LE FLUX ET LE REFLUX Agatha Christie

— Pour être mort, il est mort ! Il a le crâne défoncé !

Le docteur Cloade consulta du regard Miss Lippincott.

— Peut-être ferais-je bien…

— Je vous en prie, docteur. Encore que la chose me paraisse… rigoureusement impossible !

Ils montèrent au premier étage. Le docteur Cloade jeta un coup d’œil sur le corps étendu, s’agenouilla pour l’examiner de plus près, puis regarda Béatrice.

— Ce que vous avez de mieux à faire, dit-il, c’est de prévenir la police.

Le ton était d’une autorité sans réplique. Béatrice Lippincott sortit, suivi de Gladys.

— Vous croyez que c’est un assassinat, Miss Lippincott ? demanda la fille à voix basse.

Béatrice tapotait d’une main nerveuse les boucles dorées de sa « permanente ».

— Gladys, répondit-elle d’une voix sèche, je vous conseille de tenir votre langue ! Parler d’assassinat alors qu’on ne sait pas du tout s’il s’agit d’un assassinat, c’est de la diffamation et ça pourrait vous mener devant les juges ! Il est inutile qu’on fasse trop de bruit autour d’une histoire de ce genre, qui ne peut faire au Cerf aucun bien.

D’une voix plus douce, elle ajouta :

— Allez donc vous faire une bonne tasse de thé ! J’ai idée que vous en avez besoin.

— C’est bien vrai, Miss Lippincott ! J’ai l’intérieur tout retourné. Je vous en apporterai une tasse…

Béatrice comprit – justement – qu’il s’agissait du thé et ne dit pas non.

XVI

Le commissaire Spence regarda longuement Béatrice. Il avait l’air songeur. Assise en face de lui, de l’autre côté de la table, elle pinçait les lèvres.

— Vous ne voyez rien d’autre ? dit-il enfin. Je vous remercie, Miss Lippincott. Je vais faire taper votre déposition. Je vous demanderai ensuite de bien vouloir la signer…

— Mon Dieu ! J’espère bien qu’on ne me demandera pas d’aller déposer devant le tribunal.

Le commissaire eut un sourire rassurant.

— Je compte bien que l’affaire n’ira pas jusque-là !

Il mentait sciemment, mais Béatrice voulait croire qu’il était sincère.

— Il peut fort bien s’agir d’un suicide ! dit-elle.

Le commissaire se garda de faire observer à Miss Lippincott qu’on a rarement vu des gens se suicider en se défonçant le crâne avec une lourde paire de pincettes. Il se borna à déclarer qu’il fallait se méfier des conclusions hâtives et à remercier Miss Lippincott de sa déposition.

Béatrice sortie, il réfléchit à ce qu’elle lui avait dit. Il savait tout d’elle et avait une idée très précise de la mesure dans laquelle on pouvait faire crédit à ses dires. La conversation, elle l’avait entendue et son authenticité n’était pas douteuse. Béatrice avait brodé un peu, pour le plaisir, et un petit peu aussi parce qu’il y avait bel et bien eu un crime au 5. Mais, les fioritures éliminées, ce qui restait demeurait peu ragoûtant et suggestif.

Spence examina de l’œil les objets posés sur la table : une montre-bracelet au verre pulvérisé, un petit briquet en or avec des initiales gravées, un bâton de rouge à lèvres dans un étui doré et, enfin, une paire de pincettes dont la tête massive portait une large tache brunâtre.

Le sergent Graves entrouvrit la porte pour annoncer que Mr Rowley Cloade attendait. Spence donna l’ordre de l’introduire. Rowley Cloade lui était aussi connu que Béatrice Lippincott. S’il était venu au commissariat, c’était certainement parce qu’il avait quelque chose à dire, quelque chose qui valait d’être entendu, mais qui prendrait du temps à expliquer. Rowley Cloade n’était pas de ces gens qu’on pouvait bousculer…

— Bonjour, monsieur Cloade ! Ravi de vous voir. Vous savez quelque chose sur cet individu qui a été tué au Cerf ?

À la grande surprise du policier, Rowley répondit par une question :

— Vous l’avez identifié ?

— Ce serait beaucoup dire. Il s’était inscrit sur le registre de l’hôtel sous le nom d’Enoch Arden, mais nous n’avons rien trouvé pour prouver que c’était bien là son nom véritable.

Rowley fronça le sourcil.

— Ça ne vous paraît pas curieux ?

C’était bien l’avis du commissaire, mais il n’était nullement dans ses intentions de discuter le point avec Rowley Cloade. Il sourit.

— Si vous voulez bien, monsieur Cloade, les questions, c’est moi qui les poserai ! Cet homme, vous êtes allé le voir hier soir. Pourquoi ?

— Vous connaissez Béatrice Lippincott, Commissaire ?

— Fort bien. Elle m’a tout raconté. Spontanément.

Rowley parut soulagé.

— Parfait ! Je craignais qu’elle ne montrât quelque répugnance à mettre la police au courant. Vous savez comment sont ces gens-là !

Le commissaire hocha la tête en signe d’approbation. Rowley poursuivit :

— Béatrice, donc, m’avait parlé de cette conversation qu’elle avait surprise. L’affaire m’a paru louche. Je ne sais, commissaire, ce que vous en pensez, vous, mais j’imagine que vous voyez pourquoi elle m’intéressait. Cette histoire-là nous touche de très près…

Toujours à la muette, Spence acquiesça. Son opinion sur ce qui s’était passé à la mort de Gordon Cloade était faite depuis longtemps. Il tenait que la famille avait été lésée, que Mrs Gordon Cloade n’était pas « une dame » et que son frère, quels qu’eussent pu être ses états de service pendant la guerre, était de ces « têtes brûlées » qui, en temps de paix, doivent être surveillées de près.

— Je ne crois pas, commissaire, qu’il soit bien nécessaire que je vous explique pourquoi les choses seraient bien différentes pour tous les membres de la famille si le premier époux de Mrs Gordon était encore en vie. Qu’il pût ne pas être mort, je n’y avais jamais songé avant que Béatrice ne vînt me parler de cette conversation qu’elle avait surprise. L’histoire, je l’avoue, m’a donné un coup et il m’a fallu un petit bout de temps pour bien comprendre tout ce qu’elle pouvait signifier pour nous. Vous voyez ce que je veux dire ?

Spence, une fois encore, hocha la tête. Il se rendait parfaitement compte.

— Pour commencer, reprit Rowley, je me suis dit que ce que j’avais de mieux à faire, c’était de mettre mon oncle au courant. Vous savez, le solicitor ?

— Mr Jeremy Cloade ?

— Oui. Je suis donc allé chez lui. Il était un peu plus de huit heures et mon oncle était encore à table. Je me suis installé dans sa bibliothèque pour l’attendre ; je me suis mis à réfléchir à ce que j’allais lui dire… et, finalement, j’ai pensé qu’il n’était peut-être pas très adroit de ma part de lui parler tout de suite. Vous connaissez les hommes de loi, commissaire. Ils sont tous les mêmes. Ils ne s’emballent jamais, ils sont prudents, prudents, et veulent avoir tous les faits avant d’entreprendre quoi que ce soit. Je me suis demandé si, avant de passer l’information au vieux Jeremy, je ne pourrais pas, moi, faire quelque chose. Finalement, j’ai décidé de ne rien dire avant d’avoir moi-même vu le type en question.

— Et vous l’avez vu ?

— Oui. Je suis retourné directement au Cerf…

— Vers quelle heure ?

Rowley réfléchit.

— Voyons !… Je suis arrivé chez Jeremy vers huit heures un quart, huit heures vingt… Je ne peux pas vous dire exactement, commissaire, mais il devait être un peu plus de huit heures et demie… Peut-être neuf heures moins vingt…

— Et ensuite, monsieur Cloade ?

— Je connaissais le numéro de la chambre du bonhomme — Béatrice me l’avait dit – je suis monté directement, j’ai frappé, il a dit : « Entrez ! » et je suis entré.

— Ensuite ?

— Je crois que je n’ai pas très bien manœuvré, sans doute parce que je m’imaginais quand je suis arrivé, que c’était moi qui tenais le bon bout. Mais le type était plus fort que je ne pensais. Il m’a été impossible de lui faire rien reconnaître. J’avais cru que je lui ferais peur en disant qu’il était tout simplement en train de faire un peu de chantage, mais j’ai seulement réussi à le faire rire. Avec un beau culot, il m’a demandé si, moi aussi, j’étais « client ». Je lui ai répondu que je n’avais rien à redouter de lui, attendu que je n’avais rien à cacher. Il m’a alors expliqué que je l’avais mal compris, qu’en fait il avait quelque chose à vendre et qu’il serait content de savoir si j’étais un acheteur possible. Comme je ne saisissais toujours pas, il me posa nettement la question : « Combien seriez-vous disposés à payer, vous et votre famille, pour que je vous donne la preuve irréfutable que Robert Underhay n’est pas mort en Afrique et qu’il est toujours aussi vivant que vous et moi ? » Je lui déclarai que je ne voyais pas pourquoi nous paierions pour savoir cela. Il se mit à rire. « Parce que me dit-il, je reçois ce soir un type qui ne demandera pas mieux, j’en suis sûr, que de me verser une somme considérable pour que je lui apporte la preuve que Robert Underhay est bel et bien mort. » Là-dessus, je crois bien que j’ai perdu mon sang-froid et que je lui ai expliqué que ma famille ne traitait point de sales affaires de ce genre-là et que, si Underhay était toujours en vie, nous n’aurions pas de peine à le prouver. Il a éclaté de rire et m’a dit, d’un drôle de ton, qu’il croyait bien que, sans sa collaboration, la chose nous serait toujours impossible.

— Après ?

— Après ?… Ma foi, je suis parti passablement désemparé. J’avais plutôt le sentiment d’avoir tout gâché et l’impression que j’aurais mieux fait de laisser le vieux Jeremy s’occuper de cette histoire-là. Après tout, ces hommes de loi ont l’habitude de discuter avec ce genre de personnages !

— À quelle heure avez-vous quitté le Cerf ?

— Je n’en ai pas la moindre idée. Attendez voir !… Il devait être tout juste neuf heures, car, en passant dans le village, j’ai entendu, par une fenêtre ouverte, une radio qui donnait la petite ritournelle qui précède les informations.

— Arden vous a-t-il nommé cette personne qu’il attendait, ce client possible ?

— Non. J’ai considéré qu’il ne pouvait s’agir que de David Hunter.

— Cette visite, Arden n’avait pas l’air de la redouter ?

— Lui ? Il paraissait très content de lui. On aurait dit qu’il se prenait pour le maître du monde !

D’un geste de la main, Spence désigna les pincettes posées sur son bureau.

— Quand vous étiez dans sa chambre, monsieur Cloade, avez-vous remarqué ces pincettes près de la cheminée ?

— Non. Je ne crois pas… Le feu n’était pas allumé.

Après un moment de réflexion, il ajouta :

— Je sais que j’ai vu qu’il y avait des chenets, mais je ne pourrais pas dire comment ils étaient faits. C’est avec ces pincettes…

Spence termina la phrase.

— Qu’on lui a fracassé le crâne, oui.

— Curieux ! dit Rowley. Hunter est plutôt légèrement bâti et cet… Arden était un homme de haute taille, un costaud…

Le commissaire reprit :

— Les constatations médicales établissent qu’il a été frappé par derrière et que les coups, portés avec la tête de ces pincettes, ont été administrés de haut en bas.

Rowley plissait le front.

— Évidemment, dit-il enfin, le gars paraissait très sûr de lui, mais il me semble que, moi, si je me trouvais enfermé dans une pièce avec un type que j’aurais l’intention de saigner à blanc et dont je saurais qu’il a participé, pendant la guerre, à des coups de main terriblement risqués, je me garderais bien de lui tourner le dos. Arden ne devait pas être très prudent.

— S’il l’avait été, il est probable qu’il ne serait pas mort à l’heure qu’il est !

— Ce qui m’ennuie bien ! s’écria Rowley avec sincérité. J’ai l’impression, voyez-vous, d’avoir tout gâché. Au lieu de monter sur mes grands chevaux, j’aurais dû l’amadouer… et peut-être aurais-je tiré de lui un renseignement utile. J’aurais dû dire que l’affaire pouvait nous intéresser. Seulement, ça me paraissait tellement impossible ! Nous voyez-vous entrer en concurrence avec Rosaleen et David ? Ils ont de l’argent, alors que nous ne serions pas capables, à nous tous, de réunir cinq cents livres !

Le commissaire prit en main le briquet.

— Vous connaissez ça ?

Une ride se creusa entre les sourcils de Rowley.

— C’est un objet que j’ai vu quelque part, il me semble, il n’y a pas très longtemps… Mais je ne saurais dire où… Non, vraiment…

— Et ça ?

Il s’agissait, cette fois, du bâton de rouge. Rowley fit la grimace.

— À vrai dire, commissaire, je ne suis pas très qualifié…

Spence appliqua un peu de rouge sur le dos de sa main et, la tête un peu de côté, l’examina avec attention.

— C’est un rouge de brune, dit-il ensuite.

Rowley sourit.

— On sait un tas de choses dans la police !

Se levant, il ajouta :

— Sur l’identité du mort, vous n’avez aucune idée ?

— Et vous, monsieur Cloade ?

— Non, dit Rowley. Je posais la question comme ça… Parce que ce type était seul à pouvoir nous dire la vérité sur Underhay. Maintenant qu’il est mort, essayer de retrouver Underhay, c’est chercher une aiguille dans une meule de paille !

— Ça dépend, monsieur Cloade. L’affaire fera du bruit et il est certain que la presse parlera d’elle. Il est possible qu’un article tombe sous les yeux d’Underhay et le décide à se manifester.

— C’est possible, en effet.

Rowley laissait par le ton deviner son scepticisme.

— Ça vous paraît peu probable ? reprit Spence.

— À mon avis, répondit Rowley, David Hunter a gagné le premier round.

— C’est ce que je me demande !

Rowley parti, Spence reprit en main le briquet. Il était marqué des initiales « D. H. ».

— Un objet de luxe, dit-il pour le bénéfice du sergent Graves. Ce n’est pas de la fabrication de série et nous devons trouver facilement d’où il vient. Greatorex, sans doute, ou une autre maison de Bond Street. Vous ferez rechercher ça !

— Bien, monsieur.

Le commissaire remit le briquet au sergent et passa à l’examen de la montre. Les aiguilles étaient arrêtées à neuf heures dix.

— À propos de cette montre, demanda-t-il, que dit le rapport ?

— Le grand ressort est cassé.

— Et le mécanisme des aiguilles ?

— Intact, monsieur.

— D’après vous, Graves, qu’est-ce que cette montre nous apprend ?

Le sergent répondit avec circonspection :

— Il est probable qu’elle nous donne l’heure exacte à laquelle le crime a été commis.

— Quand vous aurez été dans la police aussi longtemps que j’y ai été moi-même, dit Spence, vous vous méfierez tout particulièrement des montres brisées qui indiquent l’heure du crime. Elles ne mentent pas toujours, mais elles ne disent pas toujours non plus la vérité. Vous mettez les aiguilles à l’heure qui vous arrange, vous cassez la montre et votre alibi devient facile à établir. Seulement, on n’apprend pas à un vieux singe à faire des grimaces… et je ne tiens pas du tout l’heure du crime pour acquise. Le rapport du médecin légiste déclare : « entre huit et onze heures du matin. »

Le sergent Graves s’éclaircit la gorge.

— Edwards, le jardinier en second de « Furrowbank » dit qu’il a vu David Hunter sortir par une petite porte vers sept heures et demie. Les bonnes ne savaient pas qu’il était revenu. Elles le croyaient à Londres, avec Mrs Gordon. Ça semble indiquer qu’il était dans le voisinage.

— Oui. Je suis curieux de savoir ce qu’il me dira lui-même de ses mouvements.

— L’affaire paraît claire…

Graves regardait les initiales du briquet.

— Hum ! fit Spence. Il faut aussi tenir compte de ça…

Son index montrait le bâton de rouge à lèvres.

— On l’a ramassé sous une commode, monsieur. Il était peut-être là depuis longtemps…

— Je me suis renseigné. La dernière fois qu’une femme a occupé cette chambre, c’était il y a trois semaines. Je sais bien qu’aujourd’hui on fait le service par-dessous la jambe, mais il me semble difficile d’admettre qu’on n’a pas balayé au 5 depuis trois semaines. Le Cerf, dans l’ensemble, n’est pas mal tenu.

— Personne ne nous a parlé de femme à propos d’Arden.

— Je sais, dit le commissaire. C’est justement pourquoi ce bâton de rouge pose un problème intéressant.

Graves fut tenté de citer le vieil adage : « Cherchez la femme ! » Il préféra s’abstenir. Son accent français était des meilleurs et il ne tenait pas à indisposer le commissaire en faisant étalage de ses connaissances linguistiques. Le sergent Graves était un jeune homme plein de tact.

XVII

Le commissaire Spence jeta un coup d’œil sur la façade de Shepherd’s Court, jugea la maison discrète et riche, tout ensemble, franchit le majestueux portail et s’arrêta dans le hall.

Ses semelles s’enfonçaient dans un épais tapis. Il y avait, dans le fond, un ascenseur et l’amorce d’un escalier. Spence se dirigea vers une porte marquée « Bureau », la poussa et entra. Il se trouva dans une petite pièce divisée en deux par un comptoir, derrière lequel il y avait une table, avec une machine à écrire, et deux chaises, dont une tout près de la fenêtre. L’endroit était aussi désert que le hall.

Repérant un bouton d’appel, Spence pressa dessus et attendit. Rien ne se produisant, il recommença. Une minute plus tard, une porte s’ouvrait dans le fond du bureau, livrant passage à un personnage à l’uniforme impressionnant. Il était habillé comme un général d’opérette, mais son accent révélait qu’il était né à Londres, et probablement dans un faubourg ouvrier.

— Vous désirez, monsieur ?

— Mrs Gordon Cloade ?

— Troisième étage, monsieur. Je vous annonce ?

— Elle est ici ?… Je croyais qu’elle était à la campagne.

— Non, monsieur. Elle est revenue depuis samedi dernier.

— Et Mr David Hunter ?

— Mr Hunter est ici aussi.

— Il ne s’est pas absenté ?

— Non, monsieur.

— Il était ici dans la soirée d’hier ?

— Ah ! çà ! s’écria le général, devenant soudain agressif, qu’est-ce que ça signifie, cet interrogatoire ? Il ne va pas falloir que je vous raconte ma vie, non ?

Spence, sans un mot, exhiba sa carte de police. Toute son arrogance tombée, le général se confondit en excuses.

— Je ne pouvais pas deviner, pas vrai ?

— Bien sûr ! dit Spence, conciliant. Revenons à Mr Hunter. Il était ici hier soir ?

— Oui, monsieur. Du moins, je le crois. En tout cas, il ne m’a rien dit.

— Il vous aurait prévenu s’il s’était absenté ?

— Je ne sais pas trop. Généralement, c’est ce que font ces messieurs et ces dames. Ils me disent ce que je dois faire de leur courrier et ce qu’il faut répondre au téléphone si on les demande.

— Tous les coups de téléphone passent par le bureau ?

— Non. Presque tous les appartements sont reliés directement avec la ville. Seulement, il y a quelques locataires qui préfèrent ne pas avoir le téléphone intérieur et ils viennent au bureau prendre leur communication.

— L’appartement de Mrs Cloade est de ceux qui ont le téléphone ?

— Oui, monsieur ?

— Et, autant que vous sachiez, Mrs Cloade et Mr Hunter étaient ici hier soir ?

— Oui, monsieur.

— Pour les repas, comment les choses se passent-elles, ici ?

— Il y a un restaurant, mais Mr Hunter et Mrs Cloade y vont rarement. Ils prennent plutôt leurs repas dehors.

— Le petit déjeuner ?

— Il est servi dans les appartements.

— Vous pourriez savoir s’ils l’ont pris ce matin.

— Oui, monsieur. Je n’ai qu’à demander à l’office.

— Parfait. Je vais monter. Vous me direz ça quand je descendrai.

— Certainement, monsieur.

Spence prit l’ascenseur et s’arrêta au troisième. Il y avait deux appartements par étage. Il appuya sur la sonnette du 9. David Hunter vint ouvrir. Il ne connaissait pas de vue le commissaire et son accueil fut peu amène.

— Qu’est-ce que vous voulez ?

— Monsieur Hunter ?

— C’est moi.

— Je suis le commissaire Spence, de la police du comté d’Oastshire. Pourrais-je vous dire un mot ?

— Excusez-moi, commissaire ! Je pensais qu’il s’agissait d’un représentant. Voulez-vous entrer ?

Hunter conduisit le policier dans une pièce meublée d’une façon très moderne et avec infiniment de goût. Rosaleen, debout près de la fenêtre, se retourna à leur arrivée.

— Rosaleen, dit Hunter, je te présente le commissaire Spence. Prenez un siège, commissaire ! Vous buvez quelque chose ?

— Non, merci !

Rosaleen, après avoir salué Spence d’un léger mouvement de tête, s’était assise près de la fenêtre, les mains croisées sur ses genoux.

— Cigarette ?

— Volontiers.

Spence prit une cigarette dans l’étui que lui présentait Hunter, puis il attendit. David plongea la main dans la poche de son veston, la retira, fronça le sourcil et chercha des yeux une boîte d’allumettes. Il y en avait une sur une table, il la prit, offrit du feu à Spence, alluma sa cigarette et engagea la conversation.

— Alors ? dit-il. Qu’est-ce qu’il y a de cassé à Warmsley Vale ? La cuisinière s’est fait prendre à faire du marché noir ? Elle nous nourrit de façon étonnante et j’ai toujours pensé qu’il y avait du louche dans ses méthodes d’approvisionnement.

— C’est plus sérieux que cela, déclara Spence. Un homme est mort au Cerf, hier soir. Vous l’avez peut-être vu dans les journaux ?

David secoua la tête.

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