Bel Ami

Rival répondit :

– Oui, vous vous êtes bien tenu. Quand le procès-verbal fut rédigé, on le

présenta à Duroy qui devait l’insérer dans les
échos. Il s’étonna de voir qu’il avait échangé
deux balles avec M. Louis Langremont, et, un
peu inquiet, il interrogea Rival :
– Mais nous n’avons tiré qu’une balle.
L’autre sourit :
– Oui, une balle… une balle chacun… ça fait
deux balles.
Et Duroy, trouvant l’explication satisfaisante,
n’insista pas. Le père Walter l’embrassa :
« Bravo, bravo, vous avez défendu le drapeau de
La Vie Française, bravo ! »
Georges se montra, le soir, dans les principaux
grands journaux et dans les principaux grands
cafés du boulevard. Il rencontra deux fois son
adversaire qui se montrait également.
Ils ne se saluèrent pas. Si l’un des deux avait
été blessé, ils se seraient serrés les mains. Chacun
jurait d’ailleurs avec conviction avoir entendu
siffler la balle de l’autre.

Le lendemain, vers onze heures du matin,
Duroy reçut un petit bleu :

Mon Dieu, que j’ai eu peur ! Viens donc tantôt
rue de Constantinople, que je t’embrasse, mon
amour. Comme tu es brave, je t’adore.
Clo.

Il alla au rendez-vous et elle s’élança dans ses
bras, le couvrant de baisers :
– Oh ! mon chéri, si tu savais mon émotion
quand j’ai lu les journaux ce matin. Oh ! raconte-
moi. Dis-moi tout. Je veux savoir.
Il dut raconter les détails avec minutie. Elle
demandait :
– Comme tu as dû avoir une mauvaise nuit
avant le duel !
– Mais non. J’ai bien dormi.
– Moi, je n’aurais pas fermé l’œil. Et sur le
terrain, dis-moi comment ça s’est passé.
Il fit un récit dramatique :

– Lorsque nous fûmes en face l’un de l’autre,

à vingt pas, quatre fois seulement la longueur de
cette chambre, Jacques, après avoir demandé si
nous étions prêts, commanda : « Feu. » J’ai élevé
mon bras immédiatement, bien en ligne, mais j’ai
eu le tort de vouloir viser la tête. J’avais une arme
fort dure et je suis accoutumé à des pistolets bien
doux, de sorte que la résistance de la gâchette a
relevé le coup. N’importe, ça n’a pas dû passer
loin. Lui aussi il tire bien, le gredin. Sa balle m’a
effleuré la tempe. J’en ai senti le vent.
Elle était assise sur ses genoux et le tenait
dans ses bras comme pour prendre part à son
danger. Elle balbutiait :
– Oh ! mon pauvre chéri, mon pauvre chéri…
Puis, quand il eut fini de conter, elle lui dit :
– Tu ne sais pas, je ne peux plus me passer de
toi ! Il faut que je te voie, et, avec mon mari à
Paris, ça n’est pas commode. Souvent, j’aurais
une heure le matin, avant que tu sois levé, et je
pourrais aller t’embrasser, mais je ne veux pas
rentrer dans ton affreuse maison. Comment
faire ?

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