Poirot jeta son chapeau sur la table.
— Je n’y comprends vraiment rien… mais plus rien ! Je nage dans d’épaisses ténèbres ! Je redeviens un petit enfant. Qui profite du décès de Miss Nick ? Mrs Rice ? Qui achète et envoie les chocolats ? Qui échafaude cette histoire invraisemblable d’un coup de téléphone ? Mrs Rice. Tout cela ne résiste pas au moindre examen et ne saurait être pris au sérieux. Pourtant, il faut admettre que cette personne est loin d’être stupide.
— Alors ?
— Cette femme prend de la cocaïne, j’en suis persuadé, Hastings. Aucune erreur là-dedans. Ces bonbons de chocolat contenaient de la cocaïne. D’ailleurs, que veut-elle dire par là : « D’autres bonbons, possible, mais pas ceux-là. » Voilà un point qui mérite d’être élucidé. En outre, que vient faire ce bellâtre de Lazarus dans cet imbroglio ! Jusqu’où Mrs Rice est-elle renseignée ? Elle sait quelque chose, mais allez donc lui tirer les vers du nez ! Elle n’est pas de celles qui se laissent intimider. Son histoire de téléphone est-elle vraie ou l’a-t-elle inventée de toutes pièces ? Sinon, à qui appartenait cette voix ? Tout cela me semble bien ténébreux, Hastings.
— Les ténèbres précèdent toujours l’aube, répondis-je pour le consoler.
— Et cette deuxième boîte… envoyée par la poste… n’éclaircit pas la situation. Miss Nick elle-même ne peut nous fournir de renseignements précis. Comment s’y reconnaître ? grommela-t-il.
J’allais prendre la parole quand il m’arrêta d’un geste.
— Non ! non ! Pas d’autres proverbes ! Épargnez-moi, Hastings, je vous en prie ! Tenez, si vous étiez gentil, vous iriez m’acheter en cet instant même un jeu de cartes.
— Un jeu de cartes ! Bien. J’y vais de ce pas.
J’eus le sentiment très net qu’il cherchait, par ce prétexte, à se débarrasser de moi.
Cependant, je me trompais sur ses intentions : le soir même, vers dix heures, je trouvai mon ami au salon en train d’édifier des châteaux de cartes… et je me souvins !
C’était une de ses plus douces manies pour se calmer les nerfs. Il m’accueillit d’un sourire.
— Eh ! oui, mon cher ami, il faut avant tout de la précision. Une carte judicieusement placée en supporte une seconde, et ainsi de suite. Ne m’attendez pas, Hastings, allez vous coucher, ce petit manège me calme l’esprit.
À cinq heures du matin environ, je fus réveillé en sursaut par Poirot qui, la mine réjouie, se tenait auprès de moi.
— Vous aviez raison, mon cher. Vous voyiez juste, je rends hommage à votre perspicacité.
Je me frottai les yeux, encore gonflés de sommeil.
— « Les ténèbres précèdent toujours l’aube », avez-vous dit. Eh bien ! c’est exact, l’aube vient de poindre.
Je tournai mon regard vers la fenêtre, par laquelle, en effet, le jour commençait de pénétrer dans ma chambre.
— Non ! Non ! Hastings ! C’est dans mon esprit, dans mes petites cellules grises que les premières lueurs font leur apparition.
Après une pause, il continua, toujours calme :
— Mademoiselle est morte.
— Quoi ? m’écriai-je, cette fois les yeux grands ouverts.
— Chut ! Chut ! Pas en réalité, bien entendu, mais on peut simuler son décès, tout au moins pour vingt-quatre heures. Je m’arrangerai pour obtenir la complicité des médecins et des infirmières. Vous saisissez, Hastings ? Le meurtrier a réussi à sa cinquième tentative. Maintenant, nous allons voir ce qui va se passer. Cela ne manquera pas d’intérêt, croyez-moi.
CHAPITRE XVIII
LE VISAGE À LA FENÊTRE
Les événements du lendemain s’estompent complètement dans ma mémoire. Par malheur, je m’éveillai avec de la fièvre ; je suis sujet à ces fâcheux accès de temps à autre depuis que j’ai contracté la malaria. Il en résulte que cette journée demeure en mon souvenir comme un vrai cauchemar au milieu duquel Poirot, au comble de la joie, va et vient à la manière d’un clown excentrique. De quelle façon il réalisa le projet dont il m’avait entretenu au petit jour, je n’en sais rien, mais le fait est qu’il arriva à ses fins.
La tâche avait dû être ardue et l’obliger à pas mal de subterfuges, suivis d’autant de déceptions. Il lui fallut d’abord gagner le docteur Graham à sa cause, puis, aidé de celui-ci, persuader l’infirmière-chef et certaines des gardes-malades. Sans aucun doute, l’influence du docteur Graham avait fait pencher le plateau de la balance en sa faveur.
Restait à convaincre le chef de la police et ses subordonnés. On imagine que là encore, aux prises avec l’administration, Poirot eut à surmonter les pires difficultés. Cependant, il parvint à arracher le consentement du colonel Weston, à condition qu’on le dégageât de toute responsabilité : Poirot seul prenait sur lui la fausse déclaration de décès et toutes ses conséquences. Poirot accepta. Il eût d’ailleurs tout accepté pourvu qu’on lui laissât les mains libres.
Quant à moi, la journée s’écoula en un long assoupissement dans un fauteuil, avec une couverture sur les genoux. Toutes les deux ou trois heures, Poirot faisait irruption pour me tenir au courant de la marche des opérations.
— Comment ça va, mon cher ? Comme je plains votre sort ; mais peut-être vaut-il mieux que vous ne fussiez pas mêlé à cette mascarade. Je viens de commander une immense couronne, avec des lis en quantité et cette mirobolante inscription : « Regrets sincères. Hercule Poirot. » Quelle farce !
Puis il disparaissait pour revenir un peu plus tard m’apporter les dernières nouvelles :
— Je viens d’avoir un émouvant entretien avec Mrs Rice, entièrement vêtue de noir. « Pauvre amie ! Quel affreux drame ! Et dire qu’elle était si gaie, si débordante de vie ! Je ne puis me la figurer morte ! » J’abondai dans son sens à grand renfort de lieux communs, tel que : « L’ironie du sort qui veut que les êtres chers disparaissent », ou encore : « Les bons s’en vont, les mauvais restent », etc.
— Cette comédie vous amuse ? demandai-je.
— Du tout, mais cela fait partie de mon plan. Pour bien jouer son rôle, il faut s’y adonner tout entier. Après avoir exprimé tous ses regrets de circonstance, Mrs Rice a abordé des sujets d’un intérêt plus immédiat ; elle n’avait pu fermer l’œil de la nuit, tellement ces chocolats meurtriers l’obsédaient. « C’est impossible !… impossible ! » disait-elle. Devant son doute persistant, je lui offris de lui montrer le rapport du chimiste qui fit l’analyse. Alors, moins sûre d’elle-même, elle ajouta : « Vous dites que c’était de la cocaïne ? » Je le lui confirmai, « Oh ! mon Dieu ! s’écria-t-elle. C’est à n’y rien comprendre. »
— Il se peut qu’elle ne simule pas.
— En tout cas, elle devine fort bien qu’elle est en danger, car elle ne manque pas d’intelligence. Ne vous l’ai-je pas déjà dit ?
— Et pourtant il me semble que, pour la première fois, vous ne la croyez pas coupable.
Poirot fronça le sourcil, puis il reprit son calme.
— Votre remarque est juste, Hastings. En effet, j’ai l’impression que la réalité ne corrobore plus mes présomptions. Ce qui caractérise ce genre de crime, c’est ordinairement la subtilité de l’assassin, n’est-ce pas ? Or, qu’observons-nous ici ? Aucune finesse : rien que des faits brutaux. Non, le problème se pose maintenant sous un autre aspect.
Puis, s’appuyant à la table :
— Trois éventualités se présentent. D’abord, les chocolats achetés par Mrs Rice et déposés par Lazarus : en ce cas, le coupable ne peut être que l’un des deux, ou les deux à la fois. Quant au coup de téléphone prétendu de Miss Nick, considérons-le comme une invention pure et simple. C’est la solution directe, sans détours.
« Solution numéro deux. La seconde boîte de chocolats, celle qui est arrivée par la poste. N’importe, qui peut l’avoir adressée ; l’un quelconque des personnages figurant sur notre liste noire de A à J (vous vous en souvenez, n’est-ce pas ?). Si cette boîte contenait en réalité les friandises empoisonnées, que vient faire ici l’histoire de la communication téléphonique ? À quoi bon embrouiller les choses avec cette seconde boîte de bonbons ?
Je me contentai de hocher faiblement la tête. Avec mes 38°2 de fièvre, toute complication m’apparaissait inutile, voire ridicule !
— Reste la troisième solution. Une boîte empoisonnée est substituée à l’inoffensive boîte de Mrs Rice. Alors, l’appel téléphonique s’explique et il est même ingénieux : il fait jouer à Mrs Rice le rôle de bouc émissaire ; en d’autres termes, elle doit tirer les marrons du feu. Cette troisième solution est la plus logique, mais également la plus ardue. Comment opérer cette substitution au moment propice ? Le portier peut monter la première immédiatement et rendre ainsi l’échange presque impossible. Non, cela manque de sens commun.
— À moins que ce ne soit Lazarus, ajoutai-je.
Poirot me regarda, l’air un peu inquiet :
— Vous avez de la fièvre, mon ami. Ne monte-t-elle pas, pour une fois ?
Je lui répondis d’un signe affirmatif.
— Il est curieux de constater comme quelques degrés de plus stimulent l’intelligence d’un homme ! Vous venez de formuler une remarque simple et profonde ; tellement simple que je n’y avais point songé. Cette supposition révélerait un bizarre état de choses : cela reviendrait à dire que Mr Lazarus, le bon, l’excellent ami de Mrs Rice, s’évertuerait à la faire prendre. L’affaire s’orienterait vers une tout autre direction, mais terriblement compliquée.
Je fermai les yeux, heureux de m’être montré aussi perspicace, mais, réfractaire à l’idée de m’enfoncer dans un nouveau problème complexe, j’éprouvai soudain l’envie de dormir.
Poirot, je crois, n’en continua pas moins de parler, mais déjà je ne l’écoutais plus. Sa voix, cependant, me parut vaguement berceuse…
Vers la fin de l’après-midi, mon ami fit une nouvelle apparition.
— La fleuriste fait fortune grâce à mon petit plan, s’écria-t-il. Tout le monde commande des couronnes : Mr Croft, Mr Vyse, le commandant Challenger, etc.
Ce dernier nom éveilla ma pitié.
— Je vous en prie, Poirot, dites-lui toute la vérité, sinon le pauvre garçon deviendra fou de douleur.
— Vous conservez toujours la même tendresse à son égard, à ce que je vois.
— J’avoue que Challenger m’est sympathique. C’est d’ailleurs un brave homme et il faut le mettre dans le secret…
Poirot hocha négativement la tête.
— Non, mon cher, je ne veux favoriser personne.
— Mais songez donc comme il doit souffrir !
— Je préfère songer à la bonne surprise que je lui réserve ! Retrouver vivante la femme qu’on aime, alors qu’on la croyait morte, n’est-ce pas là une sensation unique… prodigieuse ?
— Vous êtes un infâme tyran ! Je suis convaincu que le commandant Challenger saurait bien garder votre secret.
— J’en suis moins sûr.
— C’est un homme d’honneur, j’en réponds.
— Raison de plus pour qu’il tienne difficilement sa langue. L’art de garder un secret implique nécessairement celui du mensonge et de la comédie. Croyez-vous le commandant Challenger capable de simuler, de feindre ? S’il possède les qualités que vous vous plaisez à lui reconnaître, il ne saurait avoir celles que je juge indispensables dans la situation actuelle.
— Alors, vous vous refusez à lui parler ?
— Je me refuse à sacrifier ma petite idée sur l’autel de la sensiblerie. N’oublions pas qu’une existence est en jeu. D’autre part, la souffrance trempe le caractère ; beaucoup de vos pasteurs et même un évêque, si j’ai bonne souvenance, l’ont proclamé en chaire.
Je n’insistai pas davantage devant la décision bien arrêtée de Poirot.
— Je ne m’habillerai pas pour dîner, déclara-t-il en baissant la voix. Mon rôle exige que je devienne un vieillard écrasé sous le poids des soucis. Finie, ma merveilleuse confiance en moi ! Je suis une loque. J’ai échoué lamentablement dans ma tâche ! Je laisserai passer les mets devant moi sans même y goûter. Toutefois, avant de quitter ma chambre, j’aurai eu soin de faire un sort à quelques brioches et éclairs que j’ai eu la précaution de me procurer chez le pâtissier. Et vous, que prendrez-vous ?
— Un peu de quinine, je crois, dis-je d’un air sombre.
— Allons, mon brave Hastings, un peu de courage, et demain tout ira bien !
— Je l’espère, car ces crises ne durent généralement pas plus de vingt-quatre heures.
Je ne l’entendis pas revenir dans la pièce. Sans doute avais-je dormi tout ce temps-là.
Lorsque je m’éveillai, je vis Poirot assis à ma table-bureau, avec devant lui une feuille de papier toute froissée dans laquelle je reconnus notre fameuse liste de suspects.
— Oui, mon ami, me dit-il après avoir suivi mon regard, j’ai trouvé ma petite liste et je l’utilise de façon toute différente ; j’établis toute une série de questions concernant chaque personne mentionnée. Ces questions ont trait à certains points qui m’échappent et auxquels j’essaie de répondre par moi-même.
— Où en êtes-vous ?
— J’ai terminé. Vous plairait-il de m’entendre ? Vous sentez-vous assez fort aujourd’hui ?
— Oui, je me sens beaucoup mieux.
— À la bonne heure ! Certains détails vous paraîtront puérils, peut-être, mais peu importe.
Il s’éclaircit la voix.
A. : Ellen. – Pourquoi est-elle restée à la maison au lieu d’aller voir le feu d’artifice (fait surprenant, si on se reporte à la déclaration et à la surprise qu’en laissa paraître Miss Nick). Craignait-elle un événement quelconque ? A-t-elle fait entrer quelqu’un en cachette ? (J., par exemple). Dit-elle bien la vérité au sujet du panneau secret ? Si ledit panneau existe, pourquoi prétend-elle ne pas se rappeler son emplacement ? (Miss Nick affirme que ce panneau n’existe pas, et elle doit savoir à quoi s’en tenir). S’il s’agit d’une invention, pourquoi ce mensonge ? A-t-elle lu les lettres d’amour de Michel Seton, ou a-t-elle feint l’étonnement lorsque nous lui avons parlé des fiançailles de sa maîtresse ?
B. : son mari. – Est-il aussi stupide qu’il en a l’air ? Est-il au courant de ce que peut savoir Ellen, ou ignore-t-il tout ? Est-il, oui ou non, un détraqué ?
C. : l’enfant – Ses instincts sanguinaires sont-ils normaux chez un enfant de son âge ? Est-ce plutôt un symptôme morbide héréditaire ? S’est-il jamais exercé à tirer avec une carabine de bazar ?
D. : – Qui est Mr Croft ? D’où vient-il, en réalité ? A-t-il mis le testament à la poste comme il jure l’avoir fait ? Dans quel dessein ne l’aurait-il pas envoyé ?
E. : – Même question préalable que ci-dessus. Que peuvent bien être Mr et Mrs Croft ? Cherchent-ils à se cacher pour un mobile quelconque ? Ont-ils quelque lien de parenté avec la famille Buckley ?
F. : Mrs Rice. – Était-elle au courant des fiançailles de Nick et de Michel Seton ? L’a-t-elle simplement deviné ou a-t-elle, en réalité, pris connaissance des lettres échangées entre les amoureux ? (En ce cas, elle aurait appris que Miss Buckley est l’héritière de Seton.) Se savait-elle la légataire universelle de Nick ? (Chose probable, car la jeune fille a dû l’en informer, en ajoutant qu’il lui reviendrait peu de chose.) Quelle part de vérité contient la déclaration du commandant Challenger, à savoir que Lazarus éprouvait une certaine affection envers Miss Nick ? (Ce fait expliquerait le manque de cordialité qui s’est manifesté ces derniers mois entre les deux amis.) Qui est l’ami mentionné sur une fiche comme étant le pourvoyeur de la drogue ? Serait-ce J. ? Pourquoi a-t-elle failli s’évanouir ? A-t-elle été troublée par quelque parole prononcée ici même ou par quelque autre chose qu’elle aurait vue ? Le prétendu coup de téléphone a-t-il même jamais existé, ou n’est-ce qu’un mensonge ? Que signifie cette phrase : « Les autres bonbons, peut-être, mais pas ceux-là ! » Supposé qu’elle ne soit pas elle-même coupable, quel secret cache-t-elle ?
— Vous constaterez, poursuivit Poirot, que les questions concernant Mrs Rice sont pour ainsi dire innombrables. Cette femme est une véritable énigme, ce qui m’oblige à cette conclusion : Mrs Rice est coupable – ou bien elle connaît ou croit connaître le vrai criminel ! Oui, mais peut-être ne fait-elle que le soupçonner ? Comment la faire parler ?
Continuons.
G. : Mr Lazarus. – Fait curieux, il n’y a pour ainsi dire aucune question à lui poser, sauf celle-ci, assez brutale : A-t-il lui-même opéré la substitution des chocolats empoisonnés ? Autrement, je ne relève qu’une anomalie contre lui, d’ailleurs tout à fait en dehors de l’affaire : Pourquoi Mr Lazarus a-t-il offert cinquante livres d’un tableau qui n’en valait que vingt ?
— Peut-être voulait-il se montrer agréable aux yeux de Miss Nick ?
— Il ne s’y serait pas pris de cette façon ; homme d’affaires avant tout, Mr Lazarus n’achète pas pour vendre à perte. S’il avait désiré lui rendre service, il lui eût avancé de l’argent à titre privé.
— Cela ne saurait avoir de rapport avec le crime.
— Possible… mais ma curiosité n’en est pas moins éveillée. N’oublions pas que je me livre à une étude psychologique. Maintenant voyons le H.
H. : commandant Challenger. – Pourquoi Miss Nick lui a-t-elle confié qu’elle était fiancée ? Quelle raison l’a poussée, puisqu’elle n’en avait fait part à personne ? Quelles relations Challenger entretient-il avec son oncle ?
— Quel oncle ?
— Le docteur. La nouvelle de la mort de Michel Seton serait-elle parvenue à l’Amirauté avant d’être rendue publique ?
— Je ne vois pas très bien où vous désirez en venir, Poirot. Même si Challenger eût été un des premiers avisés de la mort de Seton, à quoi cela nous avance-t-il ? Dans ce cas, quel mobile l’aurait déterminé à tuer la jeune fille qu’il aime ?
— Tout à fait d’accord, votre remarque est pleine de bon sens, mais ce sont des petits détails sur lesquels j’aimerais à être fixé.
I. : Mr Vyse. – Pour quelle raison a-t-il tenu à faire état de l’attachement passionné de sa cousine envers cette « Maison du Péril » ? Oui ou non, a-t-il reçu le testament ? Est-il honnête ou non ?
Enfin, voici J. – Un grand point d’interrogation suit cette lettre ; ce personnage énigmatique existe-t-il ?
— Hé là ! Qu’avez-vous donc, cher ami ?
Je m’étais dressé de ma chaise en poussant un cri. D’une main tremblante, je désignais la fenêtre.
— Un visage, Poirot ! un horrible visage contre la vitre… Il vient de disparaître, mais je l’ai bien vu !
Poirot se dirigea vers la croisée, l’ouvrit et se pencha au-dehors.
— Il n’y a personne. Êtes-vous bien sûr de ne pas être le jouet de votre imagination, Hastings ?
— Je n’imagine rien. C’était, je vous le répète, un épouvantable visage.
— J’oublie qu’il y a un balcon et quiconque peut l’escalader pour nous espionner. Qu’entendez-vous par cet « épouvantable visage » ?
— Un visage blême, au regard fixe, à peine humain !
— C’est la fièvre qui vous tourmente, cher ami. Un visage, oui. Un visage plus ou moins agréable, je vous l’accorde, mais un visage à peine humain… ah ! non. L’émotion que vous a causée cette apparition, contre la vitre vous en a sûrement déformé les traits.
