de ses entraillessans que le bougre eût l’air de le sentir. Je traitai Dolmancé enami, l’excessive volupté qu’il goûtait, ses frétillements, sespropos délicieux, tout me rendit bientôt heureux moi-même, et jel’inondai. À peine fus-je dehors que Dolmancé, se retournant versmoi, échevelé, rouge comme une bacchante : « Tu voisl’état où tu m’as mis, cher Chevalier, me dit-il, en m’offrant unvit sec et mutin, fort long et d’au moins six pouces de tour,daigne, je t’en conjure, ô mon amour ! me servir de femmeaprès avoir été mon amant, et que je puisse dire que j’ai goûtédans tes bras divins tous les plaisirs du goût que je chéris avectant d’empire. » Trouvant aussi peu de difficultés à l’un qu’àl’autre, je me prêtai ; le marquis se déculottant à mes yeux,me conjura de vouloir bien être encore un peu homme avec luipendant que j’allais être la femme de son ami ; je le traitaicomme Dolmancé, qui me rendant au centuple toutes les secoussesdont j’accablais notre tiers, exhala bientôt au fond de mon cul,cette liqueur enchanteresse dont j’arrosais presque en même tempscelui de V***.

MME DE SAINT-ANGE : Tu dois avoir eu le plus grand plaisir,mon frère, à te trouver ainsi entre deux, on dit que c’estcharmant.

LE CHEVALIER : Il est bien certain, mon ange, que c’est lameilleure place ; mais quoi qu’on en puisse dire, tout celasont des extravagances que je ne préférerai jamais au plaisir desfemmes.

MME DE SAINT-ANGE : Eh bien ! mon cher amour, pourrécompenser aujourd’hui ta délicate complaisance, je vais livrer àtes ardeurs une jeune fille vierge, et plus belle que l’amour.

LE CHEVALIER : Comment, avec Dolmancé… tu fais venir unefemme chez toi ?

MME DE SAINT-ANGE : Il s’agit d’une éducation, c’est unepetite fille que j’ai connue au couvent l’automne dernier, pendantque mon mari était aux eaux. Là nous ne pûmes rien, nous n’osâmesrien, trop d’yeux étaient fixés sur nous, mais nous nous promîmesde nous réunir dès que cela serait possible ; uniquementoccupée de ce désir j’ai, pour y satisfaire, fait connaissance avecsa famille. Son père est un libertin… que j’ai captivé. Enfin labelle vient, je l’attends, nous passerons deux jours ensemble… deuxjours délicieux, la meilleure partie de ce temps, je l’emploie àéduquer cette jeune personne. Dolmancé et moi nous placerons danscette jolie petite tête tous les principes du libertinage le pluseffréné, nous l’embraserons de nos feux, nous l’alimenterons denotre philosophie, nous lui inspirerons nos désirs, et comme jeveux joindre un peu de pratique à la théorie, comme je veux qu’ondémontre à mesure qu’on dissertera, je t’ai destiné, mon frère, àla moisson des myrtes de Cythère, Dolmancé à celle des roses deSodome. J’aurai deux plaisirs à la fois, celui de jouir moi-même deces voluptés criminelles et celui d’en donner des leçons, d’eninspirer les goûts à l’aimable innocente que j’attire dans nosfilets. Eh bien Chevalier, ce projet est-il digne de monimagination ?

LE CHEVALIER : Il ne peut être conçu que par elle, il estdivin, ma sœur, et je te promets d’y remplir à merveille le rôlecharmant que tu m’y destines. Ah ! friponne, comme tu vasjouir du plaisir d’éduquer cette enfant ; quelles délices pourtoi de la corrompre, d’étouffer dans ce jeune cœur toutes lessemences de vertu et de religion qu’y placèrent sesinstitutrices ! En vérité, cela est trop roué pourmoi.

MME DE SAINT-ANGE : Il est bien sûr que je n’épargnerairien pour la pervertir, pour dégrader, pour culbuter dans elle tousles faux principes de morale dont on aurait pu l’étourdir ; jeveux, en deux leçons, la rendre aussi scélérate que moi… aussiimpie… aussi débauchée. Préviens Dolmancé, mets-le au fait dèsqu’il arrivera, pour que le venin de ses immoralités, circulantdans ce jeune cœur avec celui que j’y lancerai, parvienne àdéraciner dans peu d’instants toutes les semences de vertu quipourraient y germer sans nous.

LE CHEVALIER : Il était impossible de mieux trouver l’hommequ’il te fallait, l’irréligion, l’impiété, l’inhumanité, lelibertinage découlent des lèvres de Dolmancé, comme autrefoisl’onction mystique, de celles du célèbre archevêque deCambrai ; c’est le plus profond séducteur, l’homme le pluscorrompu, le plus dangereux… Ah ! ma chère amie, que ton élèveréponde aux soins de l’instituteur, et je te la garantis bientôtperdue.

MME DE SAINT-ANGE : Cela ne sera sûrement pas long avec lesdispositions que je lui connais…

LE CHEVALIER : Mais dis-moi, chère sœur, ne redoutes-turien des parents ? Si cette petite fille venait à jaser quandelle retournera chez elle.

MME DE SAINT-ANGE : Ne crains rien, j’ai séduit le père… ilest à moi, faut-il enfin te l’avouer, je me suis livrée à lui pourqu’il fermât les yeux, il ignore mes desseins, mais il n’oserajamais les approfondir… Je le tiens.

LE CHEVALIER : Tes moyens sont affreux.

MME DE SAINT-ANGE : Voilà comme il les faut pour qu’ilssoient sûrs.

LE CHEVALIER : Eh ! dis-moi, je te prie, quelle estcette jeune personne ?

MME DE SAINT-ANGE : On la nomme Eugénie, elle estla fille d’un certain Mistival, l’un des plus riches traitants dela capitale, âgé d’environ trente-six ans ; la mère en a toutau plus trente-deux, et la petite fille quinze. Mistival est aussilibertin que sa femme est dévote. Pour Eugénie, ce serait en vain,mon ami, que j’essaierais de te la peindre : elle estau-dessus de mes pinceaux, qu’il te suffise d’être convaincu que nitoi, ni moi n’avons certainement jamais vu rien d’aussi délicieuxau monde.

LE CHEVALIER : Mais esquisse au moins, si tu ne peuxpeindre, afin que sachant à peu près à qui je vais avoir affaire,je me remplisse mieux l’imagination de l’idole où je doissacrifier.

MME DE SAINT-ANGE : Eh bien ! mon ami, ses cheveuxchâtains qu’à peine on peut empoigner, lui descendent au bas desfesses, son teint est d’une blancheur éblouissante, son nez un peuaquilin, ses yeux d’un noir d’ébène, et d’une ardeur… Oh ! monami, il n’est pas possible de tenir à ces yeux-là… Tu n’imaginespoint toutes les sottises qu’ils m’ont fait faire… Si tu voyais lesjolis sourcils qui les couronnent… les intéressantes paupières quiles bordent, sa bouche est très petite, ses dents superbes, et toutcela d’une fraîcheur… Une de ses beautés est la manière élégantedont sa belle tête est attachée sur ses épaules, l’air de noblessequ’elle a quand elle la tourne… Eugénie est grande pour son âge, onlui donnerait dix-sept ans, sa taille est un modèle d’élégance etde finesse, sa gorge délicieuse… ; ce sont bien les deux plusjolis tétons… à peine y a-t-il de quoi remplir la main, mais sidoux… si frais… si blancs ; vingt fois j’ai perdu la tête enles baisant, et si tu avais vu comme elle s’animait sous mescaresses… comme ses deux grands yeux me peignaient l’état de sonâme… ; mon ami, je ne sais pas comme est le reste. Ah !s’il faut en juger par ce que je connais, jamais l’Olympe n’eut unedivinité qui la valût… Mais je l’entends… Laisse-nous, sors par lejardin pour ne la point rencontrer, et sois exact aurendez-vous.

LE CHEVALIER : Le tableau que tu viens de me faire terépond de mon exactitude… Oh ciel ! sortir… te quitter dansl’état où je suis… Adieu… un baiser… un seul baiser, ma sœur, pourme satisfaire au moins jusque-là.

Elle le baise, touche son vit au travers de sa culotte, etle jeune homme sort avec précipitation.

SECOND DIALOGUE

MME DE SAINT-ANGE, EUGÉNIE

MME DE SAINT-ANGE : Eh ! bonjour, ma belle, jet’attendais avec une impatience que tu devines bien aisément si tulis dans mon cœur.

EUGÉNIE : Oh ! ma toute bonne, j’ai cru que jen’arriverais jamais, tant j’avais d’empressement d’être dans tesbras ; une heure avant que de partir j’ai frémi que tout nechangeât ; ma mère s’opposait absolument à cette délicieusepartie, elle prétendait qu’il n’était pas convenable qu’une jeunefille de mon âge allât seule ; mais mon père l’avait si maltraitée avant-hier qu’un seul de ses regards a fait rentrerMme de Mistival dans le néant ; elle afini par consentir à ce qu’accordait mon père, et je suis accourue.On me donne deux jours, il faut absolument que ta voiture et l’unede tes femmes me ramène après-demain.

MME DE SAINT-ANGE : Que cet intervalle est court, mon cherange, à peine pourrai-je, en si peu de temps, t’exprimer tout ceque tu m’inspires…, et d’ailleurs nous avons à causer ; nesais-tu pas que c’est dans cette entrevue que je dois t’initierdans les plus secrets mystères de Vénus ; aurons-nous le tempsen deux jours ?

EUGÉNIE : Ah ! si je ne savais pas tout je resterais…je suis venue ici pour m’instruire et je ne m’en irai pas que je nesois savante…

MME DE SAINT-ANGE, la baisant : Oh ! cheramour, que de choses nous allons faire et direréciproquement ; mais à propos veux-tu déjeuner, ma reine, ilserait possible que la leçon fût longue ?

EUGÉNIE : Je n’ai, chère amie, d’autre besoin que celui det’entendre, nous avons déjeuné à une lieue d’ici, j’attendraismaintenant jusqu’à huit heures du soir sans éprouver le moindrebesoin.

MME DE SAINT-ANGE : Passons donc dans mon boudoir, nous yserons plus à l’aise ; j’ai déjà prévenu mes gens ; soisassurée qu’on ne s’avisera pas de nous interrompre.

Elles y passent dans les bras l’une de l’autre.

TROISIÈME DIALOGUE

La scène est dans un boudoirdélicieux.

MME DE SAINT-ANGE, EUGÉNIE,DOLMANCÉ

EUGÉNIE, très surprise de voir dans ce cabinet un hommequ’elle n’attendait pas&|160;: Oh dieu, ma chère amie, c’estune trahison&|160;!

MME DE SAINT-ANGE, également surprise&|160;: Par quelhasard ici, monsieur, vous ne deviez ce me semble arriver qu’àquatre heures&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: On devance toujours le plus qu’on peut lebonheur de vous voir, madame&|160;; j’ai rencontré monsieur votrefrère, il a senti le besoin dont serait ma présence aux leçons quevous devez donner à mademoiselle, il savait que ce serait ici lelycée où se ferait le cours, il m’y a secrètement introduit,n’imaginant pas que vous le désapprouvassiez, et pour lui, comme ilsait que ses démonstrations ne seront nécessaires qu’après lesdissertations théoriques, il ne paraîtra que tantôt.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: En vérité, Dolmancé, voilà un tour…

EUGÉNIE&|160;: Dont je ne suis pas la dupe, ma bonne amie, toutcela est ton ouvrage…, au moins fallait-il me consulter…, me voilàd’une honte à présent qui, certainement, s’opposera à tous nosprojets.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Je te proteste, Eugénie, que l’idée decette surprise n’appartient qu’à mon frère&|160;; mais qu’elle net’effraie pas, Dolmancé que je connais pour un homme fort aimable,et précisément du degré de philosophie qu’il nous faut pour toninstruction, ne peut qu’être très utile à nos projets&|160;; àl’égard de sa discrétion, je te réponds de lui comme de moi.Familiarise-toi donc, ma chère, avec l’homme du monde le plus enétat de te former, et de te conduire dans la carrière du bonheur etles plaisirs que nous voulons parcourir ensemble.

EUGÉNIE, rougissant&|160;: Oh&|160;! je n’en suis pasmoins d’une confusion…

DOLMANCÉ&|160;: Allons, belle Eugénie, mettez-vous à votre aise…la pudeur est une vieille vertu dont vous devez, avec autant decharmes, savoir vous passer à merveille.

EUGÉNIE&|160;: Mais la décence…

DOLMANCÉ&|160;: Autre usage gothique, dont on fait bien peu casaujourd’hui. Il contrarie si fort la nature.

Dolmancé saisit Eugénie, la presse entre ses bras et labaise.

EUGÉNIE, se défendant&|160;: Finissez donc,monsieur…&|160;; en vérité, vous me ménagez bien peu.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Eugénie, crois-moi, cessons l’une etl’autre d’être prudes avec cet homme charmant&|160;; je ne leconnais pas plus que toi, regarde pourtant comme je me livre à lui(elle le baise lubriquement sur la bouche)&|160;;imite-moi.

EUGÉNIE&|160;: Oh&|160;! je le veux bien&|160;; de quiprendrais-je de meilleurs exemples&|160;!

Elle se livre à Dolmancé qui la baise ardemment langue enbouche.

DOLMANCÉ&|160;: Ah&|160;! l’aimable et délicieuse créature.

MME DE SAINT-ANGE, la baisant de même&|160;: Crois-tudonc, petite friponne, que je n’aurai pas également montour&|160;?

Ici Dolmancé les tenant l’une et l’autre dans ses bras, leslangote un quart d’heure toutes deux, et toutes deux se le rendentet le lui rendent.

DOLMANCÉ&|160;: Ah&|160;! voilà des préliminaires qui m’enivrentde volupté&|160;! Mesdames, voulez-vous m’en croire, il faitextraordinairement chaud, mettons-nous à notre aise, nous jaseronsinfiniment mieux.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: J’y consens&|160;; revêtons-nous de cessimarres de gaze&|160;; elles ne voileront de nos attraits que cequ’il faut cacher au désir.

EUGÉNIE&|160;: En vérité, ma bonne, vous me faites faire deschoses…

MME DE SAINT-ANGE, l’aidant à se déshabiller&|160;:Tout à fait ridicules, n’est-ce pas&|160;?

EUGÉNIE&|160;: Au moins bien indécentes, en vérité… eh&|160;!comme tu me baises&|160;!

MME DE SAINT-ANGE&|160;: La jolie gorge… c’est une rose à peineépanouie.

DOLMANCÉ, considérant les tétons d’Eugénie sans lestoucher&|160;: Et qui promet d’autres appas… infiniment plusestimables.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Plus estimables&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: Oh&|160;! oui, d’honneur&|160;!

En disant cela, Dolmancé fait mine de retourner Eugénie pourl’examiner par-derrière.

EUGÉNIE&|160;: Oh&|160;! non, non, je vous en conjure.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Non, Dolmancé…, je ne veux pas que vousvoyiez encore… un objet dont l’empire est trop grand sur vous, pourque l’ayant une fois dans la tête, vous puissiez ensuite raisonnerde sens-froid[1] . Nous avons besoin de vos leçons,donnez-nous-les, et les myrtes que vous voulez cueillir formerontensuite votre couronne.

DOLMANCÉ&|160;: Soit, mais pour démontrer, pour donner à ce belenfant les premières leçons du libertinage, il faut bien au moinsvous, madame, que vous ayez la complaisance de vous prêter.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: À la bonne heure… Eh bien&|160;! tenez,me voilà toute nue, dissertez sur moi autant que vous voudrez.

DOLMANCÉ&|160;: Ah&|160;! le beau corps… C’est Vénus, elle-même,embellie par les grâces&|160;!

EUGÉNIE&|160;: Oh&|160;! ma chère amie, que d’attraits,laissez-moi les parcourir à mon aise, laissez-moi les couvrir debaisers.

Elle exécute.

DOLMANCÉ&|160;: Quelles excellentes dispositions&|160;! Un peumoins d’ardeur, belle Eugénie, ce n’est que de l’attention que jevous demande pour ce moment-ci.

EUGÉNIE&|160;: Allons, j’écoute, j’écoute… C’est qu’elle est sibelle… si potelée, si fraîche&|160;: ah&|160;! comme elle estcharmante, ma bonne amie, n’est-ce pas, monsieur&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: Elle est belle, assurément… parfaitementbelle&|160;; mais je suis persuadé que vous ne le lui cédez enrien… Allons, écoutez-moi, jolie petite élève, ou craignez que, sivous n’êtes pas docile, je n’use sur vous des droits que me donneamplement le titre de votre instituteur.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Oh&|160;! oui, oui, Dolmancé, je vousla livre, il faut la gronder d’importance si elle n’est passage.

DOLMANCÉ&|160;: Je pourrais bien ne pas m’en tenir auxremontrances.

EUGÉNIE&|160;: Oh, juste ciel&|160;! vous m’effrayez… etqu’entreprendriez-vous donc, monsieur&|160;?

DOLMANCÉ, balbutiant et baisant Eugénie sur labouche&|160;: Des châtiments… des corrections, et ce jolipetit cul pourrait bien me répondre des fautes de la tête.

Il le lui frappe au travers de la simarre de gaze dont estmaintenant vêtue Eugénie.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Oui, j’approuve le projet, mais non pasle geste. Commençons notre leçon, ou le peu de temps que nous avonsà jouir d’Eugénie va se passer ainsi en préliminaires, etl’instruction ne se fera point.

DOLMANCÉ (il touche à mesure, surMme&|160;de&|160;Saint-Ange, toutes les parties qu’ildémontre)&|160;: Je commence.

Je ne parlerai point de ces globes de chair, vous savez aussibien que moi, Eugénie, que l’on les nomme indifféremment gorge,seins, tétons&|160;; leur usage est d’une grande vertu dans leplaisir, un amant les a sous les yeux en jouissant, il les caresse,il les manie, quelques-uns en forment même le siège de lajouissance, et leur membre se nichant entre les deux monts deVénus, que la femme serre et comprime sur ce membre, au bout dequelques mouvements, certains hommes parviennent à répandre là lebaume délicieux de la vie, dont l’écoulement fait tout le bonheurdes libertins… Mais ce membre sur lequel il faudra disserter sanscesse, ne serait-il pas à propos, madame, d’en donner unedissertation à notre écolière&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Je le crois de même.

DOLMANCÉ&|160;: Eh bien&|160;! madame, je vais m’étendre sur cecanapé, vous vous placerez près de moi, vous vous emparerez dusujet, et vous en expliquerez vous-même les propriétés à notrejeune élève.

Dolmancé se place et Mme&|160;de&|160;Saint-Angedémontre.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Ce sceptre de Vénus, que tu vois soustes yeux, Eugénie, est le premier agent des plaisirs de l’amour, onle nomme membre par excellence&|160;: il n’est pas une seule partiedu corps humain dans lequel il ne s’introduise&|160;; toujoursdocile aux passions de celui qui le meut, tantôt il se niche là(elle touche le con d’Eugénie), c’est sa route ordinaire…,la plus usitée, mais non pas la plus agréable&|160;; recherchant untemple plus mystérieux, c’est souvent ici (elle écarte sesfesses et montre le trou de son cul) que le libertin cherche àjouir&|160;: nous reviendrons sur cette jouissance la plusdélicieuse de toutes&|160;; la bouche, le sein, les aisselles luiprésentent souvent encore des autels où brûle son encens&|160;; etquel que soit enfin celui de tous les endroits qu’il préfère, on levoit, après s’être agité quelques instants, lancer une liqueurblanche et visqueuse dont l’écoulement plonge l’homme dans undélire assez vif pour lui procurer les plaisirs les plus doux qu’ilpuisse espérer de sa vie.

EUGÉNIE&|160;: Oh&|160;! que je voudrais voir couler cetteliqueur&|160;!

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Cela se pourrait par la simplevibration de ma main&|160;; vois comme il s’irrite à mesure que jele secoue, ces mouvements se nomment pollution et, enterme de libertinage, cette action s’appelle branler.

EUGÉNIE&|160;: Oh&|160;! ma chère amie, laisse-moi branler cebeau membre.

DOLMANCÉ&|160;: Je n’y tiens pas&|160;! laissons-la faire,madame, cette ingénuité me fait horriblement bander.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Je m’oppose à cette effervescence,Dolmancé, soyez sage, l’écoulement de cette semence, en diminuantl’activité de vos esprits animaux ralentirait la chaleur de vosdissertations.

EUGÉNIE, maniant les testicules de Dolmancé&|160;:Oh&|160;! que je suis fâchée, ma bonne amie, de la résistance quetu mets à mes désirs… Et ces boules, quel est leur usage, etcomment les nomme-t-on&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Le mot technique estcouilles,… testicules est celui de l’art. Ces boulesrenferment le réservoir de cette semence prolifique dont je viensde te parler, et dont l’éjaculation dans la matrice de la femme,produit l’espèce humaine&|160;; mais nous appuierons peu sur cesdétails, Eugénie, plus dépendants de la médecine que dulibertinage. Une jolie fille ne doit s’occuper que defoutre et jamais d’engendrer. Nous glisserons surtout ce qui tient au plat mécanisme de la population, pour nousattacher principalement et uniquement aux voluptés libertines dontl’esprit n’est nullement populateur.

EUGÉNIE&|160;: Mais, ma chère amie, lorsque ce membre énorme,qui peut à peine tenir dans ma main, pénètre, ainsi que tum’assures que cela se peut, dans un trou aussi petit que celui deton derrière, cela doit faire une bien grande douleur à lafemme.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Soit que cette introduction se fassepar-devant, soit qu’elle se fasse par-derrière, lorsqu’une femmen’y est pas encore accoutumée, elle y éprouve toujours de ladouleur. Il a plu à la Nature de ne nous faire arriver au bonheurque par des peines&|160;; mais, une fois vaincue, rien ne peutrendre les plaisirs que l’on goûte, et celui qu’on éprouve àl’introduction de ce membre dans nos culs, est incontestablementpréférable à tous ceux que peut procurer cette même introductionpar-devant&|160;; que de dangers, d’ailleurs, n’évite pas une femmealors&|160;! moins de risques pour sa santé, et plus aucuns pour lagrossesse. Je ne m’étends pas davantage à présent sur cettevolupté&|160;: notre maître à toutes deux, Eugénie, l’analyserabientôt amplement, et joignant la pratique à la théorie, teconvaincra, j’espère, ma toute bonne, que de tous les plaisirs dela jouissance, c’est le seul que tu doives préférer.

DOLMANCÉ&|160;: Dépêchez vos démonstrations, madame, je vous enconjure, je n’y puis plus tenir, je déchargerai malgré moi, et ceredoutable membre réduit à rien, ne pourrait plus servir à vosleçons.

EUGÉNIE&|160;: Comment&|160;! il s’anéantirait, ma bonne, s’ilperdait cette semence dont tu parles… Oh&|160;! laisse-moi la luifaire perdre, pour que je voie comme il deviendrait… et puisj’aurais tant de plaisir à voir couler cela.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Non, non, Dolmancé, levez-vous, songezque c’est là le prix de vos travaux, et que je ne puis vous lelivrer qu’après que vous l’aurez mérité.

DOLMANCÉ&|160;: Soit&|160;; mais pour mieux convaincre Eugéniede tout ce que nous allons lui débiter sur le plaisir, quelinconvénient y aurait-il que vous la branliez devant moi, parexemple&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Aucun, sans doute, et j’y vais procéderavec d’autant plus de joie, que cette épisode lubrique ne pourraqu’aider nos leçons. Place-toi sur ce canapé, ma toute bonne.

EUGÉNIE&|160;: Oh dieu&|160;! la délicieuse niche&|160;! Maispourquoi toutes ces glaces&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: C’est pour que, répétant les attitudesen mille sens divers, elles multiplient à l’infini les mêmesjouissances aux yeux de ceux qui les goûtent sur cetteottomane&|160;; aucune des parties de l’un ou l’autre corps ne peutêtre cachée par ce moyen, il faut que tout soit en vue, ce sontautant de groupes rassemblés autour de ceux que l’amour enchaîne,autant d’imitateurs de leurs plaisirs, autant de tableaux délicieuxdont leur lubricité s’enivre, et qui servent bientôt à la compléterelle-même.

EUGÉNIE&|160;: Que cette invention est délicieuse&|160;!

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Dolmancé, déshabillez vous-même lavictime.

DOLMANCÉ&|160;: Cela ne sera pas difficile, puisqu’il ne s’agitque d’enlever cette gaze pour distinguer à nu les plus touchantsattraits. (Il la met nue, et ses premiers regards se portentaussitôt sur le derrière.) Je vais donc le voir ce cul divinet précieux que j’ambitionne avec tant d’ardeur… Sacredieu&|160;!que d’embonpoint et de fraîcheur, que d’éclat et d’élégance&|160;!…Je n’en vis jamais un plus beau.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Ah&|160;! fripon, comme tes premiershommages prouvent tes plaisirs et tes goûts&|160;!

DOLMANCÉ&|160;: Mais peut-il être au monde rien qui vaillecela&|160;? Où l’Amour aurait-il de plus divins autels&|160;?…Eugénie… sublime Eugénie, que j’accable ce cul des plus doucescaresses.

Il le manie et le baise avec transport.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Arrêtez, libertin, vous oubliez qu’àmoi seule appartient Eugénie, unique prix des leçons qu’elle attendde vous&|160;; ce n’est qu’après les avoir reçues qu’elle deviendravotre récompense&|160;: suspendez cette ardeur, ou je me fâche.

DOLMANCÉ&|160;: Ah&|160;! friponne&|160;; c’est de la jalousie…Eh bien, livrez-moi le vôtre, je vais l’accabler des mêmeshommages. (Il enlève la simarre deMme&|160;de&|160;Saint-Ange et lui caresse lederrière.) Ah&|160;! qu’il est beau, mon ange… qu’il estdélicieux aussi, que je les compare… que je les admire l’un près del’autre, c’est Ganymède à côté de Vénus. (Il les accable debaisers tous deux.) Afin de laisser toujours sous mes yeux lespectacle enchanteur de tant de beautés, ne pourriez-vous pas,madame, en vous enchaînant l’une à l’autre, offrir sans cesse à mesregards ces culs charmants que j’idolâtre&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: À merveille… Tenez, êtes-voussatisfait&|160;?

Elles s’enlacent l’une dans l’autre, de manière à ce queleurs deux culs soient en face de Dolmancé.

DOLMANCÉ&|160;: On ne saurait davantage&|160;: voilà précisémentce que je demandais&|160;; agitez maintenant ces beaux culs de toutle feu de la lubricité&|160;; qu’ils se baissent et se relèvent encadence, qu’ils suivent les impressions dont le plaisir va lesmouvoir… Bien, bien, c’est délicieux&|160;!

EUGÉNIE&|160;: Ah&|160;! ma bonne, que tu me fais de plaisir…Comment appelle-t-on ce que nous faisons là&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Se branler, ma mie,… se donnerdu plaisir&|160;; mais, tiens, changeons de posture, examine moncon… c’est ainsi que se nomme le temple de Vénus&|160;;cet antre que ta main couvre, examine-le bien, je vaisl’entrouvrir&|160;; cette élévation dont tu vois qu’il est couronnés’appelle la motte&|160;; elle se garnit de poilscommunément à quatorze ou quinze ans, quand une fille commence àêtre réglée. Cette languette qu’on trouve au-dessous se nomme leclitoris. Là gît toute la sensibilité des femmes, c’est lefoyer de toute la mienne&|160;; on ne saurait me chatouiller cettepartie sans me voir pâmer de plaisir… Essaie-le… Ah&|160;! petitefriponne, comme tu y vas… On dirait que tu n’as fait que cela touteta vie…, arrête… arrête… Non, te dis-je, je ne veux pas me livrer…Ah contenez-moi, Dolmancé, sous les doigts enchanteurs de cettejolie fille, je suis prête à perdre la tête.

DOLMANCÉ&|160;: Eh bien&|160;! pour attiédir, s’il se peut, vosidées en les variant, branlez-la vous-même&|160;; contenez-vous, etqu’elle seule se livre… Là, oui, dans cette attitude&|160;; sonjoli cul, de cette manière, va se trouver sous mes mains&|160;; jevais le polluer légèrement d’un doigt… Livrez-vous,Eugénie, abandonnez tous vos sens au plaisir, qu’il soit le seuldieu de votre existence&|160;; c’est à lui seul qu’une jeune filledoit tout sacrifier, et rien à ses yeux ne doit être aussi sacréque le plaisir.

EUGÉNIE&|160;: Ah&|160;! rien au moins n’est aussi délicieux, jel’éprouve… Je suis hors de moi… Je ne sais plus ce que je dis, nice que je fais… quelle ivresse s’empare de mes sens&|160;!

DOLMANCÉ&|160;: Comme la petite friponne décharge… Son anus seresserre à me couper le doigt… Qu’elle serait délicieuse à enculerdans cet instant&|160;!

Il se lève et présente son vit au trou du cul de la jeunefille.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Encore un moment de patience. Quel’éducation de cette chère fille nous occupe seule… Il est si douxde la former.

DOLMANCÉ&|160;: Eh bien&|160;! Tu le vois, Eugénie, après unepollution plus ou moins longue, les glandes séminales se gonflentet finissent par exhaler une liqueur dont l’écoulement plonge lafemme dans le transport le plus délicieux. Cela s’appelledécharger, quand ta bonne amie le voudra, je te ferai voirde quelle manière plus énergique et plus impérieuse cette mêmeopération se fait dans les hommes.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Attends, Eugénie, je vais maintenantt’apprendre une nouvelle manière de plonger une femme dans la plusextrême volupté, écarte bien tes cuisses… Dolmancé, vous voyez quede la façon dont je la place son cul vous reste, gamahuchez-le-luipendant que son con va l’être par ma langue, et faisons-la pâmerentre nous, ainsi, trois ou quatre fois de suite, s’il se peut. Tamotte est charmante, Eugénie, que j’aime à baiser ce petit poilfollet… Ton clitoris, que je vois mieux maintenant, est peu formé,mais bien sensible… Comme tu frétilles… Laisse-moi t’écarter…Ah&|160;! tu es bien sûrement vierge, dis-moi l’effet que tu vaséprouver dès que nos langues vont s’introduire, à la fois, dans tesdeux ouvertures.

On exécute.

EUGÉNIE&|160;: Ah&|160;! ma chère. C’est délicieux, c’est unesensation impossible à peindre&|160;; il me serait bien difficilede dire laquelle de vos deux langues me plonge mieux dans ledélire.

DOLMANCÉ&|160;: Par l’attitude où je me place, mon vit est trèsprès de vos mains, madame&|160;; daignez le branler, je vous prie,pendant que je suce ce cul divin. Enfoncez davantage votre langue,madame, ne vous en tenez pas à lui sucer le clitoris, faitespénétrer cette langue voluptueuse jusque dans la matrice, c’est lameilleure façon de hâter l’éjaculation de son foutre.

EUGÉNIE, se roidissant&|160;: Ah&|160;! je n’en peuxplus, je me meurs, ne m’abandonnez pas, mes amis, je suis prête àm’évanouir.

Elle décharge au milieu de ses deux instituteurs.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Eh bien&|160;! ma mie, comment tetrouves-tu du plaisir que nous t’avons donné&|160;?

EUGÉNIE&|160;: Je suis morte, je suis brisée…, je suis anéantie…Mais expliquez-moi, je vous prie, deux mots que vous avez prononcéset que je n’entends pas&|160;; d’abord que signifiematrice&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: C’est une espèce de vase ressemblant àune bouteille dont le cou embrasse le membre de l’homme, et quireçoit le foutre produit chez la femme par le suintement desglandes, et, dans l’homme, par l’éjaculation que nous te feronsvoir&|160;; et du mélange de ces liqueurs naît le germe qui produittour à tour des garçons ou des filles.

EUGÉNIE&|160;: Ah&|160;! j’entends&|160;; cette définitionm’explique en même temps le mot foutre que je n’avais pasd’abord bien compris. Et l’union des semences est-elle nécessaire àla formation du fœtus&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Assurément, quoiqu’il soit néanmoinsprouvé que ce fœtus ne doive son existence qu’au foutre del’homme&|160;; élancé seul, sans mélange avec celui de la femme, ilne réussirait cependant pas&|160;; mais celui que nous fournissonsne fait qu’élaborer, il ne crée point, il aide à la création, sansen être la cause&|160;; plusieurs naturalistes modernes prétendentmême qu’il est inutile, d’où les moralistes, toujours guidés par ladécouverte de ceux-ci, ont conclu, avec assez de vraisemblance,qu’en ce cas l’enfant formé du sang du père ne devait de tendressequ’à lui. Cette assertion n’est point sans apparence, et, quoiquefemme, je ne m’aviserais pas de la combattre.

EUGÉNIE&|160;: Je trouve dans mon cœur la preuve de ce que tu medis, ma bonne, car j’aime mon père à la folie, et je sens que jedéteste ma mère.

DOLMANCÉ&|160;: Cette prédilection n’a rien d’étonnant&|160;;j’ai pensé tout de même&|160;; je ne suis pas encore consolé de lamort de mon père, et lorsque je perdis ma mère, je fis un feu dejoie… je la détestais cordialement. Adoptez, sans crainte, cesmêmes sentiments, Eugénie, ils sont dans la nature. Uniquementformés du sang de nos pères, nous ne devons absolument rien à nosmères, elles n’ont fait d’ailleurs que se prêter dans l’acte, aulieu que le père l’a sollicité&|160;; le père a donc voulu notrenaissance pendant que la mère n’a fait qu’y consentir&|160;; quelledifférence pour les sentiments&|160;!

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Mille raisons de plus sont en tafaveur, Eugénie&|160;; s’il est une mère au monde qui doive êtredétestée, c’est assurément la tienne, acariâtre, superstitieuse,dévote, grondeuse… et d’une pruderie révoltante&|160;; je gageraisque cette bégueule n’a pas fait un faux pas dans sa vie&|160;;ah&|160;! ma chère, que je déteste les femmes vertueuses… mais nousy reviendrons.

DOLMANCÉ&|160;: Ne serait-il pas nécessaire, à présent,qu’Eugénie, dirigée par moi, apprît à rendre ce que vous venez delui prêter, et qu’elle vous branlât sous mes yeux&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: J’y consens, je le crois même utile, etsans doute que, pendant l’opération, vous voulez aussi voir moncul, Dolmancé&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: Pouvez-vous douter, madame, du plaisir aveclequel je lui rendrai mes plus doux hommages&|160;?

MME DE SAINT-ANGE, lui présentant les fesses&|160;: Ehbien&|160;! me trouvez-vous comme il faut ainsi&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: À merveille, je puis au mieux vous rendre, decette manière, les mêmes services dont Eugénie s’est si bientrouvée. Placez-vous à présent, petite folle, la tête bien entreles jambes de votre amie, et rendez-lui, avec votre jolie langue,les mêmes soins que vous venez d’en obtenir. Comment donc&|160;!mais par l’attitude je pourrai posséder vos deux culs, je manieraidélicieusement celui d’Eugénie, en suçant celui de sa belle amie…Là, bien… Voyez comme nous sommes ensemble.

MME DE SAINT-ANGE, se pâmant&|160;: Je me meurs,sacredieu&|160;!… Dolmancé, que j’aime à toucher ton beau vit,pendant que je décharge… Je voudrais qu’il m’inondât de foutre…Branlez… sucez-moi, foutredieu&|160;! Ah&|160;! que j’aime à fairela putain quand mon sperme éjacule ainsi… C’est fini, jen’en puis plus… vous m’avez accablée tous les deux, je crois que demes jours je n’eus tant de plaisir.

EUGÉNIE&|160;: Que je suis aise d’en être la cause&|160;; maisun mot, chère amie, un mot vient de t’échapper encore, et je nel’entends pas. Qu’entends-tu par cette expression deputain&|160;? Pardon, mais tu sais que je suis ici pourm’instruire.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: On appelle de cette manière, ma toutebelle, ces victimes publiques de la débauche des hommes, toujoursprêtes à se livrer à leur tempérament ou à leur intérêt&|160;;heureuses et respectables créatures, que l’opinion flétrit, maisque la volupté couronne, et qui, bien plus nécessaires à la sociétéque les prudes, ont le courage de sacrifier pour la servir, laconsidération que cette société ose leur enlever injustement.Vivent celles que ce titre honore à leurs yeux&|160;! Voilà lesfemmes vraiment aimables, les seules véritablementphilosophes&|160;! Quant à moi, ma chère, qui depuis douze anstravaille à le mériter, je t’assure que loin de m’en formaliser, jem’en amuse&|160;; il y a mieux, j’aime qu’on me nomme ainsi quandon me fout, cette injure m’échauffe la tête.

EUGÉNIE&|160;: Oh&|160;! je le conçois, ma bonne, je ne seraispas fâchée non plus que l’on me l’adressât, encore bien moins d’enmériter le titre&|160;; mais la vertu ne s’oppose-t-elle pas à unetelle inconduite, et ne l’offensons-nous pas en nous comportantcomme nous le faisons&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: Ah&|160;! renonce aux vertus, Eugénie, est-il unseul des sacrifices qu’on puisse faire à ces fausses divinités, quivaille une minute des plaisirs que l’on goûte en lesoutrageant&|160;? Va, la vertu n’est qu’une chimère dont le cultene consiste qu’à des immolations perpétuelles, qu’à des révoltessans nombre contre les inspirations du tempérament&|160;; de telsmouvements peuvent-ils être naturels&|160;? la Natureconseille-t-elle ce qui l’outrage&|160;? Ne sois pas la dupe,Eugénie, de ces femmes que tu entends nommer vertueuses, ce ne sontpas, si tu veux, les mêmes passions que nous qu’elles servent, maiselles en ont d’autres, et souvent bien plus méprisables… C’estl’ambition, c’est l’orgueil, ce sont des intérêts particuliers,souvent encore la froideur seule d’un tempérament qui ne leurconseille rien&|160;; devons-nous quelque chose à de pareils êtres,je le demande&|160;? n’ont-elles pas suivi les uniques impressionsde l’amour de soi&|160;? Est-il donc meilleur, plus sage, plus àpropos de sacrifier à l’égoïsme qu’aux passions&|160;? Pour moi, jecrois que l’un vaut bien l’autre, et qui n’écoute que cettedernière voix, a bien plus de raison sans doute, puisqu’elle estseule l’organe de la Nature, tandis que l’autre n’est que celle dela sottise et du préjugé. Une seule goutte de foutre éjaculée de cemembre, Eugénie, m’est plus précieuse que les actes les plussublimes d’une vertu que je méprise.

EUGÉNIE (Le calme s’étant un peu rétabli pendant cesdissertations, les femmes revêtues de leurs simarres, sont à demicouchées sur le canapé, et Dolmancé auprès d’elles dans un grandfauteuil)&|160;: Mais il est des vertus de plus d’une espèceque pensez-vous, par exemple, de la piété&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: Que peut être cette vertu pour qui ne croit pasà la religion&|160;? et qui peut croire à la religion&|160;?Voyons, raisonnons avec ordre, Eugénie, n’appelez-vous pas religionle pacte qui lie l’homme à son Créateur, et qui l’engage à luitémoigner, par un culte, la reconnaissance qu’il a de l’existencereçue de ce sublime auteur&|160;?

EUGÉNIE&|160;: On ne peut mieux le définir.

DOLMANCÉ&|160;: Eh bien&|160;! s’il est démontré que l’homme nedoit son existence qu’aux plans irrésistibles de la Nature&|160;;s’il est prouvé qu’aussi ancien sur ce globe que le globe même, iln’est, comme le chêne, comme le lion, comme les minéraux qui setrouvent dans les entrailles de ce globe, qu’une productionnécessitée par l’existence du globe, et qui ne doit la sienne à quique ce soit&|160;; s’il est démontré que ce Dieu, que les sotsregardent comme auteur et fabricateur unique de tout ce que nousvoyons, n’est que le nec plus ultra de la raison humaine,que le fantôme créé à l’instant où cette raison ne voit plus rien,afin d’aider à ses opérations&|160;; s’il est prouvé quel’existence de ce Dieu est impossible, et que la Nature, toujoursen action, toujours en mouvement, tient d’elle-même ce qu’il plaîtaux sots de lui donner gratuitement&|160;; s’il est certain qu’àsupposer que cet être inerte existât, ce serait assurément le plusridicule de tous les êtres, puisqu’il n’aurait servi qu’un seuljour, et que depuis des millions de siècles il serait dans uneinaction méprisable&|160;; qu’à supposer qu’il existât, comme lesreligions nous le peignent, ce serait assurément le plus détestabledes êtres, puisqu’il permettrait le mal sur la terre, tandis que satoute-puissance pourrait l’empêcher&|160;; si, dis-je, tout cela setrouvait prouvé, comme cela l’est incontestablement, croyez-vousalors, Eugénie, que la piété qui lierait l’homme à ce Créateurimbécile, insuffisant, féroce et méprisable, fût une vertu biennécessaire&|160;?

EUGÉNIE, àMme&|160;de&|160;Saint-Ange&|160;: Quoi&|160;!réellement, mon aimable amie, l’existence de Dieu serait unechimère&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Et des plus méprisables, sansdoute.

DOLMANCÉ&|160;: Il faut avoir perdu le sens pour y croire&|160;;fruit de la frayeur des uns et de la faiblesse des autres, cetabominable fantôme, Eugénie, est inutile au système de la terre, ily nuirait infailliblement, puisque ses volontés, qui devraient êtrejustes, ne pourraient jamais s’allier avec les injusticesessentielles aux lois de la nature, qu’il devrait constammentvouloir le bien, et que la nature ne doit le désirer qu’encompensation du mal qui sert à ses lois, qu’il faudrait qu’il agîttoujours, et que la nature, dont cette action perpétuelle est unedes lois, ne pourrait que se trouver en concurrence et enopposition perpétuelle avec lui. Mais dira-t-on à cela que dieu etla nature sont la même chose, ne serait-ce pas une absurdité&|160;?La chose créée ne peut être égale à l’être créant&|160;; est-ilpossible que la montre soit l’horloger&|160;? Eh bien,continuera-t-on, la nature n’est rien, c’est dieu qui est tout,autre bêtise&|160;; il y a nécessairement deux choses dansl’univers, l’agent créateur, et l’individu créé&|160;; or, quel estcet agent créateur, voilà la seule difficulté qu’il faut résoudre,c’est la seule question à laquelle il faille répondre. Si lamatière agit, se meut, par des combinaisons qui nous sontinconnues, si le mouvement est inhérent à la matière, si elle seuleenfin peut, en raison de son énergie, créer, produire, conserver,maintenir, balancer dans les plaines immenses de l’espace tous lesglobes dont la vue nous surprend et dont la marche uniforme,invariable, nous remplit de respect et d’admiration, quel sera lebesoin de chercher alors un agent étranger à tout cela, puisquecette faculté active se trouve essentiellement dans la natureelle-même, qui n’est autre chose que la matière en action, votrechimère déifique éclaircira-t-elle quelque chose&|160;? Je défiequ’on puisse me le prouver&|160;; à supposer que je me trompe surles facultés internes de la matière, je n’ai du moins devant moiqu’une difficulté&|160;; que faites-vous en m’offrant votreDieu&|160;? vous m’en donnez une de plus, et comment voulez-vousque j’admette pour cause de ce que je ne comprends pas quelquechose que je comprends encore moins&|160;? Sera-ce au moyen desdogmes de la religion chrétienne que j’examinerai… que je mereprésenterai votre effroyable dieu, voyons un peu comme elle me lepeint, que vois-je dans le dieu de ce culte infâme, si ce n’est pasun être inconséquent et barbare, créant aujourd’hui un monde, de laconstruction duquel il se repent demain&|160;; qu’y vois-je, qu’unêtre faible qui ne peut jamais faire prendre à l’homme le pli qu’ilvoudrait. Cette créature quoique émanée de lui le domine, elle peutl’offenser et mériter par là des supplices éternels, quel êtrefaible que ce dieu-là&|160;! Comment, il a pu créer tout ce quenous voyons, et il lui est impossible de former un homme à saguise&|160;! Mais, me répondez-vous à cela, s’il l’eût créé tel,l’homme n’eût pas eu de mérite, quelle platitude&|160;! et quellenécessité y a-t-il à ce que l’homme mérite de son Dieu&|160;? En leformant tout à fait bon il n’aurait jamais pu faire le mal, et dece moment seul l’ouvrage était digne d’un Dieu, c’est tenterl’homme que de lui laisser un choix&|160;; or Dieu par saprescience infinie savait bien ce qu’il en résulterait&|160;; de cemoment c’est donc à plaisir qu’il perd la créature que lui-même aformée, quel horrible dieu que ce dieu-là, quel monstre&|160;! quelscélérat plus digne de notre haine et de notre implacablevengeance&|160;? Cependant, peu content d’une aussi sublimebesogne, il noie l’homme pour le convertir, il le brûle, il lemaudit, rien de tout cela ne le change, un être plus puissant quece vilain dieu, le Diable, conservant toujours son empire,pouvant toujours braver son auteur, parvient sans cesse par sesséductions à débaucher le troupeau que s’était réservé l’Éternel,rien ne peut vaincre l’énergie de ce démon sur nous&|160;;qu’imagine alors, selon vous, l’horrible dieu que vous prêchez, iln’a qu’un fils, un fils unique qu’il possède de je ne sais quelcommerce, car comme l’homme fout, il a voulu que son dieufoutît également&|160;; il détache du ciel cetterespectable portion de lui-même&|160;; on s’imagine peut-être quec’est sur des rayons célestes, au milieu du cortège des anges, à lavue de l’univers entier que celle sublime créature va paraître… Pasun mot&|160;; c’est dans le sein d’une putain juive&|160;; c’est aumilieu d’une étable à cochons que s’annonce le dieu qui vientsauver la terre&|160;; voilà la digne extraction qu’on luiprête&|160;; mais son honorable mission nousdédommagera-t-elle&|160;? Suivons un instant le personnage, quedit-il&|160;? que fait-il&|160;? quelle sublime missionrecevons-nous de lui&|160;? quel mystère va-t-il révéler&|160;?quel dogme va-t-il nous prescrire&|160;? dans quels actes enfin sagrandeur va-t-elle éclater&|160;? Je vois d’abord une enfanceignorée, quelques services, très libertins sans doute, rendus parce polisson, aux prêtres du temple de Jérusalem&|160;; ensuite unedisparution[2] de quinze ans, pendant laquelle le friponva s’empoisonner de toutes les rêveries de l’école égyptienne qu’ilrapporte enfin en Judée&|160;; à peine y reparaît-il que sa démencedébute par lui faire dire qu’il est le fils de dieu, égal à sonpère, il associe à cette alliance un autre fantôme qu’il appellel’esprit saint, et ces trois personnes assure-t-il, ne doivent enfaire qu’une&|160;; plus ce ridicule mystère étonne la raison, plusle faquin assure qu’il y a du mérite à l’adopter… de dangers àl’anéantir. C’est pour nous sauver tous, assure l’imbécile, qu’il apris chair, quoique dieu, dans le sein d’un enfant deshommes&|160;; et les miracles éclatants qu’on va lui voir opérer enconvaincront bientôt l’univers&|160;; dans un souper d’ivrognes, eneffet, le fourbe change, à ce qu’on dit, l’eau en vin&|160;; dansun désert il nourrit quelques scélérats avec des provisions cachéesque ses sectateurs préparèrent. Un de ses camarades fait le mort,notre imposteur le ressuscite. Il se transporte sur une montagne,et là, seulement devant deux ou trois de ses amis, il fait un tourde passe-passe dont rougirait le plus mauvais bateleur de nosjours. Maudissant d’ailleurs avec enthousiasme tous ceux qui necroient pas en lui, le coquin promet les cieux à tous les sots quil’écouteront&|160;; il n’écrit rien vu son ignorance, parle fortpeu vu sa bêtise, fait encore moins vu sa faiblesse, et lassant àla fin les magistrats, impatientés de ses discours séditieux,quoique fort rares, le charlatan se fait mettre en croix aprèsavoir assuré les gredins qui le suivent que, chaque fois qu’ilsl’invoqueront, il descendra vers eux pour s’en faire manger&|160;;on le supplicie, il se laisse faire&|160;; monsieur son Papa, ceDieu sublime, dont il ose dire qu’il descend, ne lui donne pas lemoindre secours, et voilà le coquin traité comme le dernier desscélérats, dont il était si digne d’être le chef. Ses satellitess’assemblent&|160;; «&|160;Nous voilà perdus, disent-ils, et toutesnos espérances évanouies, si nous ne nous sauvons par un coupd’éclat. Enivrons la garde qui entoure Jésus, dérobons son corps,publions qu’il est ressuscité, le moyen est sûr&|160;; si nousparvenons à faire croire cette friponnerie, notre nouvelle religions’étaie, se propage, elle séduit le monde entier…Travaillons&|160;»&|160;: le coup s’entreprend, il réussit&|160;; àcombien de fripons la hardiesse n’a-t-elle pas tenu lieu de mériteLe corps est enlevé, les sots, les femmes, les enfants crient, tantqu’ils le peuvent, au miracle, et cependant dans cette ville où desi grandes merveilles viennent de s’opérer, dans cette ville,teinte du sang d’un Dieu, personne ne veut croire à ce Dieu&|160;;pas une conversion ne s’y opère, il y a mieux&|160;: le fait est sipeu digne d’être transmis, qu’aucun historien n’en parle. Les seulsdisciples de cet imposteur pensent à tirer parti de la fraude, maisnon pas dans le moment, cette considération est encore bienessentielle&|160;; ils laissent écouler plusieurs années avant defaire usage de leur fourberie&|160;; ils érigent enfin sur ellel’édifice chancelant de leur dégoûtante doctrine&|160;; toutchangement plait aux hommes. Las du despotisme des empereurs, unerévolution devenait nécessaire&|160;: on écoute ces fourbes, leurprogrès devient très rapide, c’est l’histoire de toutes leserreurs. Bientôt les autels de Vénus et de Mars sont changés enceux de Jésus et de Marie, on publie la vie de l’imposteur, ce platroman trouve des dupes, on lui fait dire cent choses auxquelles iln’a jamais pensé&|160;; quelques-uns de ses propos saugrenusdeviennent aussitôt la base de sa morale, et comme cette nouveautése prêchait à des pauvres, la charité en devient la première vertu,des rites bizarres s’instituent sous le nom de sacrements,dont le plus indigne et le plus abominable de tous est celui parlequel un prêtre, couvert de crimes, a néanmoins, par la vertu dequelques paroles magiques, le pouvoir de faire arriver Dieu dans unmorceau de pain. N’en doutons pas, dès sa naissance même ce culteindigne eût été détruit sans ressource, si l’on n’eût employécontre lui que les armes du mépris qu’il méritait&|160;; mais ons’avisa de le persécuter, il s’accrut, le moyen était inévitable.Qu’on essaie encore aujourd’hui de le couvrir de ridicule, iltombera&|160;: l’adroit Voltaire n’employait jamais d’autres armes,et c’est de tous les écrivains celui qui peut se flatter d’avoirfait le plus de prosélytes. En un mot, Eugénie, telle estl’histoire de Dieu et de la religion&|160;; voyez le cas que cesfables méritent, et déterminez-vous sur leur compte.

EUGÉNIE&|160;: Mon choix n’est pas embarrassant, je méprisetoutes ces rêveries dégoûtantes, et ce Dieu même auquel je tenaisencore par faiblesse ou par ignorance, n’est plus pour moi qu’unobjet d’horreur.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Jure-moi bien de n’y plus penser, de net’en occuper jamais, de ne l’invoquer en aucun instant de ta vie,et de n’y revenir de tes jours.

EUGÉNIE, se précipitant sur le sein deMme&|160;de&|160;Saint-Ange&|160;: Ah&|160;! j’enfais le serment dans tes bras, ne m’est-il pas facile de voir quece que tu exiges est pour mon bien, et que tu ne veux pas que depareilles réminiscences puissent jamais troubler matranquillité.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Pourrais-je avoir d’autremotif&|160;?

EUGÉNIE&|160;: Mais, Dolmancé, c’est, ce me semble, l’analysedes vertus qui nous a conduits à l’examen des religions&|160;;revenons-y. N’existerait-il pas dans cette religion, toute ridiculequ’elle est, quelques vertus prescrites par elle, et dont le cultepût contribuer à notre bonheur&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: Eh bien&|160;! examinons. Sera-ce la chasteté,Eugénie, cette vertu que vos yeux détruisent, quoique votreensemble en soit l’image&|160;? Révérerez-vous l’obligation decombattre tous les mouvements de la nature, les sacrifierez-voustous au vain et ridicule honneur de n’avoir jamais unefaiblesse&|160;? Soyez juste, et répondez, belle amie&|160;:croyez-vous trouver dans cette absurde et dangereuse pureté d’âmetous les plaisirs du vice contraire&|160;?

EUGÉNIE&|160;: Non, d’honneur, je ne veux point de celle-là, jene me sens pas le moindre penchant à être chaste, et la plus grandedisposition au vice contraire&|160;; mais, Dolmancé, lacharité, la bienfaisance, ne pourraient-elles pasfaire le bonheur de quelques âmes sensibles&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: Loin de nous, Eugénie, les vertus qui ne fontque des ingrats&|160;; mais ne t’y trompe point d’ailleurs, macharmante amie&|160;; la bienfaisance est bien plutôt un vice del’orgueil, qu’une véritable vertu de l’âme&|160;; c’est parostentation qu’on soulage ses semblables, jamais dans la seule vuede faire une bonne action&|160;; on serait bien fâché que l’aumônequ’on vient de faire n’eût pas toute la publicité possible&|160;;ne t’imagine pas non plus, Eugénie, que cette action ait d’aussibon effets qu’on se l’imagine&|160;; je ne l’envisage, moi, quecomme la plus grande de toutes les duperies&|160;; elle accoutumele pauvre à des secours qui détériorent son énergie, il netravaille plus quand il s’attend à vos charités, et devient, dèsqu’elles lui manquent, un voleur ou un assassin. J’entends detoutes parts demander les moyens de supprimer la mendicité, et l’onfait pendant ce temps-là tout ce qu’on peut pour la multiplier.Voulez-vous ne pas avoir de mouches dans une chambre, n’y répandezpas de sucre pour les attirer. Voulez-vous ne pas avoir de pauvresen France, ne distribuez aucune aumône, et supprimez surtout vosmaisons de charité&|160;: l’individu né dans l’infortune, se voyantalors privé de ces ressources dangereuses, emploiera tout lecourage, tous les moyens qu’il aura reçus de la nature, pour setirer de l’état où il est né, il ne vous importunera plus&|160;;détruisez, renversez sans aucune pitié ces détestables maisons oùvous avez l’effronterie de receler les fruits du libertinage de cepauvre, cloaques épouvantables vomissant chaque jour dans lasociété un essaim dégoûtant de ces nouvelles créatures qui n’ontd’espoir que dans votre bourse&|160;; à quoi sert-il, je ledemande, que l’on conserve de tels individus avec tant desoin&|160;? A-t-on peur que la France ne se dépeuple&|160;?Ah&|160;! n’ayons jamais cette crainte&|160;! Un des premiers vicesde ce gouvernement consiste dans une population beaucoup tropnombreuse, et il s’en faut bien que de tels superflus soient desrichesses pour l’État. Ces êtres surnuméraires sont comme desbranches parasites qui, ne vivant qu’aux dépens du tronc, finissenttoujours par l’exténuer. Souvenez-vous que toutes les fois que,dans un gouvernement quelconque, la population sera supérieure auxmoyens de l’existence, ce gouvernement languira&|160;; examinezbien la France, vous verrez que c’est ce qu’elle vous offre, qu’enrésulte-t-il&|160;? On le voit. Le Chinois, plus sage que nous, segarde bien de se laisser dominer ainsi par une population tropabondante&|160;; point d’asile pour les fruits honteux de sadébauche, on abandonne ces affreux résultats comme les suites d’unedigestion. Point de maisons pour la pauvreté, on ne la connaîtpoint en Chine. Là, tout le monde travaille, là, tout le monde estheureux, rien n’altère l’énergie du pauvre, et chacun y peut direcomme Néron&|160;: Quid est pauper&|160;?

EUGÉNIE, àMme&|160;de&|160;Saint-Ange&|160;: Chère amie, monpère pense absolument comme Monsieur, de ses jours il ne fit unebonne œuvre, il ne cesse de gronder ma mère des sommes qu’elledépense à de telles pratiques&|160;: elle était de la SociétéMaternelle, de la Société Philanthropique, je nesais de quelle association elle n’était point&|160;; il l’acontrainte à quitter tout cela, en l’assurant qu’il la réduirait àla plus modique pension si elle s’avisait de retomber encore dansde pareilles sottises.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Il n’y a rien de plus ridicule, et enmême temps de plus dangereux, Eugénie, que toutes cesassociations&|160;; c’est à elles, aux écoles gratuites et auxmaisons de charité que nous devons le bouleversement horrible danslequel nous voici maintenant. Ne fais jamais d’aumône, ma chère, jet’en supplie.

EUGÉNIE&|160;: Ne crains rien, il y a longtemps que mon père aexigé de moi la même chose, et la bienfaisance me tente trop peupour enfreindre sur cela ses ordres… les mouvements de mon cœur, ettes désirs.

DOLMANCÉ&|160;: Ne divisons pas cette portion de sensibilité quenous avons reçue de la nature, c’est l’anéantir que del’étendre&|160;; que me font à moi les maux des autres, n’ai-jedonc point assez des miens, sans aller m’affliger de ceux qui mesont étrangers, que le foyer de cette sensibilité n’allume jamaisque nos plaisirs&|160;; soyons sensibles à tout ce qui les flatte,absolument inflexibles sur tout le reste, il résulte de cet état del’âme une sorte de cruauté qui n’est quelquefois pas sans délices,on ne peut pas toujours faire le mal, privés du plaisir qu’ildonne, équivalons au moins cette sensation par la méchancetépiquante de ne jamais faire le bien.

EUGÉNIE&|160;: Ah&|160;! Dieu, comme vos leçons m’enflamment, jecrois qu’on me tuerait plutôt maintenant que de me faire faire unebonne action.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Et s’il s’en présentait une mauvaise,serais-tu de même prête à la commettre&|160;?

EUGÉNIE&|160;: Tais-toi, séductrice, je ne répondrai sur celaque lorsque tu auras fini de m’instruire&|160;; il me paraît que,d’après tout ce que vous me dites, Dolmancé, rien n’est aussiindifférent sur la terre que d’y commettre le bien ou le mal&|160;;nos goûts, notre tempérament doivent seuls être respectés.

DOLMANCÉ&|160;: Ah&|160;! n’en doutez pas, Eugénie, ces mots device et de vertu ne nous donnent que des idéespurement locales, il n’y a aucune action, quelque singulière quevous puissiez la supposer, qui soit vraiment criminelle, aucune quipuisse réellement s’appeler vertueuse&|160;: tout est en raison denos mœurs, et du climat que nous habitons, ce qui fait crime ici,est souvent vertu quelque cent lieues plus bas, et les vertus d’unautre hémisphère pourraient bien réversiblement être des crimespour nous&|160;; il n’y a pas d’horreur qui n’ait été divinisée,pas une vertu qui n’ait été flétrie. De ces différences, purementgéographiques, naît le peu de cas que nous devons faire de l’estimeou du mépris des hommes, sentiments ridicules et frivoles au-dessusdesquels nous devons nous mettre au point même de préférer sanscrainte leur mépris pour peu que les actions qui nous le méritentsoient de quelque volupté pour nous.

EUGÉNIE&|160;: Mais il me semble pourtant qu’il doit y avoir desactions assez dangereuses, assez mauvaises en elles-mêmes pouravoir été généralement considérées comme criminelles, et puniescomme telles d’un bout de l’univers à l’autre.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Aucune, mon amour, aucune, pas même leviol, ni l’inceste, pas même le meurtre ni le parricide.

EUGÉNIE&|160;: Quoi&|160;! ces horreurs ont pu s’excuser quelquepart&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: Elles y ont été honorées, couronnées,considérées comme d’excellentes actions, tandis qu’en d’autreslieux, l’humanité, la candeur, la bienfaisance, la chasteté, toutesnos vertus, enfin, étaient regardées comme des monstruosités.

EUGÉNIE&|160;: Je vous prie de m’expliquer tout cela&|160;;j’exige une courte analyse de chacun de ces crimes, en vous priantde commencer par m’expliquer d’abord votre opinion sur lelibertinage des filles, ensuite sur l’adultère des femmes.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Écoute-moi donc, Eugénie, il estabsurde de dire qu’aussitôt qu’une fille est hors du sein de samère, elle doive, de ce moment, devenir la victime de la volonté deses parents, pour rester telle jusqu’à son dernier soupir. Ce n’estpas dans un siècle où l’étendue et les droits de l’homme viennentd’être approfondis avec tant de soins, que de jeunes filles doiventcontinuer à se croire l’esclave de leurs familles, quand il estconstant que les pouvoirs de ces familles sur elle sont absolumentchimériques&|160;; écoutons la nature sur un objet aussiintéressant, et que les lois des animaux, bien plus rapprochéesd’elle, nous servent un moment d’exemples&|160;; les devoirspaternels s’étendent-ils chez eux au-delà des premiers besoinsphysiques, les fruits de la jouissance du mâle et de la femelle nepossèdent-ils pas toute leur liberté, tous leurs droits&|160;?Sitôt qu’ils peuvent marcher et se nourrir seuls, dès cet instantles auteurs de leurs jours les connaissent-ils&|160;? et euxcroient-ils devoir quelque chose à ceux qui leur ont donné lavie&|160;? Non, sans doute. De quel droit les enfants des hommessont-ils donc astreints à d’autres devoirs&|160;? et qui lesfondent ces devoirs, si ce n’est l’avarice ou l’ambition despères&|160;? Or je demande s’il est juste qu’une jeune fille quicommence à sentir et à raisonner, se soumette à de telsfreins&|160;? N’est-ce donc pas le préjugé tout seul qui prolongeces chaînes&|160;? Et y a-t-il rien de plus ridicule que de voirune jeune fille de quinze ou seize ans, brûlée par des désirsqu’elle est obligée de vaincre, attendre dans des tourments, piresque ceux des Enfers, qu’il plaise à ses parents, après avoir rendusa jeunesse malheureuse, de sacrifier encore son âge mûr, enl’immolant à leur perfide cupidité, en l’associant, malgré elle, àun époux, ou qui n’a rien pour se faire aimer, ou qui a tout pourse faire haïr&|160;! Eh&|160;! non, non, Eugénie, de tels lienss’anéantiront bientôt&|160;; il faut que, dégageant dès l’âge deraison la jeune fille de la maison paternelle, après lui avoirdonné une éducation nationale, on la laisse maîtresse, à quinzeans, de devenir ce qu’elle voudra&|160;: donnera-t-elle dans levice&|160;? Eh qu’importe&|160;! Les services que rend une jeunefille, en consentant à faire le bonheur de tous ceux quis’adressent à elle, ne sont-ils pas infiniment plus importants queceux qu’en s’isolant elle offre à son époux&|160;? La destinée dela femme est d’être comme la chienne, comme la louve&|160;; elledoit appartenir à tous ceux qui veulent d’elle&|160;; c’estvisiblement outrager la destination que la nature impose auxfemmes, que de les enchaîner par le lien absurde d’un hymensolitaire. Espérons qu’on ouvrira les yeux, et qu’en assurant laliberté de tous les individus, on n’oubliera pas le sort desmalheureuses filles&|160;; mais si elles sont assez à plaindre pourqu’on les oublie, que, se plaçant d’elles-mêmes au-dessus del’usage et du préjugé, elles foulent hardiment aux pieds les fershonteux dont on prétend les asservir, elles triompheront bientôtalors de la coutume et de l’opinion&|160;; l’homme devenu plussage, parce qu’il sera plus libre, sentira l’injustice qu’il yaurait à mépriser celles qui agiront ainsi et que l’action de céderaux impulsions de la nature, regardée comme un crime chez un peuplecaptif, ne peut plus l’être chez un peuple libre. Pars donc de lalégitimité de ces principes, Eugénie, et brise tes fers à quelqueprix que ce puisse être&|160;; méprise les vaines remontrancesd’une mère imbécile à qui tu ne dois légitimement que de la haineet que du mépris&|160;; si ton père qui est un libertin te désire,à la bonne heure, qu’il jouisse de toi, mais sanst’enchaîner&|160;; brise le joug s’il veut t’asservir, plus d’unefille ont agi de même avec leur père. Fous, en un mot, fous, c’estpour cela que tu es mise au monde&|160;; aucunes bornes à tesplaisirs, que celles de tes forces ou de tes volontés&|160;; aucuneexception de lieux, de temps et de personnes&|160;; toutes lesheures, tous les endroits, tous les hommes doivent servir à tesvoluptés&|160;; la continence est une vertu impossible dont lanature, violée dans ses droits, nous punit aussitôt par millemalheurs. Tant que les lois seront telles qu’elles sont encoreaujourd’hui, usons de quelques voiles, l’opinion nous ycontraint&|160;; mais dédommageons-nous en silence de cettechasteté cruelle que nous sommes obligées d’avoir en public. Qu’unejeune fille travaille à se procurer une bonne amie qui, libre etdans le monde, puisse lui en faire secrètement goûter lesplaisirs&|160;; qu’elle tâche, au défaut de cela, de séduire lesargus dont elle est entourée, qu’elle les supplie de la prostituer,et leur promettant tout l’argent qu’ils pourront retirer de savente, ou ces argus par eux-mêmes, ou des femmes qu’ils trouveront,et qu’on nomme Maquerelles, rempliront bientôt les vues dela jeune fille&|160;; qu’elle jette alors de la poudre aux yeux detout ce qui l’entoure, frères, cousins, amis, parents, qu’elle selivre à tous, si cela est nécessaire pour cacher sa conduite&|160;;qu’elle fasse même, si cela est exigé, le sacrifice de ses goûts etde ses affections&|160;; une intrigue qui lui aura déplu, et danslaquelle elle ne se sera livrée que par politique, la mènerabientôt dans une plus agréable, et la voilà lancée.

Mais qu’elle ne revienne plus sur les préjugés de son enfance,menaces, exhortations, devoirs, vertus, religion, conseils, qu’ellefoule tout aux pieds, qu’elle rejette et méprise opiniâtrement toutce qui ne tend qu’à la renchaîner, tout ce qui ne vise point, en unmot, à la livrer au sein de l’impudicité. C’est une extravagance denos parents, que ces prédictions de malheurs dans la voie dulibertinage&|160;; il y a des épines partout, mais les roses setrouvent au-dessus d’elles dans la carrière du vice&|160;; il n’y aque dans les sentiers bourbeux de la vertu que la nature n’en faitjamais naître. Le seul écueil à redouter dans la première de cesroutes, c’est l’opinion des hommes&|160;; mais quelle est la filled’esprit qui, avec un peu de réflexion, ne se rendra pas supérieureà cette méprisable opinion&|160;? Les plaisirs reçus par l’estime,Eugénie, ne sont que des plaisirs moraux, uniquement convenables àcertaines têtes&|160;; ceux de la fouterie plaisent àtous, et ces attraits séducteurs dédommagent bientôt de ce méprisillusoire auquel il est difficile d’échapper en bravant l’opinionpublique, mais dont plusieurs femmes sensées se sont moquées aupoint de s’en composer un plaisir de plus. Fous, Eugénie, fousdonc, mon cher ange, ton corps est à toi, à toi seule, il n’y a quetoi seule au monde qui aies le droit d’en jouir et d’en faire jouirqui bon te semble&|160;; profite du plus heureux temps de tavie&|160;; elles ne sont que trop courtes ces heureuses années denos plaisirs&|160;! Si nous sommes assez heureux pour en avoirjoui, de délicieux souvenirs nous consolent, et nous amusent encoredans notre vieillesse&|160;; les avons-nous perdus&|160;?… Desregrets amers, d’affreux remords nous déchirent, et se joignent auxtourments de l’âge pour entourer de larmes et de ronces lesfunestes approches du cercueil… Aurais-tu la folie del’immortalité&|160;? Eh bien c’est en foutant, ma chère, que turesteras dans la mémoire des hommes&|160;; on a bientôt oublié lesLucrèce, tandis que les Théodore et les Messaline font les plusdoux entretiens et les plus fréquents de la vie. Comment donc,Eugénie, ne pas préférer un parti qui, nous couronnant de fleursici-bas, nous laisse encore l’espoir d’un culte bien au-delà dutombeau&|160;? Comment, dis-je, ne pas préférer ce parti à celuiqui, nous faisant végéter imbécilement sur la terre, ne nous prometaprès notre existence que du mépris et de l’oubli&|160;?

EUGÉNIE, àMme&|160;de&|160;Saint-Ange&|160;: Ah&|160;! cheramour, comme ces discours séducteurs enflamment ma tête etséduisent mon âme, je suis dans un état difficile à peindre… Et,dis-moi, pourras-tu me faire connaître quelques-unes de ces femmes…(troublée) qui me prostitueront, si je leur dis&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: D’ici à ce que tu aies plusd’expérience, cela ne regarde que moi seule, Eugénie, rapporte-t’enà moi de ce soin, et plus encore à toutes les précautions que jeprendrai pour couvrir tes égarements&|160;; mon frère, et cet amisolide qui t’instruit, seront les premiers auxquels je veux que tute livres&|160;; nous en trouverons d’autres après&|160;; net’inquiète pas, chère amie, je te ferai voler de plaisirs enplaisirs, je te plongerai dans une mer de délices, je t’encomblerai, mon ange, je t’en rassasierai.

EUGÉNIE, se précipitant dans les bras deMme&|160;de&|160;Saint-Ange&|160;: Oh&|160;! mabonne, je t’adore&|160;; va, tu n’auras jamais une écolière plussoumise que moi&|160;; mais il me semble que tu m’as fait entendredans nos anciennes conversations, qu’il était difficile qu’unejeune épouse se jette dans le libertinage, sans que l’époux qu’elledoit prendre après ne s’en aperçoive&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Cela est vrai, ma chère, mais il y ades secrets qui raccommodent toutes ces brèches. Je te promets det’en donner connaissance, et alors eusses-tu foutu commeAntoinette, je me charge de te rendre aussi vierge que le jour quetu vins au monde.

EUGÉNIE&|160;: Ah&|160;! tu es délicieuse, allons, continue dem’instruire, presse-toi donc en ce cas de m’apprendre quelle doitêtre la conduite d’une femme dans le mariage&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Dans quelque état que se trouve unefemme, ma chère, soit fille, soit femme, soit veuve, elle ne doitjamais avoir d’autre but, d’autre occupation, d’autre désir, que dese faire foutre du matin au soir. C’est pour cette unique fin quel’a créée la nature&|160;; mais si, pour remplir cette intention,j’exige d’elle de fouler aux pieds tous les préjugés de sonenfance, si je lui prescris la désobéissance la plus formelle auxordres de sa famille, le mépris le plus constaté de tous lesconseils de ses parents&|160;; tu conviendras, Eugénie, que de tousles freins à rompre, celui dont je lui conseillerai le plus tôtl’anéantissement, sera bien sûrement celui du mariage. Considère,en effet, Eugénie, une jeune fille à peine sortie de la maisonpaternelle ou de sa pension, ne connaissant rien, n’ayant nulleexpérience, obligée de passer subitement de là dans les bras d’unhomme qu’elle n’a jamais vu, obligée de jurer à cet homme aux piedsdes autels, une obéissance, une fidélité d’autant plus injuste,qu’elle n’a souvent au fond de son cœur que le plus grand désir delui manquer de parole. Est-il au monde, Eugénie, un sort plusaffreux que celui-là&|160;? Cependant la voilà liée, que son marilui plaise ou non, qu’il ait, ou non, pour elle de la tendresse oudes procédés, son honneur tient à ses serments, il est flétri sielle les enfreint&|160;; il faut qu’elle se perde ou qu’elle traînele joug, dût-elle en mourir de douleur. Eh&|160;! non, Eugénie,non, ce n’est point pour cette fin que nous sommes nées, ces loisabsurdes sont l’ouvrage des hommes, et nous ne devons pas nous ysoumettre. Le divorce même est-il capable de nous satisfaire, non,sans doute&|160;; qui nous répond de trouver plus sûrement dans deseconds liens le bonheur qui nous a fuies dans les premiers&|160;;dédommageons-nous donc en secret de toute la contrainte de nœuds siabsurdes, bien certaines que nos désordres en ce genre, à quelqueexcès que nous puissions les porter, loin d’outrager la nature, nesont qu’un hommage sincère que nous lui rendons&|160;: c’est obéirà ses lois, que de céder aux désirs qu’elle seule a placés dansnous, ce n’est qu’en lui résistant que nous l’outragerions&|160;;l’adultère que les hommes regardent comme un crime…, qu’ils ont osépunir comme tel en nous arrachant la vie, l’adultère, Eugénie,n’est donc que l’acquit d’un droit à la nature, auquel lesfantaisies de ces tyrans ne sauraient jamais nous soustraire. Maisn’est-il pas horrible, disent nos époux, de nous exposer à chérircomme nos enfants, à embrasser, comme tels, les fruits de vosdésordres&|160;? C’est l’objection de Rousseau, c’est, j’enconviens, la seule un peu spécieuse dont on puisse combattrel’adultère&|160;; eh&|160;! n’est-il pas extrêmement aisé de selivrer au libertinage sans redouter la grossesse&|160;? n’est-ilpas encore plus facile de la détruire, si par imprudence elle alieu&|160;? Mais, comme nous reviendrons sur cet objet, ne traitonsmaintenant que le fond de la question, nous verrons que l’argument,tout spécieux qu’il paraît d’abord, n’est cependant quechimérique.

Premièrement, tant que je couche avec mon mari, tant que sasemence coule au fond de ma matrice, verrais-je dix hommes en mêmetemps que lui, rien ne pourra jamais lui prouver que l’enfant quinaîtra ne lui appartienne pas&|160;; il peut être à lui comme n’ypas être, et dans le cas de l’incertitude, il ne peut ni ne doitjamais (puisqu’il a coopéré à l’existence de cette créature) sefaire aucun scrupule d’avouer cette existence. Dès qu’elle peut luiappartenir, elle lui appartient, et tout homme qui se rendramalheureux par des soupçons sur cet objet, le serait de même quandsa femme serait une vestale&|160;; parce qu’il est impossible derépondre d’une femme, et que celle qui a été sage dix ans, peutcesser de l’être un jour&|160;: donc, si cet époux est soupçonneux,il le sera dans tous les cas, jamais alors il ne sera sûr quel’enfant qu’il embrasse est véritablement le sien. Or, s’il peutêtre soupçonneux dans tous les cas, il n’y a aucun inconvénient àlégitimer quelquefois des soupçons&|160;; il n’en serait, pour sonétat de bonheur ou de malheur moral, ni plus ni moins&|160;; doncil vaut tout autant que cela soit ainsi&|160;; le voilà donc, je lesuppose, dans une complète erreur, le voilà caressant le fruit dulibertinage de sa femme, où donc est le crime à cela&|160;? Nosbiens ne sont-ils pas communs&|160;; en ce cas, quel mal fais-je enplaçant dans le ménage un enfant qui doit avoir une portion de cesbiens&|160;? Ce sera la mienne qu’il aura, il ne volera rien à montendre époux&|160;; cette portion dont il va jouir, je la regardecomme prise sur ma dot&|160;; donc ni cet enfant, ni moi, neprenons rien à mon mari&|160;: à quel titre, si cet enfant eût étéde lui, aurait-il eu part dans mes biens&|160;? N’est-ce point enraison de ce qu’il serait émané de moi&|160;? Eh bien&|160;! il vajouir de cette part en vertu de cette même raison d’allianceintime. C’est parce que cet enfant m’appartient, que je lui doisune portion de mes richesses.

Quel reproche avez-vous à me faire&|160;? il en jouit. Mais voustrompez votre mari, cette fausseté est atroce&|160;; non, c’est unrendu, voilà tout&|160;; je suis dupe la première des liens qu’ilm’a forcée de prendre, je m’en venge, quoi de plus simple&|160;!Mais il y a un outrage réel fait à l’honneur de votre mari&|160;:préjugé que cela, mon libertinage ne touche mon mari en rien, mesfautes sont personnelles, ce prétendu déshonneur était bon il y aun siècle, on est revenu de cette chimère aujourd’hui, et mon marin’est pas plus flétri de mes débauches, que je ne saurais l’êtredes siennes&|160;; je foutrais avec toute la terre sans lui faireune égratignure&|160;; cette prétendue lésion n’est donc qu’unefable dont l’existence est impossible&|160;: de deux chosesl’une&|160;; ou mon mari est un brutal, un jaloux, ou c’est unhomme délicat&|160;; dans la première hypothèse, ce que je puisfaire de mieux est de me venger de sa conduite&|160;; dans laseconde, je ne saurais l’affliger&|160;; puisque je goûte desplaisirs, il en sera heureux s’il est honnête&|160;; il n’y a pointd’homme délicat qui ne jouisse au spectacle du bonheur de lapersonne qu’il adore. Mais si vous l’aimiez, voudriez-vous qu’il enfît autant&|160;? Ah&|160;! malheur à la femme qui s’avisera d’êtrejalouse de son mari, qu’elle se contente de ce qu’il lui donne sielle l’aime&|160;; mais qu’elle n’essaie pas de le contraindre, nonseulement elle n’y réussirait pas, mais elle s’en ferait bientôtdétester. Si je suis raisonnable, je ne m’affligerai donc jamaisdes débauches de mon mari, qu’il en fasse de même avec moi, et lapaix régnera dans le ménage.

Résumons&|160;: Quels que soient les effets del’adultère, dût-il même introduire dans la maison des enfants quin’appartinssent pas à l’époux&|160;; dès qu’ils sont à la femme ilsont des droits certains à une partie de la dot de cettefemme&|160;; l’époux, s’il est instruit, doit les regarder commedes enfants que sa femme aurait eus d’un premier mariage&|160;;s’il ne sait rien, il ne saurait être malheureux, car on ne sauraitl’être d’un mal qu’on ignore&|160;; si l’adultère n’a point desuite, et qu’il soit inconnu du mari, aucun jurisconsulte nesaurait prouver, en ce cas, qu’il pourrait être un crime&|160;;l’adultère n’est plus de ce moment qu’une action parfaitementindifférente pour le mari qui ne le sait pas, parfaitement bonnepour la femme qu’elle délecte&|160;; si le mari découvrel’adultère, ce n’est plus l’adultère qui est un mal alors, car ilne l’était pas tout à l’heure, et il ne saurait avoir changé denature&|160;; il n’y a plus d’autre mal que la découverte qu’en afaite le mari&|160;; or, ce tort-là n’appartient qu’à lui seul, ilne saurait regarder la femme&|160;; ceux qui jadis ont punil’adultère étaient donc des bourreaux, des tyrans, des jaloux qui,rapportant tout à eux, s’imaginaient injustement qu’il suffisait deles offenser pour être criminelle, comme si une injure personnelledevait jamais se considérer comme un crime, et comme si l’onpouvait justement appeler crime une action qui, loin d’outrager lanature et la société, sert évidemment l’une et l’autre&|160;; ilest cependant des cas où l’adultère, facile à prouver, devient plusembarrassant pour la femme, sans être pour cela pluscriminel&|160;; c’est, par exemple, celui où l’époux se trouve, oudans l’impuissance, ou sujet à des goûts contraires à lapopulation. Comme elle jouit, et que son mari ne jouit jamais, sansdoute alors ses déportements deviennent plus ostensibles, maisdoit-elle se gêner pour cela&|160;? non sans doute. La seuleprécaution qu’elle doive employer est de ne point faire d’enfants,ou de se faire avorter si ces précautions viennent à letromper&|160;; si c’est par raison de goûts antiphysiques qu’elleest contrainte à se dédommager des négligences de son mari, il fautd’abord qu’elle le satisfasse sans répugnance dans ses goûts dequelque nature qu’ils puissent être, qu’ensuite elle lui fasseentendre que de pareilles complaisances méritent bien quelqueségards, qu’elle demande une liberté entière en raison de ce qu’elleaccorde&|160;; alors le mari refuse ou consent&|160;; s’il consent,comme a fait le mien, on s’en donne à l’aise en redoublant de soinset de condescendances à ses caprices&|160;; s’il refuse on épaissitles voiles et l’on fout tranquillement à leur ombre. Est-ilimpuissant, on se sépare, mais dans tous les cas on s’en donne, onfout dans tous les cas, cher amour, parce que nous sommes nées pourfoutre, que nous accomplissons les lois de la nature en foutant, etque toute loi humaine qui contrarierait celles de la nature neserait faite que pour le mépris&|160;; elle est bien dupe la femmeque des nœuds aussi absurdes que ceux de l’hymen empêchent de selivrer à ses penchants, qui craint ou la grossesse, ou les outragesà son époux, ou les taches plus vaines encore à sa réputation. Tuviens de le voir, Eugénie, oui, tu viens de sentir comme elle estdupe… comme elle immole bassement aux plus ridicules préjugés, etson bonheur, et tous les délices de la vie. Ah&|160;! qu’ellefoute, qu’elle foute impunément, un peu de fausse gloire, quelquesfrivoles espérances religieuses la dédommageront-elles de sessacrifices&|160;? Non, non, et la vertu, le vice, tout se confonddans le cercueil&|160;; le public, au bout de quelques années,exalte-t-il plus les uns qu’il ne condamne les autres&|160;?Eh&|160;! non, encore une fois, non, non, et la malheureuse ayantvécu sans plaisir, expire hélas sans dédommagement.

EUGÉNIE&|160;: Comme tu me persuades, mon ange, comme tutriomphes de mes préjugés&|160;! comme tu détruis tous les fauxprincipes que ma mère avait mis en moi&|160;! Ah&|160;! je voudraisêtre mariée demain pour mettre aussitôt tes maximes en usage.Qu’elles sont séduisantes&|160;! qu’elles sont vraies, et combienje les aime&|160;! Une chose seulement m’inquiète, chère amie, dansce que tu viens de me dire, et comme je ne l’entends point, je tesupplie de me l’expliquer. Ton mari, prétends-tu, ne s’y prend pas,dans la jouissance, de manière à avoir des enfants, que te fait-ildonc je t’en prie&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Mon mari était déjà vieux quand jel’épousai&|160;; dès la première nuit de ses noces, il me prévintde ses fantaisies, en m’assurant que de son côté, jamais il negênerait les miennes&|160;; je lui jurai de lui obéir, et nousavons toujours, depuis ce temps-là, vécu tous deux dans la plusdélicieuse liberté&|160;; le goût de mon mari consiste à se fairesucer, et voici le très singulier épisode qu’il y joint&|160;;pendant que, courbée sur lui mes fesses à plomb sur son visage, jepompe avec ardeur le foutre de ses couilles, il faut que je luichie dans la bouche… Il avale.

EUGÉNIE&|160;: Voilà une fantaisie bien extraordinaire.

DOLMANCÉ&|160;: Aucune ne peut se qualifier ainsi, ma chère,toutes sont dans la nature, elle s’est plu, en créant les hommes, àdifférencier leurs goûts comme leurs figures, et nous ne devons pasplus nous étonner de la diversité qu’elle a mise dans nos traits,que [de] celle qu’elle a placée dans nos affections. La fantaisiedont vient de vous parler votre amie est on ne saurait plus à lamode&|160;; une infinité d’hommes, et principalement ceux d’uncertain âge, y sont prodigieusement adonnés&|160;; vous yrefuseriez-vous, Eugénie, si quelqu’un l’exigeait devous&|160;?

EUGÉNIE, rougissant&|160;: D’après les maximes qui mesont inculquées ici, puis-je donc refuser quelque chose&|160;? jene demande grâce que pour ma surprise, c’est la première fois quej’entends toutes ces lubricités, il faut d’abord que je lesconçoive&|160;; mais de la solution du problème à l’exécution duprocédé, je crois que mes instituteurs doivent être sûrs qu’il n’yaurait jamais que la distance qu’ils exigeront eux-mêmes. Quoiqu’il en soit, ma chère, tu gagnas donc ta liberté parl’acquiescement à cette complaisance&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: La plus entière, Eugénie&|160;; je fisde mon côté tout ce que je voulus, sans qu’il y mît d’obstacles,mais je ne pris point d’amant&|160;; j’aimais trop le plaisir pourcela, malheur à la femme qui s’attache, il ne faut qu’un amant pourla perdre, tandis que dix scènes de libertinage, répétées chaquejour, si elle le veut, s’évanouiront dans la nuit du silenceaussitôt qu’elles seront consommées. J’étais riche, je payais desjeunes gens qui me foutaient sans me connaître&|160;; jem’entourais de valets charmants, sûrs de goûter les plus douxplaisirs avec moi s’ils étaient discrets, certains d’être renvoyéss’ils disaient un mot. Tu n’as pas d’idée, cher ange, du torrent dedélices dans lequel je me suis plongée de cette manière. Voilà laconduite que je prescrirai toujours à toutes les femmes quivoudront m’imiter&|160;; depuis douze ans que je suis mariée, j’aipeut-être été foutue par plus de dix ou douze mille individus… eton me croit sage dans mes sociétés&|160;; une autre aurait eu desamants, elle se serait perdue au second.

EUGÉNIE&|160;: Cette maxime est la plus sûre, ce sera biendécidément la mienne&|160;; il faut que j’épouse, comme toi, unhomme riche, et surtout un homme à fantaisies… mais, ma chère, tonmari, strictement lié à ses goûts, n’exigea jamais autre chose detoi&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Jamais, depuis douze ans, il ne s’estpas démenti un seul jour, excepté lorsque j’ai mes règles. Une trèsjolie fille, qu’il a voulu que je prenne avec moi me remplacealors, et les choses vont le mieux du monde.

EUGÉNIE&|160;: Mais il ne s’en tient pas là, sans doute,d’autres objets concourent extérieurement à diversifier sesplaisirs&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: N’en doutez pas, Eugénie, le mari de madame estun des plus grands libertins de son siècle&|160;; il dépense plusde cent mille écus par an aux goûts obscènes que votre amie vientde vous peindre tout à l’heure.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: À vous dire le vrai je m’en doute, maisque me font ses déportements, puisque leur multiplicité autorise etvoile les miens.

EUGÉNIE&|160;: Suivons, je t’en conjure, le détail des manièrespar lesquelles une jeune personne, mariée ou non, peut se préserverde la grossesse, car je t’avoue que cette crainte m’effarouchebeaucoup, soit avec l’époux que je dois prendre, soit dans lacarrière du libertinage&|160;; tu viens de m’en indiquer une en meparlant des goûts de ton époux&|160;; mais cette manière de jouir,qui peut être fort agréable pour l’homme, ne me semble pas l’êtreautant pour la femme, et ce sont nos jouissances, exemptes desrisques que j’y crains, dont je désire que tu m’entretiennes.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Une fille ne s’expose jamais à faired’enfants qu’autant qu’elle se le laisse mettre dans le con,qu’elle évite avec soin cette manière de jouir&|160;; qu’elle offreà la place indistinctement sa main, sa bouche, ses tétons ou letrou de son cul&|160;; par cette dernière voie elle prendra toutautant de plaisir, et même beaucoup davantage qu’ailleurs&|160;;par les autres manières elle en donnera&|160;; on procède à lapremière de ces façons, je veux dire celle de la main, ainsi que tul’as vu tout à l’heure, Eugénie&|160;; on secoue comme si l’onpompait le membre de son ami, au bout de quelques mouvements lesperme s’élance, l’homme vous baise, vous caresse pendant cetemps-là, et couvre de cette liqueur la partie de votre corps quilui plaît le mieux. Veut-on le faire mettre entre les seins, ons’étend sur le lit, on place le membre viril au milieu des deuxmamelles, on l’y presse, et au bout de quelques secousses l’hommedécharge de manière à vous inonder les tétons et quelquefois levisage. Cette manière est la moins voluptueuse de toutes, et nepeut convenir d’ailleurs qu’à des femmes dont la gorge, à force deservice, a déjà acquis assez de flexibilité pour serrer le membrede l’homme en se comprimant sur lui. La jouissance de la bouche estinfiniment plus agréable tant pour l’homme que pour la femme&|160;;la meilleure façon de la goûter est que la femme s’étende àcontresens sur le corps de son fouteur, il vous met le vit dans labouche, et, sa tête se trouvant entre vos cuisses, il vous rend ceque vous lui faites en vous introduisant sa langue dans le con ousur le clitoris&|160;; il faut, lorsqu’on emploie cette attitude,se prendre, s’empoigner les fesses, et se chatouillerréciproquement le trou du cul, épisode toujours nécessaire aucomplément de la volupté. Des amants chauds et pleins d’imaginationavalent alors le foutre qui s’exhale dans leur bouche, et jouissentdélicatement ainsi du plaisir voluptueux de faire mutuellementpasser dans leurs entrailles cette précieuse liqueur méchammentdérobée à sa destination d’usage.

DOLMANCÉ&|160;: Cette façon est délicieuse, Eugénie, je vous enrecommande l’exécution. Faire perdre ainsi les droits de lapropagation, et contrarier de cette manière ce que les sotsappellent les lois de la nature, est vraiment plein d’appas, lescuisses, les aisselles servent quelquefois aussi d’asiles au membrede l’homme, et lui offrent des réduits où sa semence peut se perdresans risque de grossesse.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Quelques femmes s’introduisent deséponges dans l’intérieur du vagin qui, recevant le sperme,l’empêchent de s’élancer dans le vase qui le propagerait, d’autresobligent leurs fouteurs de se servir d’un petit sac de peau deVenise, vulgairement nommé condom, dans lequel leur semence coulesans risquer d’atteindre le but&|160;; mais de toutes ces manières,celle du cul est la plus délicieuse, sans doute. Dolmancé, je vousen laisse la dissertation, qui doit mieux peindre que vous un goûtpour lequel vous donneriez vos jours, si on les exigeait pour sadéfense&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: J’avoue mon faible, il n’est, j’en conviens,aucune jouissance au monde qui soit préférable à celle-là, jel’adore dans l’un et l’autre sexe&|160;; mais le cul d’un jeunegarçon, il en faut convenir, me donne encore plus de volupté quecelui d’une fille. On appelle Bougres ceux qui se livrentà cette passion&|160;; or, quand on fait tant que d’être bougre,Eugénie, il faut l’être tout à fait. Foutre des femmes en cul,n’est l’être qu’à moitié&|160;; c’est dans l’homme que la natureveut que l’homme serve cette fantaisie, et c’est spécialement pourl’homme qu’elle nous en a donné ce goût. Il est absurde de dire quecette manie l’outrage, cela se peut-il, dès qu’elle nousl’inspire&|160;? Peut-elle dicter ce qui la dégrade&|160;? Non,Eugénie, non, on la sert aussi bien là qu’ailleurs, et peut-êtreplus saintement encore&|160;; la propagation n’est qu’une tolérancede sa part. Comment pourrait-elle avoir prescrit pour loi un actequi la prive des droits de sa toute-puissance&|160;? puisque lapropagation n’est qu’une suite de ses premières intentions, et quede nouvelles constructions refaites par sa main, si notre espèceétait absolument détruite, redeviendraient des intentionsprimordiales, dont l’acte serait bien plus flatteur pour sonorgueil et sa puissance.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Savez-vous, Dolmancé, qu’au moyen de cesystème vous allez jusqu’à prouver que l’extinction totale de larace humaine ne serait qu’un service rendu à la nature&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: Qui en doute, madame&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Oh, juste ciel&|160;! les guerres, lespestes, les famines, les meurtres, ne seraient plus que desaccidents nécessaires des lois de la nature, et l’homme agent oupatient de ces effets ne serait donc pas plus criminel dans l’undes cas, qu’il ne serait victime dans l’autre&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: Victime, il l’est, sans doute, quand il fléchitsous les coups du malheur&|160;; mais criminel, jamais. Nousreviendrons sur toutes ces choses, analysons, en attendant, pour labelle Eugénie, la jouissance sodomite qui fait maintenant l’objetde notre entretien. La posture la plus en usage pour la femme danscette jouissance, est de se coucher à plat ventre sur le bord dulit, les fesses bien écartées, la tête la plus basse possible, lepaillard, après s’être un instant amusé de la perspective du beaucul que l’on présente, après l’avoir claqué, manié, quelquefoismême fouetté, pincé, mordu, humecte de sa bouche le trou mignonqu’il va perforer, et prépare l’introduction avec le bout de salangue, il mouille de même son engin avec de la salive ou de lapommade, et le présente doucement au trou qu’il veut percer, il leconduit d’une main, de l’autre il écarte les fesses de sajouissance&|160;; dès qu’il sent son membre pénétrer, il faut qu’ilpousse avec ardeur, en prenant bien garde de perdre duterrain&|160;; quelquefois la femme souffre alors, si elle estneuve et jeune&|160;; mais sans aucun égard pour des douleurs quivont bientôt se changer en plaisirs, le fouteur doit pousservivement son vit par gradations, jusqu’à ce qu’il ait enfin atteintle but, c’est-à-dire jusqu’à ce que le poil de son engin frotteexactement les bords de l’anus de l’objet qu’il encule. Qu’ilpoursuive alors sa route avec rapidité, toutes les épines sontcueillies&|160;; il ne reste plus que des roses. Pour achever demétamorphoser en plaisirs les restes de douleur que son objetéprouve encore, si c’est un jeune garçon, qu’il lui saisisse le vitet le branle&|160;; qu’il chatouille le clitoris, si c’est unefille, les titillations du plaisir qu’il fera naître, enrétrécissant prodigieusement l’anus du patient, doubleront lesplaisirs de l’agent, qui, comblé d’aise et de volupté, darderabientôt au fond du cul de sa jouissance, un sperme aussi abondantqu’épais, qu’auront déterminé tant de lubriques détails. Il en estd’autres qui ne veulent pas que le patient jouisse, c’est ce quenous expliquerons bientôt.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Permettez qu’un moment je sois écolièreà mon tour, et que je vous demande, Dolmancé, dans quel état ilfaut, pour le complément des plaisirs de l’agent, que se trouve lecul du patient&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: Plein, très assurément&|160;; il est essentielque l’objet qui sert, ait alors la plus complète envie de chier,afin que le bout du vit du fouteur, atteignant l’étron, s’y enfonceet y dépose plus chaudement et plus mollement le foutre quil’irrite et qui le met en feu.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Je craindrais que le patient y prîtmoins de plaisir.

DOLMANCÉ&|160;: Erreur&|160;! Cette jouissance est telle qu’ilest impossible que rien lui nuise, et que l’objet qui la sert nesoit transporté au troisième ciel en la goûtant&|160;: aucune nevaut celle-là, aucune ne peut aussi complètement satisfaire l’un etl’autre des individus qui s’y livrent&|160;; il est difficile queceux qui l’ont goûtée puissent revenir à autre chose&|160;: tellessont, Eugénie, les meilleures façons de goûter le plaisir avec unhomme, sans courir les risques de la grossesse&|160;; car on jouit,soyez-en bien sûre, non seulement à prêter le cul à un homme, ainsique je viens de vous l’expliquer, mais aussi à le sucer, à lebranler, etc., etc., etc. et j’ai connu des femmes libertines quimettaient souvent plus de charmes à ces épisodes qu’aux jouissancesréelles, l’imagination est l’aiguillon des plaisirs&|160;; dansceux de cette espèce elle règle tout, elle est le mobile detout&|160;; or n’est-ce pas par elle que l’on jouit, n’est-ce pasd’elle que viennent les voluptés les plus piquantes&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Soit&|160;: mais qu’Eugénie y prennegarde, l’imagination ne nous sert que quand notre esprit estabsolument dégagé de préjugés&|160;; un seul suffit à larefroidir&|160;; cette capricieuse portion de notre esprit est d’unlibertinage que rien ne peut contenir&|160;; son plus grandtriomphe, ses délices les plus éminents consistent à briser tousles freins qu’on lui oppose, elle est ennemie de la règle, idolâtredu désordre et de tout ce qui porte les couleurs du crime&|160;;voilà d’où vient la singulière réponse d’une femme à imagination,qui foutait froidement avec son mari. «&|160;Pourquoi tant deglace, lui disait celui-ci&|160;? – Eh vraiment, lui répondit cettesingulière créature, c’est que ce que vous me faites est toutsimple.&|160;»

EUGÉNIE&|160;: J’aime à la folie cette réponse… Ah&|160;! machère, quelles dispositions je me sens à connaître ces élans divinsd’une imagination déréglée&|160;! Tu n’imaginerais pas, depuis quenous sommes ensemble,… seulement depuis cet instant, non, non, machère bonne, tu ne concevrais pas toutes les idées voluptueuses quemon esprit a caressées… Oh&|160;! comme le mal est maintenantcompris par moi&|160;! combien il est désiré de mon cœur&|160;!

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Que les atrocités, les horreurs, queles crimes les plus odieux ne t’étonnent pas davantage, Eugénie, cequ’il y a de plus sale, de plus infâme et de plus défendu est cequi irrite le mieux la tête&|160;;… c’est toujours ce qui nous faitle plus délicieusement décharger.

EUGÉNIE&|160;: À combien d’écarts incroyables vous avez dû vouslivrer l’un et l’autre&|160;! que j’en voudrais connaître lesdétails.

DOLMANCÉ, baisant et maniant la jeune personne&|160;:Belle Eugénie, j’aimerais cent fois mieux vous voir éprouver toutce que je voudrais faire, que de vous raconter ce que j’aifait.

EUGÉNIE&|160;: Je ne sais s’il ferait trop bon pour moi de meprêter à tout.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Je ne te le conseillerais pas,Eugénie.

EUGÉNIE&|160;: Eh bien&|160;! je fais grâce à Dolmancé de sesdétails, mais toi, ma bonne amie, dis-moi, je t’en conjure, ce quetu as fait de plus extraordinaire en ta vie.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: J’ai fait la chouette à quinzehommes&|160;; je fus foutue quatre-vingt-dix fois en vingt-quatreheures, tant par-devant que par-derrière.

EUGÉNIE&|160;: Ce ne sont que des débauches cela, des tours deforce&|160;; je gage que tu as fait des choses plussingulières&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: J’ai été au bordel.

EUGÉNIE&|160;: Que veut dire ce mot&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: On appelle ainsi des maisons publiques où,moyennant un prix convenu, chaque homme trouve de jeunes et joliesfilles toutes prêtes à satisfaire ses passions.

EUGÉNIE&|160;: Et tu t’es livrée là, ma bonne&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Oui, j’y ai été comme une putain, j’yai satisfait pendant une semaine entière les fantaisies deplusieurs paillards, et j’ai vu là des goûts bien singuliers&|160;;par un égal principe de libertinage, comme la célèbre impératriceThéodora, femme de Justinien[3] , j’airaccroché au coin des rues… dans les promenades publiques, et j’aimis à la loterie l’argent venu de ces prostitutions.

EUGÉNIE&|160;: Ma bonne, je connais ta tête, tu as été beaucoupplus loin encore.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Cela se peut-il&|160;?

EUGÉNIE&|160;: Oh&|160;! oui, oui, et voici comme je le conçois,ne m’as-tu pas dit que nos sensations morales les plus délicieusesnous venaient de l’imagination&|160;?

MME DE&|160;SAINT-ANGE&|160;: Je l’ai dit.

EUGÉNIE&|160;: Eh bien&|160;! en laissant errer cetteimagination, en lui donnant la liberté de franchir les dernièresbornes que voudraient lui prescrire la religion, la décence,l’humanité, la vertu, tous nos prétendus devoirs&|160;; enfin,n’est-il pas vrai que ces écarts seraient prodigieux&|160;?

MME DE&|160;SAINT-ANGE&|160;: Sans doute.

EUGÉNIE&|160;: Or, n’est-ce pas en raison de l’immensité de sesécarts qu’elle nous irritera davantage&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Rien de plus vrai.

EUGÉNIE&|160;: Si cela est, plus nous voudrons être agitées,plus nous désirerons nous émouvoir avec violence, plus il faudradonner carrière à notre imagination sur les choses les plusinconcevables&|160;; notre jouissance alors s’améliorera en raisondu chemin qu’aura fait la tête, et…

DOLMANCÉ, baisant Eugénie&|160;: Délicieuse.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Que de progrès la friponne a faits enpeu de temps&|160;! mais sais-tu, ma charmante, qu’on peut allerloin par la carrière que tu nous traces&|160;?

EUGÉNIE&|160;: Je l’entends bien de cette manière, et puisque jene me prescris aucun frein, tu vois où je suppose que l’on peutaller.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Aux crimes, scélérate, aux crimes lesplus noirs et les plus affreux.

EUGÉNIE, d’une voix basse…, et entrecoupée&|160;: Maistu dis qu’il n’en existe pas… et puis ce n’est que pour embraser satête&|160;: on n’exécute point.

DOLMANCÉ&|160;: Il est pourtant si doux d’exécuter ce qu’on aconçu.

EUGÉNIE, rougissant&|160;: Eh bien&|160;! on exécute…Ne voudriez-vous pas me persuader, mes chers instituteurs, que vousn’avez jamais fait ce que vous avez conçu&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Il m’est quelquefois arrivé de lefaire.

EUGÉNIE&|160;: Nous y voilà.

DOLMANCÉ&|160;: Quelle tête&|160;!

EUGÉNIE, poursuivant&|160;: Ce que je te demande, c’estce que tu as conçu, et ce que tu as fait après avoirconçu&|160;?

MME DE SAINT-ANGE, balbutiant&|160;: Eugénie, je teraconterai ma vie quelque jour&|160;; poursuivons notreinstruction…, car tu me ferais dire des choses…

EUGÉNIE&|160;: Allons, je vois que tu ne m’aimes pas assez pourm’ouvrir à ce point ton âme, j’attendrai le délai que tu meprescris&|160;; reprenons nos détails&|160;: dis-moi, ma chère,quel est l’heureux mortel que tu rendis le maître de tesprémices&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Mon frère&|160;: il m’adorait depuisl’enfance, dès nos plus jeunes ans, nous nous étions souvent amuséssans atteindre le but, je lui avais promis de me livrer à lui dèsque je serais mariée&|160;; je lui tins parole&|160;; heureusementque mon mari n’avait rien endommagé, il cueillit tout. Nouscontinuons de nous livrer à cette intrigue, mais sans nous gêner nil’un ni l’autre, nous ne nous en plongeons pas moins tous les deux,chacun de notre côté, dans les plus divins excès du libertinage,nous nous servons même mutuellement, je lui procure des femmes, ilme fait connaître des hommes.

EUGÉNIE&|160;: Le délicieux arrangement&|160;; mais l’incesten’est-il pas un crime&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: Pourrait-on regarder comme tel les plus doucesunions de la nature&|160;? celles qu’elle nous prescrit, et nousconseille le mieux&|160;? Raisonnez un moment, Eugénie, commentl’espèce humaine, après les grands malheurs qu’éprouva notre globe,put-elle autrement se reproduire que par l’inceste&|160;? n’entrouvons-nous pas l’exemple et la preuve, même dans les livresrespectés par le christianisme, les familles d’Adam[4] et de Noé purent-elles autrement seperpétuer que par ce moyen&|160;? Fouillez, compulsez les mœurs del’univers, partout vous y verrez l’inceste autorisé, regardé commeune loi sage et faite pour cimenter les liens de la famille. Sil’amour, en un mot, naît de la ressemblance, où peut-elle être plusparfaite qu’entre frère et sœur, qu’entre père et fille&|160;? Unepolitique mal entendue, produite par la crainte de rendre certainesfamilles trop puissantes, interdisit[5] l’incestedans nos mœurs&|160;; mais ne nous abusons pas au point de prendrepour loi de la nature ce qui n’est dicté que par l’intérêt ou parl’ambition&|160;; sondons nos cœurs, c’est toujours là où jerenvoie nos pédants moralistes&|160;; interrogeons cet organesacré, et nous reconnaîtrons qu’il n’est rien de plus délicat quel’union charnelle des familles&|160;; cessons de nous aveugler surles sentiments d’un frère pour sa sœur, d’un père pour sa fille. Envain l’un et l’autre les déguisent-ils sous le voile d’une légitimetendresse, le plus violent amour est l’unique sentiment qui lesenflamme, tel est le seul que la nature ait mis dans leurs cœurs.Doublons, triplons donc sans rien craindre ces délicieux incestes,et croyons que plus l’objet de nos désirs nous appartiendra deprès, plus nous aurons de charmes à en jouir. Un de mes amis vithabituellement avec la fille qu’il a eue de sa propre mère, il n’ya pas huit jours qu’il dépucela un garçon de treize ans, fruit deson commerce avec cette fille&|160;; dans quelques années ce mêmejeune homme épousera sa mère, ce sont les vœux de mon ami, il leurfait un sort analogue à ces projets, et ses intentions, je le sais,sont de jouir encore des fruits qui naîtront de cet hymen&|160;; ilest jeune et peut l’espérer. Voyez, tendre Eugénie, de quellequantité d’incestes et de crimes se serait souillé cet honnête ami,s’il y avait quelque chose de vrai dans le préjugé qui nous faitadmettre du mal à ces liaisons. En un mot, sur toutes ces choses,je pars, moi, toujours d’un principe&|160;; si la nature défendaitles jouissances sodomites, les jouissances incestueuses, lespollutions, etc., permettrait-elle que nous y trouvassions autantde plaisirs&|160;? Il est impossible qu’elle puisse tolérer quil’outrage véritablement.

EUGÉNIE&|160;: Oh mes divins instituteurs, je vois bien que,d’après vos principes, il est très peu de crimes sur la terre, etque nous pouvons nous livrer en paix à tous nos désirs, quelquesinguliers qu’ils puissent paraître aux sots qui s’offensant ets’alarmant de tout prennent imbécilement les institutions socialespour les divines lois de la nature&|160;; mais cependant, mes amis,n’admettez-vous pas au moins qu’il existe de certaines actionsabsolument révoltantes, et décidément criminelles, quoique dictéespar la nature&|160;? Je veux bien convenir avec vous que cettenature, aussi singulière dans les productions qu’elle crée, quevariée dans les penchants qu’elle nous donne, nous portequelquefois à des actions cruelles&|160;; mais si, livrés à cettedépravation, nous cédions aux inspirations de cette bizarre nature,au point d’attenter, je le suppose, à la vie de nos semblables,vous m’accorderez bien, au moins je l’espère, que cette actionserait un crime.

DOLMANCÉ&|160;: Il s’en faut bien, Eugénie, que nous puissionsnous accorder une telle chose. La destruction étant une despremières lois de la nature, rien de ce qui détruit ne saurait êtreun crime. Comment une action qui sert aussi bien la naturepourrait-elle jamais l’outrager&|160;? Cette destruction, dontl’homme se flatte, n’est d’ailleurs qu’une chimère&|160;; lemeurtre n’est point une destruction, celui qui le commet ne faitque varier les formes, il rend à la nature des éléments dont lamain de cette nature habile se sert aussitôt pour récompenserd’autres êtres&|160;; or, comme les créations ne peuvent être quedes jouissances pour celui qui s’y livre, le meurtrier en préparedonc une à la nature, il lui fournit des matériaux qu’elle emploiesur-le-champ, et l’action que des sots ont eu la folie de blâmer,ne devient plus qu’un mérite aux yeux de cette agence universelle.C’est notre orgueil qui s’avise d’ériger le meurtre en crime, nousestimant les premières créatures de l’univers nous avons sottementimaginé que toute lésion qu’endurerait cette sublime créaturedevrait nécessairement être un crime énorme&|160;; nous avons cruque la nature périrait si notre merveilleuse espèce venait às’anéantir sur ce globe, tandis que l’entière destruction de cetteespèce, en rendant à la nature la faculté créatrice qu’elle nouscède, lui redonnerait une énergie que nous lui enlevons enpropageant&|160;; mais quelle inconséquence, Eugénie&|160;! Ehquoi&|160;! un souverain ambitieux pourra détruire à son aise etsans le moindre scrupule les ennemis qui nuisent à ses projets degrandeur…&|160;? Des lois cruelles, arbitraires, impérieusespourront de même assassiner chaque siècle des millions d’individus,et nous, faibles et malheureux particuliers, nous ne pourrons passacrifier un seul être à nos vengeances ou à nos caprices&|160;?Est-il rien de si barbare, de si ridiculement étrange, et nedevons-nous pas, sous le voile du plus profond mystère, nous vengeramplement de cette ineptie[6] &|160;?

EUGÉNIE&|160;: Assurément… Oh&|160;! comme votre morale estséduisante, et comme je la goûte&|160;!… Mais, dites-moi… Dolmancé…là, bien en conscience, ne vous seriez-vous pas quelquefoissatisfait en ce genre&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: Ne me forcez pas à vous dévoiler mes fautes,leur nombre et leur espèce me contraindraient trop à rougir. Jevous les avouerai peut-être un jour.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Dirigeant le glaive des lois, lescélérat s’en est souvent servi pour satisfaire à ses passions.

DOLMANCÉ&|160;: Puissé-je n’avoir pas d’autres reproches à mefaire&|160;!

MME DE SAINT-ANGE, lui sautant au col&|160;: Hommedivin…, je vous adore, qu’il faut avoir d’esprit et de courage pouravoir, comme vous, goûté tous les plaisirs&|160;; c’est à l’hommede génie seul qu’est réservé l’honneur de briser tous les freins del’ignorance et de la stupidité&|160;; baisez-moi, vous êtescharmant.

DOLMANCÉ&|160;: Soyez franche, Eugénie, n’avez-vous jamaissouhaité la mort à personne&|160;?

EUGÉNIE&|160;: Oh&|160;! oui, oui, et j’ai sous mes yeux chaquejour une abominable créature que je voudrais voir depuis longtempsau tombeau.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Je gage que je devine.

EUGÉNIE&|160;: Qui soupçonnes-tu&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Ta mère.

EUGÉNIE&|160;: Ah&|160;! laisse-moi cacher ma rougeur dans tonsein&|160;!

DOLMANCÉ&|160;: Voluptueuse créature&|160;! je veux t’accabler àmon tour des caresses qui doivent être le prix de l’énergie de toncœur et de ta délicieuse tête. (Dolmancé la baise sur tout lecorps, et lui donne de légères claques sur les fesses, ilbande&|160;; Mme&|160;de&|160;Saint-Ange empoigne etsecoue son vit&|160;; ses mains, de temps en temps, s’égarent aussisur le derrière de Mme&|160;de&|160;Saint-Ange qui lelui prête avec lubricité&|160;; un peu revenu à lui, Dolmancécontinue&|160;:) Mais cette idée sublime, pourquoi nel’exécuterions-nous pas&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Eugénie, j’ai détesté ma mère toutautant que tu hais la tienne, et je n’ai pas balancé.

EUGÉNIE&|160;: Les moyens m’ont manqué.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Dis le courage.

EUGÉNIE&|160;: Hélas, si jeune encore&|160;!

DOLMANCÉ&|160;: Mais à présent, Eugénie, queferiez-vous&|160;?

EUGÉNIE&|160;: Tout… Qu’on me donne les moyens, et l’onverra.

DOLMANCÉ&|160;: Vous les aurez, Eugénie, je vous le promets,mais j’y mets une condition.

EUGÉNIE&|160;: Quelle est-elle, ou plutôt quelle est celle queje ne sois prête à accepter&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: Viens, scélérate, viens dans mes bras, je n’ypuis plus tenir&|160;; il faut que ton charmant derrière soit leprix du don que je te promets, il faut qu’un crime paie l’autre,viens… ou plutôt accourez toutes deux éteindre par des flots defoutre le feu divin qui nous enflamme.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Mettons, s’il vous plaît, un peud’ordre à ces orgies, il en faut même au sein du délire et del’infamie.

DOLMANCÉ&|160;: Rien de si simple, l’objet majeur, ce me semble,est que je décharge, en donnant à cette charmante petite fille leplus de plaisir que je pourrai&|160;; je vais lui mettre mon vitdans le cul, pendant que courbée dans vos bras vous la branlerez devotre mieux&|160;; au moyen de l’attitude où je vous place, ellepourra vous le rendre, vous vous baiserez l’une et l’autre&|160;;après quelques courses dans le cul de cette enfant, nous varieronsle tableau. Je vous enculerai, madame, Eugénie au-dessus de vous,votre tête entre ses jambes m’offrira son clitoris à sucer, je luiferai perdre ainsi du foutre une seconde fois&|160;; je mereplacerai ensuite dans son anus, vous me présenterez votre cul aulieu du con qu’elle m’offrait, c’est-à-dire que vous prendrez,comme elle viendra de le faire, sa tête entre vos jambes, jesucerai le trou de votre cul&|160;; comme je viendrai de lui sucerle con, vous déchargerez, j’en ferai autant, pendant que ma main,embrassant le joli petit corps de cette charmante novice, ira luichatouiller le clitoris pour la faire pâmer également.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Bien, mon cher Dolmancé, mais il vousmanquera quelque chose&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: Un vit dans le cul&|160;; vous avez raison,madame.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Passons-nous-en pour ce matin, nousl’aurons ce soir, mon frère viendra nous aider, et nos plaisirsseront au comble&|160;; mettons-nous à l’œuvre.

DOLMANCÉ&|160;: Je voudrais qu’Eugénie me branlât un moment.(Elle le fait.) Oui, c’est cela… un peu plus vite, moncœur&|160;; tenez toujours bien à nu cette tête vermeille, ne larecouvrez jamais&|160;; plus vous faites tendre le filet, mieuxvous décidez l’érection…, il ne faut jamais recalotter le vit qu’onbranle… Bon&|160;!… préparez ainsi vous-même l’état du membre quiva vous perforer&|160;; voyez-vous comme il se décide. Donnez-moivotre langue, petite friponne… que vos fesses posent sur ma maindroite, pendant que ma main gauche va vous chatouiller leclitoris.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Eugénie, veux-tu lui faire goûter deplus grands plaisirs&|160;?

EUGÉNIE&|160;: Assurément… je veux tout faire pour lui endonner.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Eh bien&|160;! prends son vit dans tabouche, et suce-le quelques instants.

EUGÉNIE le fait&|160;: Est-ce ainsi&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: Ah&|160;! bouche délicieuse&|160;! quellechaleur&|160;! elle vaut pour moi le plus joli des culs… Femmesvoluptueuses et adroites, ne refusez jamais ce plaisir à vosamants, il vous les enchaînera pour jamais&|160;; ahsacredieu&|160;! foutredieu&|160;!

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Comme tu blasphèmes, mon ami&|160;!

DOLMANCÉ&|160;: Donnez-moi votre cul, madame… Oui,donnez-le-moi, que je le baise pendant qu’on me suce, et ne vousétonnez point de mes blasphèmes&|160;; un de mes plus grandsplaisirs est de jurer Dieu quand je bande&|160;; il me semble quemon esprit, alors mille fois plus exalté, abhorre et méprise bienmieux cette dégoûtante chimère&|160;: je voudrais trouver une façonou de la mieux invectiver, ou de l’outrager davantage, et quand mesmaudites réflexions m’amènent à la conviction de la nullité de cedégoûtant objet de ma haine, je m’irrite et voudrais pouvoiraussitôt réédifier le fantôme, pour que ma rage au moins portât surquelque chose. Imitez-moi, femme charmante, et vous verrezl’accroissement que de tels discours porteront infailliblement àvos sens. Mais, doubledieu&|160;!… je le vois, il faut, quel quesoit mon plaisir, que je me retire absolument de cette bouchedivine… j’y laisserais mon foutre… Allons, Eugénie, placez-vous,exécutons le tableau que j’ai tracé, et plongeons-nous tous troisdans la plus voluptueuse ivresse.

L’attitude s’arrange.

EUGÉNIE&|160;: Que je crains, mon cher, l’impuissance de vosefforts, la disproportion est trop forte.

DOLMANCÉ&|160;: J’en sodomise tous les jours de plusjeunes&|160;; hier encore un petit garçon de sept ans fut dépucelépar ce vit en moins de trois minutes… Courage, Eugénie,courage.

EUGÉNIE&|160;: Ah&|160;! vous me déchirez.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Ménagez-la, Dolmancé, songez que j’enréponds.

DOLMANCÉ&|160;: Branlez-la bien, madame, elle sentira moins ladouleur&|160;; au reste, tout est dit maintenant, m’y voilàjusqu’au poil.

EUGÉNIE&|160;: Oh ciel&|160;! ce n’est pas sans peine… Vois lasueur qui couvre mon front, cher ami… Ah, Dieu&|160;! jamais jen’éprouvai d’aussi vives douleurs&|160;!

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Te voilà à moitié dépucelée, ma bonne,te voilà au rang des femmes&|160;; on peut bien acheter cettegloire par un peu de tourment&|160;; mes doigts, d’ailleurs, ne tecalment-ils donc point&|160;?

EUGÉNIE&|160;: Pourrais-je y résister sans eux&|160;?…Chatouille-moi, mon ange, je sens qu’imperceptiblement la douleurse métamorphose en plaisir. Poussez, poussez, Dolmancé, je memeurs.

DOLMANCÉ&|160;: Ah, foutredieu&|160;! sacredieu&|160;!tripledieu&|160;! changeons, je n’y résisterais pas&|160;; votrederrière, madame, je vous en conjure, et placez-vous sur-le-champcomme je vous l’ai dit. (On s’arrange, et Dolmancécontinue.) J’ai moins de peine ici… Comme mon vit pénètre…Mais ce beau cul n’en est pas moins délicieux, madame.

EUGÉNIE&|160;: Suis-je bien ainsi, Dolmancé&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: À merveille&|160;! ce joli petit con vierges’offre délicieusement à moi&|160;; je suis un coupable, uninfractaire, je le sais&|160;; de tels attraits sont peu faits pournos yeux&|160;; mais le désir de donner à cette enfant lespremières leçons de la volupté l’emporte sur toute autreconsidération, je veux faire couler son foutre… je veux l’épuiser,s’il est possible.

Il la gamahuche.

EUGÉNIE&|160;: Ah&|160;! vous me faites mourir de plaisir, jen’y puis résister&|160;!

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Pour moi, je pars Ah&|160;! fous… fous,Dolmancé, je décharge&|160;!

EUGÉNIE&|160;: J’en fais autant, ma bonne… Ah&|160;! mon Dieu,comme il me suce&|160;!

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Jure donc, petite putain, juredonc.

EUGÉNIE&|160;: Eh bien&|160;! sacredieu&|160;! je décharge… Jesuis dans la plus douce ivresse.

DOLMANCÉ&|160;: Au poste, au poste, Eugénie, je serai ta dupe detous ces changements de main. (Eugénie se replace.) Ah,bien&|160;! me revoici dans mon premier gîte&|160;; montrez-moi letrou de votre cul, madame, que je le gamahuche à mon aise… Quej’aime à baiser un cul que je viens de foutre. Ah&|160;!faites-le-moi bien lécher pendant que je vais lancer mon sperme aufond de celui de votre amie. Le croiriez-vous, madame, il y estentré cette fois-ci sans peine&|160;; ah&|160;! foutre, foutre,vous n’imaginez pas comme elle le serre, comme elle lecomprime&|160;! Sacréfoutudieu, comme j’ai du plaisir&|160;!Ah&|160;! c’en est fait&|160;! je n’y résiste plus, mon foutrecoule… et je suis mort.

EUGÉNIE&|160;: Il me fait aussi mourir, ma chère bonne, je te lejure.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: La friponne&|160;! comme elle s’yhabituera promptement&|160;!

DOLMANCÉ&|160;: Je connais une infinité de jeunes filles de sonâge que rien au monde ne pourrait engager à jouirdifféremment&|160;; il n’y a que la première fois qui coûte&|160;;une femme n’a pas plutôt tâté de cette manière qu’elle ne veut plusfaire autre chose… Oh, ciel&|160;! je suis épuisé, laissez-moireprendre haleine au moins quelques instants.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Voilà les hommes, ma chère, à peinenous regardent-ils quand leurs désirs sont satisfaits, cetanéantissement les mène au dégoût, et le dégoût bientôt aumépris.

DOLMANCÉ, froidement&|160;: Ah&|160;! quelle injure,beauté divine&|160;! (Il les embrasse toutes deux.) Vousn’êtes faites l’une et l’autre que pour des hommages, quel que soitl’état où l’on se trouve.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Au reste, console-toi, mon Eugénie,s’ils acquièrent le droit de nous négliger, parce qu’ils sontsatisfaits, n’avons-nous pas de même celui de les mépriser quandleur procédé nous y force&|160;? Si Tibère sacrifiait à Caprée lesobjets qui venaient de servir ses passions[7] , Zingua,reine d’Afrique, immolait aussi ses amants[8] .

DOLMANCÉ&|160;: Ces excès parfaitement simples et très conçus demoi, sans doute, ne doivent pourtant jamais s’exécuter entre nous.«&|160;Jamais entre eux ne se mangent les loups&|160;», dit leproverbe et, tel trivial qu’il soit, il est juste. Ne redoutezjamais rien de moi, mes amies, je vous ferai peut-être fairebeaucoup de mal, mais je ne vous en ferai jamais.

EUGÉNIE&|160;: Oh&|160;! non, non, ma chère, j’ose enrépondre&|160;; jamais Dolmancé n’abusera des droits que nous luidonnons sur nous&|160;: je lui crois la probité des roués, c’est lameilleure&|160;; mais ramenons notre instituteur à ses principes,et revenons, je vous supplie, au grand dessein qui nous enflammaitavant que nous ne nous calmassions.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Quoi&|160;! friponne, tu y pensesencore, j’avais cru que ce n’était l’histoire que del’effervescence de ta tête.

EUGÉNIE&|160;: C’est le mouvement le plus certain de mon cœur,et je ne serai contente qu’après la consommation de ce crime.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Oh&|160;! bon, bon, fais-lui grâce,songe qu’elle est ta mère.

EUGÉNIE&|160;: Le beau titre&|160;!

DOLMANCÉ&|160;: Elle a raison&|160;; cette mère a-t-elle pensé àEugénie en la mettant au monde, la coquine se laissait foutre,parce qu’elle y trouvait du plaisir, mais elle était bien loind’avoir cette fille en vue&|160;; qu’elle agisse comme elle voudraà cet égard&|160;; laissons-lui la liberté tout entière, etcontentons-nous de lui certifier qu’à quelque excès qu’elle arriveen ce genre, elle ne se rendra jamais coupable d’aucun mal.

EUGÉNIE&|160;: Je l’abhorre, je la déteste, mille raisonslégitiment ma haine, il faut que j’aie sa vie, à quelque prix quece puisse être.

DOLMANCÉ&|160;: Eh bien&|160;! puisque tes résolutions sontinébranlables, tu seras satisfaite, Eugénie, je te le jure&|160;;mais permets-moi quelques conseils qui deviennent, avant qued’agir, de la première nécessité pour toi&|160;; que jamais tonsecret ne t’échappe, ma chère, et surtout agis seule&|160;; rienn’est plus dangereux que les complices&|160;; méfions-nous toujoursde ceux mêmes que nous croyons nous être le plus attachés&|160;:il faut, disait Machiavel, ou n’avoir jamais decomplices, ou s’en défaire dès qu’ils nous ont servi. Ce n’estpas tout&|160;: la feinte est indispensable, Eugénie, aux projetsque tu formes. Rapproche-toi plus que jamais de ta victime avantque de l’immoler, aie l’air de la plaindre ou de la consoler,cajole-la, partage ses peines, jure-lui que tu l’adores, fais plusencore, persuade-le-lui, la fausseté, dans de tels cas, ne sauraitêtre portée trop loin&|160;; Néron caressait Agrippine sur labarque même qui devait l’engloutir&|160;; imite cet exemple, use detoute la fourberie, de toutes les impostures que pourra te suggérerton esprit. Si le mensonge est toujours nécessaire aux femmes,c’est surtout lorsqu’elles veulent tromper, qu’il leur devient plusindispensable.

EUGÉNIE&|160;: Ces leçons seront retenues et mises en action,sans doute&|160;; mais approfondissons, je vous prie, cettefausseté que vous conseillez aux femmes de mettre en usage&|160;;croyez-vous donc cette manière d’être, absolument essentielle dansle monde&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: Je n’en connais pas, sans doute, de plusnécessaire dans la vie&|160;; une vérité certaine va vous enprouver l’indispensabilité, tout le monde l’emploie, je vousdemande, d’après cela, comment un individu sincère n’échouera pastoujours au milieu d’une société de gens faux&|160;! Or s’il estvrai, comme on le prétend, que les vertus soient de quelque utilitédans la vie civile, comment voulez-vous que celui qui n’a ni lavolonté, ni le pouvoir, ni le don d’aucune vertu, ce qui arrive àbeaucoup de gens&|160;; comment voulez-vous, dis-je, qu’un tel êtrene soit pas essentiellement obligé de feindre pour obtenir à sontour un peu de la portion de bonheur que ses concurrents luiravissent&|160;? Et dans le fait, est-ce bien sûrement la vertu, ouson apparence, qui devient réellement nécessaire à l’hommesocial&|160;? Ne doutons pas que l’apparence seule luisuffise&|160;; il a tout ce qu’il faut en la possédant. Dès qu’onne fait qu’effleurer les hommes dans le monde, ne leur suffit-ilpas de nous montrer l’écorce&|160;? Persuadons-nous bien, ausurplus, que la pratique des vertus n’est guère utile qu’à celuiqui la possède, les autres en retirent si peu que, pourvu que celuiqui doit vivre avec nous paraisse vertueux, il devient parfaitementégal qu’il le soit en effet ou non&|160;; la fausseté, d’ailleurs,est presque toujours un moyen assuré de réussir, celui qui lapossède acquiert nécessairement une sorte de priorité sur celui quicommerce ou qui correspond avec lui&|160;; en l’éblouissant par defaux dehors, il le persuade, de ce moment il réussit&|160;:m’aperçois-je que l’on m’a trompé, je ne m’en prends qu’à moi, etmon suborneur a d’autant plus beau jeu encore, que je ne meplaindrai pas par orgueil&|160;; son ascendant sur moi seratoujours prononcé&|160;; il aura raison quand j’aurai tort&|160;;il s’avancera quand je ne serai rien&|160;; il s’enrichira quand jeme ruinerai&|160;; toujours enfin au-dessus de moi, il captiverabientôt l’opinion publique&|160;; une fois là, j’aurai beaul’inculper, on ne m’écoutera seulement pas. Livrons-nous donchardiment et sans cesse à la plus insigne fausseté&|160;;regardons-la comme la clé de toutes les grâces, de toutes lesfaveurs, de toutes les réputations, de toutes les richesses, etcalmons à loisir le petit chagrin d’avoir fait des dupes par lepiquant plaisir d’être fripon.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: En voilà, je le pense, infiniment plusqu’il n’en faut sur cette matière&|160;; Eugénie, convaincue, doitêtre apaisée, encouragée, elle agira quand elle voudra&|160;;j’imagine qu’il est nécessaire de continuer maintenant nosdissertations sur les différents caprices des hommes dans lelibertinage&|160;; ce champ doit être vaste, parcourons-le&|160;;nous venons d’initier notre élève dans quelques mystères de lapratique, ne négligeons pas la théorie.

DOLMANCÉ&|160;: Les détails libertins des passions de l’hommesont peu susceptibles, madame, de motifs d’instruction pour unejeune fille qui, comme Eugénie surtout, n’est pas destinée à fairele métier de femme publique&|160;; elle se mariera, et dans cettehypothèse, il y a à parier dix contre un que son mari n’aura pointces goûts-là&|160;; si cela était cependant, la conduite estfacile&|160;: beaucoup de douceur et de complaisance aveclui&|160;; d’autre part, beaucoup de fausseté et de dédommagementen secret, ce peu de mots renferme tout. Si votre Eugénie pourtantdésire quelques analyses des goûts de l’homme dans l’acte dulibertinage&|160;: pour les examiner plus sommairement, nous lesréduirons à trois&|160;: la sodomie, les fantaisies sacrilègeset les goûts cruels. La première passion est universelleaujourd’hui, nous allons joindre quelques réflexions à ce que nousen avons déjà dit&|160;; on la divise en deux classes, l’active etla passive&|160;: l’homme qui encule, soit un garçon, soit unefemme, commet la sodomie active&|160;; il est sodomite passif quandil se fait foutre. On a souvent mis en question laquelle de cesdeux façons de commettre la sodomie était la plusvoluptueuse&|160;; c’est assurément la passive, puisqu’on jouit àla fois de la sensation du devant et de celle du derrière&|160;; ilest si doux de changer de sexe, si délicieux de contrefaire laputain, de se livrer à un homme qui nous traite comme une femme,d’appeler cet homme son amant, de s’avouer sa maîtresse&|160;:ah&|160;! mes amies, quelle volupté&|160;! Mais, Eugénie,bornons-nous ici à quelques conseils de détails, uniquementrelatifs aux femmes qui, se métamorphosant en hommes, veulent jouirà notre exemple de ce plaisir délicieux. Je viens de vousfamiliariser avec ces attaques, Eugénie, et j’en ai assez vu pourêtre persuadé que vous ferez un jour bien des progrès dans cettecarrière. Je vous exhorte à la parcourir comme une des plusdélicieuses de l’île de Cythère, parfaitement sûr que vousaccomplirez ce conseil&|160;; je vais me borner à deux ou troisavis essentiels à toute personne décidée à ne plus connaître que cegenre de plaisirs, ou ceux qui leur sont analogues. Observezd’abord de vous faire toujours branler le clitoris quand on voussodomise&|160;; rien ne se marie comme ces deux plaisirs&|160;;évitez le bidet ou le frottement de linge quand vous venez d’êtrefoutue de cette manière&|160;; il est bon que la brèche soittoujours ouverte, il en résulte des désirs, des titillationsqu’éteignent aussitôt les soins de propreté&|160;; on n’a pasd’idée du point auquel les sensations se prolongent. Ainsi, quandvous serez dans le train de vous amuser de cette manière, Eugénie,évitez les acides, ils enflamment les hémorroïdes et rendent alorsles introductions douloureuses&|160;; opposez-vous à ce queplusieurs hommes vous déchargent de suite dans le cul, ce mélangede sperme, quoique voluptueux pour l’imagination, est souventdangereux pour la santé&|160;; rejetez toujours au-dehors cesdifférentes émissions à mesure qu’elles se font.

EUGÉNIE&|160;: Mais si elles étaient faites par-devant, neserait-ce pas un crime&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: N’imagine donc pas, pauvre folle, qu’ily ait le moindre mal à se prêter de telle manière que ce puisseêtre à détourner du grand chemin la semence de l’homme, parce quela propagation n’est nullement le but de la nature, elle n’en estqu’une tolérance&|160;; et lorsque nous n’en profitons pas, sesintentions sont bien mieux remplies&|160;: Eugénie, sois l’ennemiejurée de cette fastidieuse propagation, et détourne sans cesse,même en mariage, cette perfide liqueur dont la végétation ne sertqu’à gâter nos tailles, qu’à émousser dans nous les sensationsvoluptueuses, nous flétrir, nous vieillir et déranger notresanté&|160;; engage ton mari à s’accoutumer à ces pertes, offre-luitoutes les routes qui peuvent éloigner l’hommage du temple, dis-luique tu détestes les enfants, que tu le supplies de ne point t’enfaire. Observe-toi sur cet article, ma bonne, car, je te ledéclare, j’ai la propagation dans une telle horreur que jecesserais d’être ton amie à l’instant où tu deviendraisgrosse&|160;; si pourtant ce malheur t’arrive, sans qu’il y ait deta faute, préviens-moi dans les sept ou huit premières semaines, etje te ferai couler cela tout doucement&|160;; ne crains pointl’infanticide, ce crime est imaginaire, nous sommes toujours lesmaîtresses de ce que nous portons dans notre sein, et nous nefaisons pas plus de mal à détruire cette espèce de matière, qu’àpurger l’autre, par des médicaments, quand nous en éprouvons lebesoin.

EUGÉNIE&|160;: Mais si l’enfant était à terme&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Fût-il au monde, nous serions toujoursles maîtresses de le détruire. Il n’y a sur la terre aucun droitplus certain que celui des mères sur leurs enfants. Il n’est aucunpeuple qui n’ait reconnu cette vérité, elle est fondée en raison,en principes.

DOLMANCÉ&|160;: Ce droit est dans la nature… il estincontestable. L’extravagance du système déifique fut la source detoutes ces erreurs grossières, les imbéciles qui croyaient un dieu,persuadés que nous ne tenions l’existence que de lui, etqu’aussitôt qu’un embryon était en maturité, une petite âme, émanéede dieu, venait l’animer aussitôt&|160;; ces sots, dis-je, durentassurément considérer comme un crime capital la destruction decette petite créature, parce que, d’après eux, elle n’appartenaitplus aux hommes&|160;; c’était l’ouvrage de dieu&|160;; elle étaità dieu, en pouvait-on disposer sans crime&|160;! Mais depuis que leflambeau de la philosophie a dissipé toutes ces impostures, depuisque la chimère divine est foulée aux pieds, depuis que mieuxinstruits des lois et des secrets de la physique nous avonsdéveloppé le principe de la génération, et que ce mécanismematériel n’offre aux yeux rien de plus étonnant que la végétationdu grain de blé, nous en avons appelé à la nature de l’erreur deshommes&|160;; étendant la mesure de nos droits, nous avons enfinreconnu que nous étions parfaitement libres de reprendre ce quenous n’avions donné qu’à contre-cœur ou par hasard, et qu’il étaitimpossible d’exiger d’un individu quelconque de devenir père oumère s’il n’en a pas envie, que cette créature de plus ou de moinssur la terre n’était pas d’ailleurs d’une bien grande conséquence,et que nous devenions en un mot aussi certainement les maîtres dece morceau de chair quelque animé qu’il fût, que nous le sommes desongles que nous retranchons de nos doigts, des excroissances dechair que nous extirpons de nos corps, ou des digestions que noussupprimons de nos entrailles. Parce que l’un et l’autre sont denous, parce que l’un et l’autre sont à nous, et que nous sommesabsolument possesseurs de ce qui émane de nous. En vousdéveloppant, Eugénie, la très médiocre importance dont l’action dumeurtre était sur terre, vous avez dû voir de quelle petiteconséquence doit être également tout ce qui tient à l’infanticidecommis sur une créature déjà même en âge de raison&|160;; il estdonc inutile d’y revenir, l’excellence de votre esprit ajoute à mespreuves, la lecture de l’histoire des mœurs de tous les peuples dela terre, en vous faisant voir que cet usage est universel,achèvera de vous convaincre qu’il n’y aurait que de l’imbécillité àadmettre du mal à cette très indifférente action.

EUGÉNIE, d’abord à Dolmancé&|160;: Je ne puis vous direà quel point vous me persuadez&|160;; (s’adressant ensuite àMme&|160;de&|160;Saint-Ange&|160;:) mais dis-moi,ma toute bonne, t’es-tu quelquefois servie du remède que tum’offres pour détruire intérieurement le fœtus&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Deux fois, et toujours avec le plusgrand succès, mais je dois t’avouer que je n’en ai fait l’épreuveque dans les premiers temps&|160;; cependant deux femmes de maconnaissance ont employé ce même remède à mi-terme, et elles m’ontassuré qu’il leur avait également réussi. Compte donc sur moi dansl’occasion, ma chère, mais je t’exhorte à ne te jamais mettre dansle cas d’en avoir besoin, c’est le plus sûr. Reprenons maintenantla suite des détails lubriques que nous avons promis à cette jeunefille. Poursuivez, Dolmancé, nous en sommes aux fantaisiessacrilèges.

DOLMANCÉ&|160;: Je suppose qu’Eugénie est trop revenue deserreurs religieuses pour ne pas être intimement persuadée que toutce qui tient à se jouer des objets de la piété des sots, ne peutavoir aucune sorte de conséquence, ces fantaisies en ont si peuqu’elles ne doivent, dans le fait, échauffer que de très jeunestêtes, pour qui toute rupture de frein devient unejouissance&|160;; c’est une espèce de petite vindicte qui enflammel’imagination, et qui, sans doute, peut amuser quelquesinstants&|160;; mais ces voluptés, ce me semble, doivent devenirinsipides et froides quand on a eu le temps de s’instruire et de seconvaincre de la nullité des objets dont les idoles que nousbafouons ne sont que la chétive représentation&|160;; profaner lesreliques, les images de saints, l’hostie, le crucifix, tout cela nedoit être, aux yeux du philosophe, que ce que serait la dégradationd’une statue païenne&|160;; une fois qu’on a dévoué ces exécrablesbabioles au mépris, il faut les y laisser sans s’en occuperdavantage, il n’est bon de conserver de tout cela que le blasphème,non qu’il ait plus de réalité, car dès l’instant où il n’y a plusde dieu, à quoi sert-il d’insulter son nom&|160;? Mais c’est qu’ilest essentiel de prononcer des mots forts, ou sales, dans l’ivressedu plaisir, et que ceux du blasphème servent assez bienl’imagination&|160;; il n’y faut rien épargner, il faut orner cesmots du plus grand luxe d’expressions, il faut qu’ils scandalisentle plus possible&|160;; car il est très doux de scandaliser, ilexiste là un petit triomphe pour l’orgueil qui n’est nullement àdédaigner, je vous l’avoue, mesdames, c’est une de mes voluptéssecrètes, il est peu de plaisirs moraux plus actifs sur monimagination&|160;; essayez-le, Eugénie, et vous verrez ce qu’il enrésulte&|160;; étalez surtout une prodigieuse impiété lorsque vousvous trouvez avec des personnes de votre âge qui végètent encoredans les ténèbres de la superstition. Affichez la débauche et lelibertinage, affectez de vous mettre en fille, de leur laisser voirvotre gorge&|160;; si vous allez avec elles dans les lieux secrets,troussez-vous avec indécence, laissez-leur voir avec affectationles plus secrètes parties de votre corps, exigez la même chosed’elles, séduisez-les, sermonnez-les, faites-leur voir le ridiculede leurs préjugés, mettez-les ce qui s’appelle à mal, jurez commeun homme avec elles, si elles sont plus jeunes que vous, prenez-lesde force, amusez-vous-en et corrompez-les soit par des exemples,soit par des conseils, soit par tout ce que vous pourrez croire, enun mot, de plus capable de les pervertir&|160;; soyez de mêmeextrêmement libre avec les hommes, affichez avec eux l’irréligionet l’impudence&|160;; loin de vous effrayer des libertés qu’ilsprendront, accordez-leur mystérieusement tout ce qui peut lesamuser sans vous compromettre, laissez-vous manier par eux,branlez-les, faites-vous branler, allez même jusqu’à leur prêter lecul&|160;; mais puisque l’honneur chimérique des femmes tient àleurs prémices antérieures, rendez-vous plus difficile sur cela,une fois mariée, prenez des laquais, point d’amant, ou payezquelques gens sûrs&|160;; de ce moment tout est à couvert, plusd’atteinte à votre réputation, et sans qu’on ait jamais pu voussuspecter, vous avez trouvé l’art de faire tout ce qui vous aplu.

Poursuivons&|160;:

Les plaisirs de la cruauté sont les troisièmes que nous noussommes promis d’analyser.

Ces sortes de plaisirs sont aujourd’hui très communs parmi leshommes, et voici l’argument dont ils se servent pour les légitimer.Nous voulons être émus, disent-ils, c’est le but de tout homme quise livre à la volupté, et nous voulons l’être par les moyens lesplus actifs&|160;; en partant de ce point, il ne s’agit pas desavoir si nos procédés plairont ou déplairont à l’objet qui noussert, il s’agit seulement d’ébranler la masse de nos nerfs par lechoc le plus violent possible&|160;; or il n’est pas douteux que ladouleur affectant bien plus vivement que le plaisir, les chocsrésultatifs sur nous de cette sensation produite sur les autres,seront essentiellement d’une vibration plus vigoureuse, retentirontplus énergiquement dans nous, mettront dans une circulation plusviolente les esprits animaux qui, se déterminant sur les bassesrégions par le mouvement de rétrogradation qui leur est essentielalors, embraseront aussitôt les organes de la volupté, et lesdisposeront au plaisir&|160;; les effets du plaisir sont toujourstrompeurs dans les femmes&|160;; il est d’ailleurs très difficilequ’un homme laid ou vieux les produise, y parvient-il&|160;? ilssont faibles, et les chocs beaucoup moins nerveux, il faut doncpréférer la douleur, dont les effets ne peuvent tromper, et dontles vibrations sont plus actives&|160;; mais, objecte-t-on auxhommes entichés de cette manie, cette douleur afflige le prochain,est-il charitable de faire du mal aux autres pour se délectersoi-même&|160;? les coquins vous répondent à cela, qu’accoutumésdans l’acte du plaisir à se compter pour tout, et les autres pourrien, ils sont persuadés qu’il est tout simple, d’après lesimpulsions de la nature, de préférer ce qu’ils sentent, à ce qu’ilsne sentent point&|160;; que nous font, osent-ils dire, les douleursoccasionnées sur le prochain, les ressentons-nous&|160;? non, aucontraire, nous venons de démontrer que de leur production résulteune sensation délicieuse pour nous&|160;; à quel titreménagerions-nous donc un individu qui ne nous touche en rien, àquel titre lui éviterions-nous une douleur qui ne nous coûterajamais une larme, quand il est certain que de cette douleur vanaître un très grand plaisir pour nous&|160;; avons-nous jamaiséprouvé une seule impulsion de la nature qui nous conseille depréférer les autres à nous&|160;? et chacun n’est-il pas pour soidans le monde&|160;? Vous nous parlez d’une voix chimérique decette nature qui nous dit de ne pas faire aux autres ce que nous nevoudrions pas qui nous fût fait&|160;; mais cet absurde conseil nenous est jamais venu que des hommes, et des hommes faibles, l’hommepuissant ne s’avisa jamais de parler un tel langage. Ce furent lespremiers chrétiens, qui journellement persécutés pour leur imbécilesystème, criaient à qui voulait l’entendre&|160;: «&|160;Ne nousbrûlez pas, ne nous écorchez pas, la nature dit qu’il ne fautpas faire aux autres ce que nous ne voudrions pas qu’il nous fûtfait.&|160;» Imbéciles, comment la nature qui nous conseilletoujours de nous délecter, qui n’imprime jamais dans nous d’autresmouvements, d’autres inspirations, pourrait-elle le moment d’après,par une inconséquence sans exemple, nous assurer qu’il ne fautpourtant pas nous aviser de nous délecter si cela peut faire de lapeine aux autres&|160;? ah&|160;! croyons-le, croyons-le, Eugénie,la nature, notre mère à tous, ne nous parle jamais que de nous,rien n’est égoïste comme sa voix, et ce que nous y reconnaissons deplus clair est l’immuable et saint conseil qu’elle nous donne denous délecter, n’importe aux dépens de qui. Mais les autres, vousdit-on à cela, peuvent se venger… À la bonne heure, le plus fortseul aura raison. Eh bien&|160;! voilà l’état primitif de guerre etde destruction perpétuelles pour lequel sa main nous créa, et danslequel seul il lui est avantageux que nous soyons.

Voilà, ma chère Eugénie, comme raisonnent ces gens-là, et moi,j’y ajoute, d’après mon expérience et mes études, que la cruauté,bien loin d’être un vice, est le premier sentiment qu’imprime ennous la nature&|160;: l’enfant brise son hochet, mord le téton desa nourrice, étrangle son oiseau bien avant que d’avoir l’âge deraison&|160;; la cruauté est empreinte dans les animaux chezlesquels, ainsi que je crois vous l’avoir dit, les lois de lanature se lisent bien plus énergiquement que chez nous. Elle estchez les sauvages bien plus rapprochée de la nature que chezl’homme civilisé&|160;; il serait donc absurde d’établir qu’ellefût une suite de la dépravation&|160;; ce système est faux, je lerépète, la cruauté est dans la nature, nous naissons tous avec unedose de cruauté que la seule éducation modifie&|160;; maisl’éducation n’est pas dans la nature, elle nuit autant aux effetssacrés de la nature que la culture nuit aux arbres. Comparez dansvos vergers l’arbre abandonné aux soins de la nature, avec celuique votre art soigne en le contraignant, et vous verrez lequel estle plus beau, vous éprouverez lequel vous donnera de meilleursfruits&|160;; la cruauté n’est autre chose que l’énergie de l’hommeque la civilisation n’a point encore corrompue, elle est donc unevertu et non pas un vice&|160;; retranchez vos lois, vos punitions,vos usages, et la cruauté n’aura plus d’effets dangereux,puisqu’elle n’agira jamais sans pouvoir être aussitôt repoussée parles mêmes voies&|160;; c’est dans l’état de civilisation qu’elleest dangereuse, parce que l’être lésé manque presque toujours, oude la force, ou des moyens de repousser l’injure&|160;; mais dansl’état d’incivilisation, si elle agit sur le fort, elle serarepoussée par lui, et si elle agit sur le faible, ne lésant qu’unêtre qui cède au fort par les lois de la nature, elle n’a pas lemoindre inconvénient.

Nous n’analyserons point la cruauté dans les plaisirs lubriqueschez les hommes&|160;; vous voyez à peu près, Eugénie, lesdifférents excès où ils doivent porter, et votre ardenteimagination doit vous faire aisément comprendre que, dans une âmeferme et stoïque, ils ne doivent point avoir de bornes. Néron,Tibère, Héliogabale immolaient des enfants pour se fairebander&|160;; le maréchal de Retz, Charolais l’oncle de Condé,commirent aussi des meurtres de débauche&|160;: le premier avouadans son interrogatoire qu’il ne connaissait pas de volupté pluspuissante que celle qu’il retirait du supplice infligé par sonaumônier et lui sur de jeunes enfants des deux sexes. On en trouvasept ou huit cents d’immolés dans un de ses châteaux de Bretagne.Tout cela se conçoit, je viens de vous le prouver. Notreconstitution, nos organes, le cours des liqueurs, l’énergie desesprits animaux, voilà les causes physiques qui font, dans la mêmeheure, ou des Titus ou des Néron, desMessaline ou des Chantal&|160;; il ne faut pasplus s’enorgueillir de la vertu, que se repentir du vice, pas plusaccuser la nature de nous avoir fait naître bon, que de nous avoircréé scélérat&|160;; elle a agi d’après ses vues, ses plans et sesbesoins, soumettons-nous. Je n’examinerai donc ici que la cruautédes femmes, toujours bien plus active chez elles que chez leshommes, par la puissante raison de l’excessive sensibilité de leursorganes. Nous distinguons en général deux sortes de cruauté&|160;;celle qui naît de la stupidité, qui jamais raisonnée, jamaisanalysée, assimile l’individu né tel, à la bête féroce&|160;:celle-là ne donne aucun plaisir, parce que celui qui y est enclinn’est susceptible d’aucune recherche, les brutalités d’un tel êtresont rarement dangereuses, il est toujours facile de s’en mettre àl’abri&|160;; l’autre espèce de cruauté, fruit de l’extrêmesensibilité des organes, n’est connue que des êtres extrêmementdélicats, et les excès où elle les porte ne sont que desraffinements de leur délicatesse&|160;; c’est cette délicatessetrop promptement émoussée à cause de son excessive finesse qui,pour se réveiller, met en usage toutes les ressources de lacruauté, qu’il est peu de gens qui conçoivent ces différences…Comme il en est peu qui les sentent, elles existent pourtant, ellessont indubitables&|160;; or, c’est ce second genre de cruauté dontles femmes sont le plus souvent affectées. Étudiez-les bien, vousverrez si ce n’est pas l’excès de leur sensibilité qui les aconduites là. Vous verrez si ce n’est pas l’extrême activité deleur imagination, la force de leur esprit qui les rend scélérateset féroces&|160;; aussi celles-là sont-elles toutes charmantes,aussi n’en est-il pas une seule de cette espèce qui ne fassenttourner des têtes quand elles l’entreprennent&|160;;malheureusement la rigidité, ou plutôt l’absurdité de nos mœurslaisse peu d’aliment à leur cruauté&|160;; elles sont obligées dese cacher, de dissimuler, de couvrir leur inclination par des actesde bienfaisance ostensibles qu’elles détestent au fond de leurcœur&|160;; ce ne peut plus être que sous le voile le plus obscur,avec les précautions les plus grandes, aidées de quelques amiessûres qu’elles peuvent se livrer à leurs inclinations&|160;; etcomme il en est beaucoup de ce genre, il en est par conséquentbeaucoup de malheureuses&|160;; voulez-vous les connaître&|160;?annoncez-leur un spectacle cruel, celui d’un duel, d’un incendie,d’une bataille, d’un combat de gladiateurs, vous verrez comme ellesaccourront mais ces occasions ne sont pas assez nombreuses pouralimenter leur fureur, elles se contiennent, et elles souffrent.Jetons un coup d’œil rapide sur les femmes de ce genre&|160;;Zingua, reine d’Angola, la plus cruelle des femmes, immolait sesamants dès qu’ils avaient joui d’elle&|160;; souvent elle faisaitbattre des guerriers sous ses yeux et devenait le prix duvainqueur&|160;; pour flatter son âme féroce, elle se divertissaità faire piler dans un mortier toutes les femmes devenues enceintesavant l’âge de trente ans[9] . Zoé,femme d’un empereur chinois, n’avait pas de plus grand plaisir quede voir exécuter des criminels sous ses yeux&|160;; à leur défaut,elle faisait immoler des esclaves pendant qu’elle foutait avec sonmari, et proportionnait les élans de sa décharge à la cruauté desangoisses qu’elle faisait supporter à ces malheureux. Ce fut ellequi, raffinant sur le genre de supplice à imposer à ces victimes,inventa cette fameuse colonne d’airain creuse que l’on faisaitrougir après y avoir enfermé le patient. Théodora, la femme deJustinien, s’amusait à voir faire des eunuques&|160;; et Messalinese branlait pendant que, par le procédé de la masturbation, onexténuait des hommes devant elle. Les Floridiennes faisaientgrossir le membre de leurs époux et plaçaient de petits insectessur le gland, ce qui leur faisait endurer des douleurs horribles,elles les attachaient pour cette opération, et se réunissaientplusieurs autour d’un seul homme pour en venir plus sûrement àbout&|160;; dès qu’elles aperçurent les Espagnols, elles tinrentelles-mêmes leurs époux pendant que ces barbares Européens lesassassinaient&|160;; la Voisin, la Brinvilliers empoisonnaient pourleur seul plaisir de commettre un crime. L’histoire en un mot nousfournit mille et mille traits de la cruauté des femmes, et c’est enraison du penchant naturel qu’elles éprouvent à ces mouvements queje voudrais qu’elles s’accoutumassent à faire usage de laflagellation active, moyen par lequel les hommes cruels apaisentleur férocité&|160;; quelques-unes d’entre elles en usent, je lesais, mais il n’est pas encore en usage, parmi ce sexe, au point oùje le désirerais, au moyen de cette issue donnée à la barbarie desfemmes, la société y gagnerait&|160;; car ne pouvant être méchantesde cette manière, elles le sont d’une autre, et, répandant ainsileur venin dans le monde, elles font le désespoir de leurs époux etde leur famille. Le refus de faire une bonne action, lorsquel’occasion s’en présente, celui de secourir l’infortune, donnentbien, si l’on veut, de l’essor à cette férocité où certaines femmessont naturellement entraînées&|160;; mais cela est faible etsouvent beaucoup trop loin du besoin qu’elles ont de faire pis. Ily aurait, sans doute, d’autres moyens par lesquels une femme, à lafois sensible et féroce, pourrait calmer ses fougueusespassions&|160;; mais ils sont dangereux, Eugénie, et je n’oseraisjamais te les conseiller… Oh ciel&|160;! qu’avez-vous donc, cherange&|160;?… Madame, dans quel état voilà votre élève&|160;?

EUGÉNIE, se branlant&|160;: Ah&|160;! sacredieu, vousme tournez la tête… Voilà l’effet de vos foutus propos.

DOLMANCÉ&|160;: Au secours, madame, au secours… laisserons-nousdonc décharger cette belle enfant sans l’aider&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Oh&|160;! ce serait injuste&|160;;(la prenant dans ses bras&|160;:) adorable créature, jen’ai jamais vu une sensibilité comme la tienne, jamais une tête sidélicieuse&|160;!

DOLMANCÉ&|160;: Soignez le devant, madame, je vais avec malangue effleurer le joli petit trou de son cul, en lui donnant delégères claques sur ses fesses il faut qu’elle décharge entre nosmains au moins sept ou huit fois de cette manière.

EUGÉNIE, égarée&|160;: Ah, foutre&|160;! ce ne sera pasdifficile.

DOLMANCÉ&|160;: Par l’attitude où nous voilà, mesdames, jeremarque que vous pourriez me sucer le vit tour à tour, excité decette manière, je procéderais avec bien plus d’énergie aux plaisirsde notre charmante élève.

EUGÉNIE&|160;: Ma bonne, je te dispute l’honneur de sucer cebeau vit.

Elle le prend.

DOLMANCÉ&|160;: Ah&|160;! quelles délices, quelle chaleurvoluptueuse&|160;!… Mais, Eugénie, vous comporterez-vous bien àl’instant de la crise&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Elle avalera… elle avalera, je répondsd’elle, et d’ailleurs si, par enfantillage… par je ne sais quellecause, enfin… elle négligeait les devoirs que lui impose ici lalubricité…

DOLMANCÉ, très animé&|160;: Je ne lui pardonnerais pas,madame, je ne lui pardonnerais pas, une punition exemplaire… Jevous jure qu’elle serait fouettée… qu’elle le serait jusqu’au sang…Ah, sacredieu&|160;! je décharge, mon foutre coule… avale… avale,Eugénie, qu’il n’y en ait pas une goutte de perdue… Et vous,madame, soignez donc mon cul, il s’offre à vous… Ne voyez-vous doncpas comme il bâille, mon foutu cul&|160;?… ne voyez-vous donc pascomme il appelle vos doigts&|160;?… Foutredieu, mon extase estcomplète, vous les y enfoncez jusqu’au poignet… Ah&|160;!remettons-nous&|160;; je n’en puis plus… cette charmante fille m’asucé comme un ange.

EUGÉNIE&|160;: Mon cher et adorable instituteur, je n’en ai pasperdu une goutte&|160;; baise-moi, cher amour, ton foutre estmaintenant au fond de mes entrailles.

DOLMANCÉ&|160;: Elle est délicieuse…, et comme la petitefriponne a déchargé&|160;!

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Elle est inondée… Oh ciel&|160;!qu’entends-je… on frappe, qui peut venir ainsi noustroubler&|160;?… c’est mon frère… imprudent&|160;!

EUGÉNIE&|160;: Mais, ma chère, ceci est une trahison&|160;!

DOLMANCÉ&|160;: Sans exemple, n’est-ce pas&|160;; ne craignezrien, Eugénie, nous ne travaillons que pour vos plaisirs.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Ah&|160;! nous allons bientôt l’enconvaincre. Approche, mon frère, et ris de cette petite fille quise cache pour n’être pas vue de toi.

QUATRIÈME DIALOGUE

MME DE SAINT-ANGE, EUGÉNIE, DOLMANCÉ,LE CHEVALIER DE MIRVEL

LE CHEVALIER : Ne redoutez rien, je vous en conjure, de madiscrétion, belle Eugénie, elle est entière, voilà ma sœur, voilàmon ami qui peuvent tous les deux vous répondre de moi.

DOLMANCÉ : Je ne vois qu’une chose pour terminer tout d’uncoup ce ridicule cérémonial ; tiens, Chevalier, nous éduquonscette jolie fille, nous lui apprenons tout ce qu’il faut que sacheune demoiselle de son âge, et pour la mieux instruire nous joignonstoujours un peu de pratique à la théorie, il lui faut le tableaud’un vit qui décharge, c’est où nous en sommes, veux-tu nous donnerle modèle ?

LE CHEVALIER : Cette proposition est assurément tropflatteuse pour que je m’y refuse, et mademoiselle a des attraitsqui décideront bien vite les effets de la leçon désirée.

MME DE SAINT-ANGE : Eh bien ! allons ; à l’œuvreà l’instant.

EUGÉNIE : Oh ! en vérité, c’est trop fort ; vousabusez de ma jeunesse à un point… mais pour qui monsieur va-t-il meprendre ?

LE CHEVALIER : Pour une fille charmante, Eugénie… pour laplus adorable créature que j’aie vue de mes jours. (Il la baiseet laisse promener ses mains sur ses charmes.) Oh, dieu quelsappas frais et mignons… quels charmes enchanteurs !

DOLMANCÉ : Parlons moins, Chevalier, et agissons beaucoupdavantage ; je vais diriger la scène, c’est mon droit ;l’objet de celle-ci est de faire voir à Eugénie le mécanisme del’éjaculation ; mais comme il est difficile qu’elle puisseobserver un tel phénomène de sang-froid, nous allons nous placertous quatre bien en face, et très près les uns des autres, vousbranlerez votre amie, madame, je me chargerai du Chevalier ;quand il s’agit de pollution, un homme s’y entend, pour un homme,infiniment mieux qu’une femme, comme il sait ce qui lui convient,il sait ce qu’il faut faire aux autres… Allons, plaçons-nous.

On s’arrange.

MME DE SAINT-ANGE : Ne sommes-nous pas trop près ?

DOLMANCÉ, s’emparant déjà du Chevalier : Nous nesaurions l’être trop, madame ; il faut que le sein et levisage de votre amie soient inondés des preuves de la virilité devotre frère ; il faut qu’il lui décharge ce qui s’appelle aunez : maître de la pompe, j’en dirigerai les flots, de manièreà ce qu’elle s’en trouve absolument couverte ; branlez-lasoigneusement pendant ce temps sur toutes les parties lubriques deson corps ; Eugénie, livrez votre imagination tout entière auxderniers écarts du libertinage ; songez que vous allez en voirles plus beaux mystères s’opérer sous vos yeux, foulez touteretenue aux pieds ; la pudeur ne fut jamais une vertu ;si la nature eût voulu que nous cachassions quelques parties de noscorps, elle eût pris ce soin elle-même ; mais elle nous acréés nus, donc elle veut que nous allions nus, et tout procédécontraire outrage absolument ses lois. Les enfants qui n’ont encoreaucune idée du plaisir, et par conséquent de la nécessité de lerendre plus vif par la modestie, montrent tout ce qu’ilsportent ; on rencontre aussi quelquefois une singularité plusgrande ; il est des pays où la pudeur des vêtements estd’usage, sans que la modestie des mœurs s’y rencontre. À Otaïti lesfilles sont vêtues, et elles se troussent dès qu’on l’exige.

MME DE SAINT-ANGE : Ce que j’aime de Dolmancé, c’est qu’ilne perd pas son temps, tout en discourant, voyez comme il agit,comme il examine avec complaisance le superbe cul de mon frère,comme il branle voluptueusement le beau vit de ce jeune homme…Allons, Eugénie, mettons-nous à l’ouvrage, voilà le tuyau de lapompe en l’air, il va bientôt nous inonder.

EUGÉNIE : Ah ! ma chère amie, quel monstrueux membre,à peine puis-je l’empoigner… Oh ! mon dieu, sont-ils tousaussi gros que cela ?

DOLMANCÉ : Vous savez, Eugénie, que le mien est bieninférieur ; de tels engins sont redoutables pour une jeunefille ; vous sentez bien que celui-là ne vous perforerait passans danger.

EUGÉNIE, déjà branlée parMme de Saint-Ange : Ah ! je lesbraverais tous pour en jouir.

DOLMANCÉ : Et vous auriez raison ; une jeune fille nedoit jamais s’effrayer d’une telle chose ; la nature se prête,et les torrents de plaisirs dont elle vous comble vous dédommagentbientôt des petites douleurs qui les précèdent. J’ai vu des filles,plus jeunes que vous, soutenir de plus gros vits encore. Avec ducourage et de la patience on surmonte les plus grands obstacles.C’est une folie que d’imaginer qu’il faille, autant qu’il estpossible, ne faire dépuceler une jeune fille que par de très petitsvits, je suis d’avis qu’une vierge doit se livrer au contraire auxplus gros engins qu’elle pourra rencontrer, afin que les ligamentsde l’hymen plus tôt brisés, les sensations du plaisir puissentaussi se décider plus promptement dans elle ; il est vraiqu’une fois à ce régime, elle aura bien de la peine à en revenir aumédiocre, mais si elle est riche, jeune et belle, elle en trouverade cette taille tant qu’elle voudra, qu’elle s’y tienne ; s’enprésente-t-il à elle de moins gros, et qu’elle ait pourtant envied’employer, qu’elle les place alors dans son cul.

MME DE SAINT-ANGE : Sans doute, et pour être encore plusheureuse, qu’elle se serve de l’un et de l’autre à la fois, que lessecousses voluptueuses dont elle agitera celui qui l’enconneservent à précipiter l’extase de celui qui l’encule ; et,qu’inondée du foutre de tous deux, elle élance le sien en mourantde plaisir.

DOLMANCÉ (il faut observer que les pollutions vont toujourspendant le dialogue) : Il me semble qu’il devrait entrerdeux ou trois vits de plus dans le tableau que vous arrangez,madame ; la femme que vous placez, comme vous venez de ledire, ne pourrait-elle pas avoir un vit dans la bouche et un danschaque main ?

MME DE SAINT-ANGE : Elle en pourrait avoir sous lesaisselles et dans les cheveux, elle devrait en avoir trente autourd’elle s’il était possible ; il faudrait, dans ces moments-là,n’avoir, ne toucher, ne dévorer que des vits autour de soi, êtreinondée par tous au même instant où l’on déchargerait soi-même.Ah ! Dolmancé, quelque putain que vous soyez, je vous défie dem’avoir égalée dans ces délicieux combats de la luxure… J’ai faittout ce qu’il est possible en ce genre.

EUGÉNIE, toujours branlée par son amie, comme le Chevalierl’est par Dolmancé : Ah ! ma bonne… tu me faistourner la tête… quoi ! je pourrai aussi me procurer de telsplaisirs… je pourrai me livrer… à tout plein d’hommes ;ah ! quelles délices… comme tu me branles, chère amie… tu esla déesse même du plaisir… Et ce beau vit, comme il se gonfle…comme sa tête majestueuse s’enfle et devient vermeille !

DOLMANCÉ : Il est bien près du dénouement.

LE CHEVALIER : Eugénie… ma sœur… approchez-vous… ah !quelles gorges divines… quelles cuisses douces et potelées…déchargez… déchargez toutes deux, mon foutre va s’y joindre… ilcoule… ah sacredieu !

Dolmancé, pendant cette crise, a soin de diriger les flotsde sperme de son ami sur les deux femmes, et principalement surEugénie, qui s’en trouve inondée.

EUGÉNIE : Quel beau spectacle !… comme il est noble etmajestueux. M’en voilà tout à fait couverte ; il m’en estsauté jusque dans les yeux.

MME DE SAINT-ANGE : Attends, ma mie, laisse-moi recueillirces perles précieuses, je vais en frotter ton clitoris pourprovoquer plus vite ta décharge.

EUGÉNIE : Ah ! oui, ma bonne, ah ! oui, cetteidée est délicieuse… exécute, et je pars dans tes bras.

MME DE SAINT-ANGE : Divin enfant, baise-moi mille et millefois… laisse-moi sucer ta langue… que je respire ta voluptueusehaleine quand elle est embrasée par le feu du plaisir… ah !foutre, je décharge moi-même, mon frère, finis-moi, je t’enconjure.

DOLMANCÉ : Oui, Chevalier… oui, branlez votre sœur.

LE CHEVALIER : J’aime mieux la foutre, je bande encore.

DOLMANCÉ : Eh bien ! mettez-lui, en me présentantvotre cul, je vous foutrai pendant ce voluptueux inceste, Eugéniearmée de ce godemiché m’enculera. Destinée à jouer un jour tous lesdifférents rôles de la luxure, il faut qu’elle s’exerce dans lesleçons que nous lui donnons ici à les remplir tous également.

EUGÉNIE, s’affublant du godemiché : Oh !volontiers, vous ne me trouverez jamais en défaut quand il s’agirade libertinage, il est maintenant mon seul dieu, l’unique règle dema conduite, la seule base de toutes mes actions. (Elle enculeDolmancé.) Est-ce ainsi, mon cher maître, fais-jebien ?

DOLMANCÉ : À merveille… En vérité la petite friponnem’encule comme un homme ; bon, il me semble que nous voilàparfaitement liés tous les quatre, il ne s’agit plus qued’aller.

MME DE SAINT-ANGE : Ah ! je me meurs, Chevalier, ilm’est impossible de m’accoutumer aux délicieuses secousses de tonbeau vit !

DOLMANCÉ : Sacredieu, que ce cul charmant me donne deplaisir, ah ! foutre, foutre, déchargeons tous les quatre à lafois… Double dieu, je me meurs… j’expire… Ah ! de ma vie je nedéchargeai plus voluptueusement ! As-tu perdu ton sperme,Chevalier ?

LE CHEVALIER : Vois ce con, comme il en est barbouillé.

DOLMANCÉ : Ah ! mon ami, que n’en ai-je autant dans lecul !

MME DE SAINT-ANGE : Reposons-nous, je me meurs.

DOLMANCÉ, baisant Eugénie : Cette charmante fillem’a foutu comme un dieu.

EUGÉNIE : En vérité, j’y ai ressenti du plaisir.

DOLMANCÉ : Tous les excès en donnent quand on estlibertine, et ce qu’une femme a de mieux à faire est de lesmultiplier au-delà même du possible.

MME DE SAINT-ANGE : J’ai placé cinq cents louis chez unnotaire pour l’individu quelconque qui m’apprendra une passion queje ne connaisse pas, et qui puisse plonger mes sens dans unevolupté dont je n’aie pas encore joui.

DOLMANCÉ (Ici les interlocuteurs, rajustés, ne s’occupentplus que de causer) : Cette idée est bizarre, et je lasaisirai, mais je doute, madame, que cette envie singulière, aprèslaquelle vous courez, ressemble aux minces plaisirs que vous venezde goûter.

MME DE SAINT-ANGE : Comment donc ?

DOLMANCÉ : C’est qu’en honneur je ne connais rien de sifastidieux que la jouissance du con, et quand une fois comme vous,madame, on a goûté les plaisirs du cul, je ne conçois pas commenton revient aux autres.

MME DE SAINT-ANGE : Ce sont de vieilles habitudes ;quand on pense comme moi on veut être foutue partout, et quelle quesoit la partie qu’un engin perfore on est heureuse quand on l’ysent. Je suis pourtant bien de votre avis, et j’atteste ici àtoutes les femmes voluptueuses que le plaisir qu’elles éprouverontà foutre en cul, surpassera toujours de beaucoup celui qu’elleséprouveront à le faire en con ; qu’elles s’en rapportent surcela à la femme de l’Europe qui l’a le plus fait de l’une et del’autre manière ; je leur certifie qu’il n’y a pas la moindrecomparaison, et qu’elles reviendront bien difficilement au devant,quand elles auront fait l’expérience du derrière.

LE CHEVALIER : Je ne pense pas tout à fait de même, je meprête à tout ce qu’on veut, mais, par goût, je n’aime vraiment dansles femmes que l’autel qu’indiqua la nature pour leur rendrehommage.

DOLMANCÉ : Eh bien ! mais c’est le cul, jamais lanature, mon cher Chevalier, si tu scrutes avec soin ses lois,n’indiqua d’autres autels à notre hommage que le trou duderrière ; elle permet le reste, mais elle ordonnecelui-ci ; ah ! sacredieu, si son intention n’était pasque nous foutions des culs, aurait-elle aussi justementproportionné leur orifice à nos membres ; cet orifice n’est-ilpas rond comme eux, quel être assez ennemi du bon sens peutimaginer qu’un trou ovale puisse avoir été créé par la nature pourdes membres ronds ; ses intentions se lisent dans cettedifformité, elle nous fait voir clairement par là que dessacrifices trop réitérés dans cette partie, en multipliant unepropagation dont elle ne fait que nous accorder la tolérance, luidéplairaient infailliblement. Mais poursuivons notre éducation.Eugénie vient de considérer, tout à l’aise, le sublime mystèred’une décharge, je voudrais maintenant qu’elle apprît à en dirigerles flots.

MME DE SAINT-ANGE : Dans l’épuisement où vous voilà tousdeux, c’est lui préparer bien de la peine.

DOLMANCÉ : J’en conviens, aussi voilà pourquoi jedésirerais que nous puissions avoir, dans votre maison, ou dansvotre campagne, quelque jeune garçon bien robuste, qui nousservirait de mannequin, et sur lequel nous pourrions donner desleçons.

MME DE SAINT-ANGE : J’ai précisément votre affaire.

DOLMANCÉ : Ne serait-ce point par hasard un jeunejardinier, d’une figure délicieuse, d’environ dix-huit ou vingtans, que j’ai vu tout à l’heure travaillant à votrepotager ?

MME DE SAINT-ANGE : Augustin, oui précisément, Augustin, etdont le membre a treize pouces de long sur huit et demi decirconférence.

DOLMANCÉ : Ah ! juste ciel, quel monstre… et celadécharge ?…

MME DE SAINT-ANGE : Oh ! comme un torrent ; jevais le chercher.

CINQUIÈME DIALOGUE

DOLMANCÉ, LE CHEVALIER, AUGUSTIN,EUGÉNIE, MME DE SAINT-ANGE

MME DE SAINT-ANGE, amenant Augustin&|160;: Voilà l’homme dont jevous ai parlé&|160;; allons mes amis, amusons-nous&|160;: queserait la vie sans le plaisir… Approche, benêt… Oh&|160;! lesot&|160;; croyez-vous qu’il y a six mois, que je travaille àdébourrer ce gros cochon, sans pouvoir en venir à bout&|160;?

AUGUSTIN&|160;: Ma fig, Madame, vous dites pourtant quelquefoiscomme ça que je commence à ne pas si mal aller à présent, et quandy a du terrain en friche, c’est toujours à moi que vous ledonnez.

DOLMANCÉ, riant&|160;: Ah&|160;! charmant… charmant… Lecher ami, il est aussi franc qu’il est frais… (MontrantEugénie&|160;:) Augustin, voilà une banquette de fleurs enfriche, veux-tu l’entreprendre&|160;?

AUGUSTIN&|160;: Ah&|160;! tatiguai, Monsieur, de si gentilsmorceaux ne sont pas faits pour nous.

DOLMANCÉ&|160;: Allons, mademoiselle.

EUGÉNIE, rougissant&|160;: Oh ciel&|160;! je suis d’unehonte&|160;!

DOLMANCÉ&|160;: Éloignez de vous ce sentiment pusillanime&|160;;toutes nos actions, et surtout celles du libertinage, nous étantinspirées par la nature, il n’en est aucune, de quelque espèce quevous puissiez la supposer, dont nous devions concevoir de lahonte&|160;; allons, Eugénie, faites acte de putanisme avec cejeune homme&|160;; songez que toute provocation, faite par unefille à un garçon est une offrande à la nature, et que votre sexene la sert jamais mieux, que quand il se prostitue au nôtre&|160;;que c’est en un mot, pour être foutue que vous êtes née et quecelle qui se refuse à cette intention de la nature sur elle, nemérite pas de voir le jour. Rabaissez vous-même la culotte de cejeune homme jusqu’au bas de ses belles cuisses&|160;; roulez sachemise sous sa veste&|160;; que le devant… et le derrière, qu’ila, par parenthèse, fort beau, se trouvent à votre disposition…Qu’une de vos mains s’empare maintenant de cet ample morceau dechair qui bientôt, je le vois, va vous effrayer par sa forme, etque l’autre se promène sur les fesses, et chatouille, ainsi,l’orifice du cul… Oui, de cette manière. (Pour faire voir àEugénie ce dont il s’agit, il socratise Augustin lui-même.)Décalottez bien cette tête rubiconde&|160;; ne la recouvrez jamaisen polluant, tenez-la nue… tendez le filet, au point de le rompre…Eh bien&|160;! voyez-vous déjà l’effet de mes leçons… Et toi, monenfant, je t’en conjure, ne reste pas ainsi les mains jointes, n’ya-t-il donc pas là de quoi les occuper&|160;; promène-les sur cebeau sein, sur ces belles fesses.

AUGUSTIN&|160;: Monsieur, est-ce que je ne pourrions pas baisercette demoiselle qui me fait tant de plaisir&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Eh&|160;! baise-la, imbécile, baise-latant que tu voudras&|160;; ne me baises-tu pas, moi, quand jecouche avec toi&|160;?

AUGUSTIN&|160;: Ah&|160;! tatiguai, la belle bouche, comme çavous est frais&|160;; il me semble avoir le nez sur les roses denot jardin. (Montrant son vit bandant&|160;:) Aussi,voyez-vous, Monsieur, v’là l’effet que ça produit.

EUGÉNIE&|160;: Oh ciel&|160;! comme il s’allonge.

DOLMANCÉ&|160;: Que vos mouvements deviennent, à présent, plusréglés, plus énergiques… Cédez-moi la place un instant, et regardezbien comme je fais. (Il branle Augustin.) Voyez-vous commeces mouvements-là sont plus fermes et en même temps plus moelleux…Là, reprenez, et surtout ne recalottez pas… Bon, le voilà danstoute son énergie&|160;; examinons maintenant s’il est vrai qu’ill’ait plus gros que le Chevalier.

EUGÉNIE&|160;: N’en doutons pas, vous voyez bien que je ne puisl’empoigner.

DOLMANCÉ mesure&|160;: Oui, vous avez raison, treize delongueur sur huit et demi de circonférence&|160;; je n’en ai jamaisvu de plus gros&|160;; voilà ce qu’on appelle un superbe vit&|160;;et vous vous en servez, madame&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Régulièrement toutes les nuits quand jesuis à cette campagne.

DOLMANCÉ&|160;: Mais pas dans le cul, j’espère&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Un peu plus souvent que dans lecon.

DOLMANCÉ&|160;: Ah&|160;! sacredieu, quel libertinage… Ehbien&|160;! en honneur, je ne sais pas si je le soutiendrais.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Ne faites donc pas l’étroit, Dolmancé,il entrera dans votre cul comme dans le mien.

DOLMANCÉ&|160;: Nous verrons cela&|160;; je me flatte que monAugustin me fera l’honneur de me lancer un peu de foutre dans lederrière, je le lui rendrai&|160;; mais continuons notre leçon…Allons, Eugénie, le serpent va vomir son venin,préparez-vous&|160;; que vos yeux se fixent sur la tête de cesublime membre&|160;; et quand, pour preuve de sa prompteéjaculation, vous allez le voir se gonfler, se nuancer du plus beaupourpre, que vos mouvements alors acquièrent toute l’énergie dontils sont susceptibles&|160;; que les doigts qui chatouillentl’anus, s’y enfoncent le plus avant que faire se pourra&|160;;livrez-vous tout entière au libertin qui s’amuse de vous&|160;;cherchez sa bouche, afin de la sucer&|160;: que vos attraitsvolent, pour ainsi dire, au-devant de ses mains… il décharge,Eugénie, voilà l’instant de votre triomphe.

AUGUSTIN&|160;: Ahe, ahe, ahe, Mameselle, je me meurs… je nepuis plus, allez donc plus fort, je vous en conjure… Ah, sacrédié,je n’y vois plus clair&|160;!

DOLMANCÉ&|160;: Redoublez, redoublez, Eugénie, ne le ménagezplus, il est dans l’ivresse, ah, quelle abondance de sperme, avecquelle vigueur il s’est élancé, voyez les traces du premier jet, ila sauté à plus de dix pieds… Foutredieu, la chambre en est pleine,je n’ai jamais vu décharger comme cela, et il vous a, dites-vous,foutue, cette nuit, madame&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Neuf ou dix coups, je crois, il y alongtemps que nous ne comptons plus.

LE CHEVALIER&|160;: Belle Eugénie, vous en êtes couverte.

EUGÉNIE&|160;: Je voudrais en être inondée. (ÀDolmancé&|160;:) Eh bien&|160;! mon maître, es-tucontent&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: Fort bien pour un début&|160;; mais il estencore quelques épisodes que vous avez négligés.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Attendons, ils ne peuvent être en elleque le fruit de l’expérience&|160;; pour moi, je l’avoue, je suisfort contente de mon Eugénie&|160;; elle annonce les plus heureusesdispositions, et je crois que nous devons maintenant la faire jouird’un autre spectacle, faisons-lui voir les effets d’un vit dans lecul&|160;; Dolmancé, je vais vous offrir le mien, je serai dans lesbras de mon frère&|160;; il m’enconnera&|160;; vous m’enculerez, etc’est Eugénie qui préparera votre vit&|160;; qui le placera dansmon cul, qui en réglera tous les mouvements&|160;; qui les étudieraafin de se rendre familière à cette opération, que nous lui feronsensuite subir à elle-même par l’énorme vit de cet hercule.

DOLMANCÉ&|160;: Je m’en flatte, et ce joli petit derrière serabientôt déchiré sous nos yeux par les secousses violentes du braveAugustin, j’approuve en attendant ce que vous proposez,madame&|160;; mais si vous voulez que je vous traite bien,permettez-moi d’y mettre une clause&|160;; Augustin, que je vaisfaire rebander en deux tours de poignet, m’enculera, pendant que jevous sodomiserai.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: J’approuve fort cet arrangement, j’ygagnerai, et ce sera pour mon écolière, deux excellentes leçons aulieu d’une.

DOLMANCÉ, s’emparant d’Augustin&|160;: Viens, mon grosgarçon, que je te ranime… comme il est beau… Baise-moi, cher ami,tu es encore tout mouillé de foutre, et c’est du foutre que je tedemande… Ah&|160;! sacredieu&|160;! il faut que je lui gamahuche lecul, tout en le branlant&|160;!

LE CHEVALIER&|160;: Approche, ma sœur, afin de répondre aux vuesde Dolmancé et aux tiennes, je vais m’étendre sur ce lit, tu tecoucheras dans mes bras, en lui exposant tes belles fesses dans leplus grand écartement possible… oui, c’est cela&|160;: nouspourrions toujours commencer.

DOLMANCÉ&|160;: Non pas vraiment, attendez-moi, il faut d’abordque j’encule ta sœur, puisque Augustin me l’insinue&|160;; ensuiteje vous marierai&|160;: ce sont mes doigts qui doivent vouslier&|160;; ne manquons à aucun des principes, songeons qu’uneécolière nous regarde, et que nous lui devons des leçonsexactes&|160;; Eugénie, venez me branler pendant que je déterminel’énorme engin de ce mauvais sujet&|160;; soutenez l’érection demon vit, en le polluant avec légèreté sur vos fesses…

Elle exécute.

EUGÉNIE&|160;: Fais-je bien&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: Il y a toujours trop de mollesse dans vosmouvements, serrez beaucoup plus le vit que vous branlez,Eugénie&|160;; si la masturbation n’est agréable qu’en ce qu’ellecomprime davantage que la jouissance, il faut donc que la main quicoopère, devienne pour l’engin qu’elle travaille, un localinfiniment plus étroit qu’aucune autre partie du corps… Mieux,c’est mieux, cela, écartez le derrière un peu plus, afin qu’àchaque secousse la tête de mon vit touche au trou de votrecul&|160;; oui, c’est cela, branle ta sœur en attendant&|160;;Chevalier, nous sommes à toi dans la minute… Ah bon&|160;! voilàmon homme qui bande… allons, préparez-vous, madame, ouvrez ce culsublime à mon ardeur impure&|160;; guide le dard Eugénie&|160;; ilfaut que ce soit ta main qui le conduise sur la brèche&|160;; ilfaut que ce soit elle qui le fasse pénétrer, dès qu’il sera dedans,tu t’empareras de celui d’Augustin, dont tu rempliras mesentrailles&|160;; tout cela sont là des devoirs de novice, il y ade l’instruction à recevoir à tout cela&|160;; voilà pourquoi je tele fais faire.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Mes fesses sont-elles bien à toi,Dolmancé&|160;? Ah mon ange, si tu savais combien je te désire,combien il y a de temps que je veux être enculée par unbougre&|160;!

DOLMANCÉ&|160;: Vos vœux vont être exaucés, madame, maissouffrez que je m’arrête un instant aux pieds de l’idole&|160;: jeveux la fêter avant que de m’introduire au fond de son sanctuaire…Quel cul divin&|160;!… que je le baise, que je le lèche mille etmille fois. Tiens, le voilà, ce vit que tu désires, le sens-tucoquine&|160;? dis, dis&|160;; sens-tu comme il pénètre&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Ah&|160;! mets-le-moi jusqu’au fond desentrailles… douce volupté, quel est donc ton empire&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: Voilà un cul comme je n’en foutis de mesjours&|160;; il est digne de Ganymède lui-même&|160;; allons,Eugénie, par vos soins qu’Augustin m’encule à l’instant.

EUGÉNIE&|160;: Le voilà, je vous l’apporte. (ÀAugustin&|160;:) Tiens, bel ange, vois-tu le trou qu’il tefaut perforer&|160;?

AUGUSTIN&|160;: Je le voyons bien… dame, y a de la place là,j’entrerai mieux là-dedans que chez vous, au moins,Mam’selle&|160;; baisez-moi donc un peu pour qu’il entre mieux.

EUGÉNIE, l’embrassant&|160;: Oh&|160;! tant que tuvoudras, tu es si frais&|160;; mais pousse donc… Comme la tête s’yest engloutie, tout de suite… Ah&|160;! il me paraît que le restene tardera pas.

DOLMANCÉ&|160;: Pousse, pousse, mon ami&|160;; déchire-moi, s’ille faut… Tiens, vois mon cul, comme il se prête… Ah&|160;!sacredieu, quelle massue&|160;! je n’en reçus jamais de pareil…combien reste-t-il de pouces au-dehors, Eugénie&|160;?

EUGÉNIE&|160;: À peine deux.

DOLMANCÉ&|160;: J’en ai donc onze dans le cul… quelles délices…Il me crève, je n’en puis plus… Allons, Chevalier, es-tuprêt&|160;?

LE CHEVALIER&|160;: Tâte, et dis ce que tu en penses.

DOLMANCÉ&|160;: Venez mes enfants, que je vous marie… que jecoopère de mon mieux à ce divin inceste.

Il introduit le vit du Chevalier dans le con de sasœur.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Ah&|160;! mes amis, me voilà doncfoutue des deux côtés… sacredieu, quel divin plaisir&|160;! non, iln’en est pas de semblable au monde… Ah&|160;! foutre, que je plainsla femme qui ne l’a pas goûté&|160;; secoue-moi, Dolmancé,secoue-moi&|160;; force-moi, par la violence de tes mouvements à meprécipiter sur le glaive de mon frère&|160;; et toi, Eugénie,contemple-moi, viens me regarder dans le vice&|160;; viensapprendre à mon exemple, à le goûter, avec transport, à le savoureravec délices… Vois mon amour, vois tout ce que je fais à la fois,scandale, séduction, mauvais exemple, inceste, adultère, sodomie… ÔLucifer&|160;! seul et unique dieu de mon âme, inspire-moi quelquechose de plus, offre à mon cœur de nouveaux écarts, et tu verrascomme je m’y plongerai&|160;!

DOLMANCÉ&|160;: Voluptueuse créature comme tu détermines monfoutre, comme tu en presses la décharge par tes propos et l’extrêmechaleur de ton cul… tout va me faire partir à l’instant. Eugénie,échauffe le courage de mon fouteur&|160;; presse ses flancs,entrouvre ses fesses&|160;; tu connais maintenant l’art de ranimerdes désirs vacillants… Ta seule approche donne de l’énergie au vitqui me fout… Je le sens, ses secousses sont plus vives… Friponne,il faut que je te cède ce que je n’aurais voulu devoir qu’à moncul. Chevalier, tu t’emportes, je le sens… attends-moi…attends-nous. Ô mes amis, ne déchargeons qu’ensemble, c’est le seulbonheur de la vie.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Ah&|160;! foutre… foutre, partez quandvous voudrez… pour moi, je n’y tiens plus&|160;! Double nom d’undieu, dont je me fous… sacré bougre de dieu&|160;! je décharge…inondez-moi, mes amis… inondez votre putain, lancez les flots devotre foutre écumeux, jusqu’au fond de son âme embrasée, ellen’existe que pour les recevoir… ahe, ahe, ahe, foutre… foutre, quelincroyable excès de volupté, je me meurs&|160;; Eugénie, que je tebaise, que je te mange… que je dévore ton foutre, en perdant lemien.

Augustin, Dolmancé et le Chevalier font chorus, la crainted’être monotone nous empêche de rendre des expressions qui, dans detels instants, se ressemblent toutes.

DOLMANCÉ&|160;: Voilà une des bonnes jouissances que j’aie euesde ma vie. (Montrant Augustin&|160;:) Ce bougre-là m’arempli de sperme… mais je vous l’ai bien rendu, madame.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Ah&|160;! ne m’en parlez pas, j’en suisinondée.

EUGÉNIE&|160;: Je n’en peux pas dire autant, moi. (Se jetanten folâtrant dans les bras de son amie&|160;:) Tu dis que tuas fait bien des péchés, ma bonne, mais pour moi, dieu merci, pasun seul&|160;; ah&|160;! si je mange longtemps mon pain à la fumée,comme cela, je n’aurai pas d’indigestion.

MME DE SAINT-ANGE, éclatant de rire&|160;: La drôle decréature&|160;!

DOLMANCÉ&|160;: Elle est charmante, venez ici, petite fille, queje vous fouette. (Il lui claque le cul.) Baisez-moi, vousaurez bientôt votre tour.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Il ne faut à l’avenir s’occuper qued’elle seule, mon frère, considère-la, c’est ta proie… examine cecharmant pucelage, il va bientôt t’appartenir.

EUGÉNIE&|160;: Oh&|160;! non, pas par-devant, cela me feraittrop de mal, par-derrière tant que vous voudrez, comme Dolmancé mel’a fait tout à l’heure.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: La naïve et délicieuse fille… Elle vousdemande précisément ce qu’on a tant de peine à obtenir desautres.

EUGÉNIE&|160;: Oh&|160;! ce n’est pas sans un peu deremords&|160;; car vous ne m’avez point rassurée sur le crimeénorme que j’ai toujours entendu dire qu’il y avait à cela, etsurtout à le faire d’homme à homme, comme cela vient d’arriver àDolmancé et à Augustin&|160;; voyons, voyons, monsieur, commentvotre philosophie explique cette sorte de délit. Il est affreux,n’est-ce pas&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: Commencez à partir d’un point, Eugénie, c’estque rien n’est affreux en libertinage, parce que tout ce que lelibertinage inspire l’est également par la nature&|160;; lesactions les plus extraordinaires, les plus bizarres, celles quiparaissent choquer le plus évidemment toutes les lois, toutes lesinstitutions humaines (car pour du ciel, je n’en parle pas), ehbien&|160;! Eugénie, celles-là même ne sont point affreuses, et iln’en est pas une d’elles qui ne puisse se démontrer dans lanature&|160;; il est certain que celle dont vous me parlez, belleEugénie, est la même relativement à laquelle on trouve une fable sisingulière dans le plat roman de l’Écriture sainte, fastidieusecompilation d’un juif ignorant, pendant la captivité de Babylone,mais il est faux, hors de toute vraisemblance, que ce soit enpunition de ces écarts que ces villes, ou plutôt ces bourgadesaient péri par le feu&|160;; placées sur le cratère de quelquesanciens volcans, Sodome, Gomorrhe, périrent comme ces villes del’Italie qu’engloutirent les laves du Vésuve&|160;; voilà tout lemiracle, et ce fut pourtant de cet événement tout simple que l’onpartit pour inventer barbarement le supplice du feu, contre lesmalheureux humains qui se livreraient dans une partie de l’Europe àcette naturelle fantaisie.

EUGÉNIE&|160;: Oh, naturelle&|160;!

DOLMANCÉ&|160;: Oui, naturelle, je le soutiens, la nature n’apas deux voix, dont l’une fasse journellement le métier decondamner ce que l’autre inspire, et il est bien certain que cen’est que par son organe, que les hommes entichés de cette maniereçoivent les impressions qui les y portent. Ceux qui veulentproscrire ou condamner ce goût, prétendent qu’il nuit à lapopulation&|160;; qu’ils sont plats, ces imbéciles qui n’ont jamaisque cette idée de population dans la tête, et qui ne voient jamaisque du crime à tout ce qui s’éloigne de là&|160;; est-il doncdémontré que la nature ait de cette population un aussi grandbesoin qu’ils voudraient nous le faire croire&|160;? est-il biencertain qu’on l’outrage chaque fois qu’on s’écarte de cette stupidepropagation&|160;? Scrutons un instant, pour nous en convaincre, etsa marche et ses lois. Si la nature ne faisait que créer, etqu’elle ne détruisît jamais, je pourrais croire avec ces fastidieuxsophistes que le plus sublime de tous les actes serait detravailler sans cesse à celui qui produit, et je leur accorderais àla suite de cela que le refus de produire devrait nécessairementêtre un crime, mais le plus léger coup d’œil sur les opérations dela nature ne prouve-t-il pas que les destructions sont aussinécessaires à ses plans que les créations&|160;; que l’une etl’autre de ces opérations se lient et s’enchaînent même siintimement qu’il devient impossible que l’une puisse agir sansl’autre&|160;; que rien ne naîtrait, rien ne se régénérerait sansdes destructions&|160;? La destruction est donc une des lois de lanature comme la création&|160;; ce principe admis, comment puis-jeoffenser cette nature, en refusant de créer&|160;; ce qui, àsupposer un mal à cette action, en deviendrait un infiniment moinsgrand, sans doute, que celui de détruire qui, pourtant se trouvedans ses lois, ainsi que je viens de le prouver&|160;; si d’un côtéj’admets donc le penchant que la nature me donne à cette perte, quej’examine de l’autre qu’il lui est nécessaire, et que je ne faisqu’entrer dans ses vues en m’y livrant&|160;; où sera le crimealors, je vous le demande&|160;? Mais, vous objectent encore lessots et les populateurs, ce qui est synonyme, ce sperme productifne peut être placé dans vos reins à aucun autre usage que pourcelui de la propagation, l’en détourner est une offense, je viensd’abord de prouver que non, puisque cette perte n’équivaudrait mêmepas à une destruction et que la destruction bien plus importanteque la perte ne serait pas elle-même un crime&|160;; secondement ilest faux que la nature veuille que cette liqueur spermatique soitabsolument et entièrement destinée à produire, si cela était, nonseulement, elle ne permettrait pas que cet écoulement eût lieu danstout autre cas, comme nous le prouve l’expérience, puisque nous laperdons, et quand nous voulons et où nous voulons, et ensuite elles’opposerait à ce que ces pertes eussent lieu sans coït, comme ilarrive et dans nos rêves et dans nos souvenirs&|160;; avare d’uneliqueur aussi précieuse, ce ne serait jamais que dans le vase de lapropagation qu’elle en permettrait l’écoulement&|160;; elle nevoudrait assurément pas que cette volupté dont elle nous couronnealors, pût être ressentie, quand nous détournerionsl’hommage&|160;; car il ne serait pas raisonnable de supposerqu’elle consentît à nous donner du plaisir même au moment où nousl’accablerions d’outrages&|160;; allons plus loin&|160;; si lesfemmes n’étaient nées que pour produire, ce qui serait assurément,si cette production était si chère à la nature, arriverait-il que,sur la plus longue vie d’une femme, il ne se trouve cependant quesept ans, toute déduction faite, où elle soit en état de donner lavie à son semblable&|160;? Quoi, la nature est avide depropagations, tout ce qui ne tend pas à ce but l’offense&|160;; etsur cent ans de vie, le sexe destiné à produire ne le pourra quependant sept ans&|160;? La nature ne veut que des propagations etla semence qu’elle prête à l’homme pour servir ces propagations, seperd tant qu’il plaît à l’homme&|160;; il trouve le même plaisir àcette perte qu’à l’emploi utile, et jamais le moindreinconvénient&|160;?… Cessons, mes amis, cessons de croire à detelles absurdités&|160;; elles font frémir le bon sens&|160;;ah&|160;! loin d’outrager la nature, persuadons-nous bien aucontraire que le sodomite et la tribade la servent, en se refusantopiniâtrement à une conjonction, dont il ne résulte qu’uneprogéniture fastidieuse pour elle. Cette propagation, ne noustrompons point, ne fut jamais une de ses lois, mais une tolérancetout au plus, je vous l’ai dit&|160;; et que lui importe que larace des hommes s’éteigne ou s’anéantisse sur la terre&|160;; ellerit de notre orgueil à nous persuader que tout finirait si cemalheur avait lieu&|160;; mais elle ne s’en apercevrait seulementpas. S’imagine-t-on qu’il n’y ait pas déjà des raceséteintes&|160;; Buffon en compte plusieurs, et la nature muette àune perte aussi précieuse, ne s’en aperçoit seulement pas, l’espèceentière s’anéantirait que ni l’air n’en serait moins pur, nil’astre moins brillant, la marche de l’univers moins exacte. Qu’ilfallait d’imbécillité, cependant, pour croire que notre espèce esttellement utile au monde, que celui qui ne travaillerait pas à lapropager ou celui qui troublerait cette propagation, devîntnécessairement un criminel. Cessons de nous aveugler à cepoint&|160;; et que l’exemple des peuples plus raisonnables quenous, serve à nous persuader de nos erreurs&|160;; il n’y a pas unseul coin sur la terre où ce prétendu crime de sodomie n’ait eu destemples et des sectateurs, les Grecs, qui en faisaient pour ainsidire une vertu, lui érigèrent une statue sous le nom de VénusCallipyge&|160;; Rome envoya chercher des lois à Athènes, et elleen rapporta ce goût divin. Quel progrès ne lui voyons-nous pasfaire sous les empereurs, à l’abri des aigles romaines, il s’étendd’un bout de la terre à l’autre, à la destruction de l’empire, ilse réfugie près de la tiare, il suit les arts en Italie, il nousparvient quand nous nous poliçons. Découvrons-nous un hémisphère,nous y trouvons la sodomie. Cook mouille dans un nouveau monde,elle y règne&|160;; si nos ballons eussent été dans la lune, elles’y serait trouvée tout de même. Goût délicieux, enfant de lanature et du plaisir, vous devez être partout où se trouveront deshommes, et partout où l’on vous aura connu, l’on vous érigera desautels&|160;; ô mes amis, peut-il être une extravagance pareille àcelle d’imaginer qu’un homme doit être un monstre digne de perdrela vie, parce qu’il a préféré dans sa jouissance le trou d’un cul àcelui d’un con, parce qu’un jeune homme avec lequel il trouve deuxplaisirs, celui d’être à la fois amant et maîtresse, lui a parupréférable à une fille qui ne lui promet qu’une jouissance&|160;;il sera un scélérat, un monstre&|160;; pour avoir voulu jouer lerôle d’un sexe qui n’est pas le sien, et pourquoi la naturel’a-t-elle créé sensible à ce plaisir&|160;? Examinez saconformation&|160;; vous y observerez des différences totales aveccelle des hommes qui n’ont pas reçu ce goût en partage&|160;; sesfesses seront plus blanches, plus potelées&|160;; pas un poiln’ombragera l’autel du plaisir dont l’intérieur tapissé d’unemembrane plus délicate, plus sensuelle, plus chatouilleuse, setrouvera positivement du même genre que l’intérieur du vagin d’unefemme&|160;; le caractère de cet homme encore différent de celuides autres, aura plus de mollesse, plus de flexibilité&|160;; vouslui trouverez presque tous les vices et toutes les vertus d’unefemme. Vous y reconnaîtrez jusqu’à leur faiblesse&|160;; tousauront leur manie et quelques-uns de leurs traits. Serait-il doncpossible que la nature, en les assimilant de cette manière à desfemmes, pût s’irriter de ce qu’ils ont leurs goûts&|160;? n’est-ilpas clair que c’est une classe d’hommes différente de l’autre, etque la nature créa ainsi pour diminuer cette propagation dont latrop grande étendue lui nuirait infailliblement… ah ma chèreEugénie, si vous saviez comme on jouit délicieusement, quand ungros vit nous remplit le derrière, lorsque enfoncé jusqu’auxcouillons, il s’y trémousse avec ardeur&|160;; que ramené jusqu’auprépuce, il s’y renfonce jusqu’au poil&|160;; non, non, il n’estpoint dans le monde entier une jouissance qui vaillecelle-là&|160;: c’est celle des philosophes, c’est celle des héros,ce serait celle des dieux, si les parties de cette divinejouissance n’étaient pas elles-mêmes les seuls dieux que nousdevions adorer sur la terre[10]&|160;!

EUGÉNIE, très animée&|160;: Oh&|160;! mes amis, quel’on m’encule… Tenez, voilà mes fesses… je vous les offre…Foutez-moi, je décharge&|160;!

Elle tombe en prononçant ces mots, dans les bras deMme&|160;de&|160;Saint-Ange qui la serre, l’embrasse etoffre les reins élevés de cette jeune fille à Dolmancé.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Divin instituteur, résisterez-vous àcette proposition&|160;? Ce sublime derrière ne vous tentera-t-ilpas&|160;; voyez comme il bâille, et comme ils’entrouvre&|160;!

DOLMANCÉ&|160;: Je vous demande pardon, belle Eugénie&|160;; cene sera pas moi, si vous le voulez bien, qui me chargeraid’éteindre les feux que j’allume. Chère enfant, vous avez à mesyeux le grand tort d’être femme. J’ai bien voulu oublier touteprévention pour cueillir vos prémices, trouvez bon que j’en restelà&|160;; le Chevalier va se charger de la besogne&|160;; sa sœur,armée de ce godemiché, portera au cul de son frère les coups lesplus redoutables, tout en présentant son beau derrière à Augustin,qui l’enculera et que je foutrai pendant ce temps-là&|160;; car, jene vous le cache pas, le cul de ce beau garçon me tente depuis uneheure et je veux absolument lui rendre ce qu’il m’a fait.

EUGÉNIE&|160;: J’adopte le change, mais en vérité, Dolmancé, lafranchise de votre aveu n’en soustrait pas l’impolitesse.

DOLMANCÉ&|160;: Mille pardons, mademoiselle&|160;; mais nousautres bougres, nous ne nous piquons que de franchise etd’exactitude dans nos principes.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: La réputation de franchise n’estpourtant pas celle que l’on donne à ceux qui, comme vous, sontaccoutumés à ne prendre les gens que par-derrière.

DOLMANCÉ&|160;: Un peu traître… oui, un peu faux&|160;; vouscroyez. Eh bien&|160;! madame, je vous ai démontré que ce caractèreétait indispensable dans la société, condamnés à vivre avec desgens qui ont le plus grand intérêt à se cacher à nos yeux, à nousdéguiser les vices qu’ils ont, pour ne nous offrir que les vertusqu’ils n’encensèrent jamais&|160;; il y aurait à nous, le plusgrand danger à ne leur montrer que de la franchise car alors il estclair que vous leur donneriez sur vous tous les avantages qu’ilsvous refusent, et la duperie serait manifeste&|160;; ladissimulation et l’hypocrisie sont des besoins que la société nousa faits&|160;: cédons-y. Permettez-moi de m’offrir à vous uninstant pour exemple&|160;; madame, il n’est assurément dans lemonde aucun être plus corrompu, eh bien&|160;! mes contemporainss’y trompent&|160;: demandez-leur ce qu’ils pensent de moi, tousvous diront que je suis un honnête homme, tandis qu’il n’est pas unseul crime dont je n’aie fait mes plus chères délices.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Oh&|160;! vous ne me persuaderez pasque vous en ayez commis d’atroces.

DOLMANCÉ&|160;: D’atroces…, en vérité, madame, j’ai fait deshorreurs.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Eh bien&|160;! oui, vous êtes commecelui qui disait à son confesseur&|160;: «&|160;Le détail estinutile, monsieur, excepté le meurtre et le vol, vous pouvez êtresûr que j’ai tout fait.&|160;»

DOLMANCÉ&|160;: Oui, madame, je dirai la même chose, mais àl’exception près.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Quoi, libertin, vous vous êtespermis…

DOLMANCÉ&|160;: Tout, madame, tout&|160;; se refuse-t-on quelquechose avec mon tempérament et mes principes&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Ah&|160;! foutons, foutons&|160;; je nepuis plus tenir à ces propos&|160;; nous y reviendrons,Dolmancé&|160;; mais, pour ajouter plus de foi à vos aveux, je neveux les entendre qu’à tête fraîche&|160;; quand vousbandez, vous aimez à dire des horreurs, et peut-être nousdonneriez-vous ici pour des vérités, les libertins prestiges devotre imagination enflammée.

On s’arrange.

DOLMANCÉ&|160;: Attends, Chevalier, attends&|160;; c’estmoi-même qui vais l’introduire&|160;; mais il faut préalablement,j’en demande pardon à la belle Eugénie, il faut qu’elle me permettede la fouetter pour la mettre en train.

Il la fouette.

EUGÉNIE&|160;: Je vous réponds que cette cérémonie étaitinutile… Dites, Dolmancé, qu’elle satisfait votre luxure&|160;;mais, en y procédant, n’ayez pas l’air, je vous prie, de rien fairepour moi.

DOLMANCÉ, toujours fouettant&|160;: Ah&|160;! tout àl’heure, vous m’en direz des nouvelles&|160;; vous ne connaissezpas l’empire de ce préliminaire… allons, allons, petite coquine,vous serez fustigée.

EUGÉNIE&|160;: Oh, ciel&|160;! comme il y va&|160;; mes fessessont en feu&|160;; mais vous me faites mal, en vérité.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Je vais te venger, ma mie&|160;; jevais le lui rendre.

Elle fouette Dolmancé.

DOLMANCÉ&|160;: Oh&|160;! de tout mon cœur&|160;; je ne demandequ’une grâce à Eugénie, c’est de trouver bon que je la fouetteaussi fort que je désire l’être moi-même&|160;; vous voyez comme mevoilà dans la loi de la nature&|160;; mais attendez, arrangeonscela, qu’Eugénie monte sur vos reins, madame&|160;; elles’accrochera à votre col, comme ces mères qui portent leurs enfantssur leur dos&|160;; là j’aurai deux culs sous ma main&|160;; je lesétrillerai ensemble&|160;; le Chevalier et Augustin me le rendront,en frappant à la fois tous deux sur mes fesses… Oui, c’est aussi,ah&|160;! nous y voilà&|160;!… Quelles délices&|160;!

MME DE SAINT-ANGE&|160;: N’épargnez pas cette petite coquine, jevous en conjure, et comme je ne vous demande point de grâce, je neveux pas que vous lui en fassiez aucune.

EUGÉNIE&|160;: Ahe&|160;! ahe&|160;! ahe&|160;! en vérité, jecrois que mon sang coule.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Il embellira mes fesses en lescolorant…, courage, mon ange, courage&|160;; souviens-toi que c’estpar les peines qu’on arrive toujours aux plaisirs.

EUGÉNIE&|160;: En vérité, je n’en puis plus.

DOLMANCÉ suspend une minute pour contempler sonouvrage&|160;; puis reprenant&|160;: Encore une soixantaine,Eugénie, oui, oui, soixante encore sur chaque cul… Oh&|160;!coquines comme vous allez avoir du plaisir à foutremaintenant&|160;!

La posture se défait.

MME DE SAINT-ANGE, examinant les fessesd’Eugénie&|160;: Ah&|160;! la pauvre petite, son derrière esten sang&|160;! scélérat, comme tu as du plaisir à baiser ainsi lesvestiges de ta cruauté&|160;!

DOLMANCÉ, se polluant&|160;: Oui, je ne le cache pas,et mes baisers seraient plus ardents, si les vestiges étaient pluscruels.

EUGÉNIE&|160;: Ah&|160;! vous êtes un monstre&|160;!

DOLMANCÉ&|160;: J’en conviens.

LE CHEVALIER&|160;: Il y a de la bonne foi au moins.

DOLMANCÉ&|160;: Allons, sodomise-la, Chevalier…

LE CHEVALIER&|160;: Contiens ses reins, et dans trois secousses,il y est.

EUGÉNIE&|160;: Oh ciel, vous l’avez plus gros queDolmancé&|160;; Chevalier, vous me déchirez… ménagez-moi, je vousen conjure.

LE CHEVALIER&|160;: Cela est impossible, mon ange, je doisatteindre le but… Songez que je suis ici sous les yeux de monmaître&|160;; il faut que je me rende digne de ses leçons.

DOLMANCÉ&|160;: Il y est, j’aime prodigieusement à voir le poild’un vit frotter les parois d’un anus… Allons, madame, enculezvotre frère… Voilà le vit d’Augustin tout prêt à s’introduire envous et moi, je vous réponds de ne pas ménager votre fouteur…Ah&|160;! bon, il me semble que voilà le chapelet forme&|160;; nepensons plus qu’à décharger maintenant.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Examinez donc cette petite gueuse,comme elle frétille.

EUGÉNIE&|160;: Est-ce ma faute&|160;; je meurs de plaisirs…Cette fustigation… ce vit immense… et cet aimable Chevalier qui mebranle encore pendant ce temps-là… ma bonne, ma bonne, je n’en puisplus&|160;!

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Sacredieu, je t’en livre autant, jedécharge&|160;!

DOLMANCÉ&|160;: Un peu d’ensemble, mes amis&|160;; si vousvouliez seulement m’accorder deux minutes, je vous aurais bientôtatteints, et nous partirions tous à la fois.

LE CHEVALIER&|160;: Il n’est plus temps, mon foutre coule dansle cul de la belle Eugénie… je me meurs… ah&|160;! sacré nom d’unDieu, que de plaisirs&|160;!

DOLMANCÉ&|160;: Je vous suis, mes amis… je vous suis&|160;; lefoutre m’aveugle également…

AUGUSTIN&|160;: Et moi donc&|160;!… Et moi donc&|160;!

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Quelle scène&|160;!… Ce bougre-là m’arempli le cul.

LE CHEVALIER&|160;: Au bidet, mesdames, au bidet&|160;!

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Non, en vérité, j’aime cela moi, j’aimeà me sentir du foutre dans le cul, je ne le rends jamais quand j’enai.

EUGÉNIE&|160;: En vérité, je n’en puis plus… dites-moimaintenant, mes amis, si une femme doit toujours accepter laproposition d’être ainsi foutue quand on la lui fait&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Toujours, ma chère, toujours elle doitfaire plus&|160;; même comme cette manière de foutre estdélicieuse, elle doit l’exiger de ceux dont elle se sert, mais sielle dépend de celui avec lequel elle s’amuse, si elle espère enobtenir des faveurs, des présents ou des grâces, qu’elle se fassevaloir, qu’elle se fasse presser&|160;; il n’y a pas d’homme de cegoût, qui dans pareil cas, ne se ruine avec une femme assez adroitepour ne lui faire de refus qu’avec le dessein de l’enflammerdavantage&|160;; elle en tirera tout ce qu’elle voudra, si ellepossède bien l’art de n’accorder qu’à propos ce qu’on luidemande.

DOLMANCÉ&|160;: Eh bien&|160;! petit ange, es-tuconvertie&|160;; cesses-tu de croire que la sodomie soit uncrime&|160;?

EUGÉNIE&|160;: Et quand elle en serait un, que m’importe&|160;?Ne m’avez-vous pas démontré le néant des crimes&|160;? Il est bienpeu d’actions maintenant qui soient criminelles à mes yeux.

DOLMANCÉ&|160;: Il n’est de crime à rien, chère fille, à quoique ce soit au monde, la plus monstrueuse des actions n’a-t-ellepas un côté par lequel elle nous est propice&|160;?

EUGÉNIE&|160;: Qui en doute&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: Eh bien&|160;! de ce moment elle cesse d’être uncrime&|160;; car pour que ce qui sert l’un, en nuisant à l’autre,fût un crime, il faudrait démontrer que l’être lésé est plusprécieux à la nature que l’être servi&|160;: or tous les individusétant égaux aux yeux de la nature, cette prédilection estimpossible&|160;; donc l’action qui sert à l’un en nuisant àl’autre est d’une indifférence parfaite à la nature.

EUGÉNIE&|160;: Mais si l’action nuisait à une très grandequantité d’individus, et qu’elle ne nous rapportât à nous, qu’unetrès légère dose de plaisir, ne serait-il pas affreux de s’y livreralors&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: Pas davantage, parce qu’il n’y a aucunecomparaison entre ce qu’éprouvent les autres et ce que nousressentons&|160;: la plus forte dose de douleur chez les autresdoit assurément être nulle pour nous, et le plus légerchatouillement de plaisir, éprouvé par nous, nous touche&|160;;donc nous devons à tel prix que ce soit, préférer ce légerchatouillement qui nous délecte, à cette somme immense des malheursd’autrui, qui ne saurait nous atteindre&|160;; mais s’il arrive aucontraire que la singularité de nos organes, une constructionbizarre, nous rendent agréables les douleurs du prochain, ainsi quecela arrive souvent, qui doute alors que nous ne devionsincontestablement préférer cette douleur d’autrui qui nous amuse àl’absence de cette douleur qui deviendrait une privation pournous&|160;? La source de toutes nos erreurs en morale vient del’admission ridicule de ce fil de fraternité qu’inventèrent leschrétiens, dans leur siècle d’infortune et de détresse&|160;;contraints à mendier la pitié des autres, il n’était pas maladroitd’établir qu’ils étaient tous frères&|160;; comment refuser dessecours d’après une telle hypothèse&|160;; mais il est impossibled’admettre cette doctrine&|160;! Ne naissons-nous pas tousisolés&|160;; je dis plus, tous ennemis les uns des autres, tousdans un état de guerre perpétuelle et réciproque&|160;? Or je vousdemande si cela serait, dans la supposition que les vertus exigéespar ce prétendu fil de fraternité fussent réellement dans lanature&|160;; si sa voix les inspirait aux hommes, ils leséprouveraient dès en naissant, dès lors, la pitié, la bienfaisance,l’humanité seraient des vertus naturelles dont il serait impossiblede se défendre, et qui rendraient cet état primitif de l’hommesauvage totalement contraire à ce que nous le voyons.

EUGÉNIE&|160;: Mais si, comme vous le dites, la nature faitnaître les hommes isolés, tous indépendants les uns des autres, aumoins m’accorderez-vous que les besoins, en les rapprochant, ont dûnécessairement établir quelques liens entre eux&|160;; de là, ceuxdu sang nés de leur alliance réciproque, ceux de l’amour, del’amitié, de la reconnaissance&|160;; vous respecterez au moinsceux-là, j’espère&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: Pas plus que les autres, en vérité&|160;; maisanalysons-les, je le veux, un coup d’œil rapide, Eugénie, surchacun en particulier&|160;; direz-vous, par exemple, que le besoinde me marier ou pour voir prolonger ma race, ou pour arranger mafortune, doit établir des liens indissolubles ou sacrés avecl’objet auquel je m’allie&|160;; ne serait-ce pas, je vous ledemande, une absurdité que de soutenir cela&|160;; tant que durel’acte du coït, je peux, sans doute, avoir besoin de cet objet poury participer&|160;; mais sitôt qu’il est satisfait, que reste-t-il,je vous prie, entre lui et moi&|160;? et quelle obligation réelleenchaînera à lui ou à moi les résultats de ce coït&|160;? cesderniers liens furent les fruits de la frayeur qu’eurent lesparents d’être abandonnés dans leur vieillesse, et les soinsintéressés qu’ils ont de nous dans notre enfance, ne sont que pourmériter ensuite les mêmes attentions dans leur dernier âge&|160;;cessons d’être la dupe de tout cela, nous ne devons rien à nosparents… Pas la moindre chose, Eugénie, et comme c’est bien moinspour nous que pour eux qu’ils ont travaillé, il nous est permis deles détester, et de nous en défaire même, si leur procédé nousirrite, nous ne devons les aimer que s’ils agissent bien avec nous,et cette tendresse, alors, ne doit pas avoir un degré de plus quecelle que nous aurions pour d’autres amis, parce que les droits dela naissance n’établissent rien, ne fondent rien, et qu’en lesscrutant avec sagesse et réflexion, nous n’y trouverons sûrementque des raisons de haine pour ceux qui ne songeant qu’à leursplaisirs, ne nous ont donné souvent qu’une existence malheureuse oumalsaine&|160;; vous me parlez des liens de l’amour, Eugénie,puissiez-vous ne les jamais connaître, ah&|160;! qu’un telsentiment, pour le bonheur que je vous souhaite, n’approche jamaisde votre cour&|160;; qu’est-ce que l’amour&|160;? On ne peut leconsidérer, ce me semble, que comme l’effet résultatif des qualitésd’un bel objet sur nous&|160;: ces effets nous transportent&|160;;ils nous enflamment, si nous possédons cet objet, nous voilàcontents, s’il nous est impossible de l’avoir, nous nousdésespérons&|160;; mais quelle est la base de ce sentiment&|160;?…Le désir&|160;: quelles sont les suites de ce sentiment&|160;? Lafolie&|160;; tenons-nous-en donc au motif, et garantissons-nous deseffets&|160;; le motif est de posséder l’objet&|160;; ehbien&|160;! tâchons de réussir, mais avec sagesse&|160;;jouissons-en, dès que nous l’avons&|160;; consolons-nous&|160;:dans le cas contraire, mille autres objets semblables, et souventbien meilleurs, nous consoleront de la perte de celui-là&|160;;tous les hommes, toutes les femmes se ressemblent, il n’y a pointd’amour qui résiste aux effets d’une réflexion saine&|160;:oh&|160;! quelle duperie que cette ivresse qui, absorbant en nousle résultat des sens, nous met dans un tel état que nous ne voyonsplus, que nous n’existons plus que par cet objet follementadoré&|160;; est-ce donc là vivre&|160;; n’est-ce pas bien plutôtse priver volontairement de toutes les douceurs de la vie&|160;?N’est-ce pas vouloir rester dans une fièvre brûlante qui nousabsorbe et qui nous dévore, sans nous laisser d’autre bonheur quedes jouissances métaphysiques si ressemblantes aux effets de lafolie&|160;: si nous devions toujours l’aimer cet objet adorable,s’il était certain que nous ne dussions jamais l’abandonner, ceserait encore une extravagance, sans doute, mais excusable aumoins&|160;: cela arrive-t-il&|160;? a-t-on beaucoup d’exemples deces liaisons éternelles qui ne se sont jamais démenties&|160;?Quelques mois de jouissance remettant bientôt l’objet à savéritable place, nous font rougir de l’encens que nous avons brûlésur ses autels, et nous arrivons souvent à ne pas même concevoirqu’il ait pu nous séduire à ce point. Ô filles voluptueuses,livrez-nous donc vos corps tant que vous le pourrez&|160;! foutez,divertissez-vous, voilà l’essentiel mais fuyez avec soin l’amour,il n’y a de bon que son physique, disait le naturalisteBuffon, et ce n’était pas sur cela seul qu’il raisonnaiten bon philosophe. Je le répète, amusez-vous&|160;: mais n’aimezpoint, ne vous embarrassez pas davantage de l’être&|160;: ce n’estpas de s’exténuer en lamentations, en soupirs, en œillades, enbillets doux qu’il faut, c’est de foutre, c’est de multiplier et dechanger souvent ses fouteurs, c’est de s’opposer fortement surtoutà ce qu’un seul veuille vous captiver parce que le but de ceconstant amour serait en vous liant à lui, de vous empêcher de vouslivrer à un autre, égoïsme cruel qui deviendrait bientôt fatal àvos plaisirs. Les femmes ne sont pas faites pour un seul homme,c’est pour tous que les a créées la nature, n’écoutant que cettevoix sacrée, qu’elles se livrent indifféremment à tous ceux quiveulent d’elles, toujours putains, jamais amantes, fuyant l’amour,adorant le plaisir, ce ne seront plus que des roses qu’ellestrouveront dans la carrière de la vie&|160;: ce ne seront plus quedes fleurs qu’elles nous prodigueront&|160;; demandez, Eugénie,demandez à la femme charmante qui veut bien se charger de votreéducation, le cas qu’il faut faire d’un homme quand on en a joui.(Assez bas pour n’être pas entendu d’Augustin&|160;:)Demandez-lui si elle ferait un pas pour conserver cet Augustin quifait aujourd’hui ses délices, dans l’hypothèse où l’on voudrait lelui enlever&|160;: elle en prendrait un autre, ne penserait plus àcelui-ci, et bientôt lasse du nouveau, elle l’immolerait elle-mêmedans deux mois si de nouvelles jouissances devaient naître de cesacrifice.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Que ma chère Eugénie soit bien sûre queDolmancé lui explique ici mon cœur ainsi que celui de toutes lesfemmes, comme si nous lui en ouvrions les replis.

DOLMANCÉ&|160;: La dernière partie de mon analyse porte donc surles liens de l’amitié et sur ceux de la reconnaissance&|160;:respectons les premiers, j’y consens tant qu’ils nous sontutiles&|160;; gardons nos amis tant qu’ils nous servent&|160;;oublions-les dès que nous n’en tirons plus rien&|160;; ce n’estjamais que pour soi qu’il faut aimer les gens&|160;: les aimer poureux-mêmes n’est qu’une duperie, jamais il n’est dans la natured’inspirer aux hommes d’autres mouvements, d’autres sentiments queceux qui doivent leur être bons à quelque chose&|160;; rien n’estégoïste comme la nature, soyons-le donc aussi, si nous voulonsaccomplir ses lois.

Quant à la reconnaissance, Eugénie, c’est le plus faible de tousles liens sans doute. Est-ce donc pour nous que les hommes nousobligent&|160;; n’en croyons rien, ma chère&|160;; c’est parostentation, par orgueil&|160;; n’est-il donc pas humiliant dèslors, de devenir ainsi le jouet de l’amour-propre des autres&|160;?Ne l’est-il pas encore davantage d’être obligé&|160;? Rien de plusà charge qu’un bienfait reçu&|160;; point de milieu, il faut lerendre, ou en être avili&|160;: les âmes fières se font mal aupoids du bienfait&|160;; il pèse sur elles avec tant de violenceque le seul sentiment qu’elles exhalent est de la haine pour lebienfaiteur.

Quels sont donc maintenant, à votre avis, les liens quisuppléent à l’isolement où nous a créés la nature&|160;; quels sontceux qui doivent établir des rapports entre les hommes, à quelstitres les aimerons-nous&|160;: les chérirons-nous, lespréférerons-nous à nous-mêmes&|160;; de quel droit soulagerons-nousleur infortune&|160;? Où sera maintenant dans nos âmes le berceaude vos belles et inutiles vertus de bienfaisance, d’humanité, decharité, indiquées dans le code absurde de quelques religionsimbéciles, qui, prêchées par des imposteurs ou par des mendiants,durent nécessairement conseiller ce qui pouvait les soutenir ou lestolérer&|160;?

Eh bien&|160;! Eugénie, admettez-vous encore quelque chose desacré parmi les hommes&|160;? Concevez-vous quelques raisons de nepas toujours nous préférer à eux&|160;?

EUGÉNIE&|160;: Ces leçons que mon cœur devance, me flattent troppour que mon esprit les récuse.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Elles sont dans la nature,Eugénie&|160;; la seule approbation que tu leur donnes, leprouve&|160;; à peine éclose de son sein, comment ce que tu sens,pourrait-il être le fruit de la corruption&|160;?

EUGÉNIE&|160;: Mais si toutes les erreurs que vous préconisez,sont dans la nature, pourquoi les lois s’yopposent-elles&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: Parce que les lois ne sont pas faites pour leparticulier, mais pour le général, ce qui les met dans uneperpétuelle contradiction avec l’intérêt personnel, attendu quel’intérêt personnel l’est toujours avec l’intérêt général. Mais leslois bonnes pour la société, sont très mauvaises pour l’individuqui la compose&|160;: car pour une fois qu’elles le protègent ou legarantissent, elles le gênent et le captivent les trois quarts desa vie&|160;; aussi l’homme sage et plein de mépris pour elles lestolère-t-il, comme il fait des serpents et des vipères qui bienqu’elles blessent ou qu’elles empoisonnent, servent pourtantquelquefois dans la médecine&|160;; il se garantira des lois commeil fera de ces bêtes venimeuses&|160;; il s’en mettra à l’abri pardes précautions, par des mystères, toutes choses faciles à larichesse et à la prudence. Que la fantaisie de quelques crimesvienne enflammer votre âme, Eugénie, et soyez bien certaine de lescommettre en paix entre votre amie et moi.

EUGÉNIE&|160;: Ah&|160;! cette fantaisie est déjà dans moncœur.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Quel caprice t’agite, Eugénie&|160;?dis-nous-le avec confiance&|160;!

EUGÉNIE, égarée&|160;: Je voudrais une victime.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Et de quel sexe ladésires-tu&|160;?

EUGÉNIE&|160;: Du mien.

DOLMANCÉ&|160;: Eh bien&|160;! madame, êtes-vous contente devotre élève&|160;; ses progrès sont-ils assez rapides&|160;?

EUGÉNIE (comme ci-dessus)&|160;: Une victime, ma bonne,une victime&|160;; oh dieux&|160;! cela ferait le bonheur de mavie&|160;!

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Et que lui ferais-tu&|160;?

EUGÉNIE&|160;: Tout… tout… tout ce qui pourrait la rendre laplus malheureuse des créatures&|160;; oh&|160;! ma bonne, ma bonne,aie pitié de moi&|160;; je n’en puis plus.

DOLMANCÉ&|160;: Sacredieu, quelle imagination… viens, Eugénie,tu es délicieuse&|160;; viens que je te baise mille et mille fois.(Il la reprend dans ses bras.) Tenez, madame, tenez&|160;;regardez cette libertine, comme elle décharge de tête,sans qu’on la touche… Il faut absolument que je l’encule encore unefois.

EUGÉNIE&|160;: Aurai-je après ce que je demande&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: Oui, folle, oui, l’on t’en répond.

EUGÉNIE&|160;: Oh&|160;! mon ami, voilà mon cul, faites-en ceque vous voudrez.

DOLMANCÉ&|160;: Attendez que je dispose cette jouissance d’unemanière un peu luxurieuse. (Tout s’exécute à mesure queDolmancé indique&|160;:) Augustin, étends-toi, sur le bord dece lit&|160;; qu’Eugénie se couche dans tes bras, pendant que je lasodomiserai&|160;; je branlerai son clitoris avec la superbe têtedu vit d’Augustin qui, pour ménager son foutre, aura soin de ne pasdécharger&|160;; le cher Chevalier qui, sans dire un mot, se branletout doucement en nous écoutant, voudra bien s’étendre sur lesépaules d’Eugénie, en exposant ses belles fesses à mes baisers, jele branlerai en dessous&|160;; ce qui fait qu’ayant mon engin dansun cul, je polluerai un vit de chaque main&|160;; et vous, madame,après avoir été votre mari, je veux que vous deveniez lemien&|160;; revêtissez-vous du plus énorme de vos godemichés.(Mme&|160;de&|160;Saint-Ange ouvre une cassette quien est remplie, et notre héros choisit le plus redoutable.)Bon, celui-ci, dit le numéro, a quatorze pouces de long sur dix detour&|160;; arrangez-vous cela autour des reins, madame, etportez-moi maintenant les plus terribles coups.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: En vérité, Dolmancé, vous êtes fou, etje vais vous estropier avec cela.

DOLMANCÉ&|160;: Ne craignez rien&|160;; poussez, pénétrez, monange, je n’enculerai votre chère Eugénie que quand votre membreénorme sera bien avant dans mon cul… Il y est&|160;; il y est,sacredieu, ah&|160;! tu me mets aux nues&|160;; point de pitié, mabelle, je vais, je te le déclare, foutre ton cul sans préparation…Ah&|160;! sacredieu, le beau derrière&|160;!

EUGÉNIE&|160;: Oh&|160;! mon ami, tu me déchires… Prépare aumoins les voies.

DOLMANCÉ&|160;: Je m’en garderai pardieu bien&|160;; on perd lamoitié du plaisir avec ces sottes attentions&|160;; songe à nosprincipes, Eugénie, je travaille pour moi, maintenant victime unmoment, mon bel ange, et tout à l’heure persécutrice… Ah&|160;!sacredieu, il entre&|160;!

EUGÉNIE&|160;: Tu me fais mourir&|160;!

DOLMANCÉ&|160;: Oh&|160;! foutredieu, je touche au but.

EUGÉNIE&|160;: Ah&|160;! fais ce que tu voudras à présent, il yest, je ne sens que du plaisir&|160;!

DOLMANCÉ&|160;: Que j’aime à branler ce gros vit sur le clitorisd’une vierge… toi, Chevalier, fais-moi beau cul… te branlé-je bien,libertin&|160;?… Et vous madame, foutez-moi, foutez votregarce&|160;: oui, je la suis, et je veux l’être… Eugénie, décharge,mon ange, oui décharge&|160;; Augustin, malgré lui, me remplit defoutre… Je reçois celui du Chevalier, le mien s’y joint… Je n’yrésiste plus&|160;; Eugénie, agite tes fesses&|160;; que ton anuspresse mon vit&|160;: fais élancer au fond de tes entrailles lefoutre brûlant qui s’exhale… Ah foutu bougre de dieu&|160;! je memeurs&|160;! (Il se retire&|160;; l’attitude se rompt.)Tenez, madame, voilà votre petite libertine encore pleine defoutre&|160;; l’entrée de son con en est inondée&|160;; branlez-la,secouez vigoureusement son clitoris tout mouillé de sperme, c’estune des plus délicieuses choses qui puissent se faire.

EUGÉNIE, palpitant&|160;: Oh&|160;! ma mie, que de plaisir tu meferas… ah&|160;! cher amour, je brûle de lubricité.

Cette posture s’arrange.

DOLMANCÉ&|160;: Chevalier, comme c’est toi qui vas dépuceler cebel enfant&|160;; joins tes secours à ceux de ta sœur pour la fairepâmer dans tes bras et par ton attitude, présente-moi lesfesses&|160;: je vais te foutre pendant qu’Augustin m’enculera.

Tout se dispose.

LE CHEVALIER&|160;: Me trouves-tu bien de cettemanière&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: Le cul tant soit peu plus haut, mon amour&|160;:là, bien… sans préparation, Chevalier.

LE CHEVALIER&|160;: Ma foi&|160;! comme tu voudras&|160;;puis-je sentir autre chose que du plaisir au sein de cettedélicieuse fille&|160;?

Il la baise et la branle en lui enfonçant légèrement undoigt dans le con pendant queMme&|160;de&|160;Saint-Ange chatouille le clitorisd’Eugénie.

DOLMANCÉ&|160;: Pour quant à moi, mon cher, j’en prends, sois-enassuré, beaucoup davantage avec toi, que je n’en pris avecEugénie&|160;; il y a tant de différence entre le cul d’un garçonet celui d’une fille&|160;; encule-moi donc Augustin&|160;! que depeine tu as à te décider&|160;!

AUGUSTIN&|160;: Dame, monseu, c’est que ça venoit de couler toutprès du chose d’cette gentille tourterelle&|160;; et vous voulezque ça dresse tout d’suite pour vot cul qui n’est vraiment pas sijoli, dâ.

DOLMANCÉ&|160;: L’imbécile&|160;! mais pourquoi seplaindre&|160;! voilà la nature, chacun prêche pour sonsaint&|160;; allons, allons, pénètre toujours, véridique Augustin,et quand tu auras un peu plus d’expérience, tu me diras si les culsne valent pas mieux que les cons… Eugénie, rends donc au Chevalier,ce qu’il te fait&|160;; tu ne t’occupes que de toi, tu as raison,libertine&|160;; mais pour l’intérêt de tes plaisirs mêmes,branle-le, puisqu’il va cueillir tes prémices.

EUGÉNIE&|160;: Eh bien&|160;! je le branle, je le baise, jeperds la tête… ahe&|160;! ahe&|160;! ahe&|160;! mes amis, je n’enpuis plus, ayez pitié de mon état&|160;; je me meurs&|160;; jedécharge… sacredieu, je suis hors de moi.

DOLMANCÉ&|160;: Pour moi je serai sage, je ne voulais que meremettre en train dans ce beau cul, je garde pourMme&|160;de&|160;Saint-Ange le foutre qui s’y estallumé&|160;; rien ne m’amuse comme de commencer dans un cul,l’opération que je veux terminer dans un autre&|160;; eh bien,Chevalier, te voilà bien en train… Dépucelons-nous&|160;?

EUGÉNIE&|160;: Oh, Ciel&|160;! non je ne veux pas l’être parlui, j’en mourrais, le vôtre est plus petit, Dolmancé que ce soit àvous que je doive cette opération, je vous en conjure&|160;!

DOLMANCÉ&|160;: Cela n’est pas possible, mon ange&|160;; je n’aijamais foutu de con de ma vie&|160;; vous me permettrez de ne pascommencer à mon âge. Vos prémices appartiennent au Chevalier, luiseul ici est digne de les cueillir, ne lui ravissons pas sesdroits.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Refuser un pucelage… aussi frais, aussijoli que celui-là, car je défie qu’on puisse dire que mon Eugénien’est pas la plus belle fille de Paris&|160;! Oh&|160;! monsieur…monsieur, en vérité, voilà ce qui s’appelle tenir un peu trop à sesprincipes.

DOLMANCÉ&|160;: Pas autant que je le devrais, madame&|160;; caril est tout plein de mes confrères qui ne vous enculeraientassurément pas… Moi, je l’ai fait et je vais le refaire&|160;; cen’est donc point comme vous m’en soupçonnez porter mon cultejusqu’au fanatisme.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Allons donc, Chevalier, mais ménage-la,regarde la petitesse du détroit que tu vas enfiler&|160;; est-ilquelque proportion entre le contenu et le contenant&|160;?

EUGÉNIE&|160;: Oh&|160;! j’en mourrai, cela est inévitable… Maisle désir ardent que j’ai d’être foutue, me fait tout hasarder sansrien craindre… Va, pénètre, mon cher, je m’abandonne à toi.

LE CHEVALIER, tenant à pleine main son vitbandant&|160;: Oui, foutre, il faut qu’il y pénètre… Ma sœur…Dolmancé, tenez-lui chacun une jambe… Ah&|160;! sacredieu&|160;!quelle entreprise&|160;!… Oui, oui, dût-elle en être pourfendue,déchirée, il faut double Dieu, qu’elle y passe.

EUGÉNIE&|160;: Doucement, doucement, je n’y puis tenir…(Elle crie, les pleurs coulent sur ses joues…) À monsecours, ma bonne amie… (Elle se débat.) Non, je ne veuxpas qu’il entre&|160;; je crie au meurtre, si vouspersistez&|160;!

LE CHEVALIER&|160;: Crie tant que tu voudras, petite coquine, jete dis qu’il faut qu’il entre, en dusses-tu crever mille fois.

EUGÉNIE&|160;: Quelle barbarie&|160;!

DOLMANCÉ&|160;: Ah&|160;! foutre&|160;! est-on délicat, quand onbande&|160;?

LE CHEVALIER&|160;: Tenez-la, il y est…, il y est, sacredieu…foutre, voilà le pucelage au diable&|160;; regardez son sang, commeil coule&|160;!

EUGÉNIE&|160;: Va, tigre… va, déchire-moi si tu veux maintenant,je m’en moque, baise-moi, bourreau, baise-moi, je t’adore…ah&|160;! ce n’est plus rien, quand il est dedans&|160;; toutes lesdouleurs sont oubliées… Malheur aux jeunes filles quis’effaroucheraient d’une telle attaque… Que de grands plaisirselles refuseraient pour une bien petite peine… pousse, pousse,Chevalier, je décharge&|160;; arrose de ton foutre les plaies donttu m’as couverte&|160;; pousse-le donc au fond de ma matrice&|160;;ah&|160;! la douleur cède au plaisir&|160;; je suis prête àm’évanouir.

Le Chevalier décharge, pendant qu’il a foutu, Dolmancé lui abranlé le cul et les couilles etMme&|160;de&|160;Saint-Ange a chatouillé le clitorisd’Eugénie, la posture se rompt.

DOLMANCÉ&|160;: Mon avis serait que, pendant que les voies sontouvertes, la petite friponne fût à l’instant foutue parAugustin.

EUGÉNIE&|160;: Par Augustin… un vit de cette taille… ah&|160;!tout de suite… Quand je saigne encore… avez-vous donc envie de metuer&|160;!

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Cher amour… baise-moi, je te plains…mais la sentence est prononcée&|160;; elle est sans appel, moncœur, il faut que tu la subisses.

AUGUSTIN&|160;: Ah&|160;! jerdinieu, me voilà prêt, dès qu’ils’agit d’enfiler c’te petite fille, je vinrois pardieu de Rome àpied.

LE CHEVALIER, empoignant le vit énormed’Augustin&|160;: Tiens, Eugénie, vois comme il bande… commeil est digne de me remplacer.

EUGÉNIE&|160;: Ah&|160;! juste ciel&|160;! quel arrêt… Oh&|160;!vous voulez me tuer, cela est clair.

AUGUSTIN, s’emparant d’Eugénie&|160;: Oh&|160;! quenon, mameselle&|160;: ça n’a jamais fait mourir personne.

DOLMANCÉ&|160;: Un moment, beau fils, un moment&|160;; il fautqu’elle me présente le cul, pendant que tu vas foutre… Oui, ainsi,approchez-vous, madame de Saint-Ange&|160;; je vous ai promis devous enculer&|160;; je tiendrai parole&|160;; mais placez-vous demanière qu’en vous foutant, je puisse être à portée de fouetterEugénie&|160;; que le Chevalier me fouette pendant ce temps-là.

Tout s’arrange.

EUGÉNIE&|160;: Ah&|160;! foutre, il me crève… Va donc doucement,gros butor… Ah&|160;! le bougre… il enfonce… l’y voilà, lejean-foutre, il est tout au fond, je me meurs&|160;!… Oh&|160;!Dolmancé, comme vous frappez&|160;; c’est m’allumer des deuxcôtés&|160;: vous me mettez les fesses en feu.

DOLMANCÉ, fouettant à tour de bras&|160;: Tu en auras…tu en auras, petite coquine&|160;; tu n’en déchargeras que plusdélicieusement&|160;; comme vous la branlez, Saint-Ange, comme cedoigt léger doit adoucir les maux qu’Augustin et moi lui faisons…mais votre anus se resserre&|160;; je le vois, madame, nous allonsdécharger ensemble&|160;; ah&|160;! comme il est divin d’être ainsientre le frère et la sœur.

MME DE SAINT-ANGE, à Dolmancé&|160;: Fous, mon astre,fous&|160;; jamais, je crois je n’eus tant de plaisirs&|160;!

LE CHEVALIER&|160;: Dolmancé, changeons de main&|160;; passelestement du cul de ma sœur dans celui d’Eugénie, pour lui faireconnaître les plaisirs de l’entre-deux, et moi j’enculerai ma sœur,qui pendant ce temps rendra sur tes fesses les coups de verges donttu viens d’ensanglanter celles d’Eugénie.

DOLMANCÉ, exécutant&|160;: J’accepte… tiens, mon ami,se peut-il faire un changement plus leste que celui-là&|160;?

EUGÉNIE&|160;: Quoi, tous les deux sur moi, juste Ciel&|160;! jene sais plus auquel entendre&|160;; j’avais bien assez de cebutor&|160;! Ah&|160;! que de foutre va me coûter cette doublejouissance&|160;: il coule déjà&|160;; sans cette sensuelleéjaculation, je serais, je crois, déjà morte… Eh&|160;! quoi, mabonne, tu m’imites&|160;?… oh, comme elle jute, la coquine…Dolmancé décharge… décharge, mon amour, ce gros paysanm’inonde&|160;: il me l’élance au fond de mes entrailles… Ah&|160;!mes fouteurs, quoi tous deux à la fois… Sacredieu… mes amis,recevez mon foutre, il se joint au vôtre… je suis anéantie…(Les attitudes se rompent.) Eh bien&|160;! ma bonne, es-tucontente de ton écolière&|160;; suis-je assez putain, maintenant…Mais vous m’avez mise dans un état… dans une agitation… Oh&|160;!oui, je jure que dans l’ivresse où me voilà, j’irais s’il lefallait, me faire foutre au milieu des rues.

DOLMANCÉ&|160;: Comme elle est belle ainsi&|160;!

EUGÉNIE&|160;: Je vous déteste, vous m’avez refusée.

DOLMANCÉ&|160;: Pouvais-je contrarier mes dogmes&|160;?

EUGÉNIE&|160;: Allons, je vous pardonne, et je dois respecterdes principes qui conduisent à des égarements. Comment ne lesadopterais-je pas, moi qui ne veux plus vivre que dans lecrime&|160;; asseyons-nous et jasons un instant. Je n’en puis plus.Continuez mon instruction, Dolmancé, et dites-moi quelque chose quime console des excès où me voilà livrée&|160;; éteignez mesremords&|160;; encouragez-moi.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Cela est juste, il faut qu’un peu dethéorie succède à la pratique&|160;; c’est le moyen d’en faire uneécolière parfaite.

DOLMANCÉ&|160;: Eh bien&|160;! quel est l’objet, Eugénie, surlequel vous voulez qu’on vous entretienne&|160;?

EUGÉNIE&|160;: Je voudrais savoir si les mœurs sont vraimentnécessaires dans un gouvernement, si leur influence est de quelquepoids sur le génie d’une nation&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: Ah&|160;! parbleu, en partant ce matin, j’aiacheté au palais de l’Égalité une brochure qui, s’il faut en croirele titre, doit nécessairement répondre à votre question… À peinesort-elle de la presse.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Voyons (elle lit) Français, encoreun effort si vous voulez être républicains. Voilà, sur maparole un singulier titre, il promet&|160;; Chevalier, toi quipossèdes un bel organe, lis-nous cela.

DOLMANCÉ&|160;: Ou je me trompe, ou cela doit parfaitementrépondre à la question d’Eugénie.

EUGÉNIE&|160;: Assurément.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Sors, Augustin, ceci n’est pas faitpour toi&|160;; mais ne t’éloigne pas, nous sonnerons dès qu’ilfaudra que tu reparaisses.

LE CHEVALIER&|160;: Je commence.

FRANÇAIS,

Encore un effort si vous voulez être républicains

LA RELIGION

Je viens offrir de grandes idées, on les écoutera, elles serontréfléchies&|160;; si toutes ne plaisent pas, au moins enrestera-t-il quelques-unes&|160;; j’aurai contribué en quelquechose, au progrès des lumières, et j’en serai content.

Je ne le cache point, c’est avec peine que je vois la lenteuravec laquelle nous tâchons d’arriver au but, c’est avec inquiétudeque je sens que nous sommes à la veille de le manquer encore unefois&|160;; croit-on que ce but sera atteint quand on nous auradonné des lois&|160;? Qu’on ne l’imagine pas&|160;; queferions-nous de lois sans religion&|160;; il nous faut un culte etun culte fait pour le caractère d’un républicain, bien éloigné dejamais pouvoir reprendre celui de Rome&|160;; dans un siècle oùnous sommes aussi convaincus que la religion doit être appuyée surla morale, et non pas la morale sur la religion, il faut unereligion qui aille aux mœurs, qui en soit comme le développement,comme la suite nécessaire et qui puisse, en élevant l’âme, la tenirperpétuellement à la hauteur de cette liberté précieuse dont ellefait aujourd’hui son unique idole&|160;; or je demande si l’on peutsupposer que celle d’un esclave de Titus, que celle d’un vilhistrion de Judée, puisse convenir à une nation libre et guerrière,qui vient de se régénérer&|160;; non, mes compatriotes, non, vousne le croyez pas&|160;: et malheureusement pour lui le Françaiss’ensevelissait encore dans les ténèbres du christianisme, d’uncôté l’orgueil, la tyrannie, le despotisme des prêtres, vicestoujours renaissants dans cette horde impure, de l’autre labassesse, les petites vues, les platitudes des dogmes et desmystères de cette indigne et fabuleuse religion, en émoussant lafierté de l’âme républicaine l’auraient bientôt ramenée sous lejoug que son énergie vient de briser, ne perdons pas de vue quecette puérile religion était une des meilleures armes des mains denos tyrans, un de ses premiers dogmes était de rendre à Césarce qui appartient à César&|160;; mais nous avons détrôné Césaret nous ne voulons plus rien lui rendre&|160;; Français, ce seraiten vain que vous vous flatteriez que l’esprit d’un clergéassermenté ne doit plus être celui d’un clergé réfractaire, il estdes vices d’état dont on ne se corrige jamais, avant dix ans, aumoyen de la religion chrétienne, de sa superstition, de sespréjugés, vos prêtres, malgré leur serment, malgré leur pauvreté,ils reprendraient sur les âmes l’empire qu’ils avaient envahi, ilsvous renchaîneraient à des rois, parce que la puissance de ceux-ciétaya toujours celle de l’autre, et votre édifice républicains’écroulerait faute de bases. Ô vous qui avez la faux à la main,portez le dernier coup à l’arbre de la superstition, ne vouscontentez pas d’élaguer les branches, déracinez tout à fait uneplante dont les effets sont si contagieux, soyez parfaitementconvaincus que votre système de liberté et d’égalité contrarie tropouvertement les ministres des autels du Christ, pour qu’il en soitjamais un seul, ou qui l’adopte de bonne foi, ou qui ne cherche pasà l’ébranler s’il parvient à reprendre quelque empire sur lesconsciences. Quel sera le prêtre qui comparant l’état où l’on vientde le réduire avec celui dont il jouissait autrefois, ne fera pastout ce qui dépendra de lui pour recouvrer et la confiance, etl’autorité qu’on lui a fait perdre&|160;? Et que d’êtres faibles etpusillanimes redeviendront bientôt les esclaves de cet ambitieuxtonsuré&|160;; pourquoi n’imagine-t-on pas que les inconvénientsqui ont existé peuvent encore renaître&|160;? Dans l’enfance del’Église chrétienne, les prêtres n’étaient-ils pas ce qu’ils sontaujourd’hui&|160;? Vous voyez où ils étaient parvenus, qui pourtantles avaient conduits là&|160;: n’étaient-ce pas les moyens que leurfournissait la religion&|160;? Or si vous ne la défendez pasabsolument, cette religion, ceux qui la prêchent ayant toujours lesmêmes moyens, arriveront bientôt au même but.

Anéantissez donc à jamais tout ce qui peut détruire un jourvotre ouvrage&|160;; songez que le fruit de vos travaux n’étantréservés qu’à vos neveux, il est de votre devoir, de votre probité,de ne leur laisser aucun de ces germes dangereux qui pourraient lesreplonger dans le chaos dont nous avons tant de peine àsortir&|160;; déjà nos préjugés se dissipent, déjà le peuple abjureles absurdités catholiques, il a déjà supprimé les temples, il aculbuté les idoles, il est convenu que le mariage n’est plus qu’unacte civil. Les confessionnaux brisés servent aux foyerspublics&|160;: les prétendus fidèles, désertant le banquetapostolique, laissent les dieux de farine aux souris. Français, nevous arrêtez point, l’Europe entière, une main déjà sur le bandeauqui fascine ses yeux, attend de vous l’effort qui doit l’arracherde son front&|160;; hâtez-vous, ne laissez pas à Rome la sainte,s’agitant en tous sens pour réprimer votre énergie, le temps de seconserver peut-être encore quelques prosélytes. Frappez sansménagement sa tête altière et frémissante, et qu’avant deux moisl’arbre de la liberté, ombrageant les débris de la chaire de SaintPierre, couvre du poids de ses rameaux victorieux, toutes cesméprisables idoles du christianisme effrontément élevées sur lescendres des Catons et des Brutus. Français, je vous le répète,l’Europe attend de vous d’être à la fois délivrée du sceptre et del’encensoir&|160;; songez qu’il vous est impossible de l’affranchirde la tyrannie royale, sans lui faire briser en même temps lesfreins de la superstition religieuse&|160;; les liens de l’une sonttrop intimement unis à l’autre, pour qu’en en laissant subsister undes deux, vous ne retombiez pas bientôt sous l’empire de celui quevous aurez négligé de dissoudre&|160;; ce n’est plus ni aux genouxd’un être imaginaire, ni à ceux d’un vil imposteur, qu’unrépublicain doit fléchir&|160;; ses uniques dieux doivent êtremaintenant le courage et la liberté. Rome disparut dès que lechristianisme s’y prêcha, et la France est perdue s’il s’y révèreencore. Qu’on examine avec attention les dogmes absurdes, lesmystères effrayants, les cérémonies monstrueuses, la moraleimpossible de cette dégoûtante religion, et l’on verra si elle peutconvenir à une république&|160;; croyez-vous de bonne foi que je melaisserais dominer par l’opinion d’un homme que je viendrais devoir aux pieds de l’imbécile prêtre de Jésus&|160;? non, ou certes,cet homme toujours vil tiendra toujours par la bassesse de ses vuesaux atrocités de l’ancien régime&|160;; dès lors qu’il peut sesoumettre aux stupidités d’une religion aussi plate que celle quenous avions la folie d’admettre, il ne peut plus ni me dicter deslois, ni me transmettre des lumières, je ne le vois plus que commeun esclave des préjugés et de la superstition&|160;; jetons lesyeux, pour nous convaincre de cette vérité, sur le peu d’individusqui restent attachés au culte insensé de nos pères, nous verrons sice ne sont pas tous des ennemis irréconciliables du système actuel,nous verrons si ce n’est pas dans leur nombre qu’est entièrementcomprise cette caste si justement méprisée de royalisteset d’aristocrates. Que l’esclave d’un brigand couronnéfléchisse s’il le veut aux pieds d’une idole de pâte, un tel objetest fait pour son âme de boue, qui peut servir des rois doit adorerdes dieux&|160;; mais nous, Français, mais nous mes compatriotes,nous ramper encore humblement sous des freins aussi méprisables,plutôt mourir mille fois que de nous y asservir de nouveau&|160;;puisque nous croyons un culte nécessaire, imitons celui desRomains&|160;: les actions, les passions, les héros, voilà quels enétaient les respectables objets&|160;; de telles idoles élevaientl’âme, elles l’électrisaient, elles faisaient plus, elles luicommuniquaient les vertus de l’être respecté&|160;; l’adorateur deMinerve voulait être prudent. Le courage était dans le cœur decelui qu’on voyait aux pieds de Mars, pas un seul dieu de cesgrands hommes n’était privé d’énergie, tous faisaient passer le feudont ils étaient eux-mêmes embrasés dans l’âme de celui qui lesvénérait&|160;; et, comme on avait l’espoir d’être adoré soi-mêmeun jour, on aspirait à devenir au moins aussi grand que celui qu’onprenait pour modèle. Mais que trouvons-nous au contraire dans lesvains dieux du christianisme, que vous offre, je le demande, cetteimbécile religion[11] &|160;?Le plat imposteur de Nazareth vous fait-il naître quelques grandesidées&|160;? Sa sale et dégoûtante mère, l’impudique Marie, vousinspire-t-elle quelques vertus&|160;? et trouvez-vous dans lessaints dont est garni son Élysée quelque modèle de grandeur, oud’héroïsme ou de vertus&|160;? Il est si vrai que cette stupidereligion ne prête rien aux grandes idées, qu’aucun artiste n’enpeut employer les attributs dans les monuments qu’il élève&|160;; àRome même, la plupart des embellissements ou des ornements dupalais des papes ont leurs modèles dans le paganisme, et tant quele monde subsistera, lui seul échauffera la verve des grandshommes.

Sera-ce dans le théisme pur que nous trouverons plus de motifsde grandeur et d’élévation&|160;? Sera-ce l’adoption d’une chimère,qui donnant à notre âme ce degré d’énergie essentiel aux vertusrépublicaines, portera l’homme à les chérir, ou à lespratiquer&|160;? ne l’imaginons pas, on est revenu de ce fantôme,et l’athéisme est à présent le seul système de tous les gens quisavent raisonner&|160;; à mesure que l’on s’est éclairé, on a sentique le mouvement étant inhérent à la matière, l’agent nécessaire àimprimer ce mouvement devenait un être illusoire et que tout ce quiexistait devant être en mouvement par essence, le moteur étaitinutile&|160;; on a senti que ce dieu chimérique prudemment inventépar les premiers législateurs, n’était entre leurs mains qu’unmoyen de plus pour nous enchaîner, et que se réservant le droit defaire parler seul ce fantôme, ils sauraient bien ne lui faire direque ce qui viendrait à l’appui des lois ridicules par lesquellesils prétendaient nous asservir. Lycurgue, Numa, Moïse,Jésus-Christ, Mahomet, tous ces grands fripons, tous ces grandsdespotes de nos idées, surent associer les divinités qu’ilsfabriquaient à leur ambition démesurée, et certains de captiver lespeuples avec la sanction de ces dieux, ils avaient, comme on sait,toujours soin ou de ne les interroger qu’à-propos, ou de ne leurfaire répondre que ce qu’ils croyaient pouvoir les servir. Tenonsdonc aujourd’hui dans le même mépris, et le dieu vain que desimposteurs ont prêché, et toutes les subtilités religieuses quidécoulent de sa ridicule adoption, ce n’est plus avec ce hochetqu’on peut amuser des hommes libres&|160;; que l’extinction totaledes cultes entre donc dans les principes que nous propageons dansl’Europe entière, ne nous contentons pas de briser les sceptres,pulvérisons à jamais les idoles&|160;; il n’y eut jamais qu’un pasde la superstition au royalisme[12] , ilfaut bien que cela soit sans doute, puisqu’un des premiers articlesdu sacre des rois, était toujours le maintien de la religiondominante, comme une des bases politiques qui devaient le mieuxsoutenir leur trône, mais dès qu’il est abattu ce trône, dès qu’ill’est heureusement pour jamais, ne redoutons point d’extirper demême ce qui en formait les appuis&|160;; oui, citoyens, la religionest incohérente au système de la liberté&|160;; vous l’avez senti,jamais l’homme libre ne se courbera près des dieux duchristianisme, jamais ses dogmes, jamais ses rites, ses mystères ousa morale ne conviendront à un républicain&|160;; encore un effort,puisque vous travaillez à détruire tous les préjugés, n’en laissezsubsister aucun, s’il n’en faut qu’un seul pour les ramenertous&|160;; combien devons-nous être plus certains de leur retour,si celui que vous laissez vivre est positivement le berceau de tousles autres&|160;?

Cessons de croire que la religion puisse être utile à l’homme,ayons de bonnes lois, et nous saurons nous passer de religion. Maisil en faut une au peuple, assure-t-on, elle l’amuse, elle lecontient, à la bonne heure&|160;; donnez-nous donc, en ce cas,celle qui convient à des hommes libres. Rendez-nous les dieux dupaganisme. Nous adorerons volontiers Jupiter, Hercule ou Pallas,mais nous ne voulons plus du fabuleux auteur d’un univers qui semeut lui-même, nous ne voulons plus d’un dieu sans étendue et quipourtant remplit tout de son immensité, d’un dieu tout-puissant, etqui n’exécute jamais ce qu’il désire, d’un être souverainement bon,et qui ne fait que des mécontents, d’un être ami de l’ordre, etdans le gouvernement duquel tout est en désordre. Non, nous nevoulons plus d’un dieu qui dérange la nature, qui est le père de laconfusion, qui meut l’homme au moment où l’homme se livre à deshorreurs&|160;; un tel dieu nous fait frémir d’indignation, et nousle reléguons pour jamais dans l’oubli, d’où l’infâme Robespierre avoulu le sortir[13] .

Français, à cet indigne fantôme, substituons les simulacresimposants qui rendaient Rome maîtresse de l’univers, traitonstoutes les idoles chrétiennes comme nous avons traité celles de nosrois&|160;; nous avons replacé les emblèmes de la liberté sur lesbases qui soutenaient autrefois des tyrans, réédifions de mêmel’effigie des grands hommes sur les piédestaux de ces polissonsadorés par le christianisme[14] ,cessons de redouter, pour nos campagnes, l’effet del’athéisme&|160;; les paysans n’ont-ils pas senti la nécessité del’anéantissement du culte catholique si contradictoire aux vraisprincipes de la liberté&|160;? N’ont-ils pas vu sans effroi, commesans douleur, culbuter leurs autels et leurs presbytères&|160;? Ahcroyez qu’ils renonceront de même à leur ridicule dieu&|160;; lesstatues de Mars, de Minerve et de la Liberté seront mises auxendroits les plus remarquables de leurs habitations, une fêteannuelle s’y célébrera tous les ans, la couronne civique y seradécernée au citoyen qui aura le mieux mérité de la patrie&|160;; àl’entrée d’un bois solitaire, Vénus, l’Hymen et l’Amour érigés sousun temple agreste, recevront l’hommage des amants&|160;; là ce serapar la main des grâces que la beauté couronnera la constance, il nes’agira pas seulement d’aimer pour être digne de cette couronne, ilfaudra encore avoir mérité de l’être&|160;; l’héroïsme, lestalents, l’humanité, la grandeur d’âme, un civisme àl’épreuve&|160;; voilà les titres qu’aux pieds de sa maîtresse seraforcé d’établir l’amant&|160;; et ceux-là vaudront bien ceux de lanaissance et de la richesse, qu’un sot orgueil exigeait autrefois.Quelques vertus au moins écloront de ce culte, tandis qu’il ne naîtque des crimes de celui que nous avons eu la faiblesse deprofesser. Ce culte s’alliera avec la liberté que nous servons, ill’animera, l’entretiendra, l’embrassera, au lieu que le théisme estpar son essence et par sa nature la plus mortelle ennemie de laliberté que nous servons.

En coûta-t-il une goutte de sang, quand les idoles païennesfurent détruites sous le Bas-Empire&|160;? La révolution préparéepar la stupidité d’un peuple redevenu esclave, s’opéra sans lemoindre obstacle&|160;; comment pouvons-nous redouter que l’ouvragede la philosophie soit plus pénible que celui du despotisme&|160;?Ce sont les prêtres seuls qui captivent encore aux pieds de leurdieu chimérique ce peuple que vous craignez tant d’éclairer,éloignez-les de lui et le voile tombera naturellement&|160;; croyezque ce peuple bien plus sage que vous ne l’imaginez, dégagé desfers de la tyrannie, le sera bientôt de ceux de lasuperstition&|160;; vous le redoutez, s’il n’a pas ce frein, quelleextravagance&|160;! ah&|160;! croyez-le, citoyens, celui que leglaive matériel des lois n’arrête point, ne le sera pas davantagepar la crainte morale des supplices de l’enfer dont il se moquedepuis son enfance&|160;; votre théisme, en un mot, a faitcommettre beaucoup de forfaits, mais il n’en arrêta jamais unseul&|160;; s’il est vrai que les passions aveuglent, que leureffet soit d’élever sur nos yeux un nuage qui nous déguise lesdangers dont elles sont environnées, comment pouvons-nous supposerque ceux qui, loin de nous, comme le sont les punitions annoncéespar votre dieu, puissent parvenir à dissiper ce nuage que ne peutdissoudre le glaive même des lois toujours suspendu sur lespassions&|160;? S’il est donc prouvé que ce supplément de freinsimposé par l’idée d’un dieu, devienne inutile, s’il est démontréqu’il est dangereux par ses autres effets, je demande à quel usageil peut donc servir, et de quels motifs nous pourrions nous appuyerpour en prolonger l’existence&|160;? Me dira-t-on que nous nesommes pas assez mûrs pour consolider encore notre révolution d’unemanière aussi éclatante&|160;? Ah&|160;! mes concitoyens, le cheminque nous avons fait depuis 89 est bien autrement difficile quecelui qui nous reste à faire, et nous avons bien moins à travaillerl’opinion dans ce que je vous propose, que nous ne l’avonstourmentée en tout sens, depuis l’époque du renversement de laBastille&|160;; croyons qu’un peuple assez sage, assez courageux,pour conduire un monarque impudent du faîte des grandeurs aux piedsde l’échafaud, qui dans ce peu d’années sut vaincre autant depréjugés, sut briser tant de freins ridicules, le sera suffisammentpour immoler au bien de la chose, à la prospérité de la républiqueun fantôme bien plus illusoire encore que ne pouvait l’être celuid’un roi. Français, vous frapperez les premiers coups, votreéducation nationale fera le reste&|160;; mais travaillezpromptement à cette besogne, qu’elle devienne un de vos soins leplus important&|160;; qu’elle ait surtout pour base cette moraleessentielle, si négligée dans l’éducation religieuse&|160;;remplacez les sottises déifiques, dont vous fatiguiez les jeunesorganes de vos enfants, par d’excellents principes sociaux&|160;;qu’au lieu d’apprendre à réciter de futiles prières qu’il feragloire d’oublier dès qu’il aura seize ans, il soit instruit de sesdevoirs dans la société&|160;; apprenez-lui à chérir des vertusdont vous lui parliez à peine autrefois, et qui, sans vos fablesreligieuses suffisent à son bonheur individuel&|160;; faites-leursentir que ce bonheur consiste à rendre les autres aussi fortunésque nous désirons l’être nous-mêmes, si vous asseyez ces véritéssur des chimères chrétiennes comme vous aviez la folie de le faireautrefois&|160;: à peine vos élèves auront-ils reconnu la futilitédes bases, qu’ils feront crouler l’édifice, et ils deviendrontscélérats seulement, parce qu’ils croiront que la religion qu’ilsont culbutée, leur défendait de l’être. En leur faisant sentir aucontraire la nécessité de la vertu uniquement parce que leur proprebonheur en dépend, ils seront honnêtes gens par égoïsme, et cetteloi qui régit tous les hommes sera toujours la plus sûre detoutes&|160;; que l’on évite donc avec le plus grand soin de mêleraucune fable religieuse dans cette éducation nationale, ne perdonsjamais de vue que ce sont des hommes libres que nous voulonsformer, et non de vils adorateurs d’un dieu&|160;; qu’un philosophesimple instruise ces nouveaux élèves des sublimitésincompréhensibles de la nature, qu’il leur prouve que laconnaissance d’un dieu, souvent très dangereuse aux hommes, neservit jamais à leur bonheur, et qu’ils ne seront pas plus heureuxen admettant comme cause de ce qu’ils ne comprennent pas quelquechose qu’ils comprendront encore moins&|160;; qu’il est bien moinsessentiel d’entendre la nature que d’en jouir, et d’en respecterles lois&|160;; que ces lois sont aussi sages que simples, qu’ellessont écrites dans le cœur de tous les hommes, et qu’il ne fautqu’interroger ce cœur, pour en démêler l’impulsion&|160;; s’ilsveulent qu’absolument vous leur parliez d’un créateur, répondez queles choses ayant toujours été ce qu’elles sont, n’ayant jamais eude commencement et ne devant jamais avoir de fin, il devient aussiinutile qu’impossible à l’homme de pouvoir remonter à une origineimaginaire qui n’expliquerait rien et n’avancerait à rien,dites-leur qu’il est impossible aux hommes d’avoir des idées vraiesd’un être qui n’agit sur aucun de nos sens&|160;; toutes nos idéessont des représentations des objets qui nous frappent&|160;;qu’est-ce qui peut nous représenter l’idée de dieu qui estévidemment une idée sans objet, une telle idée, leurajouterez-vous, n’est-elle pas aussi impossible que des effets sanscause&|160;? Une idée sans prototype, est-elle autre chose qu’unechimère&|160;? Quelques docteurs, poursuivrez-vous, assurent quel’idée de dieu est innée, et que les hommes [ont] cette idée dès leventre de leur mère&|160;; mais cela est faux, leur ajouterez-vous,tout principe est un jugement&|160;; tout jugement est l’effet del’expérience, et l’expérience ne s’acquiert que par l’exercice dessens, d’où suit que les principes religieux ne portent évidemmentsur rien et ne sont point innés&|160;; comment, poursuivrez-vous,a-t-on pu persuader à des êtres raisonnables que la chose la plusdifficile à comprendre était la plus essentielle pour eux, c’estqu’on les a grandement effrayés, c’est que quand on a peur, oncesse de raisonner, c’est qu’on leur a surtout recommandé de sedéfier de leur raison, et que quand la cervelle est troublée, oncroit tout et n’examine rien&|160;; l’ignorance et la peur, leurdirez-vous encore, voilà les deux bases de toutes les religions,l’incertitude où l’homme se trouve par rapport à son dieu, estprécisément le motif qui l’attache à sa religion&|160;; l’homme apeur dans les ténèbres tant au physique qu’au moral, sa peurdevient habituelle en lui et se change en besoin&|160;; il croiraitqu’il lui manquerait quelque chose, s’il n’avait plus rien àespérer ou à craindre. Revenez ensuite à l’utilité de la morale,donnez-leur sur ce grand objet beaucoup plus d’exemples que deleçons, beaucoup plus de preuves que de livres, et vous en ferez debons citoyens, vous en ferez de bons guerriers, de bons pères, debons époux&|160;; vous en ferez des hommes d’autant plus attachés àla liberté de leur pays, qu’aucune idée de servitude ne pourra plusse présenter à leur esprit, qu’aucune terreur religieuse ne viendratroubler leur génie&|160;; alors le véritable patriotisme éclateradans toutes les âmes, il y régnera dans toute sa force et danstoute sa pureté, parce qu’il y deviendra le seul sentimentdominant, et qu’aucune idée étrangère n’en attiédira l’énergie.Alors votre seconde génération est sûre et votre ouvrage consolidépar elle va devenir la loi de l’univers&|160;; mais si par crainteou pusillanimité, ces conseils ne sont pas suivis, si l’on laissesubsister les bases de l’édifice que l’on avait cru détruire,qu’arrivera-t-il&|160;? on rebâtira sur ces bases, et l’on yplacera les mêmes colosses, à la cruelle différence qu’ils y serontcette fois cimentés d’une telle force, que ni votre génération nicelles qui la suivront ne réussiront à les culbuter. Qu’on ne doutepas que les religions ne soient le berceau du despotisme, lepremier de tous les despotes fut un prêtre&|160;; le premier roi etle premier empereur de Rome, Numa et Auguste, s’associèrent l’un etl’autre au sacerdoce&|160;; Constantin et Clovis furent plutôt desabbés que des souverains&|160;; Héliogabale fut prêtre du soleil.De tous les temps, dans tous les siècles il y eut, dans ledespotisme et dans la religion, une telle connexité, qu’il resteplus que démontré qu’en détruisant l’un, l’on doit saper l’autre,par la grande raison que le premier servira toujours de loi ausecond&|160;; je ne propose cependant ni massacres niexportations&|160;; toutes ces horreurs sont trop loin de mon âmepour oser seulement les concevoir une minute&|160;; non,n’assassinez point&|160;; n’exportez point, ces atrocités sontcelles des rois, ou des scélérats qui les imitèrent, ce n’est pointen faisant comme eux que vous forcerez de prendre en horreur ceuxqui les exerçaient&|160;; n’employons la force que pour les idoles,il ne faut que des ridicules pour ceux qui les servent&|160;; lessarcasmes de Julien nuisirent plus à la religion chrétienne, quetous les supplices de Néron&|160;; oui, détruisons à jamais toutel’idée de dieu, et faisons des soldats de ses prêtres, quelques-unsle sont déjà, qu’ils s’en tiennent à ce métier si noble pour unrépublicain, mais qu’ils ne nous parlent plus ni de leur êtrechimérique, ni de sa religion fabuleuse, unique objet de nosmépris&|160;; condamnons à être bafoué, ridiculisé, couvert de bouedans tous les carrefours des plus grandes villes de France, lepremier de ces charlatans bénis qui viendra nous parler encore oude dieu ou de religion&|160;; une éternelle prison sera la peine decelui qui retombera deux fois dans les mêmes fautes&|160;; que lesblasphèmes les plus insultants, les ouvrages les plus athées soientensuite autorisés pleinement, afin d’achever d’extirper dans lecœur et la mémoire des hommes ces effrayants jouets de notreenfance&|160;; que l’on mette au concours l’ouvrage le plus capabled’éclairer enfin les Européens sur une matière aussi importante, etqu’un prix considérable, et décerné par la nation, soit larécompense de celui qui ayant tout dit, tout démontré sur cettematière, ne laissera plus à ses compatriotes qu’une faux pourculbuter tous ces fantômes, et qu’un cœur droit pour les haïr. Danssix mois tout sera fini&|160;: votre infâme dieu sera dans le néantet cela sans cesser d’être juste, jaloux de l’estime des autres,sans cesser de redouter le glaive des lois, et d’être honnêtehomme, parce qu’on aura senti que le véritable ami de la patrie nedoit point, comme l’esclave des rois, être mené par des chimères,que ce n’est en un mot, ni l’espoir frivole d’un monde meilleur nila crainte de plus grands maux que ceux que nous envoya la nature,qui doivent conduire un républicain dont le seul guide est lavertu, comme l’unique frein le remords.

LES MŒURS

Après avoir démontré que le théisme ne convient nullement à ungouvernement républicain, il me paraît nécessaire de prouver queles mœurs françaises ne lui conviennent pas davantage. Cet articleest d’autant plus essentiel, que ce sont les mœurs qui vont servirde motifs aux lois qu’on va promulguer.

Français vous êtes trop éclairés pour ne pas sentir qu’unnouveau gouvernement va nécessiter de nouvelles mœurs, il estimpossible que le citoyen d’un État libre se conduise commel’esclave d’un roi despote, ces différences de leurs intérêts, deleurs devoirs, de leurs relations entre eux, déterminentessentiellement une manière tout autre de se comporter dans lemonde&|160;; une foule de petites erreurs, de petits délits sociauxconsidérés comme très essentiels sous le gouvernement des rois, quidevaient exiger d’autant plus, qu’ils avaient plus besoin d’imposerdes freins pour se rendre respectables ou inabordables à leurssujets, vont devenir nuls ici&|160;; d’autres forfaits connus sousles noms de régicide ou de sacrilège, sous un gouvernement qui neconnaît plus ni rois ni religion, doivent s’anéantir de même dansun État républicain. En accordant la liberté de conscience et cellede la presse, songez, citoyens, qu’à bien peu de chose près, ondoit accorder celle d’agir, et qu’excepté ce qui choque directementles bases du gouvernement, il vous reste on ne saurait moins decrimes à punir, parce que dans le fait, il est fort peu d’actionscriminelles dans une société dont la liberté et l’égalité font lesbases, et qu’à bien peser et bien examiner les choses, il n’y avraiment de criminel que ce que réprouve la loi, car la nature nousdictant également des vices et des vertus, en raison de notreorganisation, ou plus philosophiquement encore en raison du besoinqu’elle a de l’un ou de l’autre, ce qu’elle nous inspiredeviendrait une mesure très incertaine pour régler avec précisionce qui est bien ou ce qui est mal. Mais pour mieux développer mesidées sur un objet aussi essentiel, nous allons classer lesdifférentes actions de la vie [de] l’homme, que l’on était convenujusqu’à présent de nommer criminelles, et nous lestoiserons ensuite aux vrais devoirs d’un républicain.

On a considéré de tout temps les devoirs de l’homme sous lestrois différents rapports suivants&|160;:

1° ceux que sa conscience et sa crédulité lui imposent enversl’Être suprême&|160;;

2° ceux qu’il est obligé de remplir avec ses frères&|160;;

3° enfin ceux qui n’ont de relation qu’avec lui.

La certitude où nous devons être qu’aucun dieu ne s’est mêlé denous, et que créatures nécessitées de la nature comme les planteset les animaux, nous sommes ici parce qu’il était impossible quenous n’y fussions pas, cette certitude sans doute anéantit comme onle voit tout d’un coup la première partie de ces devoirs, je veuxdire ceux dont nous nous croyons faussement responsables envers ladivinité&|160;; avec eux disparaissent tous les délits religieux,tous ceux connus sous les noms vagues et indéfinisd’impiété, de sacrilège, de blasphème,d’athéisme etc., tous ceux en un mot qu’Athènes punit avectant d’injustice dans Alcibiade et la France dans l’infortunéLabarre. S’il y a quelque chose d’extravagant dans lemonde, c’est de voir des hommes qui ne connaissent leur Dieu et ceque peut exiger ce Dieu, que d’après leurs idées bornées&|160;;vouloir néanmoins décider sur la nature de ce qui contente ou de cequi fâche ce ridicule fantôme de leur imagination, ce ne seraitdonc point à permettre indifféremment tous les cultes que jevoudrais qu’on se bornât, je désirerais qu’on fût libre de se rireou de se moquer de tous, que des hommes réunis dans un templequelconque pour invoquer l’éternel à leur guise, fussent vus commedes comédiens sur un théâtre, au jeu desquels il est permis àchacun d’aller rire&|160;; si vous ne voyez pas les religions sousce rapport, elles reprendront le sérieux qui les rend importantes,elles protégeront bientôt les opinions, et l’on ne se sera pas plustôt disputé sur les religions, que l’on se rebattra pour lesreligions[15] , l’égalité détruite par la préférenceou la protection accordée à l’une d’elles disparaîtra bientôt dugouvernement, et de la théocratie réédifiée, renaîtra bientôtl’aristocratie. Je ne saurais donc trop le répéter, plus de Dieux,Français, plus de Dieux, si vous ne voulez pas que leur funesteempire vous replonge bientôt dans toutes les horreurs dudespotisme, mais ce n’est qu’en vous en moquant que vous lesdétruirez, tous les dangers qu’ils traînent à leur suite renaîtrontaussitôt en foule si vous y menez de l’humeur ou de l’importance.Ne renversez point leurs idoles en colère pulvérisez-les en jouant,et l’opinion tombera d’elle-même.

En voilà suffisamment, je l’espère, pour démontrer qu’il ne doitêtre promulgué aucune loi contre les délits religieux, parce quequi offense une chimère n’offense rien, et qu’il serait de ladernière inconséquence de punir ceux qui outragent ou qui méprisentun culte dont rien ne vous démontre avec évidence la priorité surles autres&|160;; ce serait nécessairement adopter un parti, etinfluencer dès lors la balance de l’égalité, première loi de votrenouveau gouvernement.

Passons aux seconds devoirs de l’homme, ceux qui le lient avecses semblables&|160;; cette classe est la plus étendue sansdoute.

La morale chrétienne trop vague sur les rapports de l’homme avecses semblables, pose des bases si pleines de sophismes, qu’il nousest impossible de les admettre&|160;; parce que, lorsqu’on veutédifier des principes, il faut bien se garder de leur donner dessophismes pour bases. Elle nous dit, cette absurde morale, d’aimernotre prochain comme nous-même&|160;; rien ne serait assurémentplus sublime, s’il était possible que ce qui est faux, pût jamaisporter les caractères de la beauté&|160;; il ne s’agit pas d’aimerses semblables comme soi-même, puisque cela est contre toutes leslois de la nature, et que son seul organe doit diriger toutes lesactions de notre vie&|160;; il n’est question que d’aimer nossemblables comme des frères, comme des amis que la nature nousdonne, et avec lesquels nous devons vivre d’autant mieux dans unÉtat républicain, que la disparution[16] desdistances doit nécessairement resserrer les liens.

Que l’humanité, la fraternité, la bienfaisance nous prescriventd’après cela nos devoirs réciproques, et remplissons-lesindividuellement dans le simple degré d’énergie que nous a sur cepoint donné la nature, sans blâmer et surtout sans punir ceux qui,plus froids ou plus atrabilaires, n’éprouvent pas dans ces liensnéanmoins si touchants toutes les douceurs que d’autres yrencontrent&|160;; car on en conviendra, ce serait ici uneabsurdité palpable que de vouloir prescrire des loisuniverselles&|160;; ce procédé serait aussi ridicule que celui d’ungénéral d’armée qui voudrait que tous ses soldats fussent vêtusd’un habit fait sur la même mesure&|160;; c’est une injusticeeffrayante que d’exiger que des hommes de caractères inégaux seplient à des lois égales&|160;; ce qui va à l’un ne va point àl’autre, je conviens que l’on ne peut pas faire autant de loisqu’il y a d’hommes&|160;; mais les lois peuvent être si douces, ensi petit nombre, que tous les hommes de quelque caractère qu’ilssoient, puissent facilement s’y plier, encore exigerais-je que cepetit nombre de lois fût d’espèce à pouvoir s’adapter facilement àtous les différents caractères&|160;; l’esprit de celui qui lesdirigerait, serait de frapper plus ou moins, en raison del’individu qu’il faudrait atteindre&|160;; il est démontré qu’il ya telle vertu dont la pratique est impossible à certains hommes,comme il y a tel remède qui ne saurait convenir à teltempérament&|160;; or quel sera le comble de votre injustice, sivous frappez de la loi celui auquel il est impossible de se plier àla loi&|160;; l’iniquité que vous commettriez en cela, neserait-elle pas égale à celle dont vous vous rendriez coupable, sivous vouliez forcer un aveugle à discerner les couleurs&|160;? deces premiers principes il découle, on le sent, la nécessité defaire des lois douces, et surtout d’anéantir pour jamais l’atrocitéde la peine de mort, parce que la loi qui attente à la vie d’unhomme, est impraticable, injuste, inadmissible&|160;; ce n’est pas,ainsi que je le dirai tout à l’heure, qu’il n’y ait une infinité decas où, sans outrager la nature (et c’est ce que je démontrerai),les hommes n’aient reçu de cette mère commune l’entière libertéd’attenter à la vie les uns des autres, mais c’est qu’il estimpossible que la loi puisse obtenir le même privilège, parce quela loi froide par elle-même, ne saurait être accessible auxpassions qui peuvent légitimer dans l’homme la cruelle action dumeurtre&|160;; l’homme reçoit de la nature les impressions quipeuvent lui faire pardonner cette action, et la loi au contraire,toujours en opposition à la nature et ne recevant rien d’elle, nepeut être autorisée à se permettre les mêmes écarts&|160;; n’ayantpas les mêmes motifs, il est impossible qu’elle ait les mêmesdroits, voilà de ces distinctions savantes et délicates quiéchappent à beaucoup de gens, parce que fort peu de gensréfléchissent&|160;; mais elles seront accueillies des gensinstruits à qui je les adresse, et elles influeront, je l’espère,sur le nouveau Code que l’on nous prépare.

La seconde raison pour laquelle on doit anéantir la peine demort, c’est qu’elle n’a jamais réprimé le crime, puisqu’on lecommet chaque jour aux pieds de l’échafaud.

On doit supprimer cette peine, en un mot, parce qu’il n’y apoint de plus mauvais calcul que celui de faire mourir un hommepour en avoir tué un autre, puisqu’il résulte évidemment de ceprocédé, qu’au lieu d’un homme de moins, en voilà tout d’un coupdeux et qu’il n’y a que des bourreaux ou des imbéciles auxquels unetelle arithmétique puisse être familière.

Quoi qu’il en soit enfin, les forfaits que nous pouvonscommettre envers nos frères se réduisent à quatre principaux&|160;:la calomnie, le vol, les délits qui, causés parl’impureté, peuvent atteindre désagréablement les autres,et le meurtre.

Toutes ces actions considérées comme capitales dans ungouvernement monarchique, sont-elles aussi graves dans un Étatrépublicain&|160;? C’est ce que nous allons analyser avec leflambeau de la philosophie, car c’est à sa seule lumière qu’un telexamen doit s’entreprendre&|160;; qu’on ne me taxe point d’être unnovateur dangereux, qu’on ne dise pas qu’il y a du risque àémousser, comme le feront peut-être ces écrits, le remords dansl’âme des malfaiteurs, qu’il y a le plus grand mal à augmenter parla douceur de ma morale le penchant que ces mêmes malfaiteurs ontaux crimes&|160;; j’atteste ici formellement n’avoir aucune de cesvues perverses&|160;; j’expose les idées qui depuis l’âge de raisonse sont identifiées avec moi et au jet desquelles l’infâmedespotisme des tyrans s’était opposé tant de siècles. Tant pis pourceux que ces grandes idées corrompraient, tant pis pour ceux qui nesavent saisir que le mal dans des opinions philosophiques,susceptibles de se corrompre à tout&|160;; qui sait s’ils ne segangrèneraient peut-être pas aux lectures de Sénèque et deCharron, ce n’est point à eux que je parle&|160;: je nem’adresse qu’à des génies capables de m’entendre, et ceux-là meliront sans danger.

J’avoue avec la plus extrême franchise, que je n’ai jamais cruque la calomnie fût un mal, et surtout dans un gouvernement commele nôtre, où tous les hommes plus liés, plus rapprochés, ontévidemment un plus grand intérêt à se bien connaître&|160;; de deuxchoses l’une, ou la calomnie porte sur un homme véritablementpervers, ou elle tombe sur un être vertueux. On conviendra que dansle premier cas, il devient à peu près indifférent que l’on dise unpeu plus de mal d’un homme connu pour en faire beaucoup, peut-êtremême alors le mal qui n’existe pas, éclairera-t-il sur celui quiest, et voilà le malfaiteur mieux connu.

S’il règne, je le suppose, une influence malsaine à Hanovre,mais que je ne doive courir d’autres risques, en m’exposant à cetteinclémence de l’air, que de gagner un accès de fièvre, pourrai-jesavoir mauvais gré à l’homme qui, pour m’empêcher d’y aller,m’aurait dit qu’on y mourait dès en arrivant&|160;? non sans doute,car en m’effrayant par un grand mal, il m’a empêché d’en éprouverun petit.

La calomnie porte-t-elle au contraire sur un homme vertueux,qu’il ne s’en alarme pas, qu’il se montre, et tout le venin ducalomniateur retombera bientôt sur lui-même. La calomnie, pour detelles gens, n’est qu’un scrutin épuratoire dont leur vertu nesortira que plus brillante, il y a même ici du profit pour la massedes vertus de la république&|160;; car cet homme vertueux etsensible, piqué de l’injustice qu’il vient d’éprouver, s’appliqueraà mieux faire encore&|160;; il voudra surmonter cette calomnie dontil se croyait à l’abri, et ses belles actions n’acquerront qu’undegré d’énergie de plus. Ainsi, dans le premier cas, lecalomniateur aura produit d’assez bons effets, en grossissant lesvices de l’homme dangereux&|160;; dans le second, il en auraproduit d’excellents, en contraignant la vertu à s’offrir à noustout entière. Or, je demande maintenant sous quel rapport lecalomniateur pourra vous paraître à craindre, dans un gouvernementsurtout où il est si essentiel de connaître les méchants etd’augmenter l’énergie des bons&|160;? Que l’on se garde donc biende prononcer aucune peine contre la calomnie, considérons-la sousle double rapport d’un fanal et d’un stimulant, et dans tous lescas comme quelque chose de très utile&|160;; le législateur, donttoutes les idées doivent être grandes comme l’ouvrage auquel ils’applique, ne doit jamais étudier l’effet du délit qui ne frappequ’individuellement&|160;; c’est son effet en masse qu’il doitexaminer, et quand il observera de cette manière les effets quirésultent de la calomnie, je le défie d’y trouver rien depunissable, je défie qu’il puisse placer quelque ombre de justice àla loi qui la punirait, il devient au contraire l’homme le plusjuste et le plus intègre, s’il la favorise ou la récompense.

Le vol est le second des délits moraux dont nous nous sommesproposé l’examen.

Si nous parcourons l’Antiquité, nous verrons le vol permis,récompensé dans toutes les républiques de la Grèce&|160;; Sparte ouLacédémone le favorisait ouvertement&|160;; quelques autres peuplesl’ont regardé comme une vertu guerrière&|160;; il est certain qu’ilentretient le courage, la force, l’adresse, toutes les vertus, enun mot, utiles à un gouvernement républicain, et par conséquent aunôtre&|160;; j’oserai demander, sans partialité maintenant, si levol, dont l’effet est d’égaliser les richesses, est un grand maldans un gouvernement dont le but est l’égalité&|160;: non sansdoute, car s’il entretient l’égalité d’un côté, de l’autre il rendplus exact à conserver son bien. Il y avait un peuple quipunissait, non pas le voleur, mais celui qui s’était laissé voler,afin de lui apprendre à soigner ses propriétés&|160;: ceci nousamène à des réflexions plus étendues.

À dieu ne plaise que je veuille attaquer ou détruire ici leserment du respect des propriétés que vient de prononcer lanation&|160;; mais me permettra-t-on quelques idées sur l’injusticede ce serment&|160;? Quel est l’esprit d’un serment prononcé partous les individus d’une nation&|160;? N’est-il pas de maintenirune parfaite égalité parmi les citoyens, de les soumettre touségalement à la loi protectrice des propriétés de tous&|160;? Or jevous demande maintenant si elle est bien juste, la loi qui ordonneà celui qui n’a rien de respecter celui qui a tout&|160;? Quelssont les éléments du pacte social&|160;? Ne consiste-t-il pas àcéder un peu de sa liberté et de ses propriétés, pour assurer etmaintenir ce que l’on conserve de l’un et de l’autre&|160;? Toutesles lois sont assises sur ces bases, elles sont les motifs despunitions infligées à celui qui abuse de sa liberté, ellesautorisent de même les impositions&|160;; ce qui fait qu’un citoyenne se récrie pas lorsqu’on les exige de lui, c’est qu’il sait qu’aumoyen de ce qu’il donne, on lui conserve ce qui lui reste&|160;;mais, encore une fois, de quel droit celui qui n’a riens’enchaînera-t-il sous un pacte qui ne protège que celui qui atout&|160;? Si vous faites un acte d’équité en conservant, parvotre serment, les propriétés du riche, ne faites-vous pas uneinjustice en exigeant ce serment du conservateur qui n’arien&|160;? Quel intérêt celui-ci a-t-il à votre serment&|160;? Etpourquoi voulez-vous qu’il promette une chose uniquement favorableà celui qui diffère autant de lui par ses richesses&|160;? Il n’estassurément rien de plus injuste, un serment doit avoir un effetégal sur tous les individus qui le prononcent&|160;; il estimpossible qu’il puisse enchaîner celui qui n’a aucun intérêt à sonmaintien, parce qu’il ne serait plus alors le pacte d’un peuplelibre, il serait l’arme du fort sur le faible, contre lequelcelui-ci devrait se révolter sans cesse&|160;; or c’est ce quiarrive dans le serment du respect des propriétés que vient d’exigerla nation, le riche seul y enchaîne le pauvre, le riche seul aintérêt au serment que prononce le pauvre avec tantd’inconsidération, qu’il ne voit pas qu’au moyen de ce sermentextorqué à sa bonne foi, il s’engage à faire une chose qu’on nepeut pas faire vis-à-vis de lui. Convaincus ainsi que vous devezl’être, de cette barbare inégalité, n’aggravez donc pas votreinjustice en punissant celui qui n’a rien, d’avoir osé déroberquelque chose à celui qui a tout, votre inéquitable serment lui endonne plus de droit que jamais&|160;; en le contraignant au parjurepar ce serment absurde pour lui, vous légitimez tous les crimes oùle portera ce parjure, il ne vous appartient donc plus de punir cedont vous avez été la cause&|160;; je n’en dirai pas davantage pourfaire sentir la cruauté horrible qu’il y a à punir les voleurs.Imitez la loi sage du peuple dont je viens de parler, punissezl’homme assez négligent pour se laisser voler, mais ne prononcezaucune espèce de peine contre celui qui vole, songez que votreserment l’autorise à cette action, et qu’il n’a fait en s’ylivrant, que suivre le premier et le plus sage des mouvements de lanature, celui de conserver sa propre existence, n’importe auxdépens de qui.

Les délits que nous devons examiner dans cette seconde classedes devoirs de l’homme envers ses semblables, consistent dans lesactions que peut faire entreprendre le libertinage, parmilesquelles se distinguent particulièrement, comme plusattentatoires à ce que chacun doit aux autres, laprostitution, l’adultère, l’inceste, leviol et la sodomie. Nous ne devons certainementpas douter un moment, que tout ce qui s’appelle crimes moraux,c’est-à-dire toutes les actions de l’espèce de celles que nousvenons de citer, ne soient parfaitement indifférentes dans ungouvernement, dont le seul devoir consiste à conserver, par telmoyen que ce puisse être, la forme essentielle à sonmaintien&|160;: voilà l’unique morale d’un gouvernementrépublicain&|160;; or, puisqu’il est toujours contrarié par lesdespotes qui l’environnent, on ne saurait imaginer raisonnablementque ses moyens conservateurs puissent être des moyensmoraux&|160;; car il ne se conservera que par la guerre, etrien n’est moins moral que la guerre&|160;; maintenant je demandecomment on parviendra à démontrer que, dans un étatimmoral par ses obligations, il soit essentiel que lesindividus soient moraux, je dis plus, il est bon qu’ils nele soient pas, les législateurs de la Grèce avaient parfaitementsenti l’importante nécessité de gangrener les membres pour que,leur dissolution morale influant sur celle utile à lamachine, il en résultât l’insurrection toujours indispensable dansun gouvernement qui, parfaitement heureux comme le gouvernementrépublicain, doit nécessairement exciter la haine et la jalousie detout ce qui l’entoure. L’insurrection, pensaient ces sageslégislateurs, n’est point un état moral&|160;; il doitêtre pourtant l’état permanent d’une république&|160;; il seraitdonc aussi absurde que dangereux d’exiger que ceux qui doiventmaintenir le perpétuel ébranlement immoral de la machine,fussent eux-mêmes des êtres très moraux, parce que l’étatmoral d’un homme est un état de paix et de tranquillité,au lieu que son état immoral est un état de mouvementperpétuel qui le rapproche de l’insurrection nécessaire danslaquelle il faut que le républicain tienne toujours le gouvernementdont il est membre.

Détaillons maintenant, et commençons par analyser la pudeur, cemouvement pusillanime, contradictoire aux affections impures. S’ilétait dans les intentions de la nature que l’homme fût pudique,assurément elle ne l’aurait pas fait naître nu&|160;; une infinitéde peuples, moins dégradés que nous par la civilisation, vont nuset n’en éprouvent aucune honte&|160;; il ne faut pas douter quel’usage de se vêtir n’ait eu pour unique base et l’inclémence del’air et la coquetterie des femmes&|160;; elles sentirent qu’ellesperdraient bientôt tous les effets du désir, si elles lesprévenaient, au lieu de les laisser naître, elles conçurent que lanature d’ailleurs ne les ayant pas créées sans défauts, elless’assureraient bien mieux tous les moyens de plaire, en déguisantces défauts par des parures&|160;; ainsi la pudeur, loin d’être unevertu, ne fut donc plus qu’un des premiers effets de la corruption,qu’un des premiers moyens de la coquetterie des femmes. Lycurgue etSolon, bien pénétrés que les résultats de l’impudeur tiennent lecitoyen dans l’état immoral essentiel aux lois dugouvernement républicain, obligèrent les jeunes filles à se montrernues aux théâtres[17] . Romeimita bientôt cet exemple, on dansait nu aux jeux de Flore, la plusgrande partie des mystères païens se célébraient ainsi, la nuditépassa même pour vertu chez quelques peuples. Quoi qu’il en soit, del’impudeur naissent des penchants luxurieux, ce qui résulte de cespenchants compose les prétendus crimes que nous analysons, dont laprostitution est le premier effet. Maintenant que nous sommesrevenus sur tout cela de la foule d’erreurs religieuses qui nouscaptivaient et que, plus rapprochés de la nature par la quantité depréjugés que nous venons d’anéantir, nous n’écoutons que sa voix,bien assurés que s’il y avait du crime à quelque chose, ce seraitbien plutôt à résister aux penchants qu’elle nous inspire, qu’à lescombattre, persuadés que la luxure étant une suite de cespenchants, il s’agit bien moins d’éteindre cette passion dans nous,que de régler les moyens d’y satisfaire en paix&|160;; nous devonsdonc nous attacher à mettre de l’ordre dans cette partie, à yétablir toute la sûreté nécessaire à ce que le citoyen, que lebesoin rapproche des objets de luxure, puisse se livrer avec cesobjets à tout ce que ses passions lui prescrivent, sans jamais êtreenchaîné par rien, parce qu’il n’est aucune passion dans l’hommequi ait plus besoin de toute l’extension de la liberté, quecelle-là. Différents emplacements sains, vastes, proprementmeublés, et sûrs dans tous les points, seront érigés dans lesvilles&|160;; là, tous les sexes, tous les âges, toutes lescréatures seront offertes aux caprices des libertins qui viendrontjouir, et la plus entière subordination sera la règle des individusprésentés&|160;; le plus léger refus sera puni aussitôtarbitrairement par celui qui l’aura éprouvé, je dois encoreexpliquer ceci, le mesurer aux mœurs républicaines&|160;; j’aipromis partout la même logique, je tiendrai parole. Si, comme jeviens de le dire tout à l’heure, aucune passion n’a plus besoin detoute l’extension de la liberté que celle-là, aucune sans douten’est aussi despotique&|160;; c’est là que l’homme aime àcommander, à être obéi, à s’entourer d’esclaves contraints à lesatisfaire&|160;; or, toutes les fois que vous ne donnerez pas àl’homme le moyen secret d’exhaler la dose de despotisme que lanature mit au fond de son cœur, il se rejettera, pour l’exercer,sur les objets qui l’entoureront, il troublera le gouvernement.Permettez, si vous voulez éviter ce danger, un libre essor à cesdésirs tyranniques qui, malgré lui, le tourmentent sanscesse&|160;; content d’avoir pu exercer sa petite souveraineté aumilieu du harem d’icoglans ou de sultanes que vos soins et sonargent lui soumettent, il sortira satisfait, et sans aucun désir detroubler un gouvernement qui lui assure aussi complaisamment tousles moyens de sa concupiscence&|160;; exercez, au contraire, desprocédés différents, imposez sur ces objets de la luxure publique,les ridicules entraves jadis inventées par la tyrannieministérielle et par la lubricité de nos Sardanapales[18] . L’homme, bientôt aigri contre votregouvernement, bientôt jaloux du despotisme qu’il vous voit exercertout seul, secouera le joug que vous lui imposez et las de votremanière de le régir, en changera comme il vient de le faire. Voyezcomme les législateurs grecs, bien pénétrés de ces idées,traitaient la débauche à Lacédémone, à Athènes, ils en enivraientle citoyen, bien loin de la lui interdire&|160;; aucun genre delubricité ne lui était défendu, et Socrate, déclaré par l’oracle leplus sage des philosophes de la terre, passant indifféremment desbras d’Aspasie dans ceux d’Alcibiade, n’en étaitpas moins la gloire de la Grèce. Je vais aller plus loin, etquelque contraires que soient mes idées à nos coutumes actuelles,comme mon objet est de prouver que nous devons nous presser dechanger ces coutumes, si nous voulons conserver le gouvernementadopté, je vais essayer de vous convaincre que la prostitution desfemmes connues sous le nom d’honnêtes, n’est pas plus dangereuseque celle des hommes, et que non seulement nous devons les associeraux luxures exercées dans les maisons que j’établis, mais que nousdevons même en ériger pour elles, où leurs caprices et les besoinsde leur tempérament, bien autrement ardent que le nôtre, puissentde même se satisfaire avec tous les sexes.

De quel droit prétendez-vous d’abord que les femmes doivent êtreexceptées de l’aveugle soumission que la nature leur prescrit auxcaprices des hommes, et ensuite par quel autre droit prétendez-vousles asservir à une continence impossible à leur physique, etabsolument inutile à leur honneur&|160;?

Je vais traiter séparément l’une et l’autre de ces questions. Ilest certain que, dans l’état de nature, les femmes naissentvulgivagues, c’est-à-dire jouissant des avantages desautres animaux femelles et appartenant, comme elles et sans aucuneexception, à tous les mâles&|160;; telles furent sans aucun doute,et les premières lois de la nature, et les seules institutions despremiers rassemblements que les hommes firent. L’intérêt,l’égoïsme et l’amour dégradèrent ces premièresvues si simples et si naturelles&|160;; on crut s’enrichir enprenant une femme, et avec elle le bien de sa famille&|160;; voilàles deux premiers sentiments que je viens d’indiquer satisfaits,plus souvent encore on enleva cette femme, et on s’y attacha&|160;;voilà le second motif en action et, dans tous les cas, del’injustice. Jamais un acte de possession ne peut être exercé surun être libre&|160;; il est aussi injuste de posséder exclusivementune femme, qu’il l’est de posséder des esclaves&|160;; tous leshommes sont nés libres, tous sont égaux en droit, ne perdons jamaisde vue ces principes&|160;; il ne peut donc être jamais donné,d’après cela, de droit légitime à un sexe de s’emparerexclusivement de l’autre, et jamais l’un de ces sexes, ou l’une deces classes, ne peut posséder l’autre arbitrairement. Une femmemême, dans la pureté des lois de la nature, ne peut alléguer pourmotif du refus qu’elle fait à celui qui la désire, l’amour qu’ellea pour un autre, parce que ce motif en devient un d’exclusion, etqu’aucun homme ne peut être exclu de la possession d’une femme, dumoment qu’il est clair qu’elle appartient décidément à tous leshommes. L’acte de possession ne peut être exercé que sur unimmeuble ou sur un animal, jamais il ne peut l’être sur un individuqui nous ressemble, et tous les liens qui peuvent enchaîner unefemme à un homme, de telle espèce que vous puissiez les supposer,sont aussi injustes que chimériques. S’il devient doncincontestable que nous avons reçu de la nature le droit d’exprimernos vœux indifféremment à toutes les femmes, il le devient de mêmeque nous avons celui de l’obliger de se soumettre à nos vœux, nonpas exclusivement, je me contrarierais, mais momentanément[19] . Il est incontestable que nous avonsle droit d’établir des lois qui la contraignent de céder aux feuxde celui qui la désire&|160;; la violence même étant un des effetsde ce droit, nous pouvons l’employer légalement. Eh&|160;! lanature n’a-t-elle pas prouvé que nous avions ce droit, en nousdépartissant la force nécessaire à les soumettre à nosdésirs&|160;?

En vain les femmes doivent-elles faire parler pour leur défense,ou la pudeur ou leur attachement à d’autres hommes&|160;; cesmoyens chimériques sont nuls&|160;; nous avons vu plus haut combienla pudeur était un sentiment factice et méprisable&|160;; l’amour,qu’on peut appeler la folie de l’âme, n’a pas plus detitres pour légitimer leur constance, ne satisfaisant que deuxindividus, l’être aimé et l’être aimant&|160;; il ne peut servir aubonheur des autres, et c’est pour le bonheur de tous, et non pourun bonheur égoïste et privilégié, que nous ont été données lesfemmes. Tous les hommes ont donc un droit de jouissance égal surtoutes les femmes&|160;; il n’est donc aucun homme qui, d’après leslois de la nature, puisse s’ériger sur une femme un droit unique etpersonnel&|160;; la loi qui les obligera de se prostituer, tant quenous le voudrons, aux maisons de débauche dont il vient d’êtrequestion, et qui les y contraindra si elles s’y refusent, qui lespunira si elles y manquent, est donc une loi des plus équitables,et contre laquelle aucun motif légitime ou juste ne sauraitréclamer. Un homme qui voudra jouir d’une femme ou d’une fillequelconque, pourra donc, si les lois que vous promulguez sontjustes, la faire sommer de se trouver dans l’une des maisons dontj’ai parlé et là, sous la sauvegarde des matrones de ce temple deVénus, elle lui sera livrée pour satisfaire, avec autant d’humilitéque de soumission, tous les caprices qu’il lui plaira de se passeravec elle, de quelque bizarrerie ou de quelque irrégularité qu’ilspuissent être, parce qu’il n’en est aucun qui ne soit dans lanature, aucun qui ne soit avoué par elle. Il ne s’agirait plus icique de fixer l’âge&|160;; or, je prétends qu’on ne le peut, sansgêner la liberté de celui qui désire la jouissance d’une fille detel ou tel âge. Celui qui a le droit de manger le fruit d’un arbre,peut assurément le cueillir mûr ou vert, suivant les inspirationsde son goût&|160;; mais, objectera-t-on, il est un âge où lesprocédés de l’homme nuiront décidément à la santé de lafille&|160;; cette considération est sans aucune valeur, dès quevous m’accordez le droit de propriété sur la jouissance, ce droitest indépendant des effets produits par la jouissance, de ce momentil devient égal que cette jouissance soit avantageuse ou nuisible àl’objet qui doit s’y soumettre. N’ai-je pas déjà prouvé qu’il étaitégal de contraindre la volonté d’une femme sur cet objet, etqu’aussitôt qu’elle inspirait le désir de la jouissance, elledevait se soumettre à cette jouissance, abstraction faite de toutsentiment égoïste&|160;; il en est de même de sa santé, dès que leségards qu’on aurait pour cette considération détruiraient ouaffaibliraient la jouissance de celui qui la désire, et qui a ledroit de se l’approprier, cette considération d’âge devient nulle,parce qu’il ne s’agit nullement ici de ce que peut éprouver l’objetcondamné par la nature et par la loi à l’assouvissement momentanédes désirs de l’autre, il n’est question, dans cet examen, que dece qui convient à celui qui désire&|160;; nous rétablirons labalance.

Oui, nous la rétablirons, nous le devons sans doute&|160;; cesfemmes que nous venons d’asservir si cruellement, nous devonsincontestablement les dédommager, et c’est ce qui va former laréponse à la seconde question que je me suis proposée.

Si nous admettons, comme nous venons de le faire, que toutes lesfemmes doivent être soumises à nos désirs, assurément nous pouvonsleur permettre de même de satisfaire amplement tous lesleurs&|160;; nos lois doivent favoriser sur cet objet leurtempérament de feu, et il est absurde d’avoir placé et leur honneuret leur vertu dans la force antinaturelle qu’elles mettent àrésister aux penchants qu’elles ont reçus avec bien plus deprofusion que nous&|160;; cette injustice de nos mœurs est d’autantplus criante, que nous consentons à la fois à les rendre faibles àforce de séduction, et à les punir ensuite de ce qu’elles cèdent àtous les efforts que nous avons faits pour les provoquer à lachute. Toute l’absurdité de nos mœurs est gravée, ce me semble,dans cette inéquitable atrocité, et ce seul exposé devrait nousfaire sentir l’extrême besoin que nous avons de les changer pour deplus pures.

Je dis donc que les femmes, ayant reçu des penchants bien plusviolents que nous aux plaisirs de la luxure, pourront s’y livrertant qu’elles le voudront, absolument dégagées de tous les liens del’hymen, de tous les faux préjugés de la pudeur, absolument renduesà l’état de nature&|160;; je veux que les lois leur permettent dese livrer à autant d’hommes que bon leur semblera&|160;; je veuxque la jouissance de tous les sexes et de toutes les parties deleur corps leur soit permise comme aux hommes, et sous la clausespéciale de se livrer de même à tous ceux qui le désireront, ilfaut qu’elles aient la liberté de jouir également de tous ceuxqu’elles croiront dignes de les satisfaire. Quels sont, je ledemande, les dangers de cette licence&|160;? Des enfants quin’auront point de pères&|160;? et qu’importe dans une république oùtous les individus ne doivent avoir d’autre mère que la patrie, oùtous ceux qui naissent, sont tous enfants de la patrie&|160;?Ah&|160;! combien l’aimeraient mieux ceux qui, n’ayant jamais connuqu’elle, sauront dès en naissant que ce n’est que d’elle qu’ilsdoivent tout attendre&|160;; n’imaginez pas de faire de bonsrépublicains tant que vous isolerez dans leurs familles les enfantsqui ne doivent appartenir qu’à la république, en donnant làseulement à quelques individus, la dose d’affection qu’ils doiventrépartir sur tous leurs frères, ils adoptent inévitablement lespréjugés souvent dangereux de ces individus, leurs opinions, leursidées s’isolent, se particularisent, et toutes les vertus d’unhomme d’État leur deviennent absolument impossibles&|160;;abandonnant enfin leur cœur tout entier à ceux qui les ont faitnaître&|160;; ils ne trouvent plus dans ce cœur aucune affectionpour celle qui doit les faire vivre, les faire connaître et lesillustrer. Comme si ces seconds bienfaits n’étaient pas plusimportants que le premier&|160;; s’il y a le plus grandinconvénient à laisser des enfants sucer ainsi dans leurs famillesdes intérêts souvent bien différents de ceux de la patrie, il y adonc le plus grand avantage à les en séparer&|160;; ne le sont-ilspas naturellement par les moyens que je propose, puisqu’endétruisant absolument tous les liens de l’hymen il ne naît plusd’autres fruits des plaisirs de la femme que des enfants auxquelsla connaissance de leur père est absolument interdite, et avec celales moyens de ne plus appartenir qu’à une même famille, au lieud’être ainsi qu’ils le doivent uniquement les enfants de lapatrie&|160;?

Il y aura donc des maisons destinées au libertinage des femmes,et, comme celles des hommes, sous la protection dugouvernement&|160;; là, leur seront fournis tous les individus del’un et l’autre sexe qu’elles pourront désirer, et plus ellesfréquenteront ces maisons, plus elles seront estimées&|160;; il n’ya rien de si barbare et de si ridicule que d’avoir attachél’honneur et la vertu des femmes à la résistance qu’elles mettent àdes désirs qu’elles ont reçus de la nature, et qu’échauffent sanscesse ceux qui ont la barbarie de les blâmer&|160;; dès l’âge leplus tendre[20] , une fille dégagée des lienspaternels, n’ayant plus rien à conserver pour l’hymen (absolumentaboli par les sages lois que je désire), au-dessus du préjugéenchaînant autrefois son sexe, pourra donc se livrer à tout ce quelui dictera son tempérament, dans les maisons établies à ce sujet.Elle y sera reçue avec respect, satisfaite avec profusion, et deretour dans la société, elle y pourra parler aussi publiquement desplaisirs qu’elle aura goûtés, qu’elle le fait aujourd’hui d’un balou d’une promenade&|160;; sexe charmant, vous serez libre&|160;;vous jouirez comme les hommes de tous les plaisirs dont la naturevous fait un devoir&|160;; vous ne vous contraindrez sur aucun, laplus divine partie de l’humanité doit-elle donc recevoir des fersde l’autre&|160;? Ah&|160;! brisez-les, la nature le veut&|160;;n’ayez plus d’autres freins que celui de vos penchants, d’autreslois que vos seuls désirs, d’autre morale que celle de lanature&|160;; ne languissez pas plus longtemps dans des préjugésbarbares qui flétrissaient vos charmes, et captivaient les élansdivins de vos cœurs[21] &|160;;vous êtes libres comme nous, et la carrière des combats de Vénusvous est ouverte comme à nous&|160;; ne redoutez plus d’absurdesreproches&|160;; le pédantisme et la superstition sontanéantis&|160;; on ne vous verra plus rougir de vos charmantsécarts. Couronnées de myrtes et de roses, l’estime que nousconcevrons pour vous, ne sera plus qu’en raison de la plus grandeétendue que vous vous serez permis de leur donner.

Ce qui vient d’être dit, devrait nous dispenser sans douted’examiner l’adultère&|160;; jetons-y néanmoins un coup d’œil,quelque nul qu’il soit après les lois que j’établis&|160;; à quelpoint il était ridicule de le considérer comme criminel dans nosanciennes institutions&|160;; s’il y avait quelque chose d’absurdedans le monde, c’était bien sûrement l’éternité des liensconjugaux&|160;; il ne fallait, ce me semble, qu’examiner ou quesentir toute la lourdeur de ces liens pour cesser de voir comme uncrime l’action qui les allégeait&|160;; la nature, comme nousl’avons dit tout à l’heure, ayant doué les femmes d’un tempéramentplus ardent, d’une sensibilité plus profonde qu’elle n’a fait desindividus de l’autre sexe, c’était pour elles sans doute que lejoug d’un hymen éternel était plus pesant&|160;; femmes tendres etembrasées du feu de l’amour, dédommagez-vous maintenant sanscrainte&|160;; persuadez-vous qu’il ne peut exister aucun mal àsuivre les impulsions de la nature, que ce n’est pas pour un seulhomme qu’elle vous a créées, mais pour plaire indifféremment àtous, qu’aucun frein ne vous arrête&|160;; imitez les républicainesde la Grèce&|160;; jamais les législateurs qui leur donnèrent deslois, n’imaginèrent de leur faire un crime de l’adultère et presquetous autorisèrent le désordre des femmes. Thomas Morusprouve, dans son Utopie, qu’il est avantageux aux femmesde se livrer à la débauche, et les idées de ce grand hommen’étaient pas toujours des rêves[22] &|160;;chez les Tartares, plus une femme se prostituait, plus elle étaithonorée&|160;; elle portait publiquement au col les marques de sonimpudicité, et l’on n’estimait point celles qui n’en étaient pointdécorées&|160;; au Pégu, les familles elles-mêmes livrent leursfemmes ou leurs filles aux étrangers qui y voyagent&|160;; on lesloue à tant par jour comme des chevaux et des voitures&|160;; desvolumes enfin ne suffiraient pas à démontrer que jamais la luxurene fut considérée comme criminelle chez aucun des peuples sages dela terre, tous les philosophes savent bien que ce n’est qu’auximposteurs chrétiens que nous devons de l’avoir érigé[e] encrime&|160;; les prêtres avaient bien leur motif, en nousinterdisant la luxure&|160;; cette recommandation en leur réservantla connaissance et l’absolution de ces péchés secrets, leur donnaitun incroyable empire sur les femmes, et leur ouvrait une carrièrede lubricité dont l’étendue n’avait point de bornes. On saitcomment ils en profitèrent, et comme ils en abuseraient encore sileur crédit n’était pas perdu sans ressource.

L’inceste est-il plus dangereux&|160;? Non, sans doute, il étendles liens des familles, et rend par conséquent plus actif l’amourdes citoyens pour la patrie, il nous est dicté par les premièreslois de la nature, nous l’éprouvons, et la jouissance des objetsqui nous appartiennent, nous sembla toujours plus délicieuse&|160;;les premières institutions favorisent l’inceste&|160;; on le trouvedans l’origine des sociétés&|160;; il est consacré dans toutes lesreligions&|160;; toutes les lois l’ont favorisé&|160;; si nousparcourons l’univers, nous trouverons l’inceste établipartout&|160;; les nègres de la Côte-du-Poivre et de Rio-Gabonprostituent leurs femmes à leurs propres enfants&|160;; l’aîné desfils au royaume de Juda, doit épouser la femme de son père&|160;;les peuples du Chili couchent indifféremment avec leurs sœurs,leurs filles, et épousent souvent à la fois et la mère et lafille&|160;; j’ose assurer en un mot que l’inceste devrait être laloi de tout gouvernement dont la fraternité fait la base&|160;;comment des hommes raisonnables purent-ils porter l’absurdité aupoint de croire que la jouissance de sa mère, de sa sœur, ou de safille pourrait jamais devenir criminelle, n’est-ce pas, je vous ledemande, un abominable préjugé que celui qui paraît faire un crimeà un homme d’estimer plus pour sa jouissance, l’objet dont lesentiment de la nature le rapproche davantage, il vaudrait autantdire qu’il nous est défendu d’aimer trop les individus que lanature nous enjoint d’aimer le mieux, et que plus elle nous donnede penchants pour un objet, plus elle nous ordonne en même temps denous en éloigner&|160;; ces contrariétés sont absurdes&|160;; iln’y a que des peuples abrutis par la superstition, qui puissent lescroire ou les adopter&|160;; la communauté des femmes quej’établis, entraînant nécessairement l’inceste, il reste peu dechose à dire sur un prétendu délit dont la nullité est tropdémontrée pour s’y appesantir davantage, et nous allons passer auviol, qui semble être au premier coup d’œil de tous les écarts dulibertinage, celui dont la lésion est la mieux établie, en raisonde l’outrage qu’il paraît faire. Il est pourtant certain que leviol, action si rare et si difficile à prouver, fait moins de tortau prochain que le vol, puisque celui-ci envahit la propriété quel’autre se contente de détériorer&|160;; qu’aurez-vous d’ailleurs àobjecter au violateur, s’il vous répond qu’au fait le mal qu’il acommis est bien médiocre, puisqu’il n’a fait que placer un peu plustôt l’objet dont il a abusé, au même état où l’aurait bientôt misl’hymen ou l’amour&|160;?

Mais la sodomie, mais ce prétendu crime qui attira le feu duciel sur les villes qui y étaient adonnées, n’est-il point unégarement monstrueux, dont le châtiment ne saurait être assezfort&|160;? Il est sans doute bien douloureux pour nous d’avoir àreprocher à nos ancêtres les meurtres judiciaires qu’ils ont osé sepermettre à ce sujet&|160;; est-il possible d’être assez barbarepour oser condamner à mort un malheureux individu dont tout lecrime est de ne pas avoir les mêmes goûts que vous&|160;? On frémitlorsqu’on pense qu’il n’y a pas encore quarante ans que l’absurditédes législateurs en était encore là. Consolez-vous, citoyens, detelles absurdités n’arriveront plus, la sagesse de vos législateursvous en répond. Entièrement éclairci sur cette faiblesse dequelques hommes, on sent bien aujourd’hui qu’une telle erreur nepeut être criminelle, et que la nature ne saurait avoir mis aufluide qui coule dans nos reins une assez grande importance, pourse courroucer sur le chemin qu’il nous plaît de faire prendre àcette liqueur. Quel est le seul crime qui puisse exister ici&|160;?Assurément ce n’est pas de se placer dans tel ou tel lieu, à moinsqu’on ne voulût soutenir que toutes les parties du corps ne seressemblent point, et qu’il en est de pures et de souillées&|160;;mais comme il est impossible d’avancer de telles absurdités, leseul prétendu délit ne saurait consister ici que dans la perte dela semence&|160;; or, je demande s’il est vraisemblable que cettesemence soit tellement précieuse aux yeux de la nature, qu’ildevienne impossible de la perdre sans crime, procéderait-elle tousles jours à ces pertes si cela était&|160;? et n’est-ce pas lesautoriser que de les permettre dans les rêves, dans l’acte de lajouissance d’une femme grosse&|160;? Est-il possible d’imaginer quela nature nous donnât la possibilité d’un crime quil’outragerait&|160;? est-il possible qu’elle consente à ce que leshommes détruisent ses plaisirs, et deviennent par là plus fortsqu’elle&|160;? Il est inouï dans quel gouffre d’absurdités l’on sejette, quand on abandonne, pour raisonner, les secours du flambeaude la raison. Tenons-nous donc pour bien assurés qu’il est aussisimple de jouir d’une femme d’une manière que de l’autre, qu’il estabsolument indifférent de jouir d’une fille ou d’un garçon, etqu’aussitôt qu’il est constant qu’il ne peut exister en nousd’autres penchants que ceux que nous tenons de la nature, elle esttrop sage et trop conséquente pour en avoir mis dans nous quipuissent jamais l’offenser.

Celui de la sodomie est le résultat de l’organisation, et nousne contribuons pour rien à cette organisation&|160;; des enfants del’âge le plus tendre annoncent ce goût, et ne s’en corrigentjamais, quelquefois il est le fruit de la satiété&|160;; mais, dansce cas même, en appartient-il moins à la nature&|160;? Sous tousles rapports il est son ouvrage, et, dans tous les cas, ce qu’elleinspire doit être respecté par les hommes. Si, par un recensementexact, on venait à prouver que ce goût affecte infiniment plus quel’autre, que les plaisirs qui en résultent sont beaucoup plus vifs,et qu’en raison de cela ses sectateurs sont mille fois plusnombreux que ses ennemis, ne serait-il pas possible de conclurealors que, loin d’outrager la nature, ce vice servirait ses vues,et qu’elle tient bien moins à la progéniture que nous n’avons lafolie de le croire&|160;; or, en parcourant l’univers, que depeuples ne voyons-nous pas mépriser les femmes&|160;; il en est quine s’en servent absolument que pour avoir l’enfant nécessaire à lesremplacer. L’habitude que les hommes ont de vivre ensemble dans lesrépubliques, y rendra toujours ce vice plus fréquent, mais il n’estcertainement pas dangereux. Les législateurs de la Grècel’auraient-ils introduit dans leur République, s’ils l’avaient crutel&|160;? Bien loin de là, ils le croyaient nécessaire à un peupleguerrier. Plutarque nous parle avec enthousiasme du bataillon desamants et des aimés, eux seuls défendirentlongtemps la liberté de la Grèce. Ce vice régna dans l’associationdes frères d’armes, il la cimenta, les plus grands hommes y furentenclins. L’Amérique entière, lorsqu’on la découvrit, se trouvapeuplée de gens de ce goût&|160;; à la Louisiane, chez lesIllinois, des Indiens vêtus en femmes se prostituaient comme descourtisanes&|160;; les nègres de Bengale entretiennent publiquementdes hommes, presque tous les sérails d’Alger ne sont plusaujourd’hui peuplés que de jeunes garçons. On ne se contentait pasde tolérer, on ordonnait à Thèbes l’amour des garçons&|160;; lephilosophe de Chéronée le prescrivit pour adoucir lesmœurs des jeunes gens&|160;; nous savons à quel point il régna dansRome&|160;: on y trouvait des lieux publics où de jeunes garçons seprostituaient sous l’habit de filles, et de jeunes filles souscelui de garçons. Martial, Catulle, Tibulle, Horace et Virgileécrivaient à des hommes comme à leurs maîtresses, et nous lisonsenfin dans Plutarque[23] que lesfemmes ne doivent avoir aucune part à l’amour des hommes. LesAmasiens de l’île de Crète enlevaient autrefois des jeunes garçonsavec les plus singulières cérémonies. Quand ils en aimaient un, ilsen faisaient part aux parents le jour où le ravisseur voulaitl’enlever&|160;; le jeune homme faisait quelque résistance si sonamant ne lui plaisait pas&|160;; dans le cas contraire, il partaitavec lui, et le séducteur le renvoyait à sa famille sitôt qu’ils’en était servi&|160;; car dans cette passion, comme dans celledes femmes, on en a toujours trop dès qu’on en a assez. Strabonnous dit que dans cette même île, ce n’était qu’avec des garçonsque l’on remplissait les sérails, on les prostituait publiquement.Veut-on une dernière autorité faite pour prouver combien ce viceest utile dans une république&|160;? Écoutons Jérôme lepéripatéticien&|160;; l’amour des garçons, nous dit-il, serépandit dans toute la Grèce, parce qu’il donnait du courage et dela force, et qu’il servait à chasser les tyrans&|160;; lesconspirations se formaient entre les amants, et ils se laissaientplutôt torturer, que de révéler leurs complices&|160;; lepatriotisme sacrifiait ainsi tout à la prospérité de l’État, onétait certain que ces liaisons affermissaient la République, ondéclamait contre les femmes, et c’était une faiblesse réservée audespotisme que de s’attacher à de telles créatures. Toujours lapédérastie fut le vice des peuples guerriers&|160;; César nousapprend que les Gaulois y étaient extraordinairement adonnés&|160;:les guerres qu’avaient à soutenir les Républiques, en séparant lesdeux sexes, propagèrent ce vice, et quand on y reconnut des suitessi utiles à l’État, la religion le consacra bientôt&|160;; on saitque les Romains sanctifièrent les amours de Jupiter et deGanymède&|160;; Sextus Empiricus nous assure que cettefantaisie était ordonnée chez les Perses&|160;; enfin les femmes,jalouses et méprisées, offrirent à leurs maris de leur rendre lemême service qu’ils recevaient des jeunes garçons, quelques-unsl’essayèrent, et revinrent à leurs anciennes habitudes, ne trouvantpas l’illusion possible. Les Turcs, fort enclins à cettedépravation que Mahomet consacra dans son Alcoran, assurentnéanmoins qu’une très jeune vierge peut assez bien remplacer ungarçon, et rarement les leurs deviennent femmes avant que d’avoirpassé par cette épreuve. Sixte-Quint et Sanchez permirent cettedébauche, ce dernier entreprit même de prouver qu’elle était utileà la propagation, et qu’un enfant créé après cette course préalableen devenait infiniment mieux constitué&|160;; enfin les femmes sedédommagèrent entre elles, cette fantaisie sans doute n’a pas plusd’inconvénients que l’autre, parce que le résultat n’en est que lerefus de créer, et que les moyens de ceux qui ont le goût de lapopulation sont assez puissants pour que les adversaires n’ypuissent jamais nuire&|160;; les Grecs appuyaient de même cetégarement des femmes, sur des raisons d’État&|160;; il en résultaitque se suffisant entre elles, leurs communications avec les hommesétaient moins fréquentes, et qu’elles ne nuisaient point ainsi auxaffaires de la république, Lucien nous apprend quel progrès fitcette licence, et ce n’est pas sans intérêt que nous la voyons dansSapho. Il n’est, en un mot, aucune sorte de danger dans toutes cesmanies, se portassent-elles même plus loin, allassent-elles jusqu’àcaresser des monstres et des animaux, ainsi que nous l’apprendl’exemple de plusieurs peuples&|160;; il n’y aurait pas dans toutesces fadaises le plus petit inconvénient, parce que la corruptiondes mœurs souvent très utile dans un gouvernement, ne saurait ynuire sous aucun rapport, et nous devons attendre de noslégislateurs assez de sagesse, assez de prudence pour être biensûrs qu’aucune loi n’émanera d’eux pour la répression de cesmisères, qui tenant absolument à l’organisation, ne sauraientjamais rendre plus coupable celui qui y est enclin, que ne l’estl’individu que la nature créa contrefait.

Il ne nous reste plus que le meurtre à examiner dans la secondeclasse des délits de l’homme envers son semblable, et nouspasserons ensuite à ses devoirs envers lui-même. De toutes lesoffenses que l’homme peut faire à son semblable, le meurtre est,sans contredit, la plus cruelle de toutes, puisqu’il lui enlève leseul bien qu’il ait reçu de la nature, le seul dont la perte soitirréparable. Plusieurs questions néanmoins se présentent ici,abstraction faite du tort que le meurtre cause à celui qui endevient la victime.

1° Cette action, eu égard aux seules lois de la nature, est-ellevraiment criminelle&|160;?

2° L’est-elle relativement aux lois de la politique&|160;?

3° Est-elle nuisible à la société&|160;?

4° Comment doit-elle être considérée dans un gouvernementrépublicain&|160;?

5° Enfin le meurtre doit-il être réprimé par lemeurtre&|160;?

Nous allons examiner séparément chacune de ces questions,l’objet est assez essentiel pour qu’on nous permette de nous yarrêter&|160;; on trouvera peut-être nos idées un peu fortes&|160;:qu’est-ce que cela fait&|160;? N’avons-nous pas acquis le droit detout dire&|160;? Développons aux hommes de grandes vérités, ils lesattendent de nous, il est temps que l’erreur disparaisse, il fautque son bandeau tombe à côté de celui des rois.

Le meurtre est-il un crime aux yeux de la nature&|160;? Telleest la première question proposée.

Nous allons sans doute humilier ici l’orgueil de l’homme, en lerabaissant au rang de toutes les autres productions de la nature,mais le philosophe ne caresse point les petites vanitéshumaines&|160;; toujours ardent à poursuivre la vérité, il ladémêle sous les sots préjugés de l’amour-propre, l’atteint, ladéveloppe et la montre hardiment à la terre étonnée.

Qu’est-ce que l’homme, et quelle différence y a-t-il entre luiet les autres plantes, entre lui et tous les autres animaux de lanature&|160;? Aucune assurément. Fortuitement placé, comme elles,sur ce globe, il est né comme elles, il se propage, croît etdécroît comme elles&|160;; il arrive comme elles à la vieillesse ettombe comme elles dans le néant, après le terme que la natureassigne à chaque espèce d’animaux, en raison de la construction deses organes. Si les rapprochements sont tellement exacts, qu’ildevienne absolument impossible à l’œil examinateur du philosophed’apercevoir aucune dissemblance, il y aura donc alors tout autantde mal à tuer un animal qu’un homme, ou tout aussi peu à l’un qu’àl’autre, et dans les préjugés de notre orgueil se trouveraseulement la distance, mais rien n’est malheureusement absurdecomme les préjugés de l’orgueil&|160;; pressons néanmoins laquestion. Vous ne pouvez disconvenir qu’il ne soit égal de détruireun homme ou une bête&|160;; mais la destruction de tout animal quia vie n’est-elle pas décidément un mal, comme le croyaient lespythagoriciens et comme le croient encore quelques habitants desbords du Gange&|160;? Avant de répondre à ceci, rappelons d’abordaux lecteurs que nous n’examinons la question que relativement à lanature&|160;; nous l’envisagerons ensuite par rapport auxhommes.

Or, je demande de quel prix peuvent être à la nature desindividus qui ne lui coûtent ni la moindre peine ni le moindresoin&|160;? L’ouvrier n’estime son ouvrage qu’en raison du travailqu’il lui coûte, du temps qu’il emploie à le créer Or, l’hommecoûte-t-il à la nature&|160;? et en supposant qu’il lui coûte, luicoûte-t-il plus qu’un singe ou qu’un éléphant&|160;? Je vais plusloin&|160;; quelles sont les matières génératrices de lanature&|160;? de quoi se composent les êtres qui viennent à lavie&|160;? les trois éléments qui les forment ne résultent-ils pasde la primitive destruction des autres corps&|160;? si tous lesindividus étaient éternels, ne deviendrait-il pas impossible à lanature d’en créer de nouveaux&|160;? Si l’éternité des êtres estimpossible à la nature, leur destruction devient donc une de seslois&|160;; or, si les destructions lui sont tellement utilesqu’elle ne puisse absolument s’en passer, et si elle ne peutparvenir à ses créations sans puiser dans ces masses de destructionque lui prépare la mort, de ce moment l’idée d’anéantissement quenous attachons à la mort ne sera donc plus réelle, il n’y aura plusd’anéantissement constaté&|160;; ce que nous appelons la fin del’animal qui a vie, ne sera plus une fin réelle, mais une simpletransmutation dont est la base le mouvement perpétuel, véritableessence de la matière, et que tous les philosophes modernesadmettent comme une de ses premières lois&|160;; la mort, d’aprèsces principes irréfutables, n’est donc plus qu’un changement deforme, qu’un passage imperceptible d’une existence à une autre, etvoilà ce que Pythagore appelait la métempsycose.

Ces vérités une fois admises, je demande si l’on pourra jamaisavancer que la destruction soit un crime. À dessein de conservervos absurdes préjugés, oserez-vous me dire que la transmutation estune destruction&|160;? Non, sans doute&|160;; car il faudrait pourcela prouver un instant d’inaction dans la matière, un moment derepos. Or, vous ne découvrirez jamais ce moment&|160;; de petitsanimaux se forment à l’instant que le grand animal a perdu lesouffle, et la vie de ces petits animaux n’est qu’un des effetsnécessaires et déterminés par le sommeil momentané du grand.Oserez-vous dire à présent que l’un plaît mieux à la nature quel’autre&|160;? Il faudrait prouver pour cela une choseimpossible&|160;: c’est que la forme longue ou carrée est plusutile, plus agréable à la nature que la forme oblongue outriangulaire&|160;; il faudrait prouver que, eu égard aux planssublimes de la nature, un fainéant qui s’engraisse dans l’inactionet dans l’indolence, est plus utile que le cheval dont le serviceest si essentiel, ou que le bœuf dont le corps est si précieux,qu’il n’en est aucune partie qui ne serve&|160;; il faudrait direque le serpent venimeux est plus nécessaire que le chien fidèle.Or, comme tous ces systèmes sont insoutenables, il faut doncabsolument consentir à admettre que, vu l’impossibilité où noussommes d’anéantir les ouvrages de la nature, qu’attendu lacertitude que la seule chose que nous faisons, en nous livrant à ladestruction, n’est que d’opérer une variation dans les formes, maisqui ne peut éteindre la vie, il devient alors au-dessus des forceshumaines de prouver qu’il puisse exister aucun crime dans laprétendue destruction d’une créature de quelque âge, de quelquesexe, de quelque espèce que vous la supposiez. Conduits plus avantencore par la série de nos conséquences, qui naissent toutes lesunes des autres, il faudra convenir enfin que, loin de nuire à lanature, l’action que vous commettez en variant les formes de sesdifférents ouvrages, est avantageuse pour elle, puisque vous luifournissez par cette action la matière première de sesreconstructions, dont le travail lui deviendrait impraticable, sivous n’anéantissiez pas. Eh laissez-la faire, vous dit-on,assurément il faut la laisser faire, mais ce sont ses impulsionsque suit l’homme quand il se livre à l’homicide, c’est la naturequi le lui conseille, et l’homme qui détruit son semblable, est àla nature ce que lui est la peste ou la famine, également envoyéespar sa main, laquelle se sert de tous les moyens possibles pourobtenir plus tôt cette matière première de destruction, absolumentessentielle à ses ouvrages, daignons éclairer un instant notre âmedu saint flambeau de la philosophie&|160;; quelle autre voix quecelle de la nature nous suggère les haines personnelles, lesvengeances, les guerres, en un mot tous ces motifs de meurtresperpétuels&|160;? or, si elle nous les conseille, elle en a doncbesoin. Comment donc pouvons-nous, d’après cela, nous supposercoupables envers elle, dès que nous ne faisons que suivre sesvues&|160;?

Mais en voilà plus qu’il ne faut pour convaincre tout lecteuréclairé qu’il est impossible que le meurtre puisse jamais outragerla nature.

Est-il un crime en politique&|160;? Osons avouer au contrairequ’il n’est malheureusement qu’un des plus grands ressorts de lapolitique. N’est-ce pas à force de meurtres que Rome est devenue lamaîtresse du monde&|160;? n’est-ce pas à force de meurtres que laFrance est libre aujourd’hui&|160;? Il est inutile d’avertir iciqu’on ne parle que des meurtres occasionnés par la guerre, et nondes atrocités commises par les factieux et lesdésorganisateurs&|160;; ceux-là, voués à l’exécration publique,n’ont besoin que d’être rappelés, pour exciter à jamais l’horreuret l’indignation générale. Quelle science humaine a plus besoin dese soutenir par le meurtre, que celle qui ne tend qu’àtromper&|160;? qui n’a pour but que l’accroissement d’une nationaux dépens d’une autre&|160;? Les guerres, uniques fruits de cettebarbare politique, sont-elles autre chose que les moyens dont ellese nourrit, dont elle se fortifie, dont elle s’étaie&|160;? etqu’est-ce que la guerre, sinon la science de détruire&|160;?Étrange aveuglement de l’homme, qui enseigne publiquement l’art detuer, qui récompense celui qui y réussit le mieux, et qui punitcelui qui, pour une cause particulière, s’est défait de sonennemi&|160;! N’est-il pas temps de revenir sur des erreurs sibarbares&|160;?

Enfin, le meurtre est-il un crime contre la société&|160;? Quiput jamais l’imaginer raisonnablement&|160;? Ah&|160;! qu’importe àcette nombreuse société qu’il y ait parmi elle un membre de plus oude moins&|160;? Ses lois, ses mœurs, ses coutumes en seront-ellesviciées&|160;? Jamais la mort d’un individu influa-t-elle sur lamasse générale&|160;? Et après la perte de la plus grande bataille,que dis-je, après l’extinction de la moitié du monde, de satotalité, si l’on veut, le petit nombre d’êtres qui pourraitsurvivre éprouverait-il la moindre altération matérielle&|160;?Hélas&|160;! non. La nature entière n’en éprouverait pas davantage,et le sot orgueil de l’homme qui croit que tout est fait pour lui,serait bien étonné après la destruction totale de l’espèce humaine,s’il voyait que rien ne varie dans la nature et que le cours desastres n’en est seulement pas retardé. Poursuivons.

Comment le meurtre doit-il être vu dans un État guerrier etrépublicain&|160;?

Il serait assurément du plus grand danger, ou de jeter de ladéfaveur sur cette action, ou de la punir, la fierté du républicaindemande un peu de férocité&|160;; s’il s’amollit, son énergie seperd, il sera bientôt subjugué. Une très singulière réflexion seprésente ici, mais comme elle est vraie malgré sa hardiesse, je ladirai. Une nation qui commence à se gouverner en république, ne sesoutiendra que par des vertus, parce que, pour arriver au plus, ilfaut toujours débuter par le moins&|160;; mais une nation déjàvieille et corrompue, qui courageusement secouera le joug de songouvernement monarchique pour en adopter un républicain, ne semaintiendra que par beaucoup de crimes&|160;; car elle est déjàdans le crime&|160;; et si elle voulait passer du crime à la vertu,c’est-à-dire d’un état violent dans un état doux, elle tomberaitdans une inertie dont sa ruine certaine serait bientôt le résultat.Que deviendrait l’arbre que vous transplanteriez d’un terrain pleinde vigueur, dans une plaine sablonneuse et sèche&|160;? Toutes lesidées intellectuelles sont tellement subordonnées à la physique dela nature, que les comparaisons fournies par l’agriculture ne noustromperont jamais en morale.

Les plus indépendants des hommes, les plus rapprochés de lanature, les sauvages, se livrent avec impunité journellement aumeurtre. À Sparte, à Lacédémone, on allait à la chasse des ilotes,comme nous allons en France à celle des perdrix&|160;; les peuplesles plus libres sont ceux qui l’accueillent davantage. À Mindanao,celui qui veut commettre un meurtre est élevé au rang des braves,on le décore aussitôt d’un turban&|160;; chez les Caraguos, il fautavoir tué sept hommes pour obtenir les honneurs de cettecoiffure&|160;; les habitants de Bornéo croient que tous ceuxqu’ils mettent à mort les serviront quand ils ne seront plus&|160;;les dévots espagnols même faisaient vœu à Saint-Jacques de Galicede tuer douze Américains par jour&|160;; dans le royaume de Tangut,on choisit un jeune homme fort et vigoureux, auquel il est permis,dans certains jours de l’année, de tuer tout ce qu’il rencontre.Était-il un peuple plus ami du meurtre que les Juifs&|160;? On levoit sous toutes les formes, à toutes les pages de leur histoire.L’empereur et les mandarins de la Chine prennent de temps en tempsdes mesures pour faire révolter le peuple, afin d’obtenir de sesmanœuvres le droit d’en faire un horrible carnage&|160;; que cepeuple mou et efféminé s’affranchisse du joug de ses tyrans, il lesassommera à son tour avec beaucoup plus de raison, et le meurtre,toujours adopté, toujours nécessaire, n’aura fait que changer devictimes&|160;; il était le bonheur des uns, il deviendra lafélicité des autres&|160;; une infinité de nations tolèrent lesassassinats publics, ils sont entièrement permis à Gênes, à Venise,à Naples, et dans toute l’Albanie&|160;; à Kachao, sur la rivièrede San Domingo, les meurtriers, sous un costume connu et avoué,égorgent à vos ordres et sous vos yeux l’individu que vous leurindiquez&|160;; les Indiens prennent de l’opium pour s’encouragerau meurtre&|160;; se précipitant ensuite au milieu des rues, ilsmassacrent tout ce qu’ils rencontrent&|160;; des voyageurs anglaisont retrouvé cette manie à Batavia.

Quel peuple fut à la fois plus grand et plus cruel que lesRomains, et quelle nation conserva plus longtemps sa splendeur etsa liberté&|160;? Le spectacle des gladiateurs soutint son courage,elle devenait guerrière par l’habitude de se faire un jeu dumeurtre, douze ou quinze cents victimes journalières remplissaientl’arène du cirque, et là les femmes, plus cruelles que les hommes,osaient exiger que les mourants tombassent avec grâce et sedessinassent encore sous les convulsions de la mort. Les Romainspassèrent de là aux plaisirs de voir des nains s’égorger devanteux&|160;; et quand le culte chrétien, en infectant la terre, vintpersuader aux hommes qu’il y avait du mal à se tuer, des tyransaussitôt enchaînèrent ce peuple, et les héros du monde en devinrentbientôt les jouets. Partout enfin on crut, avec raison, que lemeurtrier, c’est-à-dire l’homme qui étouffait sa sensibilité aupoint de tuer son semblable, et de braver la vengeance publique ouparticulière&|160;; partout, dis-je, on crut qu’un tel homme nepouvait être que très courageux, et par conséquent très précieuxdans un gouvernement guerrier et républicain. Parcourrons-nous desnations qui, plus féroces encore, ne se satisfirent qu’en immolantdes enfants, et bien souvent les leurs&|160;? Nous verrons cesactions universellement adoptées, faire même quelquefois partie deslois&|160;; plusieurs peuplades sauvages tuent leurs enfantsaussitôt qu’ils naissent&|160;; les mères sur les bords du fleuveOrénoque, dans la persuasion où elles étaient que leurs filles nenaissaient que pour être malheureuses, puisque leur destinationétait de devenir les épouses des sauvages de cette contrée, qui nepouvaient souffrir les femmes, les immolaient aussitôt qu’ellesleur avaient donné le jour. Dans la Trapobane et dans le royaume deSopit, tous les enfants difformes étaient immolés par les parentsmêmes&|160;; les femmes de Madagascar exposent aux bêtes sauvagesceux de leurs enfants nés certains jours de la semaine&|160;; dansles républiques de la Grèce, on examinait soigneusement tous lesenfants qui arrivaient au monde, et si l’on ne les trouvait pasconformés de manière à pouvoir défendre un jour la République, ilsétaient aussitôt immolés&|160;: là l’on ne jugeait pas qu’il fûtessentiel d’ériger des maisons richement dotées, pour conservercette vile écume de la nature humaine [24] .Jusqu’à la translation du siège de l’Empire, tous les Romains quine voulaient pas nourrir leurs enfants, les jetaient à lavoirie&|160;; les anciens législateurs n’avaient aucun scrupule dedévouer les enfants à la mort, et jamais aucun de leur code neréprima les droits qu’un père se crut toujours sur sa famille.Aristote conseillait l’avortement&|160;; et ces antiquesrépublicains remplis d’enthousiasme, d’ardeur pour la patrie,méconnaissaient cette commisération individuelle qu’on retrouveparmi les nations modernes&|160;; on aimait moins ses enfants, maison aimait mieux son pays. Dans toutes les villes de la Chine, ontrouve chaque matin une incroyable quantité d’enfants abandonnésdans les rues, un tombereau les enlève à la pointe du jour, et onles jette dans une fosse&|160;; souvent les accoucheuseselles-mêmes en débarrassent les mères, en étouffant aussitôt leursfruits dans des cuves d’eau bouillante ou les jetant dans larivière&|160;; à Pékin, on les met dans de petites corbeilles dejoncs que l’on abandonne sur les canaux, on écume chaque jour cescanaux, et le célèbre voyageur Du Halde évalue à plus detrente mille le nombre journalier qui s’enlève à chaquerecherche&|160;; on ne peut nier qu’il ne soit extraordinairementnécessaire, extrêmement politique de mettre une digue à lapopulation dans un gouvernement républicain&|160;; par des vuesabsolument contraires, il faut l’encourager dans unemonarchie&|160;; là les tyrans n’étant riches qu’en raison dunombre de leurs esclaves, assurément il leur faut des hommes&|160;;mais l’abondance de cette population, n’en doutons, pas, est unvice réel dans un gouvernement républicain&|160;; il ne fautpourtant pas l’égorger pour l’amoindrir, comme le disaient nosmodernes décemvirs, il ne s’agit que de ne pas lui laisser lesmoyens de s’étendre au-delà des bornes que sa félicité luiprescrit. Gardez-vous de multiplier trop un peuple dont chaque êtreest souverain, et soyez bien sûrs que les révolutions ne sontjamais les effets que d’une population trop nombreuse. Si, pour lasplendeur de l’État, vous accordez à vos guerriers le droit dedétruire des hommes, pour la conservation de ce même État, accordezde même à chaque individu de se livrer tant qu’il le voudra,puisqu’il le peut sans outrager la nature, au droit de se défairedes enfants qu’il ne peut nourrir, ou desquels le gouvernement nepeut tirer aucun secours&|160;; accordez-lui de même de se défaire,à ses risques et périls, de tous les ennemis qui peuvent lui nuire,parce que le résultat de toutes ces actions, absolument nulles enelles-mêmes, sera de tenir votre population dans un état modéré, etjamais assez nombreux pour bouleverser votre gouvernement&|160;;laissez dire aux monarchistes qu’un État n’est grand qu’en raisonde son extrême population, cet État sera toujours pauvre si sapopulation excède ses moyens de vivre, et il sera toujoursflorissant, si, contenu dans de justes bornes, il peut trafiquer deson superflu&|160;; n’élaguez-vous pas l’arbre quand il a trop debranches&|160;? et pour conserver le tronc, ne taillez-vous pas lesrameaux&|160;? Tout système qui s’écarte de ces principes, est uneextravagance dont les abus nous conduiraient bientôt aurenversement total de l’édifice que nous venons d’élever avec tantde peine&|160;; mais ce n’est pas quand l’homme est fait, qu’ilfaut le détruire afin de diminuer la population, il est injusted’abréger les jours d’un individu bien conformé, il ne l’est pas,je le dis, d’empêcher d’arriver à la vie un être qui certainementsera inutile au monde. L’espèce humaine doit être épurée dès leberceau&|160;; c’est ce que vous prévoyez ne pouvoir jamais êtreutile à la société qu’il faut retrancher de son sein&|160;; voilàles seuls moyens raisonnables d’amoindrir une population dont latrop grande étendue est, ainsi que nous venons de le prouver, leplus dangereux des abus.

Il est temps de se résumer.

Le meurtre doit-il être réprimé par le meurtre&|160;? Non, sansdoute&|160;; n’imposons jamais au meurtrier d’autre peine que cellequ’il peut encourir par la vengeance des amis ou de la famille decelui qu’il a tué&|160;; je vous accorde votre grâce,disait Louis XV à Charolais, qui venait de tuer un homme pour sedivertir, mais je la donne aussi à celui qui vous tuera.Toutes les bases de la loi contre les meurtriers se trouvent dansce mot sublime[25] .

En un mot, le meurtre est une horreur, mais une horreur souventnécessaire, jamais criminelle, essentielle à tolérer dans un Étatrépublicain&|160;; j’ai fait voir que l’univers entier en avaitdonné l’exemple&|160;; mais faut-il le considérer comme une actionfaite pour être punie de mort&|160;? Ceux qui répondront au dilemmesuivant auront satisfait à la question.

Le meurtre est-il un crime ou ne l’est-il pas&|160;? S’il n’enest pas un, pourquoi faire des lois qui le punissent&|160;? Et s’ilen est un, par quelle barbare et stupide inconséquence lepunirez-vous par un crime semblable&|160;?

Il nous reste à parler des devoirs de l’homme envers lui-même.Comme le philosophe n’adopte ces devoirs qu’autant qu’ils tendent àson plaisir ou à sa conservation, il est fort inutile de lui enrecommander la pratique, plus inutile encore de lui imposer despeines s’il y manque. Le seul délit que l’homme puisse commettre ence genre est le suicide&|160;; je ne m’amuserai point ici à prouverl’imbécillité des gens qui érigent cette action en crime, jerenvoie à la fameuse lettre de Rousseau ceux qui pourraient avoirencore quelques doutes sur cela&|160;; presque tous les anciensgouvernements autorisaient le suicide, par la politique et par lareligion&|160;; les Athéniens exposaient à l’Aréopage les raisonsqu’ils avaient de se tuer, ils se poignardaient ensuite&|160;;toutes les républiques de la Grèce tolérèrent le suicide, ilentrait dans le plan des anciens législateurs, on se tuait enpublic, et l’on faisait de sa mort un spectacle d’appareil&|160;;la république de Rome encouragea le suicide, les dévouements sicélèbres pour la patrie n’étaient que des suicides. Quand Rome futprise par les Gaulois, les plus illustres sénateurs se dévouèrent àla mort&|160;; en reprenant ce même esprit, nous adoptons les mêmesvertus. Un soldat s’est tué pendant la campagne de 92, du chagrinde ne pouvoir suivre ses camarades à l’affaire de Jemmapes.Incessamment placés à la hauteur de ces fiers républicains, noussurpasserons bientôt leurs vertus&|160;; c’est le gouvernement quifait l’homme, une si longue habitude du despotisme avait totalementénervé notre courage, il avait dépravé nos mœurs, nousrenaissons&|160;; on va bientôt voir de quelles actions sublimesest capable le génie, le caractère français, quand il estlibre&|160;; soutenons, au prix de nos fortunes et de nos vies,cette liberté qui nous coûte déjà tant de victimes, n’en regrettonsaucune si nous parvenons au but, elles-mêmes se sont toutesdévouées volontairement, ne rendons pas leur sang inutile&|160;;mais de l’union… de l’union, ou nous perdrons le fruit de toutesnos peines&|160;; asseyons d’excellentes lois sur les victoires quenous venons de remporter&|160;; nos premiers législateurs, encoreesclaves du despote qu’enfin nous avons abattu, ne nous avaientdonné que des lois dignes de ce tyran, qu’ils encensaient encore,refaisons leur ouvrage, songeons que c’est pour des républicains etpour des philosophes que nous allons enfin travailler&|160;; quenos lois soient douces comme le peuple qu’elles doiventrégir&|160;; en offrant ici, comme je viens de le faire, le néant,l’indifférence d’une infinité d’actions que nos ancêtres, séduitspar une fausse religion, regardaient comme criminelles, je réduisnotre travail à bien peu de chose&|160;; faisons peu de lois, maisqu’elles soient bonnes&|160;; il ne s’agit pas de multiplier lesfreins, il n’est question que de donner à celui qu’on emploie unequalité indestructible. Que les lois que nous promulguons n’aientpour but que la tranquillité du citoyen, son bonheur et l’éclat dela république&|160;; mais après avoir chassé l’ennemi de vosterres, Français, je ne voudrais pas que l’ardeur de propager vosprincipes vous entraînât plus loin&|160;; ce n’est qu’avec le feret le feu que vous pourrez les porter au bout de l’univers. Avantque d’accomplir ces résolutions, rappelez-vous le malheureux succèsdes Croisades&|160;; quand l’ennemi sera de l’autre côté du Rhin,croyez-moi, gardez vos frontières et restez chez vous&|160;;ranimez votre commerce, redonnez de l’énergie et des débouchés àvos manufactures, faites refleurir vos arts, encouragezl’agriculture, si nécessaire dans un gouvernement tel que le vôtre,et dont l’esprit doit être de pouvoir fournir à tout le monde sansavoir besoin de personne, laissez les trônes de l’Europe s’écroulerd’eux-mêmes&|160;; votre exemple, votre prospérité les culbuterontbientôt, sans que vous ayez besoin de vous en mêler. Invinciblesdans votre intérieur, et modèles de tous les peuples par votrepolice et vos bonnes lois, il ne sera pas un gouvernement dans lemonde qui ne travaille à vous imiter, pas un seul qui ne s’honorede votre alliance&|160;; mais si, pour le vain honneur de portervos principes au loin, vous abandonnez le soin de votre proprefélicité, le despotisme qui n’est qu’endormi renaîtra, desdissensions intestines vous déchireront, vous aurez épuisé vosfinances et vos soldats, et tout cela pour revenir baiser les fersque vous imposeront les tyrans qui vous auront subjugués pendantvotre absence&|160;; tout ce que vous désirez peut se faire, sansqu’il soit besoin de quitter vos foyers&|160;; que les autrespeuples vous voient heureux, et ils courront au bonheur par la mêmeroute que vous leur aurez tracée[26] .

EUGÉNIE, à Dolmancé&|160;: Voilà ce qui s’appelle unécrit très sage, et tellement dans vos principes, au moins surbeaucoup d’objets, que je serais tentée de vous en croirel’auteur.

DOLMANCÉ&|160;: Il est bien certain que je pense une partie deces réflexions, et mes discours qui vous l’ont prouvé, donnent mêmeà la lecture que nous venons de faire, l’apparence d’unerépétition…

EUGÉNIE, coupant&|160;: Je ne m’en suis pas aperçue, onne saurait trop dire les bonnes choses. Je trouve cependantquelques-uns de ces principes un peu dangereux.

DOLMANCÉ&|160;: Il n’y a de dangereux dans le monde que la pitiéet la bienfaisance, la bonté n’est jamais qu’une faiblesse dontl’ingratitude et l’impertinence des faibles forcent toujours leshonnêtes gens à se repentir. Qu’un bon observateur s’avise decalculer tous les dangers de la pitié, et qu’il les mette enparallèle avec ceux d’une fermeté soutenue, il verra si lespremiers ne l’emportent pas.

Mais nous allons trop loin, Eugénie, résumons pour votreéducation l’unique conseil qu’on puisse tirer de tout ce qui vientd’être dit, n’écoutez jamais votre cœur, mon enfant&|160;; c’est leguide le plus faux que nous ayons reçu de la nature, fermez-le avecgrand soin aux accents fallacieux de l’infortune&|160;; il vautbeaucoup mieux que vous refusiez à celui qui vraiment serait faitpour vous intéresser, que de risquer de donner au scélérat, àl’intrigant et au cabaleur&|160;: l’un est d’une très légèreconséquence, l’autre du plus grand inconvénient.

LE CHEVALIER&|160;: Qu’il me soit permis, je vous en conjure, dereprendre en sous-œuvre et d’anéantir, si je peux, les principes deDolmancé. Ah&|160;! qu’ils seraient différents, homme cruel, si,privé de cette fortune immense où tu trouves sans cesse les moyensde satisfaire tes passions, tu pouvais languir quelques années danscette accablante infortune dont ton esprit féroce ose composer destorts aux misérables&|160;; jette un coup d’œil de pitié sur eux,et n’éteins pas ton âme au point de l’endurcir sans retour aux crisdéchirants du besoin&|160;! Quand ton corps, uniquement las devoluptés, repose languissamment sur des lits de duvet, vois le leuraffaissé des travaux qui te font vivre, recueillir à peine un peude paille pour se préserver de la fraîcheur de la terre, dont ilsn’ont, comme les bêtes, que la froide superficie pours’étendre&|160;; jette un regard sur eux, lorsque entouré de metssucculents dont vingt élèves de Comus réveillent chaque jour tasensualité, ces malheureux disputent aux loups, dans les bois, laracine amère d’un sol desséché&|160;; quand les jeux, les grâces etles ris conduisent à ta couche impure les plus touchants objets dutemple de Cythère, vois ce misérable étendu près de sa tristeépouse, satisfait des plaisirs qu’il cueille au sein des larmes, nepas même en soupçonner d’autres&|160;; regarde-le, quand tu ne terefuses rien, quand tu nages au milieu du superflu&|160;;regarde-le, te dis-je, manquer même opiniâtrement des premiersbesoins de la vie&|160;; jette les yeux sur sa famille désolée,vois son épouse tremblante se partager avec tendresse entre lessoins qu’elle doit à son mari languissant auprès d’elle, et ceuxque la nature commande pour les rejetons de son amour&|160;; privéede la possibilité de remplir aucun de ces devoirs si sacrés pourson âme sensible, entends-la sans frémir, si tu peux, réclamer prèsde toi ce superflu que ta cruauté lui refuse&|160;! Barbare, nesont-ce donc pas des hommes comme toi&|160;; et s’ils teressemblent, pourquoi dois-tu jouir quand ils languissent&|160;?Eugénie, Eugénie, n’éteignez jamais dans votre âme la voix sacréede la nature, c’est à la bienfaisance qu’elle vous conduira malgrévous, quand vous séparerez son organe du feu des passions quil’absorbe&|160;; laissons là les principes religieux, j’y consens,mais n’abandonnons pas les vertus que la sensibilité nousinspire&|160;; ce ne sera jamais qu’en les pratiquant, que nousgoûterons les jouissances de l’âme les plus douces et les plusdélicieuses&|160;; tous les égarements de votre esprit serontrachetés par une bonne œuvre, elle éteindra dans vous les remordsque votre inconduite y fera naître, et formant dans le fond devotre conscience un asile sacré, où vous vous replierez quelquefoissur vous-même, vous y trouverez la consolation des écarts où voserreurs vous auront entraînée. Ma sœur, je suis jeune, je suislibertin, impie, je suis capable de toutes les débauches del’esprit, mais mon cœur me reste, il est pur, et c’est avec lui,mes amis, que je me console de tous les travers de mon âge.

DOLMANCÉ&|160;: Oui, Chevalier, vous êtes jeune, vous le prouvezpar vos discours, l’expérience vous manque, je vous attends&|160;;quand elle vous aura mûri, alors, mon cher, vous ne parlerez plussi bien des hommes, parce que vous les aurez connus&|160;; ce futleur ingratitude qui sécha mon cœur, leur perfidie qui détruisitdans moi ces vertus funestes pour lesquelles j’étais peut-être nécomme vous&|160;; or, si les vices des uns rendent dans les autresces vertus dangereuses, n’est-ce donc pas un service à rendre à lajeunesse, que de les étouffer de bonne heure en elle&|160;? que meparles-tu de remords, mon ami, peuvent-ils exister dans l’âme decelui qui ne connaît de crime à rien&|160;? que vos principes lesétouffent&|160;; si vous en craignez l’aiguillon, vous sera-t-ilpossible de vous repentir d’une action de l’indifférence delaquelle vous serez profondément pénétré&|160;? Dès que vous necroirez plus de mal à rien, de quel mal pourrez-vous vousrepentir&|160;?

LE CHEVALIER&|160;: Ce n’est pas de l’esprit que viennent lesremords, ils ne sont les fruits que du cœur, et jamais lessophismes de la tête n’éteignirent les mouvements de l’âme.

DOLMANCÉ&|160;: Mais le cœur trompe, parce qu’il n’est jamaisque l’expression des faux calculs de l’esprit&|160;; mûrissezcelui-ci, l’autre cédera bientôt, toujours de fausses définitionsnous égarent lorsque nous voulons raisonner&|160;; je ne sais ceque c’est que le cœur, moi, je n’appelle ainsi que les faiblessesde l’esprit, un seul et unique flambeau luit en moi&|160;; quand jesuis sain et ferme, il ne me fourvoie jamais&|160;; suis-je vieux,hypocondre ou pusillanime, il me trompe, alors je me dis sensible,tandis qu’au fond je ne suis que faible et timide&|160;; encore unefois, Eugénie, que cette perfide sensibilité ne vous abusepas&|160;; elle n’est, soyez-en bien sûre, que la faiblesse del’âme, on ne pleure que parce que l’on craint, et voilà pourquoiles rois sont des tyrans&|160;; rejetez, détestez donc les perfidesconseils du Chevalier&|160;; en vous disant d’ouvrir votre cœur àtous les maux imaginaires de l’infortune, il cherche à vouscomposer une somme de peines qui n’étant pas les vôtres, vousdéchireraient bientôt en pure perte. Ah&|160;! croyez, Eugénie,croyez que les plaisirs qui naissent de l’apathie, valent bien ceuxque la sensibilité vous donne, celle-ci ne sait qu’atteindre dansun sens le cœur que l’autre chatouille, et bouleverse de toutesparts&|160;; les jouissances permises, en un mot, peuvent-ellesdonc se comparer aux jouissances qui réunissent à des attraits bienplus piquants, ceux inappréciables de la rupture des freins sociauxet du renversement de toutes les lois&|160;?

EUGÉNIE&|160;: Tu triomphes, Dolmancé, tu l’emportes, lesdiscours du Chevalier n’ont fait qu’effleurer mon âme, les tiens laséduisent et l’entraînent. Ah&|160;! croyez-moi, Chevalier,adressez-vous plutôt aux passions qu’aux vertus, quand vous voudrezpersuader une femme.

MME DE SAINT-ANGE, au Chevalier&|160;: Oui, mon ami,fous-nous bien, mais ne nous sermonne pas&|160;: tu ne nousconvertirais point, et tu pourrais troubler les leçons dont nousvoulons abreuver l’âme et l’esprit de cette charmante fille.

EUGÉNIE&|160;: Troubler, oh&|160;! non, non, votre ouvrage estfini&|160;; ce que les sots appellent la corruption, est maintenantassez établi dans moi, pour ne laisser même aucun espoir de retour,et vos principes sont trop bien étayés dans mon cœur, pour que lessophismes du Chevalier parviennent jamais à les détruire.

DOLMANCÉ&|160;: Elle a raison, ne parlons plus de cela,Chevalier, vous auriez des torts, et nous ne voulons vous trouverque des procédés.

LE CHEVALIER&|160;: Soit, nous sommes ici pour un but trèsdifférent, je le sais, que celui où je voulais atteindre&|160;;marchons droit à ce but, j’y consens, je garderai ma morale pourceux qui, moins ivres que vous, seront plus en état del’entendre.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Oui, mon frère, oui, oui, ne nous donneici que ton foutre&|160;; nous te faisons grâce de ta morale, elleest trop douce pour des roués de notre espèce.

EUGÉNIE&|160;: Je crains bien, Dolmancé, que cette cruauté quevous préconisez avec chaleur, n’influence un peu vosplaisirs&|160;; j’ai déjà cru le remarquer, vous êtes dur enjouissant&|160;; je me sentirais bien aussi quelques dispositions àce vice. Pour débrouiller mes idées sur tout cela, dites-moi, jevous prie, de quel œil vous voyez l’objet qui sert vosplaisirs.

DOLMANCÉ&|160;: Comme absolument nul, ma chère&|160;; qu’ilpartage ou non mes jouissances, qu’il éprouve du contentement, del’apathie ou même de la douleur, pourvu que je sois heureux, lereste m’est absolument égal.

EUGÉNIE&|160;: Il vaut même mieux que cet objet éprouve de ladouleur, n’est-ce pas&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: Assurément cela vaut beaucoup mieux&|160;; jevous l’ai déjà dit, la répercussion plus active sur nous, déterminebien plus énergiquement, et bien plus promptement alors les espritsanimaux, à la direction qui leur est nécessaire pour la volupté.Ouvrez les sérails de l’Afrique, ceux de l’Asie, ceux de votreEurope méridionale, et voyez si les chefs de ces harems célèbress’embarrassent beaucoup, quand ils bandent, de donner du plaisiraux individus qui leur servent&|160;; ils commandent, on leurobéit&|160;; ils jouissent, on n’ose leur répondre&|160;; sont-ilssatisfaits, on s’éloigne. Il en est parmi eux qui puniraient, commeun manque de respect, l’audace de partager leur jouissance&|160;;le roi d’Achem fait impitoyablement trancher la tête à la femme quia osé s’oublier en sa présence au point de jouir, et très souventil la lui coupe lui-même&|160;; ce despote, un des plus singuliersde l’Asie, n’est absolument gardé que par des femmes&|160;; cen’est jamais que par signes qu’il leur donne ses ordres&|160;; lamort la plus cruelle est la punition de celles qui ne l’entendentpas, et les supplices s’exécutent toujours ou par sa main, ou sousses yeux. Tout cela, ma chère Eugénie, est absolument fondé sur desprincipes que je vous ai déjà développés. Que désire-t-on quand onjouit&|160;? Que tout ce qui nous entoure ne s’occupe que de nous,ne pense qu’à nous, ne soigne que nous&|160;; si les objets quinous servent jouissent, les voilà dès lors bien plus sûrementoccupés d’eux que de nous, et notre jouissance conséquemmentdérangée&|160;; il n’est point d’homme qui ne veuille être despotequand il bande, il semble qu’il a moins de plaisir si les autresparaissent en prendre autant que lui&|160;; par un mouvementd’orgueil bien naturel en ce moment, il voudrait être le seul aumonde qui fût susceptible d’éprouver ce qu’ils sentent&|160;;l’idée de voir un autre jouir comme lui le ramène à une sorted’égalité qui nuit aux attraits indicibles que fait éprouver ledespotisme alors[27] &|160;;il est faux d’ailleurs qu’il y ait du plaisir à en donner auxautres, c’est les servir cela, et l’homme qui bande est loin dudésir d’être utile aux autres&|160;; en faisant du mal, aucontraire, il éprouve tous les charmes que goûte un individunerveux à faire usage de ses forces, il domine alors, il esttyran, et quelle différence pour l’amour-propre&|160;? Necroyons point qu’il se taise en ce cas&|160;; l’acte de lajouissance est une passion qui, j’en conviens, subordonne à elletoutes les autres, mais qui les réunit en même temps. Cette enviede dominer dans ce moment est si forte dans la nature, qu’on lareconnaît même dans les animaux&|160;; voyez si ceux qui sont enesclavage procréent comme ceux qui sont libres&|160;; le dromadaireva plus loin, il n’engendre plus s’il ne se croit pas seul&|160;;essayez de le surprendre, et par conséquent de lui montrer unmaître, il fuira et se séparera sur-le-champ de sa compagne. Sil’intention de la nature n’était pas que l’homme eût cettesupériorité, elle n’aurait pas créé plus faibles que lui les êtresqu’elle lui destine dans ce moment-là&|160;; cette débilité où lanature condamna les femmes, prouve incontestablement que sonintention est que l’homme qui jouit plus que jamais alors de sapuissance, l’exerce par toutes les violences que bon lui semblera,par des supplices même, s’il le veut&|160;; la crise de la voluptéserait-elle une espèce de rage, si l’intention de cette mère dugenre humain n’était pas que le traitement du coït fût le même quecelui de la colère&|160;? Quel est l’homme bien constitué, en unmot, l’homme doué d’organes vigoureux, qui ne désirera pas, soitd’une façon, soit d’une autre, de molester sa jouissancealors&|160;? Je sais bien qu’une infinité de sots qui ne se rendentjamais compte de leurs sensations, comprendront mal les systèmesque j’établis&|160;; mais que m’importent ces imbéciles, ce n’estpas à eux que je parle. Plats adorateurs de femmes, je les laisseaux pieds de leur insolente dulcinée attendre le soupir qui doitles rendre heureux, et bassement esclaves du sexe qu’ils devraientdominer, je les abandonne aux vils charmes de porter des fers, dontla nature leur donne le droit d’accabler les autres&|160;; que cesanimaux végètent dans la bassesse qui les avilit, ce serait en vainque nous les prêcherions, mais qu’ils ne dénigrent pas ce qu’ils nepeuvent entendre, et qu’ils se persuadent que ceux qui ne veulentétablir leurs principes en ces sortes de matières que sur les élansd’une âme vigoureuse et d’une imagination sans frein, comme nous lefaisons vous et moi, madame, seront toujours les seuls quimériteront d’être écoutés, les seuls qui seront faits pour leurprescrire des lois et pour leur donner des leçons… Foutre, jebande&|160;; rappelez Augustin, je vous prie (On sonne&|160;;il rentre)&|160;; il est inouï comme le superbe cul de ce beaugarçon m’occupe la tête depuis que je parle, toutes mes idéessemblaient involontairement se rapporter à lui… montre à mes yeuxce chef-d’œuvre, Augustin… que je le baise et caresse un quartd’heure&|160;; viens, bel amour, viens que je me rende digne, danston beau cul, des flammes dont Sodome m’embrase&|160;; il a lesplus belles fesses… les plus blanches&|160;; je voudraisqu’Eugénie, à genoux, lui suçât le vit pendant ce temps-là&|160;;par l’attitude, elle exposerait son derrière au Chevalier quil’enculerait, et Mme&|160;de&|160;Saint-Ange, à chevalsur les reins d’Augustin, me présenterait ses fesses àbaiser&|160;; armée d’une poignée de verges, elle pourrait aumieux, ça me semble, en se courbant un peu, fouetter le Chevalier,que cette stimulante cérémonie engagerait à ne pas épargner notreécolière. (La posture s’arrange.) Oui, c’est cela tout aumieux, mes amis, en vérité, c’est un plaisir que de vous commanderdes tableaux&|160;; il n’est pas un artiste au monde en état de lesexécuter comme vous… ce coquin a le cul d’un étroit… C’est tout ceque je peux faire que de m’y loger… Voulez-vous bien me permettre,madame, de mordre et pincer vos belles chairs pendant que jefous&|160;?

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Tant que tu voudras, mon ami, mais mavengeance est prête, je t’en avertis&|160;; je jure qu’à chaquevexation je te lâche un pet dans la bouche.

DOLMANCÉ&|160;: Ah&|160;! sacredieu, quelle menace c’est mepresser de t’offenser, ma chère (il la mord)&|160;; Voyonssi tu tiendras parole (il reçoit un pet). Ah&|160;! foutredélicieux… délicieux (Il la claque et reçoit sur-le-champ unautre pet). Oh c’est divin, mon ange&|160;! garde-m’enquelques-uns pour l’instant de la crise… et sois sûre que je tetraiterai alors avec toute la cruauté… toute la barbarie… Foutre…je n’en puis plus… je décharge… (il la mord, la claque, et ellene cesse de péter.) Vois-tu comme je te traite, coquine… commeje te maîtrise… encore celle-ci… et celle-là… et que la dernièreinsulte soit à l’idole même où j’ai sacrifié. (Il lui mord letrou du cul, l’attitude se rompt.) Et vous autres,qu’avez-vous fait, mes amis&|160;?

EUGÉNIE, rendant le foutre qu’elle a dans le cul et dans labouche&|160;: Hélas&|160;! mon maître… vous voyez comme vosélèves m’ont accommodée&|160;; j’ai le derrière et la bouche pleinsde foutre, je ne dégorge que du foutre de tous les côtés.

DOLMANCÉ, vivement&|160;: Attendez, je veux que vous merendiez dans la bouche celui que le Chevalier vous a mis dans lecul.

EUGÉNIE, se plaçant&|160;: Quelleextravagance&|160;!

DOLMANCÉ&|160;: Ah&|160;! rien n’est bon comme le foutre quisort du fond d’un beau derrière… C’est un mets digne des dieux(il l’avale)&|160;; voyez le cas que j’en fais (sereportant au cul d’Augustin qu’il baise). Je vais vousdemander, mesdames, la permission de passer un instant dans uncabinet voisin avec ce jeune homme.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Ne pouvez-vous donc pas faire ici toutce qu’il vous plaît avec lui&|160;?

DOLMANCÉ, bas et mystérieusement&|160;: Non, il est decertaines choses qui demandent absolument des voiles.

EUGÉNIE&|160;: Ah&|160;! parbleu, mettez-nous au fait aumoins.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Je ne le laisse pas sortir sanscela.

DOLMANCÉ&|160;: Vous voulez le savoir&|160;?

EUGÉNIE&|160;: Absolument.

DOLMANCÉ, entraînant Augustin&|160;: Eh bien&|160;!mesdames, je vais… mais, en vérité, cela ne peut pas se dire.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Est-il donc une infamie dans le mondeque nous ne soyons dignes d’entendre et d’exécuter&|160;?

LE CHEVALIER&|160;: Tenez, ma sœur, je vais vous le dire.

Il parle bas aux deux femmes.

EUGÉNIE, avec l’air de la répugnance&|160;: Vous avezraison, cela est horrible.

MME DE SAINT-ANGE&|160;: Oh&|160;! je m’en doutais.

DOLMANCÉ&|160;: Vous voyez bien que je devais vous taire cettefantaisie, et vous concevez à présent qu’il faut être seul et dansl’ombre pour se livrer à de pareilles turpitudes.

EUGÉNIE&|160;: Voulez-vous que j’aille avec vous, je vousbranlerai pendant que vous vous amuserez d’Augustin&|160;?

DOLMANCÉ&|160;: Non, non, ceci est une affaire d’honneur, et quidoit se passer entre hommes, une femme nous dérangerait… À vousdans l’instant, mesdames.

Il sort en entraînant Augustin.

SIXIÈME DIALOGUE

MME DE SAINT-ANGE, EUGÉNIE, LECHEVALIER

MME DE SAINT-ANGE : En vérité, mon frère, ton ami est bienlibertin.

LE CHEVALIER : Je ne t’ai donc pas trompée en te le donnantpour tel.

EUGÉNIE : Je suis persuadée qu’il n’a pas son égal aumonde… Oh ! ma bonne, il est charmant ; voyons-lesouvent, je t’en prie.

MME DE SAINT-ANGE : On frappe… qui cela peut-il être…j’avais défendu ma porte… il faut que cela soit bien pressé. Voisce que c’est, Chevalier, je t’en prie.

LE CHEVALIER : Une lettre qu’apportait Lafleur ; ils’est retiré bien vite, en disant qu’il se souvenait des ordres quevous lui aviez donnés, mais que la chose lui avait paru aussiimportante que pressée.

MME DE SAINT-ANGE : Ah ! ah ! qu’est-ce que c’estque ceci… c’est votre père, Eugénie.

EUGÉNIE : Mon père !… Ah ! nous sommesperdues.

MME DE SAINT-ANGE : Lisons avant que de nous décourager.(Elle lit 🙂 Croiriez-vous, ma belle dame, que moninsoutenable épouse, alarmée du voyage de ma fille chez vous, partà l’instant pour aller la rechercher ; elle s’imagine toutplein de choses… qui, à supposer même qu’elles fussent, ne seraienten vérité que fort simples. Je vous prie de la punir rigoureusementde cette impertinence ; je la corrigeai hier pour unesemblable, la leçon n’a pas suffi ; mystifiez-la doncd’importance, je vous le demande, en grâce, et croyez qu’à quelquepoint que vous portiez les choses, je ne m’en plaindrai pas… Il y asi longtemps que cette catin me pèse… qu’en vérité… vousm’entendez, ce que vous ferez sera bienfait, c’est tout ce que jepuis vous dire ; elle va suivre ma lettre de très près,tenez-vous donc sur vos gardes. Adieu, je voudrais bien être desvôtres. Ne me renvoyez Eugénie qu’instruite, je vous enconjure ; je veux bien vous laisser faire les premièresrécoltes, mais soyez assurée cependant que vous aurez un peutravaillé pour moi. Eh bien ! Eugénie, tu vois qu’il n’ya point trop de quoi s’effrayer ; il faut convenir que voilàune petite femme bien insolente.

EUGÉNIE : La putain !… Ah ! ma chère, puisque monpapa nous donne carte blanche, il faut, je t’en conjure, recevoircette coquine-là comme elle le mérite.

MME DE SAINT-ANGE : Baise-moi, mon cœur ; que je suisaise de te voir dans de telles dispositions… Va, tranquillise-toije te réponds que nous ne l’épargnerons pas. Tu voulais unevictime, Eugénie, en voilà une que te donnent à la fois la natureet le sort.

EUGÉNIE : Nous en jouirons, ma chère, nous en jouirons, jete le jure.

MME DE SAINT-ANGE : Ah ! qu’il me tarde de savoircomment Dolmancé va prendre cette nouvelle.

DOLMANCÉ, rentrant avec Augustin : Le mieux dumonde, mesdames, je n’étais pas assez loin de vous pour ne pas vousentendre, je sais tout… Mme de Mistival arriveon ne saurait plus à propos… Vous êtes bien décidée, j’espère, àremplir les vues de son mari.

EUGÉNIE, à Dolmancé : Les remplir !… lesoutrepasser, mon cher… Ah ! que la terre s’effondre sous moi,si vous me voyez faiblir, quelles que soient les horreurs où vouscondamniez cette gueuse… Cher ami, charge-toi de diriger tout cela,je t’en prie.

DOLMANCÉ : Laissez faire votre amie et moi, obéissezseulement vous autres, c’est tout ce que nous vous demandons…Ah ! l’insolente créature, je n’ai jamais rien vu desemblable.

MME DE SAINT-ANGE : C’est d’un maladroit !… Ehbien ! nous remettons-nous un peu décemment pour larecevoir ?

DOLMANCÉ : Au contraire, il faut que rien, dès qu’elleentrera, ne puisse l’empêcher d’être sûre de la manière dont nousfaisons passer le temps à sa fille ; soyons tous dans le plusgrand désordre.

MME DE SAINT-ANGE : J’entends du bruit, c’est elle ;allons, courage, Eugénie, rappelle-toi bien nos principes.Ah ! sacredieu, la délicieuse scène !

SEPTIÈME ET DERNIER DIALOGUE

MME DE SAINT-ANGE, EUGÉNIE, LECHEVALIER, AUGUSTIN, DOLMANCÉ, MME DE MISTIVAL

MME DE MISTIVAL, àMme de Saint-Ange : Je vous prie dem’excuser, madame, si j’arrive chez vous sans vous prévenir ;mais on dit que ma fille y est, et comme son âge ne permet pasencore qu’elle aille seule, je vous prie, madame, de vouloir bienme la rendre, et de ne pas désapprouver ma démarche.

MME DE SAINT-ANGE : Cette démarche est des plus impolies,madame ; on dirait, à vous entendre, que votre fille est enmauvaises mains.

MME DE MISTIVAL : Ma foi, s’il faut en juger par l’état oùje la trouve, elle, vous et votre compagnie, madame, je crois queje n’ai pas grand tort de la juger fort mal ici.

DOLMANCÉ : Ce début est impertinent, madame, et sansconnaître précisément les degrés de liaison qui existent entreMme de Saint-Ange et vous, je ne vous cachepas qu’à sa place je vous aurais déjà fait jeter par lesfenêtres.

MME DE MISTIVAL : Qu’appelez-vous jeter par lesfenêtres ? Apprenez, monsieur, qu’on n’y jette pas une femmecomme moi ; j’ignore qui vous êtes, mais aux propos que voustenez, à l’état dans lequel vous voilà, il est aisé de juger vosmœurs. Eugénie, suivez-moi.

EUGÉNIE : Je vous demande pardon, madame, mais je ne puisavoir cet honneur.

MME DE MISTIVAL : Quoi ! ma fille merésiste !

DOLMANCÉ : Elle vous désobéit formellement même, comme vousle voyez, madame. Croyez-moi, ne souffrez point cela. Voulez-vousque j’envoie chercher des verges pour corriger cet enfantindocile ?

EUGÉNIE : J’aurais bien peur, s’il en venait, qu’elles neservissent plutôt à madame qu’à moi.

MME DE MISTIVAL : L’impertinente créature !

DOLMANCÉ, s’approchant deMme de Mistival : Doucement, moncœur, point d’invectives ici ; nous protégeons tous Eugénie,et vous pourriez vous repentir de vos vivacités avec elle.

MME DE MISTIVAL : Quoi ! ma fille me désobéira, et jene pourrai pas lui faire sentir les droits que j’ai surelle ?

DOLMANCÉ : Et quels sont-ils, ces droits, je vous prie,madame ? Vous flattez-vous de leur légitimité ? QuandM. de Mistival, ou je ne sais qui, vous lança dans levagin les gouttes de foutre qui firent éclore Eugénie, l’aviez-vousen vue pour lors ? Non, n’est-ce pas ? Eh bien !quel gré voulez-vous qu’elle vous sache aujourd’hui pour avoirdéchargé quand on foutait votre vilain con ? Apprenez, madame,qu’il n’est rien de plus illusoire que les sentiments du père ou dela mère pour les enfants, et de ceux-ci pour les auteurs de leursjours ; rien ne fonde, rien n’établit de pareils sentiments enusage ici ; détestez-la, puisqu’il est des pays où les parentstuent leurs enfants, d’autres où ceux-ci égorgent ceux de qui ilstiennent la vie. Si les mouvements d’amour réciproque étaient dansla nature, la force du sang ne serait plus chimérique, et sanss’être vus, sans s’être connus mutuellement, les parentsdistingueraient, adoreraient leurs fils, et réversiblement ceux-ciau milieu de la plus grande assemblée, discerneraient leurs pèresinconnus, voleraient dans leurs bras, et les adoreraient. Quevoyons-nous au lieu de tout cela ? Des haines réciproques etinvétérées, des enfants qui, même avant l’âge de raison, n’ontjamais pu souffrir la vue de leurs pères, des pères éloignant leursenfants d’eux, parce que jamais ils ne purent en soutenirl’approche. Ces prétendus mouvements sont donc illusoires,absurdes, l’intérêt seul les imagina, l’usage les prescrivit,l’habitude les soutint, mais la nature jamais ne les imprima dansnos cœurs. Voyez si les animaux les connaissent : non, sansdoute ; c’est pourtant toujours eux qu’il faut consulter,quand on veut connaître la nature. Ô pères ! soyez donc bienen repos sur les prétendues injustices que vos passions ou vosintérêts vous conduisent à faire à ces êtres nuls pour vous,auxquels quelques gouttes de votre sperme ont donné le jour ;vous ne leur devez rien, vous êtes au monde pour vous et non poureux, vous seriez bien fous de vous gêner, ne vous occupez que devous, ce n’est que pour vous que vous devez vivre ; et vous,enfants, bien plus dégagés, s’il se peut encore, de cette piétéfiliale dont la base est une vraie chimère, persuadez-vous de mêmeque vous ne devez rien non plus à ces individus dont le sang vous amis au jour. Pitié, reconnaissance, amour, aucun de ces sentimentsne leur est dû, ceux qui vous ont donné l’être n’ont pas un seultitre pour les exiger de vous ; ils ne travaillaient que poureux, qu’ils s’arrangent ; mais la plus grande de toutes lesduperies, serait de leur donner ou des soins ou des secours quevous ne leur devez sous aucuns rapports, rien ne vous en prescritla loi, et si par hasard vous vous imaginiez en démêler l’organe,soit dans les inspirations de l’usage, soit dans celles des effetsmoraux du caractère, étouffez sans remords des sentiments absurdes…des sentiments locaux, fruits des mœurs climatérales que la natureréprouve, et que désavoua toujours la raison.

MME DE MISTIVAL : Eh quoi ! les soins que j’ai eusd’elle, l’éducation que je lui ai donnée…

DOLMANCÉ : Oh ! pour les soins, ils ne sont jamais lesfruits que de l’usage ou de l’orgueil ; n’ayant rien fait deplus pour elle que ce que prescrivent les mœurs du pays que voushabitez, assurément Eugénie ne vous doit rien ; quant àl’éducation, il faut qu’elle ait été bien mauvaise, car nous sommesobligés de refondre ici tous les principes que vous lui avezinculqués ; il n’y en a pas un seul qui tienne à son bonheur,pas un qui ne soit absurde ou chimérique ; vous lui avez parléde dieu, comme s’il y en avait un ; de vertu, comme si elleétait nécessaire ; de religion, comme si tous les cultesreligieux étaient autre chose que le résultat de l’imposture duplus fort, et de l’imbécillité du plus faible ; dejésus-christ, comme si ce coquin-là était autre chose qu’un fourbeet qu’un scélérat ; vous lui avez dit que foutreétait un péché, tandis que foutre est la plus délicieuseaction de la vie ; vous avez voulu lui donner des mœurs, commesi le bonheur d’une jeune fille n’était pas dans la débauche etl’immoralité, comme si la plus heureuse de toutes les femmes nedevait pas être incontestablement celle qui est la plus vautréedans l’ordure et le libertinage, celle qui brave le mieux tous lespréjugés et qui se moque le plus de la réputation. Ah !détrompez-vous, détrompez-vous, madame, vous n’avez rien fait pourvotre fille, vous n’avez rempli à son égard aucune obligationdictée par la nature, Eugénie ne vous doit donc que de lahaine.

MME DE MISTIVAL : Juste ciel ! mon Eugénie est perdue,cela est clair… Eugénie, ma chère Eugénie, entends pour la dernièrefois les supplications de celle qui t’a donné la vie ; ce nesont plus des ordres, mon enfant, ce sont des prières ; iln’est malheureusement que trop vrai que tu es ici avec desmonstres, arrache-toi de ce commerce dangereux, et suis-moi, je tele demande à genoux.

Elle s’y jette.

DOLMANCÉ : Ah ! bon, voilà une scène de larmes…Allons, Eugénie, attendrissez-vous.

EUGÉNIE, à moitié nue, comme on doit s’ensouvenir : Tenez, ma petite maman, je vous apporte mesfesses… les voilà positivement au niveau de votre bouche ;baisez-les, mon cœur, sucez-les, c’est tout ce qu’Eugénie peutfaire pour vous… Souviens-toi, Dolmancé, que je me montreraitoujours digne d’être ton élève.

MME DE MISTIVAL, repoussant Eugénie avec horreur :Ah ! monstre ! Va, je te renie à jamais pour mafille.

EUGÉNIE : Joignez-y même votre malédiction, ma très chèremère, si vous le voulez, afin de rendre la chose plus touchante, etvous me verrez toujours du même flegme.

DOLMANCÉ : Oh ! doucement, doucement, madame ; ily a une insulte ici ; vous venez à nos yeux de repousser unpeu trop durement Eugénie ; je vous ai dit qu’elle était sousnotre sauvegarde, il faut une punition à ce crime. Ayez la bonté devous déshabiller toute nue, pour recevoir celle que mérite votrebrutalité.

MME DE MISTIVAL : Me déshabiller !…

DOLMANCÉ : Augustin, sers de femme de chambre à madame,puisqu’elle résiste.

Augustin se met brutalement à l’ouvrage,Mme de Mistival se défend.

MME DE MISTIVAL, à Mme de Saint-Ange :Oh ciel ! où suis-je ? Mais, madame, songez-vous donc àce que vous permettez qu’on me fasse chez vous ? imaginez-vousdonc que je ne me plaindrai pas de pareils procédés ?

MME DE SAINT-ANGE : Il n’est pas bien certain que vous lepuissiez.

MME DE MISTIVAL : Oh ! grand dieu ! l’on va doncme tuer ici.

DOLMANCÉ : Pourquoi pas ?

MME DE SAINT-ANGE : Un moment, messieurs. Avant qued’exposer à vos yeux le corps de cette charmante beauté, il est bonque je vous prévienne de l’état dans lequel vous allez le trouver.Eugénie vient de me tout dire à l’oreille ; hier son mari luidonna le fouet à tour de bras, pour quelques petites fautes deménage… et vous allez, m’assure Eugénie, trouver ses fesses commedu taffetas chiné.

DOLMANCÉ, dès que Mme de Mistival estnue : Ah ! parbleu, rien n’est plus véritable ;je ne vis, je crois, jamais un corps plus maltraité que celui-là…Comment, morbleu, mais elle en a autant par-devant quepar-derrière !… Voilà pourtant un fort beau cul.

Il le baise et le manie.

MME DE MISTIVAL : Laissez-moi, laissez-moi, ou je vaiscrier au secours.

MME DE SAINT-ANGE, s’approchant d’elle et la saisissant parle bras : Écoute, putain, je vais à la fin t’instruire…Tu es pour nous une victime envoyée par ton mari même, il faut quetu subisses ton sort, rien ne saurait t’en garantir… quelsera-t-il ? je n’en sais rien ; peut-être seras-tupendue, rouée, écartelée, tenaillée, brûlée vive, le choix de tonsupplice dépend de ta fille, c’est elle qui prononcera ton arrêt,mais tu souffriras, catin, oh oui, tu ne seras immolée qu’aprèsavoir subi une infinité de tourments préalables ; quant à tescris, je t’en préviens, ils seraient inutiles : on égorgeraitun bœuf dans ce cabinet, que ses beuglements ne seraient pasentendus ; tes chevaux, tes gens, tout est déjà parti ;encore une fois, ma belle, ton mari nous autorise à ce que nousfaisons, et la démarche que tu fais n’est qu’un piège tendu à tasimplicité, et dans lequel tu vois qu’il est impossible de mieuxtomber.

DOLMANCÉ : J’espère que voilà madame parfaitementtranquillisée maintenant.

EUGÉNIE : La prévenir à ce point, est assurément ce quis’appelle avoir des égards.

DOLMANCÉ, lui palpant et lui claquant toujours les fesses :En vérité, madame, on voit que vous avez une amie chaude dansMme de Saint-Ange… Où en trouver maintenant decette franchise ? C’est qu’elle vous parle avec une vérité…Eugénie, venez mettre vos fesses à côté de celles de votre mère…que je compare vos deux culs (Eugénie obéit) ; ma foile tien est beau, ma chère, mais pardieu celui de la maman n’estpas mal encore… il faut qu’un instant je m’amuse à les foutre tousles deux… Augustin, contenez madame.

MME DE MISTIVAL : Ah ! juste ciel, queloutrage !

DOLMANCÉ, allant toujours son train, et commençant parenculer la mère : Et point du tout, rien de plus simple…tenez, à peine l’avez-vous senti… Ah ! comme on voit que votremari s’est souvent servi de cette route ? À ton tour, Eugénie…quelle différence… là, me voilà content, je ne voulais que peloter,pour me mettre en train. Un peu d’ordre maintenant. Premièrement,mesdames, vous Saint-Ange, et vous, Eugénie, ayez la bonté de vousarmer de godemichés, afin de porter tour à tour à cette respectabledame, soit en con, soit en cul, les plus redoutables coups. LeChevalier, Augustin et moi, agissant de nos propres membres, nousvous relaierons avec exactitude. Je vais commencer, et comme vouscroyez bien, c’est encore une fois son cul qui va recevoir monhommage ; pendant la jouissance, chacun sera maître de lacondamner à tel supplice que bon lui semblera, en observant d’allerpar gradation, afin de ne la point crever tout d’un coup… Augustin,console-moi, je t’en prie, en m’enculant, de l’obligation où jesuis de sodomiser cette vieille vache. Eugénie, fais-moi baiser tonbeau derrière, pendant que je fous celui de ta maman, et vous,madame, approchez le vôtre, que je le manie… que je le socratise…Il faut être entouré de culs, quand c’est un cul qu’on fout.

EUGÉNIE : Que vas-tu faire, mon ami, que vas-tu faire àcette garce ? à quoi vas-tu la condamner, en perdant tonsperme ?

DOLMANCÉ, toujours foutant : La chose du monde laplus naturelle, je vais l’épiler, et lui meurtrir les cuisses àforce de pinçures.

MME DE MISTIVAL, recevant cette vexation : Ah lemonstre ! le scélérat ! il m’estropie… justeciel !

DOLMANCÉ : Ne l’implore pas, ma mie, il sera sourd à tavoix, comme il l’est à celle de tous les hommes ; jamais ceciel puissant ne s’est mêlé d’un cul.

MME DE MISTIVAL : Ah ! comme vous me faitesmal !

DOLMANCÉ : Incroyables effets des bizarreries de l’esprithumain !… Tu souffres, ma chère, tu pleures, et moi jedécharge… Ah ! double gueuse ! je t’étranglerais, si jen’en voulais laisser le plaisir aux autres. À toi, Saint-Ange.(Mme de Saint-Ange l’encule et l’enconneavec son godemiché, elle lui donne quelques coups de poing ;le Chevalier succède, il parcourt de même les deux routes, et lasoufflette en déchargeant. Augustin vient ensuite, il agit de même,et termine par quelques chiquenaudes, quelques nasardes. Dolmancé,pendant ces différentes attaques, a parcouru de son engin les culsde tous les agents, en les excitant de ses propos.) Allons,belle Eugénie, foutez votre mère ; enconnez-la d’abord.

EUGÉNIE : Venez, belle maman, venez, que je vous serve demari ; il est un peu plus gros que celui de votre époux,n’est-ce pas, ma chère, n’importe, il entrera… Ah ! tu cries,ma mère, tu cries, quand ta fille te fout ; et toi, Dolmancé,tu m’encules ; me voilà donc à la fois incestueuse, adultère,sodomite, et tout cela pour une fille qui n’est dépucelée qued’aujourd’hui… que de progrès, mes amis… avec quelle rapidité jeparcours la route épineuse du vice… oh ! je suis une filleperdue… je crois que tu décharges, ma douce mère… Dolmancé, voisses yeux… n’est-il pas certain qu’elle décharge… Ah ! garce,je vais t’apprendre à être libertine… Tiens, gueuse, tiens.(Elle lui presse et flétrit la gorge.) Ah ! fous,Dolmancé… fous, mon doux ami, je me meurs.

Eugénie donne, en déchargeant, dix ou douze coups de poingsur le sein et dans les flancs de sa mère.

MME DE MISTIVAL, perdant connaissance : Ayez pitiéde moi, je vous en conjure… je me trouve mal, je m’évanouis.

Mme de Saint-Ange veut la secourir,Dolmancé s’y oppose.

DOLMANCÉ : Eh ! non, non, laissez-la dans cettesyncope, il n’a rien de si lubrique à voir qu’une femme évanouie,nous la fouetterons pour la rendre à la lumière… Eugénie, venezvous étendre sur le corps de la victime… C’est ici où je vaisreconnaître si vous êtes ferme, Chevalier ; foutez-la sur lesein de sa mère en défaillance, et qu’elle nous branle, Augustin etmoi, de chacune de ses mains… Vous, Saint-Ange, branlez-la pendantqu’on la fout.

LE CHEVALIER : En vérité, Dolmancé, ce que vous nous faitesfaire est horrible ; c’est outrager à la fois la nature, leciel et les plus saintes lois de l’humanité.

DOLMANCÉ : Rien ne me divertit comme les solides élans dela vertu du Chevalier. Où diable voit-il dans tout ce que nousfaisons le moindre outrage à la nature, au ciel et àl’humanité ? Mon ami, c’est de la nature que les rouéstiennent les principes qu’ils mettent en action ; je t’ai déjàdit mille fois que la nature, qui, pour le parfait maintien deslois de son équilibre, a tantôt besoin de vices, et tantôt besoinde vertus, nous inspire tour à tour le mouvement qui lui estnécessaire ; nous ne faisons donc aucune espèce de mal en nouslivrant à ces mouvements, de telle sorte que l’on puisse lessupposer ; à l’égard du ciel, mon cher Chevalier, cesse donc,je te prie, d’en craindre les effets, un seul moteur agit dansl’univers, et ce moteur est la nature ; les miracles, ouplutôt les effets physiques de cette mère du genre humain,différemment interprétés par les hommes, ont été déifiés par euxsous mille formes plus extraordinaires les unes que lesautres ; des fourbes ou des intrigants, abusant de lacrédulité de leurs semblables, ont propagé leurs ridiculesrêveries, et voilà ce que le Chevalier appelle le ciel, voilà cequ’il craint d’outrager… Les lois de l’humanité, ajoute-t-il, sontviolées par les fadaises que nous nous permettons ; retiensdonc une fois pour toutes, homme simple et pusillanime, que ce queles sots appellent l’humanité n’est qu’une faiblesse née de lacrainte et de l’égoïsme ; que cette chimérique vertu,n’enchaînant que les hommes faibles, est inconnue de ceux dont lestoïcisme, le courage et la philosophie forment le caractère. Agisdonc, Chevalier, agis donc sans rien craindre ; nouspulvériserions cette catin qu’il n’y aurait pas encore le soupçond’un crime, les crimes sont impossibles à l’homme ; la nature,en leur inculquant l’irrésistible désir d’en commettre, sutprudemment éloigner d’eux les actions qui pouvaient déranger seslois ; va, sois sûr, mon ami, que tout le reste est absolumentpermis, et qu’elle n’a pas été absurde, au point de nous donner lepouvoir de la troubler ou de la déranger dans sa marche ;aveugles instruments de ses inspirations, nous dict[ât]-elled’embraser l’univers ? le seul crime serait d’y résister, ettous les scélérats de la terre ne sont que les agents de sescaprices… Allons, Eugénie, placez-vous… mais, que vois-je… ellepâlit.

EUGÉNIE, s’étendant sur sa mère : Moi,pâlir ! Sacredieu, vous allez bientôt voir que non !

L’attitude s’exécute ;Mme de Mistival est toujours en syncope. Quandle Chevalier a déchargé, le groupe se rompt.

DOLMANCÉ : Quoi la garce n’est pas encore revenue ?des verges, des verges !… Augustin, va vite me cueillir unepoignée d’épines dans le jardin. (En attendant, il lasoufflette et lui donne des camouflets.) Oh ! par ma foi,je crains qu’elle ne soit morte, rien ne réussit.

EUGÉNIE, avec humeur : Morte ! morte !Quoi ! il faudrait que je portasse le deuil cet été, moi quiai fait faire de si jolies robes !

MME DE SAINT-ANGE, éclatant de rire : Ah ! lepetit monstre.

DOLMANCÉ, prenant les épines de la main d’Augustin, quirentre : Nous allons voir l’effet de ce dernier remède.Eugénie, sucez mon vit, pendant que je travaille à vous rendre unemère, et qu’Augustin me rende les coups que je vais porter ;je ne serais point fâché, Chevalier, de te voir enculer ta sœur, tute placeras de manière à ce que je puisse te baiser les fessespendant l’opération.

LE CHEVALIER : Obéissons, puisqu’il n’est aucun moyen depersuader à ce scélérat que tout ce qu’il nous fait faire estaffreux.

Le tableau s’arrange ; à mesure queMme de Mistival est fouettée, elle revient àla vie.

DOLMANCÉ : Eh bien ! voyez-vous l’effet de monremède ; je vous avais bien dit qu’il était sûr.

MME DE MISTIVAL, ouvrant les yeux : Oh ciel !pourquoi me rappelle-t-on du sein des tombeaux ? pourquoi merendre aux horreurs de la vie ?

DOLMANCÉ, toujours flagellant : Eh ! vraimentma petite mère, c’est que tout n’est pas dit. Ne faut-il pas quevous entendiez votre arrêt ? ne faut-il pas qu’ils’exécute ?… Allons, réunissons-nous autour de la victime,qu’elle se tienne à genoux au milieu du cercle, et qu’elle écouteen tremblant ce qui va lui être annoncé. Commencez, madame deSaint-Ange.

Les prononcés suivants se font pendant que les acteurs sonttoujours en action.

MME DE SAINT-ANGE : Je la condamne à être pendue.

LE CHEVALIER : Coupée, comme chez les Chinois, envingt-quatre mille morceaux.

AUGUSTIN : Tenez, moi je la tiens quitte pour être rompuevive.

EUGÉNIE : Ma belle petite maman sera lardée avec des mèchesde soufre, auxquelles je me chargerai de mettre le feu endétail.

Ici l’attitude se rompt.

DOLMANCÉ, de sang-froid : Eh bien ! mes amis,en ma qualité de votre instituteur, moi j’adoucis l’arrêt ;mais la différence qui va se trouver entre mon prononcé et levôtre, c’est que vos sentences n’étaient que les effets d’unemystification mordante, au lieu que la mienne va s’exécuter. J’ailà-bas un valet muni d’un des plus beaux membres qui soientpeut-être dans la nature, mais malheureusement distillant le virus,et rongé d’une des plus terribles véroles qu’on ait encore vuesdans le monde ; je vais le faire monter, il lancera son venindans les deux conduits de la nature de cette chère et aimable dame,afin qu’aussi longtemps que dureront les impressions de cettecruelle maladie, la putain se souvienne de ne pas déranger sa fillequand elle se fera foutre.

Tout le monde applaudit, on fait monter le valet.

DOLMANCÉ, au valet : Lapierre, foutez cettefemme-là, elle est extraordinairement saine, cette jouissance peutvous guérir, le remède n’est pas sans exemple.

LAPIERRE : Devant tout le monde, Monsieur ?

DOLMANCÉ : As-tu peur de nous montrer ton vit ?

LAPIERRE : Non, ma foi, car il est fort beau… Allons,Madame, ayez la bonté de vous tenir, s’il vous plaît.

MME DE MISTIVAL : Oh ! juste ciel ! quellehorrible condamnation !

EUGÉNIE : Cela vaut mieux que de mourir, maman, au moins jeporterai mes jolies robes cet été.

DOLMANCÉ : Amusons-nous pendant ce temps-là ; mon avisserait de nous flageller tous :Mme de Saint-Ange étrillera Lapierre, pourqu’il enconne fermement Mme de Mistival,j’étrillerai Mme de Saint-Ange, Augustinm’étrillera, Eugénie étrillera Augustin, et sera fouettée elle-mêmetrès vigoureusement par le Chevalier. (Tout s’arrange. QuandLapierre a foutu le con, son maître lui ordonne de foutre le cul,et il le fait. Quand tout est fini 🙂 Bon ! sorsLapierre. Tiens, voilà dix louis… Oh ! parbleu voilà uneinoculation comme Tronchin n’en fit de ses jours.

MME DE SAINT-ANGE : Je crois qu’il est maintenant trèsessentiel que le venin qui circule dans les veines de madame nepuisse s’exhaler ; en conséquence, il faut qu’Eugénie vouscouse avec soin et le con et le cul, pour que l’humeur virulente,plus concentrée, moins sujette à s’évaporer, vous calcine les osplus promptement.

EUGÉNIE : L’excellente chose ! allons, allons, desaiguilles, du fil ; écartez vos cuisses, maman, que je vouscouse, afin que vous ne me donniez plus ni frères ni sœurs.

Mme de Saint-Ange donne à Eugénie unegrande aiguille, où tient un gros fil rouge ciré ; Eugéniecoud.

MME DE MISTIVAL : Oh ciel ! quelle douleur !

DOLMANCÉ, riant comme un fou : Parbleu, l’idée estexcellente ; elle te fait honneur, ma chère ; je nel’aurais jamais trouvée.

EUGÉNIE, piquant de temps en temps les lèvres du con, dansl’intérieur, et quelquefois le ventre et la motte : Ce n’estrien que cela, maman, c’est pour essayer mon aiguille.

LE CHEVALIER : La petite putain va la mettre en sang.

DOLMANCÉ, se faisant branler parMme de Saint-Ange, en face del’opération : Ah ! sacredieu, comme cet écart-là mefait bander. Eugénie, multipliez vos points, pour que cela tiennemieux.

EUGÉNIE : J’en ferai plus de deux cents, s’il le faut…Chevalier, branlez-moi pendant que j’opère.

LE CHEVALIER, obéissant : Jamais on ne vit unepetite fille aussi coquine que cela.

EUGÉNIE, très enflammée : Point d’invectives,Chevalier, ou je vous pique, contentez-vous de me chatouiller commeil faut, un peu de cul, mon ange, je t’en prie ; n’as-tu doncqu’une main ? Je n’y vois plus, je vais faire des points toutde travers. Tenez, voyez jusqu’où mon aiguille s’égare… jusque surles cuisses, les tétons… Ah ! foutre ! quelplaisir !

MME DE MISTIVAL : Tu me déchires, scélérate… Que je rougisde t’avoir donné l’être !

EUGÉNIE : Allons, la paix, la paix, petite maman, voilà quiest fini.

DOLMANCÉ, sortant bandant des mains deMme de Saint-Ange : Eugénie,cède-moi le cul, c’est ma partie.

MME DE SAINT-ANGE : Tu bandes trop, Dolmancé, tu vas lamartyriser.

DOLMANCÉ : Qu’importe ! n’en avons-nous pas lapermission par écrit ?

Il la couche sur le ventre, prend une aiguille et commence àlui coudre le trou du cul.

MME DE MISTIVAL, criant comme un diable : Ahe !ahe ! ahe !

DOLMANCÉ, lui plantant l’aiguille très avant dans leschairs : Tais-toi donc, garce, ou je te mets les fessesen marmelade… Eugénie, branle-moi.

EUGÉNIE : Oui, mais à condition que vous piquerez plusfort, car vous conviendrez que c’est la ménager beaucoup trop.

Elle le branle.

MME DE SAINT-ANGE : Travaillez-moi donc un peu ces deuxgrosses fesses-là.

DOLMANCÉ : Patience, je vais bientôt la larder comme uneculotte de bœuf ; tu oublies tes leçons, Eugénie, turecalottes mon vit.

EUGÉNIE : C’est que les douleurs de cette gueuse-làenflamment mon imagination, au point que je ne sais exactement plusce que je fais.

DOLMANCÉ : Sacré foutredieu, je commence à perdre la tête.Saint-Ange, qu’Augustin t’encule devant moi, je t’en prie, pendantque ton frère t’enconnera, et que je voie des culs surtout ;ce tableau-là va m’achever. (Il pique les fesses, pendant quel’attitude qu’il a demandée s’arrange 🙂 Tiens, chèremaman, reçois celle-ci, et encore celle-là.

Il la pique en plus de vingt endroits.

MME DE MISTIVAL : Ah ! pardon, monsieur, mille etmille pardons, vous me faites mourir.

DOLMANCÉ, égaré par le plaisir : Je le voudrais…Il y a longtemps que je n’ai si bien bandé ; je ne l’auraispas cru après tant de décharges.

MME DE SAINT-ANGE, exécutant l’attitude demandée :Sommes-nous bien ainsi, Dolmancé ?

DOLMANCÉ : Qu’Augustin tourne un peu à droite, je ne voispas assez le cul ; qu’il se penche je veux voir le trou.

EUGÉNIE : Ah ! foutre, voilà la bougresse en sang.

DOLMANCÉ : Il n’y a pas de mal. Allons, êtes-vous prêts,vous autres ? Pour moi, dans un instant, j’arrose du baume dela vie les plaies que je viens de faire.

MME DE SAINT-ANGE : Oui, oui, mon cœur, je décharge, nousarrivons au but en même temps que toi.

DOLMANCÉ, qui a fini son opération, ne fait que multiplierses piqûres sur les fesses de la victime, endéchargeant : Ah triple foutredieu, mon sperme coule, ilse perd, sacredieu. Eugénie, dirige-le donc sur les fesses que jemartyrise. Ah ! foutre, foutre ! c’est fini, je n’en puisplus. Pourquoi faut-il que la faiblesse succède à des passions sivives ?

MME DE SAINT-ANGE : Fous, fous-moi, mon frère, je décharge.(À Augustin 🙂 Remue-toi donc, jean-foutre ; nesais-tu donc pas que c’est quand je décharge qu’il faut entrer leplus avant dans mon cul ? Ah ! sacré nom d’un dieu, qu’ilest doux d’être ainsi foutue par deux hommes !

Le groupe se rompt.

DOLMANCÉ : Tout est dit. (ÀMme de Mistival 🙂 Putain, tu peuxte rhabiller, et partir maintenant quand tu le voudras. Apprendsque nous étions autorisés, par ton époux même, à tout ce que nousvenons de faire, nous te l’avons dit, tu ne l’as pas cru, lis-en lapreuve (il lui montre la lettre) : que cet exempleserve à te rappeler que ta fille est en âge de faire ce qu’elleveut, qu’elle aime à foutre, qu’elle est née pour foutre, et que situ ne veux pas être foutue toi-même, le plus court est de lalaisser faire ; sors, le Chevalier va te ramener ; saluela compagnie, putain, mets-toi à genoux devant ta fille, etdemande-lui pardon de ton abominable conduite envers elle… Vous,Eugénie, appliquez deux bons soufflets à madame votre mère, etsitôt qu’elle sera sur le seuil de la porte, faites-le-lui passer àgrands coups de pied dans le cul. (Tout s’exécute.) Adieu,Chevalier, ne va pas foutre madame en chemin, souviens-toi qu’elleest cousue et qu’elle a la vérole. (Quand tout estsorti 🙂 Pour nous, mes amis, allons nous mettre à table,et de là, tous quatre dans le même lit. Voilà une bonnejournée ; je ne mange jamais mieux, je ne dors jamais plus enpaix, que quand je me suis suffisamment souillé dans le jour de ceque les sots appellent des crimes.

FIN DE LA PHILOSOPHIE DANS LEBOUDOIR

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