Dans ma carène j’ai tout entreposé,
Mon gésier est plein des graines de sep-
tembre.
D’acides moucherons assurent mes diar-
rhées.
D’un poids certain je reconnais mon
ventre,
Ventre qu’aux nues mes ailerons empor-
tent,
Mieux innervés que les feuilles d’au-,
tomne,
Articulés mieux que voiles de j onques…
Et j’ai mes serres, j ‘ai mon bec féroce
Lorsque à sévir je me sens disposé.
Que j’empiète la branche ou pique dans
l’écorce,
La corne de m es bec ou se rres vaut
l’acier.
*
NO UV ELL E S N O TES
P O U R M O N O I S EAU
Lorsque je me déploie il faut qu’en l’air
je vole,
Sur fond de ciel, de moissons, de la-
bours,
Au prIX de mon repos montrant mon
envergure
Qu’on ne peut donc jamais contempler
à loisir;
Et je me recompose aussitôt reposé
Membres escamotés en lames de canif –
Les plumes là-dessus s’arrangeant de
manière
A ne plus laisser voir les articulations.
D’autres bêtes s’enfuient à l’approche
de l’homme
Mais c’est pour s’enfoncer au plus pro-
che fourré;
Moi sur l’album des cieux la ligne que je
trace
Tient longtemps attentif avant qu’elle
s’efface
L’œil inquiet de me perdre au guillochis
des nues…
Cependant, dans les bois, mystérieux
échanges,
Activité diplomatique intense aux cin-
tres,
Retraits précipités, tentatives peureu-
ses,
Courts trajets d’ambassadeurs, démar-
ches polies
Et nobles pénétrant profondément les
feuilles…
Nous somm’ aUSSI planeurs à moteur
musculé,
Élastiques tordus d’une façon spéciale
Et sommes à nous-mêmes nos propres
catapultes.
*
Somme toute il reste encore :
1. Les bandes éparses indisciplinées.
2. L’oiseau comme robinet de bois qui
grince et crisse, pépie, piaille…
Reprenant la première phrase de ce
cahier d’obseryations, celle où je disais
(instinctivement) : « il est probable que
nous comprenons mieux les oiseaux de-
puis que nous fabriquons des aéro-
planes », voici comment je veux con-
clure :
Si j e me suis appliqué à l’oiseau , avec
toute l’attention, toute l’ardeur d’ex-
pression dont je suis capable, et don-
nant même parfois le pas (par modestie
raisonnée de la raison) à l’expression
intUItive sur la simple description ou
observation – c’est pour que nous fa-
briquions des aéroplanes perfectionnés,
que nous ayons une meilleure prise sur
le monde.
Nous ferons des pas merveilleux,
l’homme fera des pas merveilleux s’il
redescend aux choses (comme il faut
redescendre aux mots pour exprimer les
choses convenablement) et s’applique
à les étudier et à les exprimer en faisant
confiance à la fois à son œil, à sa raison
et à son intuition, sans prévention qui
l’empêche de suivre les nou eautés
qu’elles contiennent – et sachant les
considérer dans leur essence comme dans
leurs détails. Mais il faut en même temps
qu’il les refasse dans le logos à partir
des matériaux du logos, c’est-à-dire de
la parole.
Alors seulement sa connaissance, ses
découvertes seront solides, non fugiti es,
non fugaces.
Exprimées en termes logiques, qui
sont les seuls termes humains, elles lui
seront alors acquises, il pourra en pro-
fiter.
Il aura accru non seulement ses
lumières, malS son pOUVOIr sur le
monde.
Il aura progressé vers la joie et le
bonheur non seulement pour lui, mais
pour tous.
Paris, mars-septembre 1938.