La rage de l’expression Francis Ponge

Paris, août 1939-Fronpille, août 1943.

NOTE S PRISES
POUR U N OISEAU
POUl’ Ébiche.

NOTES PRISES POUR UN OISEAU
L’oiseau. Les oiseaux. Il est probable
que nous comprenons mieux les oiseaux
depuis que nous fabriquons des aéro-
planes.
Le mot O I SEAU : il contient toutes les
yoyeUes. Très bien, j’approuve. Mais,
à la place de l’s, comme seule con-
sonne, j’aurais préféré l’L de l’aile :
OILEAU, ou le v du bréchet, le v des
ailes déployées, le v d’apis : 01V EAU.
Le populaire dit zozio. L’s je vois bien
qu’il ressemble au profil de l’oiseau au
repos. Et oi et eau de chaque côté de l’s,
ce sont les deux gras filets de viande qui
entourent le bréchet.

*
Leur déploiement nécessite leur dé-
placement en l’air, et réciproquement.
C’est alors que s’aperçoit l’envergure
d ont ils sont capables (non pour la
montrer). Ils étonnent à la fois par leur
v ol (commençant brusquement, souvent
capricieux, imprévu) et par le dévelop-
pement de leurs ailes.
A peine a-t-on le temps de revenir de
sa surprise que les voilà reposés, recom-
p osés (recomposés dans la forme sim-
ple, plus simple, de leur repos). Il y a
d’ailleurs une perfection de formes dans
l’oiseau replié (comme un canif à plu-
sieurs lames et outils) qui contribue à
prolonger notre surprise. Les membres
sont escamotés, les plumes par là-dessus
s’arrangent de façon que rien de l’arti-
culation ne reste visible. Il faut fouiller
pour trouver les jointures. Sous cet
aÜlaS de plumes il y a certains endroits
Où le corps existe, d’autres où il fait
défaut.

*
Certains oiseaux vivent seuls, ou avec
leur seule famille immédiate, d’autres en
petites bandes, d’autres e n grandes ban-
des. Certains en compagnies serrées,
d’autres en bandes éparses, qui semblent
indisciplinées. Certains volent en ligne
droite, d’autres tracent volontiers de
grands cercles, certains selon leur gré,
capricieusement. Il en est qui plus que
d’autres paraissent déterminés par un ins-
tinct fatal, ou des manies rédhibitoires.
Il en est peu qu’ on puisse approcher
de plus près que quelques mètres, cer-
tains s’enfuient de trente ou cinquante
mètres. Quelque s espèces citadines s’ha-
bituent au proche voisinage de l’homme
et parfois sollicitent de lui, de quelques
centimètres, en certaines circonstances,
leur nourriture.
Mais ce sont les caractères communs à
toute cette classe d’animaux que je veux
seulement reconnaître. Bêtes à plumes.
Faculté de voler. Caractères spéciaux
du squelette. Attitudes ou expressions
caractéristiques.

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