SCENE XII.
LE COMPERE, LUBINE, LUBIN.
LE COMPERE.
Sortir si brusquement ! pourquoy
Dittes donc.
LUBINE.
Pour l’amour de moy.
LE COMPERE.
Ah ! c’est en peu de mots tout dire,
J’obeïs, & je me retire.
LUBIN.
Voila le Compere sorty,
Bon.
LUBINE.
Mon amour, il est party.
LUBIN.
Il est party ! ton cœursoûpire !
Allons, tout à l’heure il faut rire
LUBINE.
Rire et pleurer, je ne puis pas.
LUBIN.
Ris, ou je te romperay les bras,
Ma racine est mal employée.
LUBINE.
Riray-je à gorge déployée ?
LUBIN.
Oüy-dà, bien fort ; bon, ne ris plus,
Je trouve tes ris superflus ;
Pleure à present à chaudes larmes ;
On dit que ta voix a des charmes,
Chante, éternuë, auparavant.
LUBINE.
Moy que j’éternuë, & comment ?
LUBIN.
Comme tu voudras, éternuë,
Eternuë, ou bien je te tuë.
LUBINE.
Mais je ne le puis pas, ma foy.
LUBIN.
Tasse friou titave, à moy.
LUBINE.
Mais cela n’est pas volontaire.
LUBIN.
Ah ! j’ay tort s’il ne se peut faire,
Fais donc un feint éternuement ;
Dieu t’assiste, je suis content.
LUBINE.
Je le crois tu le dois bien estre,
Tu voulois tant faire le maistre,
Tu l’es de la bonne façon.
LUBIN.
A propos, chante la chanson….
Et là, cette chanson qu’on chante.
LUBINE.
Qui moy ! j’ay la voix trop méchante.
LUBIN.
Et la voix, l’esprit, & le corps,
Tu n’es bonne que quand tu dors,
Mais vois-tu, je veux estre maistre,
Et c’est enfin mon tour de l’estre :
Chante pour charmer mes ennuis.
LUBINE.
Je suis malade & je ne puis.
LUBIN.
Il faut donc prendre medecine.
Quatre prises de ma racine
Purgent les mauvaises humeurs.
LUBINE.
Ah ! je n’en puis plus, je me meurs.
LUBIN.
Que tu fais mal la decedée !
Tu ferois mieux la possedée.
LUBINE.
Cesse tes coups, je n’en puis plus.
LUBIN.
Chante, tes pleurs sont superflus ;
Je suis fort content que tu meures,
Pend toy, si tu veux dans deux heures,
Je veux avant que voir ta fin
T’entendre dire Ah ! le bon vin,
Tu as endormy ma mere,
Mais jamais, jamais,
Toure, loure, loure, loure,
Mais jamais, jamais,
Tu ne m’endormiras.
LUBINE & LUBIN chantent.
Ah ! le bon vin !
Tu as endormy ma mere,
Mais jamais, jamais,
Toure, loure, loure, loure,
Mais jamais, jamais,
Tu ne m’endormiras.
LUBIN.
Mon mignon, mon friou titave,
Commande, je suis ton esclave.
